Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 1/Chap55

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Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (1p. 363-367).

CHAPITRE LV


LÉGENDES SARASVATIENNES


Argument : Halâyoudha va à l'ermitage de la fille de Çândilya, à Plakshaprasravana, à Kârapavana, puis au tîrtha de Mitra et de Varouna. Arrivée du rishi Nârada qui raconte à Balarâma ce qui s'est passé entre les Kourouides et les Pândouides. Balârama congédie ses compagnons et se dirige vers le lieu où le combat à la massue doit avoir lieu, après avoir chanté les louanges de la Sarasvati.


3035. Vaiçampâyana dit : « Le Satvatide (Bala), ayant visité le Kouroukshetra, et (y) ayant fait des libéralités, alla, ô Janamejaya, vers un très grand et divin ermitage,

3036. Excellent, garni de Madhoukas (bassia latifolia), et d'Amra (arbre mango), rempli de Plakshas (ficus infectoria), et de Nyâgrodhas (ficus indica), de Giravilvat (pongamya glabra), de Panasas (artocarpus integri folia) et d'Arjounas (terminalia arjouna).

3037. Le meilleur des Yadouides, ayant vu cet (ermitage) de choix, marqué de signes salutaires, interrogea tous ces rishis (en leur demandant) à qui il avait appartenu.

3038. Tous ces magnanimes, ô roi, dirent à Halâyondha : « Ô Râma, apprends en détail, à qui jadis était (cet) ermitage.

3039. Ici, autrefois, le dieu Vîshnou pratiqua un ascétisme suprême. Ici il offrit, suivant les règles, tous les sacrifices éternels.

3040. D'ici même, une sainte brahmane, vouée dès son enfance à une chasteté perpétuelle, adonnée au yoga, ascète aux austérités parfaites, (est) allée au ciel.

3041. Bonne, chaste, ferme dans ses vœux, s'étant vaincue elle-même, (cette) belle était fille du magnanime Çândilya.

3042. Après avoir pratiqué un ascétisme rigoureux, difficile à accomplir pour le sexe féminin, (cette créature) heureuse, honorée des dieux et des brahmanes, est allée au Svarga. »

3043. Après avoir entendu ces paroles des rishis, et avoir salué (ces saints personnages, Bala), ô homme sans péché, alla à cet ermitage. (situé) sur le flanc de l'Himalaya.

3044, 3045. Après avoir accompli toutes les pratiques (religieuses) du crépuscule, il gravit la montagne. Le fort Bala Tâladhvaja, étant monté, pas très loin, dans la montagne, vit avec un étonnement extrême l'excellent et salutaire tîrtha Plakshaprasravana (la source de la Sarasvatî), et la puissance de cette rivière.

3046. Ayant atteint (l'autre) excellent et très distingué tîrtha Kârapavana, le très fort Halâyoudha, après avoir distribué des présents en ce lieu,

3047. Se baigna dans l'eau très froide, salutaire et sans souillure. (Cet homme) enragé au combat. (s’étant ainsi) purifié, (rassasia de ses offrandes) les pitris et les dieux.

3048. Après y avoir passé une nuit avec les brahmanes (adonnés à la vie) ascétique, (cet homme) sans péché alla au salutaire tîrtha de Mitra et de Varouna.

3049. De Kârapavana, il alla à cet endroit (situé) sur la Yamounâ où jadis Indra, Agni et Aryaman eurent la satisfaction (de voir des sacrifices leur être offerts).

3050, 3051. S’étant baigné dans ce (tîrtha), le vertueux Balarâma obtint une satisfaction extrême. Le très fort héros d'Yadou, fêtant assis en cet endroit avec les rishis et les siddhas, entendit, (de la bouche de ces saints personnages), des récits merveilleux, et pendant qu'ils s'y tenaient, l'adorable rishi Nârada

3052. Arriva en ce lieu, où se trouvait Râma. Ce grand ascète, couvert d'un vêtement doré, couronné de tresses de cheveux,

3053. Portant, ô roi, un bâton doré et une cruche d'ascète muni d'un luth indien kacchâpin (de tortue), au son agréable et charmant,

3054. (Cet homme) adroit dans la danse et dans le chant, honoré des dieux et des brahmanes, fauteur des querelles qu'il aima toujours (kalahapriya).

3055. Venait à l'endroit où le magnifique Râma se trouvait. Ayant salué cet homme ferme dans ses vœux et lui ayant convenablement rendu les hommages (qu'il lui devait),

3056. Ce (descendant d'Yadou) demanda au devarshi comment les choses s'étaient passées pour les Kourouides. Ô roi, Nârada qui connaissait tous les devoirs, lui raconte.

3057. Tout ce qui était arrivé, la ruine complète et sans réserve des Kourouides. Alors, le fils de Rohinî dit à Nârada d'une voix triste :

3058, 3050. Mais, dans quelle situation (sont) la caste des kshatriyas, (et) les rois qui se trouvaient là ? Ô ascète, tu m'as déjà raconte tout cela (sommairement), mais ma curiosité d'en entendre les détails, est extrême.

3060. Nârada lui dit : Bhîshma (a été tué d'ab0rd, ainsi que Drona et le roi du Sindhou ; le Vikartanien (fils du soleil) Karna est tué, et les grands guerriers ses fils aussi,

3061, 3062. Ô fils de Rohinî, (ainsi que) Bhoûriçravas et l'héroïque roi de Madra. Ceux-là et d'autres nombreux rois et fils de rois, doués de grandes forces, qui ne tournaient pas le dos dans les combats, (et qui s'étaient rassemblés) de toutes parts, et avaient fait le sacrifice de leurs chères vies, pour (assurer) la victoire du Kourouide, (ont été abattus).

3063. Mais, ô Madhavide, apprends de moi (le nom) de ceux qui n'ont pas été tués dans cette (guerre). Trois (héros), destructeurs(des ennemis) dans les batailles, sont restés dans l'armée du fils de Dhritarâshtra,

3064. Kripa, Kritavarman et l'héroïque fils de Drona. Ceux-là même, ô Râma, se sont enfuis, de terreur, dans les dix directions (de l'espace).

3065. Çalya étant tué, Kripa et les autres ayant pris la fuite, Douryodhana, rempli d'affliction, est entré dans l'étang Dvaipâyana,

3066. Mais alors les fils de Pândou, avec Krishna, tourmentèrent par des paroles cruelles le Dhritarâshtride qui reposait, couché dans l'eau solidifiée.

3067. Ce héros fort, ô Râma, piqué de toutes parts par (l'aiguillon des) paroles (de ses ennemis), a saisi sa grande massue et s'est levé hors de l'étang.

3068. Il vient de s'approcher pour combattre Bhîma, Ô Râma, il va y avoir aujourd'hui, entre eux deux, un combat terrible.

3069. Si tu es curieux, ô Rama, tu n'as pas loin à aller pour voir, si tu le désires, le grand et épouvantable combat de (tes) deux disciples.

3070. Vaiçampâyana dit : Après avoir entendu les paroles de Nârada, et avoir salué les chefs des brahmanes, (Râma) congédia tous ceux qui étaient venus avec lui,

3071. Et dit à ses serviteurs : « Qu'on aille à Dvârakâ » Étant descendu du salutaire Plakshaprasravana, la meilleure des montagnes,

3072. L'inébranlable Râma, l'esprit satisfait, ayant entendu raconter le fruit (qu'on peut retirer) des tîrthas, chanta ces vers, dans l'assemblée des brahmanes :

3073. « Où y a-t-il un bonheur égal à celui d'habiter auprès de la Sarasvatî ? Où y a-t-il des qualités pareilles (à celles que procure) le séjour auprès de cette rivière ? Ceux qui s'en sont approchés, sont allés au ciel et se rappelleront toujours cette (sainte) rivière Sarasvatî.

3074. La Sarasvatî est la plus salutaire parmi les rivières. Elle apporte toujours le salut au monde. Après avoir atteint la Sarasvatî, les hommes, (eussent-ils même commis) de très grandes fautes, (n'auront pas à les) pleurer, ni ici-bas, ni dans l'autre monde. »

3075. Puis le tourmenteur des ennemis, contemplant à plusieurs reprises la Sarasvatî avec plaisir monta sur son char brillant, attelé (d'excellents) chevaux.

3076. Ce taureau (de la race) d'Yadou, (monté) sur ce char rapide, arriva près (du lieu) du combat, qui allait avoir lieu entre ses deux disciples, et qu'il désirait voir.