Le Livre rose/2/L’Anglais

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Le Livre roseUrbain Canel & Adolphe Guyot Date2 (p. 342-361).


L’ANGLAIS.




Napoléon venait de s’écrouler ; le temps n’était plus où « l’on voyait la poussière de ses pieds empreinte sur le bandeau des rois ! » Maintenant c’était le cheval du Cosaque qui piaffait sur son auréole de gloire.

J’étais alors un tout jeune homme, et la gloire militaire était pour la jeunesse de cette époque ce qu’est la liberté pour celle d’aujourd’hui. Ne voyant rien au-delà de cette humiliation passagère, plus féconde peut-être pour le pays que nos longs succès, mon patrioPage:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/343 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/344 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/345 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/346 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/347 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/348 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/349 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/350 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/351 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/352 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/353 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/354 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/355 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/356 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/357 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/358 Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/359 doux et noirs comme les tiens. Mais, pardonne, ma Juanita, bientôt j’ai commencé à sentir que mon cœur battait auprès du sien, à craindre, enfin, de l’aimer pour elle-même ! N’est-ce pas qu’alors je dois mourir ? n’est-ce pas que le jour où une image adultère se glisse devant la tienne, doit être le dernier de mes jours ? »

La voix de Richard Harrington devint si basse et si entrecoupée que je ne pus saisir le sens de ses paroles ; par momens il parlait avec vivacité, puis suivait un long silence, ne s’exprimant plus que par de longs baisers qu’il déposait sur les dents froides et grimaçantes de Juanita. Toute la soirée se passa ainsi. Peu à peu il tomba dans l’épuisement, dans l’engourdissement de l’ivresse ; et alors je me retirai, rassuré sur les mots inquiétans que cette même ivresse lui avait arrachés.

À minuit, je dormais d’un profond sommeil, lorsque je fus réveillé par la détonation d’un pistolet ; je jetai un cri perçant ; en un moment je fus auprès de Richard Harrington : il respirait encore.

« Je vais rejoindre Juanita, dit-il ; Rosine est à vous » Et ses yeux se fermèrent.

Clémence Bailleul.