Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/3-LLDA-Ch31

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Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (2p. 368-373).



CHAPITRE XXXI


LÉGENDE DE LA NAISSANCE DE SOUVARNASHTHIVÎN


Argument : Nârada raconte à Youdhishthira la naissance, la mort et la résurrection de Souvarnashthivin.


1088. Vaiçampâyana dit : Alors le roi fils de Pândou s’adressa à Nârada (en ces termes) : « Ô adorable, je désire apprendre l’origine de Souvarnashtliivin (qui crache de l’or). »

1089. Interrogé ainsi par Dharmarâja, le mouni Nàrada lui raconta ce qui concernait Souvarnashthivin.

1090. Nârada dit : Ô guerrier aux bras puissants, les choses sont comme Keçava, que voici, te les a racontées. Puisque tu me le demandes, je vais t’exposer le reste de l’histoire.

1091. Nous allâmes, moi et le grand mouni Parvata, fils de ma sœur, trouver Sriñjaya, le plus grand des (princes) victorieux, (parce que nous) désirions habiter chez lui.

1092. Honorés par lui conformément aux préceptes, ayant tous nos désirs satisfaits, nous séjournâmes tous les deux dans sa demeure .

1093. La saison des pluies étant passée et le moment du départ étant venu, Parvata me fit une communication importante et qui était de saison.

1094. « Tous les deux, (me dit-il), comblés d’honneurs, nous avons habité dans la maison de ce roi. Maintenant, ô brahmane, réfléchis aux moyens de l’obliger. »

1095. Ô roi, je répondis alors au beau Parvata : « Ô puissant fils de ma sœur, ce soin t’incombe.

1096. Que le roi soit rendu heureux, par la satisfaction d’un souhait (qu’il formera) ; qu’il voie tous ses désirs comblés. Qu’il en obtienne l’accomplissement, si tu le juges convenable, par l’effet de nos pratiques ascétiques. »

1097. Alors, ayant appelé le roi Sriñjaya, le plus grand des (princes) victorieux, Parvata lui adressa ces paroles agréables, ô taureau des Kourouides :

1098. « Ô roi, nous sommes satisfaits de tes bons procédés, et de ta droiture à notre égard. Ô homme excellent, nous t’autorisons à former un souhait, (que nous rendrons efficace),

1099. Pourvu qu’il ne soit pas dommageable pour les dieux, et qu’il n’entraîne pas la ruine des hommes. Accepte cette (faveur) dont, tous les deux, nous te jugeons digne, ô grand roi. »

1100. Sriñjaya dit : Si mes deux honorables (hôtes) sont satisfaits, tout ce que (je puis désirer) est accompli, et j’ai retiré (de leur visite) un grand profit, et (d’heureuses) conséquences.

1101. Mais Parvata répondit au (roi) qui parlait ainsi : « Exprime le désir que tu nourris depuis longtemps dans ton cœur, ô roi. »

1102. Sriñjaya dit : « Je désire obtenir pour fils un héros fort, ferme dans ses vœux, dont la vie soit longue et heureuse, et qui soit aussi éclatant que le roi des dieux. »

1103. Parvata dit : Ton désir sera accompli, sauf que (ton fils) n’aura pas une longue vie, car le souhait formé dans ton cœur, tend (à lui donner) la supériorité sur le roi des dieux.

1104. Ton fils sera appelé Souvarnashthivin (qui crache l'or) ; il aura un éclat comparable à celui du roi des dieux, mais il faudra le protéger contre (les coups) du souverain des immortels.

1105. Ayant entendu ces paroles du magnanime Parvata, Sriñjaya (lui adressa) cette prière : « Qu’il n’en soit pas ainsi.

1106. Qu’à la faveur de tes pratiques ascétiques, mon fils obtienne une longue vie. » Mais, par considération pour Indra, Parvata ne lui répondit rien.

1107. Pour moi, je dis à ce monarque affligé : « Ô grand roi, pense à moi, et je te ferai revoir ton fils.

1108. Ne pleure pas, ô maître de la terre, je te rendrai ton fils bien-aimé sous une forme (vivante), après qu’il sera tombé au pouvoir du roi des morts. »

1109. Après que nous eûmes tenu ce langage au roi, nous nous en allâmes où il nous plut, et Sriñjaya rentra chez lui à son gré.

1110. Au bout d’un certain temps, il naquit au râjarshi Sriñjaya un fils au grand héroïsme, d’un éclat en quelque sorte flamboyant.

1111. Il grandit en son temps, pareil à un lotus bleu dans un étang. Il fut appelé Kañcanashthivin et vérifia : son nom, (car il crachait l’or).

1112. Ô le plus excellent des Kourouides, ce prodige se divulgua dans le monde, et l’Indra des dieux connut que c’était le résultat d’un don (accordé) par le maharshi (Parvata).

1113. Alors, effrayé, craignant d’être humilié, s’appuyant sur l’opinion de Vrihaspati, le meurtrier de Bala et de Vritra se mit à surveiller les fautes de l’enfant.

1114. Il donna un ordre à son arme divine, la Foudre, qui se tenait devant lui sous sa forme corporelle, en lui disant : « Ô puissant, deviens un tigre et triomphe de cet enfant royal.

1115. Certainement, quand il sera devenu grand, ce fils de Sriñjaya m’humiliera par ses œuvres, comme Parvata le lui a prédit, ô Foudre.

1116. Après avoir reçu cet ordre de Çakra, la Foudre victorieuse des villes ennemies, suivait continuellement l’enfant, en surveillant ses fautes.

1117. Ô Sriñjaya, heureux d’avoir obtenu un fils, comparable en éclat au roi des dieux, se mit, avec son sérail, à habiter constamment les bois.

1118. Un jour, cet enfant, accompagné de sa seule nourrice, errait, pour s’amuser, dans un bois solitaire, sur le bord de la Bhâgirathi.

1119. Agé de cinq ans (seulement), il avait la force d’un éléphant chef de troupeau. Il rencontra un tigre puissant, qui fondit sur lui à l’improviste.

1120. Ce jeune prince, tremblant, mis en pièces par cette (bête furieuse), tomba à terre sans vie, (pendant) que la nourrice poussait de (grands) cris.

1121. Après avoir tué le fils du roi, ce tigre disparut ; il disparut, grâce au pouvoir magique du roi des dieux.

1122. En entendant les gémissements de la nourrice qui criait comme une personne très affligée, le roi, lui-même, accourut en ce lieu.

1123. Il vit gisant, cet enfant que la vie avait abandonné avec les plaisirs (de son âge), dont le sang avait été bu (par la terre), semblable (en éclat) à une lune tombée (du ciel).

1124. Alors, ayant levé contre son sein l'enfant baigné de sang, le roi, l’esprit torturé et malade de douleur, se mit à gémir sur (le sort de) son fils.

1125. Puis, les épouses (du roi), tourmentées par le chagrin, accoururent en pleurant, vers le lieu où se trouvait le roi Sriñjaya.

1126. Ce roi, qui avait perdu l’esprit, se souvint (cependant) de moi. Alors, m’étant aperçu qu’il songeait à moi, j’apparus à ses yeux.

1127. Je fis à ce moment, ô maître de la terre, entendre à cet (homme dévoré) par le chagrin et les regrets, les paroles que le héros d’Yadou a rapportées.

1128. Et alors aussi, avec la permission de Vâsava, je rappelai (son fils) à la vie. Ce qui doit arriver arrive, et il est impossible qu’il en soit autrement.

1129. Dans la suite, l’héroïque enfant Svarnashthivin réjouit le cœur de son père et de sa mère.

1130. Et quand son père fut monté au Svarga, ô roi, il exerça la royauté avec un héroïsme redoutable, pendant onze cents ans.

1131. Ce (prince) très éclatant rassasia les dieux et les pitris, et offrit de grands et nombreux sacrifices aux abondantes dakshinâs.

1132. Puis, après avoir engendré de nombreux fils, qui étendirent sa race, après un long règne, ô roi, il subit la loi du temps.

1133. Toi aussi, ô Indra des rois, chasse le chagrin qui s’est glissé dans ton cœur. Comme Keçava et Vyâsa au grand ascétisme te l’ont (déjà) dit.

1134. Assume le pouvoir royal de ton père et de tes ancêtres, et portes-en le fardeau. Après avoir offert de grands sacrifices, tu atteindras les mondes désirés.