Le Fire-Fly (Pont-Jest)/XXVII

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E. Dentu (p. 428-429).

CHAPITRE XXVII


La fin de toute chose. — Conclusion.

Je ne sais ce qui se passa jusqu’au jour.

Après une nuit affreuse, pleine de fantômes et de rêves horribles où les événements de la veille se déroulèrent de nouveau devant mes yeux, où je revis dans une épouvantable danse macabre que semblait diriger le Malabar de Tanjore les spectres encore sanglants de Roumi et du houkabadar, les lèvres bleues de Goolab-Soobhee, les ombres menaçantes des étrangleurs et la figure résignée de sir John, je m’éveillai la tête brûlante, les membres brisés, presque fou de désespoir, mais voulant douter encore.

J’étais étendusur un lit, où, en proie au délire, on m’avait placé la veille. Auprès de moi, étaient M. Hope et un médecin anglais de l’armée de Hong-Kong.

Je me soulevai, en passant la main sur mon front pour en chasser ces lugubres pensées que je ne voulais croire enfantées que par un songe, et mes regards interrogèrent tout autour de moi.

M. Hope me prit une main dans la sienne : je levai les yeux vers lui. Il avait vieilli de dix ans depuis la veille. Ses yeux rouges encore des larmes qu’il avait versées, et son triste sourire me rendirent la mémoire. Je me souvins et je me laissai retomber sur mon lit en fondant en sanglots.

— Il est sauvé dit le médecin anglais à son ami, je craignais que sa raison ne survécût pas à ces affreux événements. Laissez-le pleurer, les larmes sont souvent le meilleur des calmants.

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Deux mois après ce terrible drame, ne résistant plus au désir de revoir la France, ayant pris subitement en haine ces pays où j’avais perdu celui qui était devenu pour moi un frère, je quittai M. Hope, Hong-Kong et le fleuve des Perles sur la frégate anglaise la Némésis, qui retournait en Europe.

Je m’étais chargé d’aller porter à la famille de sir John sa dernière pensée, mais je n’avais même pas voulu passer un jour à bord du Fire-Fly, qui, réparé et repeint, attendait dans le port de Victoria, sous la garde de Morton, un nouveau capitaine.


FIN