Voyage de Marco Polo/Livre 3/Chapitre 22

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Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 281-282).
XXII
De la grande île de Seilam.


Depuis la susdite île du côté du sud-ouest, on compte mille milles jusqu’à l’île de Seilam (Ceylan), qui est estimée pour une des meilleures îles du monde, ayant deux mille et quarante milles de circuit. Elle a été autrefois plus grande. Car l’on dit dans le pays qu’elle avait autrefois trois mille et six cents milles de tour ; mais le vent du septentrion soufflant avec impétuosité pendant plusieurs années, les vagues de la mer ont tellement empiété sur cette île qu’avec le temps elles ont englouti jusqu’à des montagnes et beaucoup d’autres terres. Cette île a un roi très riche et qui ne paye tribut à personne ; les habitants sont idolâtres et vont presque tout nus. Ils n’ont point d’autre blé que le riz, dont ils vivent et de lait. Ils ont en abondance de la graine de sésame, dont ils font de l’huile. Ils tirent leur boisson des arbres suivant la manière expliquée ci-dessus. Cette île produit plusieurs pierres précieuses, entre autres des rubis, des saphirs, des topazes et des améthystes. Le roi de cette île a un rubis que l’on croit être le plus beau qui soit au monde, car il est long d’une paume et de la grosseur de trois doigts ; il brille comme le feu le plus ardent et n’a aucun défaut. Le Grand Khan a voulu donner à ce roi une belle ville pour ce rubis ; mais il refusa de le donner, sous prétexte qu’il le tenait de ses prédécesseurs. Les habitants de cette île ne sont point guerriers ; mais lorsqu’ils sont obligés de faire la guerre, ils prennent des étrangers à leur solde, surtout des mahométans.