Le Drapeau rouge (Justin Bailly)

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Le Drapeau rouge
Le Drapeau rouge (p. 1).

LE
DRAPEAU ROUGE

DROIT — CONSCIENCE — JUSTICE



Il y a un pseudo-drapeau rouge porté par de pseudo-républicains. Sinistres, sordides, l’œil faux, ils braillent férocement en agitant une guenille. Repris de justice, mouchards et organisateurs de crimes, ils sont payés par des misérables pour faire haïr la République et déshonorer son étendard.


Guérissons les plaies sociales, et le sévère Drapeau de la Révolution, secondé dans son œuvre sainte, s’effacera en paix, après avoir oublié et pardonné.

Un Être Humain.


Air du Chant du Départ.


Vois cet humble drapeau, porté par ta victime…
Meurtrier, sois épouvanté !
Ne baisse pas les yeux, grand artisan du crime,
Devant ce linge ensanglanté :
Ce linge est sa rude chemise
Que ton égoïsme a rougi…
Au bout d’une hampe il l’a mise…
Et l’homme du peuple a rugi !

Quand l’ère du sang sera close,
Nous changerons notre drapeau,
Et l’étendard de couleur rose
Guidera le monde nouveau !

Oui, ce drapeau rougi qui vous présage un gouffre
Où doit s’abîmer votre rang,
Ne fut pas fabriqué par le peuple qui souffre…
Il l’a ramassé dans son sang !
Il le tient — car les temps sont proches —
Le bras ferme, le front songeur,
Au devant de vos cœurs de roches !
Dressé comme un spectre vengeur…

En voyant ce drapeau qui fut teint par vos œuvres,
Exploiteurs, prêtres et bourgeois,
L’effroi qui vous saisit dénonce vos manœuvres,
Ô bas restaurateurs de rois !
L’heure n’est plus aux noirs mensonges :
Le simple les voit au soleil !
Vos projets ne sont que des songes…
N’entendez-vous pas le réveil ?

L’impudeur en tout temps fut commère du vice ;
Aussi, ne nous étonnons pas
De les voir aujourd’hui, sans aucun artifice,
Mentir et descendre si bas !
Ceux dont le sang rougit la terre
Sont appelés ROUGES par eux…
Ceux qui souffrent d’un bas salaire
Sont appelés des PARTAGEUX…

Peuple, qu’es-tu ? le Droit ; peuple, qu’es-tu ? le Nombre
Et cependant on t’a dompté…
Le marchand qui te tond, qui trafique dans l’ombre,
A pâli quand il t’a compté…
Ô peuple, à la France meurtrie,
La République vient s’offrir,
Conserve-la pour ta patrie,
Que les rois n’ont su que meurtrir !

Le drapeau de Sedan est recouvert de honte ;
Et c’est celui de Mentana !
Un mort de Montretout entre ses dents raconte
Qu’un crâne d’Aubin le tacha…
Oh ! que de sang mêlé de fange !  !  !
Pour marcher vers des temps meilleurs,
Il faudra bien que l’on se range
Sous l’étendard des TRAVAILLEURS.

Soldats ! qu’un sang bien cher ne teigne pas vos armes !
Frères, verrez-vous sans effroi
Vos pères massacrés et vos mères en larmes…
Et le rire aux lèvres d’un roi !…
Le fauteur de guerres civiles,
Le mouchard, le fusil en main,
Viendrait piller vos domiciles !
Sous l’habit du Républicain…

Citoyens et soldats, veillez avec prudence :
Le monarchisme, qui s’éteint,
Peut en se débattant, dans sa mort qui commence,
Serrer la main qui nous étreint…
Notre patrie est en souffrance ;
Restez unis ! c’est être fort.
N’oubliez pas que, pour la France,
C’est la République… ou la mort !

Quand l’ère du sang sera close,
Nous changerons notre drapeau,
Et l’étendard de couleur rose,
Guidera le monde nouveau !

JUSTIN BAILLY.
19 ventôse, an 79.