Le Fauteuil

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Le Fauteuil
Comédie en un acte, en prose
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ACTEURS.


MÉLICOURT, amant d’Hortense.
DORIMON, ancien ami de Mélicourt père.
DORMILLI, père d’Hortense.
HORTENSE, fille de Dormilli.
D. GERMAIN, valet de Mélicourt.
MERE BERTHE, vieille paysanne.
D. LISETTE, suivante d’Hortense.


La scène est dans une chaumière, attenant

à une maison de campagne assez belle.

PRÉFACE,
AVANT — PROPOS,
DISCOURS PRÉLIMINAIRE,
AVIS, etc. etc.


Enfin tout ce qui précède ordinairement un ouvrage, livré à l’impression, se trouve renfermé dans l’allégorie ci-après.

Vers la fin de cette même allégorie, on verra aisément ce que demande l’Auteur, et ce qu’il espère obtenir.


L’ENFANT PRÉFÉRÉ,
ALLÉGORIE.


L’Amitié est fille du ciel : mais cette brillante origine ne la préserva point des foiblesses communes à l’humanité ; l’Amitié voulut goûter les douceurs de l’hymen. Elle s’unit au Mérite ; ce choix lui fit honneur : l’Olympe et la Terre y applaudirent. L’aimable paix, la concorde régnoient constamment entre ces deux époux ; et la funeste jalousie, ou l’amour-propre déguisé sous le nom de tendresse, ne troubloit point cet heureux ménage.

De cet hymen fortuné naquirent des enfans dignes des auteurs de leurs jours. La douce Confiance, le sage Conseil, la Constance, l’Estime, le Courage et l’Indulgence composoient la famille intéressante de l’Amitié et du Mérite : n’est-ce pas dire que le bonheur étoit fixé près d’eux ? Un jour les deux époux assis sous un berceau de roses, auprès duquel s’élevoient des touffes d’immortelles, s’entretenoient ensemble ; c’étoit dans un de ces instans où le desir repose, où le sentiment seul dicte des expressions touchantes aux époux bien unis. Le Mérite demandoit à sa bien-aimée, si parmi les enfans provenus de leur union délicieuse il n’y en avoit pas un qui lui fit éprouver un sentiment de préférence ? Amitié se défendit long-tems d’avouer une prédilection secrette, qu’elle ne croyoit point accorder ; mais l’époux clairvoyant la pressa d’une manière si vive de s’interroger elle-même, qu’en fin une rougeur subite trahit sa sensibilité. Mérite alors, avec un doux sourire, fit l’éloge de chacun de leurs enfans, et pendant l’énumération des qualités essentielles qui les distinguoient tous, il ne cessoit d’observer sa charmante compagne. N’est-il pas vrai, lui dit-il, que confiance est bien intéressante ? Elle soulage les coeurs oppressés par le chagrin : elle double les plaisirs d’une ame heureuse et sensible. — Oui, répondit l’Amitié, oui, Confiance devient de plus en plus nécessaire aux mortels. — Et sage Conseil, l’aîné de nos fils, comme il est utile à l’esprit qui s’égare, à l’imagination toujours brillante et si rarement solide ! Que de malheurs il peut prévenir ! que d’écarts il peut arrêter ! — Sans doute ; mais il faut qu’il soit écouté, et rarement l’admet-on à tems ; combien de fois a-t-il paru importun à l’homme que les passions entraînent ! n’importe, il ne doit point se rebuter, c’est ce que je lui dis chaque jour. — Tenez, ma chère, regardez l’air noble et doux de Constance, elle donne ses soins à ce pauvre animal, symbole de la fidélité : en vain une blessure presqu’envenimée le fait fuir par tout le monde : Constance ne l’abandonne point. Depuis le lever de l’aurore, assise au bord de ce ruisseau, elle ne cesse de laver la plaie du malade : rien ne peut la déterminer à le délaisser ; elle l’aimoit quand il faisoit ses plaisirs, et semble l’aimer davantage depuis qu’il est malheureux ; que j’aime le caractère de cette aimable fille ! — Je l’aime beaucoup aussi, disoit l’Amitié en regardant Constante avec affection, j’aime à croire que c’étoit de moi seule qu’elle devoit naître. —— L’Estime si sérieuse, ma bien-aimée, elle a je ne sais quoi d’imposant ; mais pourtant les hommes sages, les femmes vertueuses la recherchent, et souvent la préfèrent à l’Amour. Elle a l’air moins doux que vous ; mais quand on est parvenu à lui plaire, sa physionomie change, et prend tout-à-coup une très-grande ressemblance avec la vôtre ; ne le voyez-vous pas de même ? — Je suis toujours d’accord avec le Mérite : eh ! comment mes idées ne seroient-elles point les siennes, je lui suis si tendrement attachée ! Jusque-là, Mérite n’avoit pu entrevoir lequel de leurs enfans son épouse chérissoit le plus, et cependant il étoit persuadé qu’elle en aimoit un davantage, même sans le vouloir. Il en reste deux, disoit-il en lui-même : voyons, c’est ici où je dois observer avec le plus de soins. Savez vous que je viens de gronder le Courage, dit Mérite en regardant fixement Amitié. — Le gronder ! eh pourquoi ? — c’est qu’il s’expose à tout, qu’il brave tout, que rien ne peut ni l’effrayer ni l’abattre, et que je crains son caractère tout sublimé qu’il est. Ce fils m’est cher, je tremble chaque jour de le perdre. — Ne craignez rien : Courage n’est point audacieux ; la Prudence hait la Témérité, parce qu’elle émane souvent de l’Orgueil : mais Courage ne tire point vanité de sa force, il n’en fait usage qu’à propos ; et s’il trouve par hasard un vainqueur, c’est alors que sa noble fierté lui devient nécessaire pour l’empêcher de supplier le lâche qui voudroit abuser de sa victoire. Ne changeons rien au caractère de noire fils : puissent les hommes dont il sera l’ami suivre son exemple dans toutes les circonstances de leur vie ! — Je ne lis rien dans les yeux de mon épouse, disoit tout bas le Mérite, me serois-je trompé ? Tout-à-coup il voit accourir vers eux l’Indulgence : un air si doux, si riant animoit ses traits, qu’il étoit impossible d’être plus jolie. Ah ! s’écria l’Amitié, voilà mon aimable fille : viens, charmante enfant, viens, tu réunis dans tes traits et dans ton caractère tout ce qui fait le charme des sociétés nombreuses et des unions particulières. Presse-toi sur mon cœur ! va, tu seras toujours plus nécessaire que l’Amitié à l’homme civilisé. Les cœurs sensibles ont besoin du sentiment, mais les humains en général n’ont besoin que de l’Indulgence. Que dis-je ? ajouta l’Amitié, avec une sorte de transport, ah ! les plus tendres amans, les plus heureux époux, les amis les plus fidèles doivent et devront sans cesse le bonheur aux soins journaliers de l’aimable Indulgence. Mérite ne put blâmer sa charmante moitié d’une préférence aussi juste. Eh ! qui de nous, foibles mortels, ne sait pas que dès que l’Indulgence fuit la société, la satyre, l’aigreur, l’envie et la haine parviennent bientôt à la détruire ?


LE FAUTEUIL, COMÉDIE EN UN ACTE, EN PROSE.


Le théatre représente l’intérieur d’une chaumière : tout doit y annoncer la plus grande indigence. D’un côté une fenêtre dont les vitres sont à moitié brisées : de l’autre un grand rideau verd, cache dans un enfoncement deux lits bien misérables, deux méchantes escabelles de bois, une table vermoulue, et à côté un fauteuil des plus gothiques. Le siége doit être très-grand et recouvert jusqu’au bas, ainsi que le dossier, d’une housse de serge rouge fanée. Sur le dossier on voit écrit les mots travaillés en laine blanche : ni vendre, ni prêter, ni donner ce fauteuil. Une paire de pistolets est suspendue contre un des murs de la pièce.

La porte doit étre située de manière qu’on apperçoive que la chaumière est comme adossée à une très-belle maison de campagne ; on doit même en voir les jardins, bosquets, parc, etc. Le seuil de la porte montre deux marches de pierre à moitié cassées.


Scène PREMIÈRE.

MÉLICOURT, GERMAIN.


MÉLICOURT

GERMAIN en travaillant à son panier et regardant son maître de tems en tems. Il dort, moi je travaille ; mais travailler tout seul, sans jaser avec quelqu’un, cela ne m’amuse Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/14 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/15 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/16 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/17 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/18 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/19 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/20 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/21 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/22 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/23 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/24 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/25 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/26 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/27 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/28 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/29 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/30 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/31 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/32 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/33 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/34 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/35 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/36 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/37 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/38 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/39 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/40 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/41 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/42 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/43 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/44 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/45 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/46 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/47 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/48 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/49 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/50 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/51 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/52 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/53 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/54 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/55 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/56 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/57 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/58 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/59 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/60 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/61 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/62 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/63 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/64 Page:Montanclos - Le Fauteuil Comédie en un acte en prose.pdf/65

Dormilli.

Je demeure stupéfait ! et vous ne pouviez pas me dire un mot de tout cela ?

Dorimon.

C’est à conserver ces débris d’une fortune immense, que j’ai su décider mon ami Mélicourt ; il seroit mort désespéré, s’il avoit laissé son fils dans une misère réelle, et tout le menaçoit de ce malheur, s’il n’eût écouté et suivi mes conseils. (à Mélicourt) Quant à vous, mon cher, rassurez votre ame sensible ; votre père a éprouvé beaucoup de chagrins, il est vrai, mais vous voyez qu’il n’a paru dans l’indigence, que pour essayer par ce dernier moyen, si votre cœur étoit susceptible de remords.

Mélicourt.

Ah ! mes regrets ne sont pas moins viſs.

Dormilli.

Allons, allons, mon gendre, nous avons été tous assez tristes aujourd’hui : que la gaieté succède. Le larmoyant ne me va point du tout à moi. Faites seulement en sorte que je ne sois pas obligé de demander à Dorimon le même secret de vous conserver un reste de fortune, je ne serois peut-être pas aussi docile que votre père.

Dorimon, prenant la main de Mélicourt.

Puissiez-vous, mon cher Mélicourt, donner à vos enfans, votre conduite présente pour modèle, et leur bien persuader que du respect filial, émanent toutes les vertus sociales !


FIN.



De l’Imprimerie du Journal d’Indications, rue d’Argenteuil, n. 211.