Le Croyant/X

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Sous les pas des coursiers un torrent de poussière
S’élève et du soleil obscurcit la lumière.
J’entends la mâle voix du clairon belliqueux,
EL les hennissements des coursiers valeureux.
Dans l’air a retenti ce cri terrible : « Aux armes ! »
Et tout-à-coup l’on voit, dans la plaine en alarmes,
Dans les plis du vallon, des milliers de soldats
Ardemment s’élancer au-devant du trépas.
Un éclair a brillé… Soudain les canons grondent ;
Sur les monts, dans les bois les échos se répondent.
Le rapide boulet, qui s’échappe en sifflant,
Dans les rangs ennemis trace un sillon sanglant,
On s’approche, on se mêle, on combat avec rage ;
Le désordre est partout, partout naît le carnage.
Au milieu de débris de glaives, d’étendards,
Des membres palpitants dans les champs sont épars…
Mais le bronze se tait, et bientôt la nuit sombre
Approche, et par degrés étend partout son ombre.
Les blessés, les mourants, sur la terre étendus,
Parmi leurs frères morts languissent confondus ;
Accablés de douleur, délaissés, ils gémissent,
Et leurs plaintes au loin tristement retentissent.
Quel sera le destin de ces infortunés !
Devront-ils en ces lieux périr abandonnés ?
Reverront-ils encor les champs de leur patrie ?

N’embrasseront-ils plus une mère chérie ?
Au moins s’il leur restait, en ce suprême instant,
La consolante voix d’un ami bienfaisant !…
Dans les sentiers du camp cheminant en silence,
Avec la blanche étole, un lévite s’avance.
Dans le bleu firmament brille une étoile d’or ;
Partout autour du camp règne un calme de mort.
Versant ses blancs rayons, la lune amie éclaire
De ce consolateur la marche solitaire ;
À ceux qui vont mourir, pour adoucir leur fin,
Il porte l’huile sainte et le céleste pain.


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