Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/II/Ma mère, tout ton cœur…
XIII
Ma mère, tout ton cœur et toute ta tendresse
Ne m’ont pas rendu fort.
Je suis resté l’enfant ployé sous tes caresses.
J’aurais voulu mon corps
Dressé pour les travaux que ce soir je contemple.
Tes bras m’ont enfermé.
Je ne puis, de mes mains crispées, bâtir un temple.
Je ne sais rien qu’aimer.
Mais que cette faiblesse et que cet héritage,
Ô sainte de mes jours,
N’encadrent de regrets l’éclat de ton visage !
Si l’homme des labours
Plus utile que moi mérite plus de gloire,
Il n’a pas mon bonheur.
Ma mère, quand le jour étale sa victoire,
L’arbre garde ses fleurs.
Tu n’auras de ton fils la saison merveilleuse
Ressemblant à l’été.
C’est l’automne et sa voix presque mystérieuse
Qu’il lui faut t’apporter.
Admire tout le blé, ne chérit que mes roses.
Si mon orgueil, parfois,
Jalouse l’étendue et cet apothéose
Des vignes et des bois,
C’est qu’il sent que tu n’as, peut-être, osé lui dire
Que tu m’eus préféré
Moins humain mais plus grand, afin que ton sourire
Ne me donne à pleurer.