Le Mois, résumé mensuel, historique et politique de tous les événements, jour par jour, heure par heure, entièrement rédigé par Alexandre Dumas

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Le Mois, résumé mensuel, historique et politique de tous les événements, jour par jour, heure par heure, entièrement rédigé par Alexandre Dumas
Le Mois, tomes 1 à 2, mars 1848 - novembre 1849 (p. 9-19).

N° 1. — Mars 1848.

Par An ou 12 NUMEROS, 4FR.

LE MOIS
[1]
Par An ou 12 NUMEROS, 4FR.

RÉSUMÉ MENSUEL, HISTORIQUE ET POLITIQUE DE TOUS LES EVENEMENTS

JOUR PAR JOUR, HEURE PAR HEURE,

ENTIÈREMENT RÉDIGÉ
Par ALEXANDRE DUMAS



HISTOIRE DE FÉVRIER. - RÉVOLUTION DE 1848.



La France et l'Europe avant, pendant et après le 24 février.

Au 1er février 1848, la France et l'Europe étaient à peu près dans la même situation où les avaient laissées les traités de Vienne.

Jetons les yeux sur la carte du monde. Voyons ce que chaque grande puissance a gagné ou perdu depuis cent ans.

L'examen sera rapide : il est d'ailleurs nécessaire à l'intelligence des événements qui vont se dérouler sous nos yeux.

Les grandes puissances européennes sont:

L'Angleterre,
La Russie,
L'Autriche,
La Prusse,
L'Espagne,
La Sardaigne,
La France.

Puis, nous jetterons un coup d'œil sur les puissances secondaires, satellites qui gravitent autour des planètes principales.

Parmi ces puissances, deux ont poursuivi depuis cent ans avec une implacable persévérance :

L'une, son accroissement colonial ;
L'autre, son accroissement continental.
Ces deux puissances sont l'Angleterre et la Russie.

Commençons par elles.
Comptons les colonies de l'une;
Mesurons les limites de l'autre.
L'Angleterre qui, il y a cent ans, n'avait que cinq comptoirs dans l'Inde : Bombay, Bejapour, Madras, Calcutta et Chandernagor ;
L'Angleterre, qui ne possédait dans l'Amérique du nord :
Que Terre-Neuve et cette bande de littoral qui s'étend comme une frange de l'Acadie aux Florides ;
Au banc de Baliama :
Que les îles Lucayes ;
Aux petites Antilles :
Que Barboude.
Dans le golfe Américain :
Que la Jamaïque ;


L'Angleterre, qui n'avait pour toute station dans l'Océan atlantique équinoxial :
Que Sainte-Hélène, de meurtrière mémoire.
L'Angleterre, aujourd'hui, comme une gigantesque araignée des mers, a accroché sa toile aux cinq parties du monde.
En Europe, elle possède:
L'Irlande, Malte, Heliogoland.

En Asie:
La ville d'Aden, qui commande la mer Rouge, comme Gibraltar la Méditerranée ;
Ceylan, la grande presqu'île de l'Inde, le Népaul,le Lahore, le Sind, le Beloutchistan et le Caboul ;
Les iles Sincapouo, Pinang et Sumatra.
C'est-à-dire cent vingt-deux mille trois cent trente-trois lieues de territoire, nourrissant cent vingt-trois millions d'hommes.

En Afrique :
Bathurst, les îles de Loss, Sierra-Leone, une portion de la côte de Guinée, Fernando-Rio , les îles de l'Ascension et de Sainte-Hélène, la colonie du Cap, le port Natal, l'île de France, Rodrigue, les Séchelles, Socotara.

En Amérique:
Le Canada, tout le contiuent septentrional depuis le banc de Terre-Neuve jusqu'à l'embouchure du fleuve Makensie, presque toutes les Antilles, la Trinité, une partie de la Guyane, les Malouines, Balise, Ruatan et les Bermudes.

Dans l'Océanie :
La moitié de l'Australie, la terre de Van-Diemen, la Nouvelle-Zélande, Norfolk, Hawaï et le protectorat général de la Polynésie.
Elle a tout prévu, elle est prête à tout.
Peut-être percera-t-on un jour l'isthme de Panama ; Elle a Balise, sentinelle qui attend. Peut-être ouvrira-l-on l'isthme de Suez ; Elle a Aden, factionnaire qui veille.
Le passage de la Méditerranée à la mer des Indes sera à elle.
Ce sera à elle le passage du golfe du Mexique au grand océan Boréal.
Elle aura, dans une armoire de l'Amirauté, la clef de l'Inde et la clef de l'Océanie, comme elle a déjà Celle de la Méditerranée.
Ce n'est pas tout.

Par son titre de protectrice des iles Ioniennes, elle jette l'ancre à la sortie de l'Adriatique et à l'entrée de la mer Egée. Elle pose un pied sur la terre des anciens Epirotes et des modernes Albanais. Quand l'Iriande lui refusera ses paysans, l'Ecosse ses montagnards ; quand les marchés d'hommes que tiennent les princes allemands se fermeront pour elle, elle recrutera parmi ces peuplades guerrières. Elle aura une escadre à Corfou, qui, en que1ques jours, pourra arriver aux Dardanelles. Elle aura une armée à Céphalonie, qui sera en une semaine aux sommets de l'Hémus. De là, elle balancera en Grèce l'influence de la Russie, et il lui suffira de quelques bateaux armés pour détruire le commerce de tout le littoral autrichien.

Voilà pour l'Angleterre,
Passons à la Russie.

La Russie, il y a cent ans, s'étendait de Kiew à l'île Saint-Laurent, des grands monts Altaï au golfe de Teniseï ; et peut-être avait-on le droit de croire que c'était pour lui marquer une limite que Behring avait découvert le détroit auquel, en mourant, il légua son nom.

La Russie ne s'est point arrêtée là.
Elle a rompu cette vieille limite de Kiew.

Le serpent Scandinave, qui enveloppe de ses replis les deux tiers du globe, a déroulé ses anneaux. D'une des mâchoires de sa gueule entrouverte pour dévorer la Prusse, il touche, à l'occident, la Vistule, et de l'autre le golfe de Bothnie ; à l'orient, il a franchi, en s'allongeant, le détroit de Behring, et ne s'est arrêté qu'en rencontrant l'Angleterre au pied du mont Saint-Elie et des monts Buchland. Comme une arête qui se serait dressée sur son dos, il porte aujourd'hui toute cette plage dentelée, qui, dernière limite du monde, se découpe sur l'océan Glacial, depuis le fleuve Piasina jusqu'aux îles des Ours, et depuis le lac Piasinskoé jusqu'au cap Sacré.

Ainsi, depuis cent ans, la Russie a gagné :

Sur la Suède :
La Finlande, Abo, Wiburg, l'Estlionie, la Livonie, Riga, Revel et une partie de la Laponie.

Sur l'Allemagne :
La Courlande et la Samogitie.

Sur la Pologne:
La Lithnanie, la Vothinie, une partie de

la Gallicie, Mohilew, Vitepsk, Polotsk, Minsk, liyalisiock, Kaminietz, Tarnopol, Wilna, Grodninsk, Varsovie.

Sur la Turquie:
Une partie de la petite Tartarie, la Crimée, la Bessarabie, le littoral de la mer Noire, le protectorat de la Servie, de la Moldavie, de la Valachie.

Sur la Perse :
La Géorgie , Tifflis, Erivan, une partie de la Circassie.

Sur l'Amérique :

Les îles Aleutiennes, et la partie nord-ouest du continent septentrional de l'archipel Saint-Lazare. Sa plus grande longueur est de trois mille huit cents lieues, sa plus grande largeur de quatorze cents. • Elle compte soixante-dix millions d'habitants.

De l'autre côté de la mer Noire, elle regarde la Turquie, qu'elle s'apprête à envahir, aussitôt que la France et l'Angleterre, ou même l'une ou l'autre de ces deux puissances, lui en donnera la permission.

Puis, si un jour elle s'adjoint la Suède, elle fermera le détroit du Sund à l'occident, le détroit des Dardanelles à l'orient, et nul ne pénétrera plus, qu'à son plaisir, dans la mer Noire et dans la Baltique, ces deux miroirs qui réfléchissent déjà, l'un Pétersbourg, l'autre Odessa.

Maintenant examinons l'Autriche.

L'Autriche, il y a cent ans, vient presque d'échapper à Marie-Thérèse; aussi, à la paix de 1748, se hàte-t-elle d'assurer l'héritage impérial à sa famille, en cédant:

La Silésie au roi de Prusse,
Une partie du Milanais au duc de Savoie;
Les duchés de Parme, de Plaisance et de Guasialla à don Philippe, troisième fils de Philippe V.
Ce qui la réduit à la Gallicie et la Ladomerie au nord ;
A l'Autriche proprement dite, à la Carinthie, à la Carniole, aux États de Venise et au Tyrol, à l'ouest ;
A I'Esclavonie et à la Croatie au sud ;
À la Transylvanie a l'est ;
Et au centre à la Hongrie.

C'est en cet état que l'Autriche atteint le traité de Campo-Formio, traité qui la retreint encore, en donnant :

A la France :
La Belgique, Manheim , Philipsbourg, Corfou, Zante, Céphalonie, Sainte-Maure, Cerigo et l'Albanie.

A la république Cisalpine: La Lombardie autrichienne, les États de terre ferme de Venise.

Au duc de Modène:
Le Brisgaw.

Mais, au congrès de Vienne, l'Autriche reprend sa revanche, et on lui paie d'un seul coup, avec toutes ses défaites, la violation de la capitulation de Dresde.

On lui rend tout ce qu'elle a perdu au traité de Campo-Formio, moins les Pays-Bas.

Elle ressaisit tous les territoires auxquels elle a renoncé par les traités de Lunéville, de Presbourg et de Vienne ; elle réunit de nouveau tous les Etats vénitiens sur les deux rives de l'Adriatique ; elle retrouve Raguse, les vallées de la Valteline, de Bormio et de Chiavenna ; le royaume d'Italie, et celle partie des Étals du saint-père située sur la riye gauche du Pô.

Ainsi refaite, l'Autriche se trouve au grand complet, et n'aura à regretter que Panne, qui doit revenir au duc de Lucques à la mort de Marie-Louise.

Sa population est de trente-trois millions cinq cent mille individus, et son territoire de douze mille deux cent soixante et une lieues carrées.

Éludions la Prusse à son tour : elle aussi, comme la Russie, a grandi à vue d'œil; elle aussi couve une immense ambition; elle aussi est destinée à apporter dans la balance une épée plus militaire que guerrière, l'épée du grand Frédéric.

La Prusse est un royaume de fondation toute moderne. Au moment où Frédéric Ier, reconnu par l'empereur, se couronne roi, elle renferme seulement la margraviat héréditaire de Nuremberg, le margraviat de Brandebourg, cette portion des Marches que les chevaliers Teutoniques avaient arrachée à la Pologne, Clèves, Juliers, la Poméranie, les duchés et principautés de Magdebourg, Halberstadt, Minden et Camin.

C'est cette réunion de provinces, s'appelant Électorat de Brandebourg, qui forme le royaume de Frédéric Ier en 1701.

Voyons ce qu'il deviendra sous son petit-fils, Frédéric II, qu'on appellera le grand Frédéric.

Huit ans après que Frédéric II est monté sur le trône, c'est-à-dire à cent ans de nous, la Prusse comprend:

La Prusse orientale,
La Prusse occidentale,
La Poméranie,
La marche de Brandebourg,
Le cercle de la Haute-Saxe,
La Silésie.

Elle compte alors treize millions d'habitants, répartis sur douze mille lieues carrées.

En 1792, au moment où elle nous attaque, elle est bornée au nord par la Baltique, le Mecklembourg et le Hanovre ; à l'ouest, par la Basse-Saxe et la Franconie ; au sud par la Bohême, et a l'est par la Pologne.

En 1807, elle manque de disparaître de la surface du monde : elle a oublié que deux ans auparavant, par le traité de Presbourg, elle a reçu de la France l'Électorat de Hanovre. Elle vient de signer contre Napoléon une alliance offensive avec la Russie, l'Angleterre et la Suède.

Le 1er octobre, Napoléon passe le Rhin, le 14 du même mois il livre la bataille d'Iéna, le 26 il prend, à Postdani, l'épée du grand Frédéric et son cordon de l'Aigle noir : le 27 il entre à Berlin.

A la suite de cette campagne de 27 jours, le traité de Tilsilt sera signé entre la France et la Prusse, qui devra sa conservation à l'intervention de l'empereur Alexandre.

La France rendra donc à la Prusse une portion du duché de Magdebourg, la marche de Priegnitz, la marche de Brandebourg, le duché de Poméranie, la basse et la nouvelle Silésie, et le comté de Glatz ; mais l'électeur de Saxe, dont Napoléon vient de faire un roi, recevra, sous le litre de grand-duché de Varsovie, les anciennes provinces prussiennes prises à la Pologne.

La Prusse reconnaîtra :
Les rois de Naples et de Hollande ;
Et de plus,

On formera, pour le prince Jérôme Napoléon, le royaume de Westphalie avec des provinces cédées par la Prusse à la gauche de l'Elbe ; et outre, la ville de Dantzick, avec un rayon de deux lieues, sera rétablie dans son indépendance.

Aussi, en 1815, la Prusse reprend-elle largement sa revanche.

Il lui manque onze millions d'âmes pour se mettre au niveau des grandes puissances. Elle les trouve sur les deux rives du Rhin, et sur celle portion de la Saxe que l'on nomme les deux Lusaces. La Pologne seule lui rendra 810,000 habitants ; elle prend de la Westphalie et de la Franconie tout ce qui n'est pas à la convenance de l'Autriche, et qui peut être enlevé, sans exciter de dangereuses réclamations, aux petits souverains et aux seigneurs féodaux de l'ancien empire germanique.

Ses bornes arrêtées aujourd'hui sont donc :

Au nord, la Baltique;
A l'ouest, les Pays-Bas et la France ;
Au sud , la Saxe et l'Autriche ;
A l'est, la Pologne.

Sa surface est de quinze mille lieues carrées, sa population de quinze millions d'habitants.

L'Espagne, sans être d'une sérieuse importance dans la politique moderne, mérite cependant d'être comptée au nombre des grandes puissances européennes, plutôt par ce qu'elle a été que par ce qu'elle est.

L'Espagne, qui sous Pelasge était réduite aux Asturies, qui sous Ferdinand chassait les Maures ; qui, au commencement du XVIe siècle, par les découvertes successives de l'Amérique, du Pérou, du Mexique et de la route de l'Inde, possédait un royaume sur lequel ne se couchait pas le soleil ; l'Espagne qui, à partir de l'acceptation du testament de Charles II, penche à son déclin ; l'Espagne qui a successivement perdu son influence dans l'Inde et sa puissance en Amérique ; l'Espagne, qui refuse de signer au congrès de Vienne, parce que les actes renferment des stipulations contraires aux prétentions qu'elle a sur les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla ; l'Espagne, qui présente toujours sur le continent européen une superficie de deux cent soixante-quinze lieues du nord au sud, et de cent cinquante lieues de l'est à l'ouest, mais qui ne compte que treize millions d'habitants sur cette surface, égale à celle de la France : l'Espagne se déchire en changements de ministères, en révoltes partielles, en guerres civiles, en élévations subites, en exils inattendus.

Elle n'aura probablement aucune influence sur les événements à venir.

Mais il n'en sera pas de même de la Sardaigne, avec ses forteresses sur les Alpes, sa Savoie qui descend jusqu'en France, son Piémont qui s'avance en Italie , son Ile héréditaire qui semble attaquer la Corse à l'abordage.

Sa royauté, comme celle de la Prusse, est de création moderne ; elle remonte à 1720. C'est Victor-Amédée qui échange sa couronne de duc de Savoie contre celle de roi de Sardaigne. Sa politique est de marier ses filles tantôt à l'Autriche, tantôt à la France, et d'augmenter son territoire des concessions que lui font tour à tour ces deux puissances. A la révolution française, Victor-Amédée III prend parti contre la République, qui lui enlève la Savoie et le comté de Nice, et occupe le Piémont en 1802. Tous les étals de Charles-Emmanuel IV, à l'exception de là Sardaigne, qui lui donne un asile, sont réunis à la France, et forment cinq départements. Le royaume continental de Victor-Amédée n'existe plus.

En 1814, le traité de Paris le reconstitue : il se trouve tel qu'il était en 1792, à l'exception d'une partie de la Savoie, que la France conserve. Mais, en 1815, elle reprend ses anciennes limites et acquiert, en outre, le territoire de l'ancienne république de Gènes et la suzeraineté de la principauté de Monaco.

Sa révolution de 1820, comprimée par l'Autriche, a amené l'abdication de Victor Emmanuel, au profit de Charles-Félix, qui meurt en 1831 et laisse la couronne au prince de Carïgnan, qui prend le titre de Charles-Albert.

Ses états de terre ferme et l'île de Sardaigne, réunis, présentent seulement une population de quatre millions cent cinqnaute-sept mille habitants. Mais ne nous arrêtons pas au chiffre des hommes, ne nous arrêtons pas à la superficie du terrain. Le roi Charles-Albert règne au pays des avalanches ; un jour il roulera sur l'Italie et Dieu, sait où il s'arrêtera.

D'ailleurs, un grand événement vient d'arriver en Italie. Grégoire XVI est mort, et le sacré-collége a nommé à sa place un ancien lieutenant que nous avons pu connaître tous, en 1814, à la caserne du quai d'Orsay ; qui, en 1815, a été incorporé dans l'armée autrichienne, comme officier de hussards, qu'un chagrin d'amour a fait prêtre, qui est devenu cardinal, et que le conclave a nommé pape, croyant purement et simplement élire un honnête homme.

Or, l'honnête homme s'est trouvé, par bonheur, être en même temps un grand homme, ce qu'ignorait certainement l'Autriche, qui ne l'eût point laissé nommer ; dans le lieutenant Mastaï l'Italie a trouvé l'étoffe d'un nouveau Grégoire VII, qui s'appellera Pie IX.

Son premier acte est un acte d'amnistie complète.
Son premier décret introduit les laïques à la place du clergé dans tous les fonctions publiques.
Il donne les palais des moines oisifs aux administrations, aux écoles, aux soldats.
I1 prend ses ministres dans les prisons, ses conseillers dans le peuple.
Aussi chaque jour crie-t-on sous ses fenêtres:
"Saint-Père, prenez garde au chocolat !"
On sait que c'est dans leur chocolat qu'on empoisonne d'ordinaire les papes trop libéraux.

Achevons le tableau européen que nous venons de tracer, par un coup d'oeil sur la France. Puis nous dirons quelques mots des petits princes d'Allemagne et d'Italie.

La France, il y a cent ans, avait la suprématie continentale et coloniale ; elle possédait toute une ligue de forteresses bâties par Vauban, qui sont les clefs des Pays-Bas et qui s'étendent de Dunkerque à Philisbourg ; depuis trois ans elle avait repris Minorque, ses armées occupaient la Corse, et elle venait d'acquérir par le traité de 1748 une influence protectrice sur Gênes, Modène, Parme, Plaisance et Guastalla.

Comme puissance coloniale, elle tient presque toutes les Antilles. Les colonies d'Acadie, du Canada et de la Louisiane, prennent de jour en jour plus d'étendue. Elle a Québec, Montréal, Mobile et la Nouvelle-Orléans, ce qui ne l'empêche pas de fonder chaque jour de nouvelles villes. Les forts de Fontenac, de Saint-Charles, de Saint-Pierre et de Maurepas, s'élèvent sur les lacs du Canada. Le fort La Reine domine la rivière des Assiniboines ; elle tient sur le lac Onipeg les forts Dauphin et Bourbon ; en Afrique, le Sénégal et Gorée lui appartiennent; elle colonise Madagascar, et elle a pour relais de l'Inde, où elle domine, l'Ile-de-France, de Bourbon, de Saillie-Marie et de Rodrigue.

Aujourd'hui, tout au contraire des deux autres puissances qui se sont agrandies dans une proportion effrayante, elle se trouve réduite, comme l'Espagne, à sa plus simple expression.

En Amérique, elle a perdu par le traité de 1763 :
L'Acadie, le Canada, le cap Breton, les rives du Saint-Laurent, la Louisiane : — Quinze cents lieues de terrain effacées d'un seul trait de plume ;
A différentes époques, la plupart des Antilles, la Dominique, Saint-Vincent, la Grenade, Sainte-Lucie, Tabago, Saint-Eustache, Saint-Domingue.

En Afrique :
Madagascar, l'Ile-de-France, l'île Rodrigue.

En Asie:
Toutes ses colonies de l'Inde, sauf quelques points insignifiants.

En Europe, sur le continent :
Toute sa ligne de forteresses du nord.

Dans la Méditerranée :
Minorque, et son influence sur l'Italie septentrionale.
Il est vrai que la Corse a été réunie à elle en 1768, Avignon et Mulhouse en 1790.
II est vrai qu'en 1830 elle a conquis Alger.
Il est vrai qu'elle a fait en trois jours une révolution qui a chassé une dynastie de près de trois siècles.
Il est vrai qu'elle est la partie pensante de l'Europe, la tète; mieux que la tête encore, le cerveau du monde.
Il est vrai qu'elle est comme la vapeur: plus on la comprime, plus elle est prête d'éclater.
En face de la Russie et de l'Angleterre, la France n'est qu'un atome.
Stromboli aussi n'est qu'un point, mais il renferme un volcan.
On l'appelle le phare de la Méditerranée.
La France, comme Stromboli, est tour à tour phare et volcan.

Voilà donc où en est l'Europe à la suite du congrès de Vienne, sauf quelques changements arrivés dans de petits états.
Le royaume de Grèce s'est créé, sous le protectorat de la France, de l'Angleterre et de la Russie.
Le royaume de Belgique est sorti de la révolution de 1830, sous l'influence de l'Angleterre.
Le roi de Bavière a donné une constitution à son peuple, le 28 mai 1818 ;
Le roi de Wurtemberg, le 25 septembre 1819 ;
Le roi de Portugal, le 29 avril 1826 ;
Le roi de Saxe, le 4 septembre 1851 ;
Et le roi de Hanovre, le 20 septembre 1833.
Enfin, le roi de Prusse a suivi leur exemple, dans le courant de l'année 1847.

Quant à tous ces petits princes de la confédération germanique, chacun a fuit plus ou moins de concessions à son peuple ; car tous sentent qu'un malaise universel résulte de la hâte qu'a mise le congrès de Vienne à remanier l'Europe, et qu'un jour viendra où toute cette Allemagne, qui n'est que faufilée, ou rompra son lien tout à fait, ou le resserrera de manière à ce qu'on ne voie pas même les coutures.

Maintenant, les princes remuants au 1er février 1848 sont :
En Angleterre, la reine Victoria ; elle est née le 24 mai 1819. Montée sur le trône le 20 juin 1837, elle a épousé le prince Albert, le 10 février 1840.

C'est le modèle des reines constitutionnelles : elle ne s'occupe qu'à donner des héritiers et des héritières à la couronne ; elle a cinq enfants et est prête d'accoucher.
Ceux qui règnent en son nom sont, tantôt sir Robert Peel, et tantôt sir John Russel.
Elle nous boude, ou plutôt son cabinet nous boude, depuis les mariages espagnols.

En Russie,
Nicolas Paulowich ; il est né le 6 juillet 1796 ; il est monté sur le trône le 1er décembre 1825 ; il avait épousé, le 13 juillet 1817, la fille de Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse.
C'est le représentant de l'absolutisme en Europe ; il a les qualités et les défauts des princes absolus. Il aime l'art, protège les artistes, mais craint la naissance de toute liberté.
C'est le czar Pierre au rebours.
Il hait, non pas la France, mais la dynastie qui règne en France depuis 1830.
Nos relations avec lui sont froides, quelquefois hostiles.
C'est le plus beau et le plus brave soldat de son royaume. Il désire une guerre européenne,

et s'exerce, en attendant, en Circassie et en Pologne.

== En Autriche, i ==

Ferdinand 1"; il est né le 19 avril 1793. Il est monté sur le trône le 2 mars 1835; s'est fiiil successivement couronner roi de Bohême, le 7 septembre 1836; de Lonibardic et de Venise, le 6 septembre 1888. Il portail déjà la couronne de Hongrie, depuis le 28 septembre 1830.

Il a épousé, le 27 février 1831, la fille du feu roi de Sardaigne, Victor Emmanuel.

Ce n'est pas lui qui règne. Impuissant cl presque imbécile, il garde la quadruple couronne, mais laisse le sceptre à son oui le, l'archiduc Louis, et à l'archiduchesse Sophie, femme de son frère, l'archiduc Frauçois-Charles.

L'archiduchesse Sophie a une grande influence à la cour. Le duc de Reichstadt l'a aimée au point que, comme Raphaël, il est mort de cet amour. Le duc d'Orléans a trouvé en elle, au contraire, une antagoniste acharnée. Elle s'est opposée à son mariage.

L'archiduc Régnier est vice-roi d Italie. C'est un bon homme, complètement nul, disposé à laire le bien de tout le monde, après avoir fait toutefois celui de la maison d'Autriche.

De temps en temps, le peuple autrichien se réveille pour demander une constitution à son empereur. Ferdinand la lui promet, et le peuple se rendort.

Ses deux inquiétudes sérieuses sont la Hon;;rie,quiveuuoujoursêtre un royaume à part ; et Venise et Milan, qui se souviennent un peu trop qu'elles oni été républiques.

Quand nous disons : à lui, nous nous trompons; il ne s'inquiète de rien. Mais, de temps en temps, M. de Melleruich sjiuquiil'ie à sa place.

Seulement il espère, comme Louis XV, que la chose durera bien autant que lui.

M. deMelternich a soixante-quinze ans, et ne peut vivre bien long-temps. En Prusse,

Frédéric-Guillaume IV; il est né le 15 octobre 1795; il est monté sur le trône le 7 juin 1840; il avait épousé, le 29 novembre 1823, la tille du feu roi de Bavière, Maximilien-Joseph.

Il a hérité de son père un certain amour des arts, qui s'est traduit par une décoration spéciale qu'il a créée et qui est cousacrée au mérite civil. Il a hérité «le sou grand-oncle, Frédéric II, une grande ambition qui a pour résultat la proposition de lois unitaires pour l'Allemagne. Il a les yeux sur la couronne d'Autriche, et rêve pour lui une monarchie germanique qui s'étendrait du Rhin au Dauube, et du Tyrol italien à la Russie. En Espagne,

Marie-Isabelle H; elle est née le 10 octobre 1830; elle est montée sur le trône le 29 septembre 1833, sons la régence de sa mère, Marie-Christine; elle a épousé, le 1"octobre 1846, sou cousin, don François d'Assise.

Elle est Ijlle de Ferdinand VII, et cette filiation directe a long-temps nui à sa santé. Jusqu'à son mariage, on l'a généralement appelée l'innocente Isabelle. Depuis son mariage, on a exagéré les épithèles contraires.

C'est une joyeuse femme, qui fait ses coups d'état en riant, et qui, nous le pensons, n'a rien à craindre pour elle-même, c'est-à-dire pour sa vie ou pour sa liberté, au milieu des événements qui ne peuvent manquer de bouleverser incessamment l'Espagne.

Elle n'a point d'enfant. Sa sœur, l'infante Marie-Louise-Ferdinande, femme de M. le duc de Montpensier, est sou héritière naturelle*

En Sardaigne,

Charles-Albert-Amédée; il est né le 11 octobre 1798; il est monté sur le trône le 27 avril 1831. Porté sur les épaules de deux grenadiers, revêtu du même uniforme qu'eux, il est monté l'un des premiers à l'assaut du Trocudéro, et l'on assure qu'il conserve religieusement dans sa chambre à coucher les épaulettes de laine

Iu'il portail comme soldat au 3° régiment e la garde royale de France, sur les contrôles duquel il était resté inscrit jusqu'au 11 août 1830.

Tous les jours, son camarade de lit répondait pour lui à l'appel, et touchait le pain et la solde du grenadier Carignan.

Sa santé est déplorable; une maladie <!c foie qui le mine l'a rendu sombre et soucieux. Religieux jusqu'à l'exagération, on a pu craindre de lui qu'il ne vit d'un mauvais œil les tendances de l'Italie vers l'émancipation politique. Mais, conséquent avec lui-même, il a reconnu le pape comme chef de l'Eglise; et du moment où le notTel

Urbain a dit : « Dieu le veut », il a accneilli avec sympathie les décrets pontificaux qui poussent l'Italie vers la liberté. D'ailleurs, son ambition a (oui à gagner à la chute de la puissance autrichienne dans ïe royaume lombardo-vénilien. Du haut des Alpes, il regarde depuis long-lcmps avec convoitise ces belles plaines qui s'étendent de Milan à Venise. C'est un héritage qui ne peut manquer île lui revenir un jour. Il est à l'Italie ce que FrédéricGuillaume est à la Prusse; le rêve des deux monarques est le même. L'un veut l'unité de l'Allemagne, l'autre celle de l'Italie, ù la condition cependant que l'un prendra le titre de roi d'Italie, et l'autre celui d'empereur d'Allemagne.

Aussi assisle-t-il l'arme au bras à tout ce qui se passe: son armée, l'une des mieux disciplinées qui existent, est sur le pied de guerre, et prêle à marcher où le vent de son intérêt le poussera. Il sourit à Charles-Louis, devenant prince de Parme a-la mort de Marie-Louise, car il connaît la faiblesse; il sourit à Charles V, duc de Modène, de Reggio et de Mirandola, car il connaît l'entêtement; il sourit surtout à Charles-Ferdinand des Deux-Siciles et de Jérusalem, car il connaît l'ineptie et la brutalité. Chaque faute que fait l'un ou l'autre de ces souverains est faite à son profit. Il les appelle, il les désire; plus ils feront de fautes, plus il aura de chances. Duc de Modène, faites éti;auglèr Menotli; ro'tde Naples, faites fusiller les frères Bandiera; plus vous élevez de gibets, plus vous élevez d'échafauds, plus vous ferez la chance favorable, plus vous ferez la partie sûre au roi Charles-Albert.

Enfin, en France, Louis-Philippe règne.

Il est né le 6 octobre 1773 ; il est monté sur le trône le 9 août 1830 ; il a épousé, le 25 novembre 1809, Marie-Amélie, fille du roi des Deux-Siciles.

II a eu cinq fils et trois filles; mais la mort est entrée deux fois dans sa maison.

La première fois, elle a touché du doigt la princesse Marie, cette royale artiste qui afait Jeanne-d'Arc et l'Ange en prière.

La seconde fois, le duc d'Orléans, qui s'est tué, le 13 juillet 1842, sur ce même chemin de la Révolte que Louis XV a fait percer, à la suite du pacte de famine, pour ne pas traverser Paris.

Les quatre fils qui restent sont:

M. le duc de Nemours, futur régent de

France, dont l'impopularité est devenue proverbiale.

M. le prince de Joinville, vice-amiral, que la marine adore pour ses relations a la fois sérieuses cl affables : il faisait de l'opposilion, et a été envoyé en exil a Alger.

M. le duc d'Aumale, à qui l'on reproche un défaut qui, chez son père, est presque un crime, l'avarice. Il est bon général, brave, juste et aimé de l'armée ; peut-être affecle-il un peu dans les salons la tenue et les habitudes militaires. Le duc d'Orléans disait de lui que c'était la forte tête de la famille. Il a été nommé gouverneurgénéral de l'Algérie ei habite son gouvernement.

M. le duc de Montpensier, qui, n'ayant aucun avenir politique, paraît disposé à se créer parmi les artistes et les gens de lettres une popularité qui n'aura rien de dangereux pour son père ni pour son frèt e. Dans la conversation intime il fait de l'opposition, mais comme un jeune homme de vingt-trois ans peut en faire contre un vieillard de soixante-seize. Plusieurs fois, celui qui écrit ces lignes lui a entendu dire qu'il ne lisait que deux journaux, pareeque ces deux journaux paraissaient lui représenter, l'un un principe politique, l'autre une idée sociale : le National et la Démocratie pacifique.

Des deux autres princesses, l'une a épousé le roi des Belges, l'aulre le prince de Saxe-Cobourg-Gotha.

Le roi, malgré ses soixante-seize ans, malgré la mort de sa sœur, madame Adélaïde, son conseil intime; malgré la succession de six ou huit ministères, représentés par MM. Laffitle, Casimir Périer, Soult, Thiers, Molé, de Broglie et Guizot, s'est toujours vanté d'être et a toujours été la pensée immuable. Placé en 1830 entre deux alternatives, pouvant être l'allié des souverains, ou le réprésentant des peuples, il est tombé dans la faute commise par ses prédécesseurs, et a opté pour les souverains. Les journées des 5 et 6 juin, du 10 avril 1834, des 12 et 13 mai 1839, ne l'ont point éclairé; c'est vainement que Fieschi, Alibaud, Meunier, Darmès, Lecomle et Henry, ont tiré sur lui ; il a vu dans toutes ces tentatives échouées. non pas un avertissement de la Providence, mais une protection de Dieu ; et il en est arrivé, dans son aveuglement, à lutter, non plus contre des partis isolés, mais contre la majorité de la France. Appuyé sur les deux hommes de sa confiance, Guizot et Duchàtel,

il lutte contre la réforme, raille les démonstrations des provinces, et a déclaré qu'il s'opposerait, fut-ce par la force, au banquet réformiste qui doit avoir lieu aux Champs-Elysées, le 22 février 1848.

Aussi, l'inquiétude commence-t-elle à agiter tous les esprits, en voyant à la fois l'attitude du roi et celle de î'opposilion, conduite par Odilon Barrot.

Celte inquiétude gagne le ministère, qui prend, ù la fois, ses mesures offensives et défensives.

La classe moyenne, celle classe que M. Guizol croyait s'être attachée, sinon par sympathie, du moins par intérêt, la classe moyenne s'est réunie dans cinquante villes importâmes, et a protesté hautement contre la marche du gouvernement; la grande majorité de la France croit une réforme nécessaire.

Ce qui n'empêche pas Louis-Philippe de prononcer, dans le discours du trône, celle phrase blessante pour la minorité de la Chambre et pour la majorité de la France.;

« Au milieu de l'agitation que fomen» tenl des passions ennemies ou aveuglés, » une conviction m'anime et me soutient: » c'est que nous possédons dans la mo» narchie constitutionnelle, dans l'union » des grands pouvoirs de l'Etat, le moyen » assuré de surmonter tous les obstacles >» et de satisfaire à tous les intérêts mo» rnux et matériels de notre chère patrie.»

C'est donc au milieu de ces préoccupations politiques , qui deviennent de jour en jour plus sérieuses, que nous arrivons au 15 février 1848.

Dès le 13, une communication a été faite au Constitutionnel, au Courrier français, au Siècle el au National.

Le 14 elle a paru. La voici:

<( Une réunion de plus de cent députés, appartenant aux diverses fractions de l'opposition , a eu lieu ce m:itin pour décider en commun quelle ligne de conduite il convient de suivre après le vole du dernier paragraphe de l'adresse.

» La réunion s'est d'abord occupée de la situation politique que lui fait ce paingraphe. Elle a reconnu que l'adresse, telle

Qu'elle a été votée, constitue, de la part e la majorité , une violation flagrante , audacieuse, des droits de la minorité, et

3ne le ministère , en entraînant son parti ans un acte aussi exorbitant, a loui à la fois méconnu un des principes les plus

sacrés delà Constitution, violé, dans la personne de leurs représentants, un des droits les plus essentiels des citoyens, et, par une mesure de salut ministériel, jeté dans le pays de funestes ferments de division et de désordre. Dans de telles circonstances , il lui a paru que ses devoirs devenaient plus graves, plus impérieux, ét qu'au milieu des événements qui agitent l'Europe et préoccupent la France, il ne lui était pas permis d'abandonner un seul instant la garde et la défense des intérêts nationaux. L'opposition restera à son poste pour surveiller et combattre incessamment la politique contre - révolutionnaire dont les témérités inquiètent aujourd'hui le pays tout entier.

» Quant au droit de réunion des citoyens, droit que le ministère prétend subordonner à son bon plaisir et conGsquer à son profit, l'assemblée, unanimement convaincue que ce droit, inhérent à toute constitution libre, est d'ailleurs formellement établi parnosIois,arésolud'en poursuivre le maintien el la consécration par tous les moyens légaux et constitutionnels. En conséquence, une commission a été nommée pour s'entendre avec le comité des électeurs de Paris, et pour régler, de concert, le concours des députés au banquet qui se prépare, à litre de protestation, contre les prétentions de l'arbitraire. Cette décision a été prise, sans préjudice des appels que, sous d'autres formes, les députes de l'opposition se réservent d'adresser au corps électoral et à l'opinion publique.

» La réunion a pensé que le cabinet, en dénaturant le véritable caractère du discours de la couronne el de l'adresse, pour en faire un acte attentatoire au droit du député, mettait l'opposition dans la nécessité d'exprimer, en toute occasion, sa réprobation contre un tel excès de pouvoir. Elle a donc résolu , à l'unanimité, qu'aucun de ses membres, même ceux que le son désignerait pour faire partie de la grande dépuiation, ne participerait à la présentation de l'adresse. »

A la suite de cette réunion, il a élé décidé en principe qu'un banquet aurait lieu , et que les membres de l'opposition, y assisteraient.

Cette décision a e'te[ prise à, Çujtani-. mile.

La comm.^j^ <jM banquet, composée

des dcp-.uésu'e paris, de ir«S niern»—

ûe, f-rfaS«fi fraçi&a *> , -Vf

- .u gauche, des delégués ihi

comité central et de quelques rédacteurs en chef, est convoquée , pour demain, pour préparer les moyens de cette manifestation solennelle en faveur dn droit de réunion et de la réforme.

Le même jour, M. Emile de Girardin, député de la Creuse, qui avait cru devoir sortir l'année dernière des rangs de la majorité pour entrer dans ceux de la minorité , adresse à la Chambre sa démission , ainsi conçue:

=== 14 février 1848 ===

« Monsieur le président,

» Entre la majorité intolérante et la mi)) notilé inconséquente, il n'y a pas de » place pour qui ne comprend pas:

» Le pouvoir, sans l'initiative et le pro)> grès;

» L'opposition , sans la vigueur et la lo» gique.

» Je donne ma démission.

» J'attendrai les élections générales.

)> J'ai l'honneur d'être, monsieur le pré« sident, votre très humble et très obéis« saut serviteur.

» Emile De Girabdik.»

Le bruit se répand que dans la 10e légion il a été demandé, en dehors des chefs de bataillons et des capitaines, aux sergents-majors de chaque compagnie, seize ordres de service en blanc et tout signés,

{>our être déposés à la mairie et délivrés, e cas échéant, à 16 hommes de confiance.

On assure que les chefs de corps, instruits de cette mesure illégale, ont fait de vives réclamations à Pélat-major, et que les serp.ents-majois se sont refusés à donner ces blancs-seings.

Selon toute probabilité, le môme procédé a été mis en usage dans les autres légions, et le gouvernement est accusé d'improviser ainsi une fausse garde nationale, qu'il pourra faire agir à sa volonté à l'heure où il pourra en avoir besoin.

Les nouvelles qui arrivent d Italie sont toutes à la liberté.

La Sicile a entièrement chassé les troupes napolitaines. Naples , de sou côté, a obtenu la promesse d'une constitution, qu'un nouy-fiau ministère est en train d'élaborer. Charles-Albert a déclaré solennellement qu'il éfait pr/dt à reconnaître la loi du temps , et à donner pour assises à tes réformes administratives les réto>rnies ?lpj'-M!ftP§ <!« !!onlfC politique, AussV»

ses ministres viennent - ils de se séparer^ en déclarant que le gouvernement du Pié-' mont sera désormais un gouvernement représentatif, et que la charte qu'il donne à son peuple est modelée sur la charte française de 1830.

Tout au contraire, le duc de Moclène fait saisir et jeter dans ses cachots tous les hommes recommandables dont l'intelligence lui porte ombrage; et loin de cacher que c'est l'intelligence qu'il punit en eux. il le proclame. Voici son dernier décret contre trois de ses sujets:

Vu les renseignements communiqués par le gouverneur de Keggio à l'égard du docteur Pietro Menozzi, du chirurgien CiroBerselli et de Campana ; considérant:

1° Que le docteur Menozzi a du talent et des connaissances, nous le condamnons à huit mois de prisons;

2° Que le chirurgien Bersclli a moins de talents cl de connaissances, nous le condamnons à quatre mois de prison;

Z* Que Campana a encore moins de talents cl de connaissances, nous le condamnons à deux mois de prison.

Nous allons, h partir de ce moment, et puisque nous sommes arrivés au 15 lévrier 1848, suivre les événements jour par jour.

=== 15 FÉVRIER ===

Faits parisiens. Nou velles de la Province elde l'Etranger*

Paris. —Cent sept députés se sont fait inscrire pour prendre pari au banquet.

Ou assure que M. Sallandrouze a été délégué par le commerce à S. M. LouisPhilippe pour la supplier, au nom de l'industrie parisienne, de ne point attacher une importance désastreuse a la manifestation qui doit avoir lieu le dimanche 20 . février.

Le roi l'aurait arrêté, dit-on, au milieu de son discours, pour lui demander si le» tapis se vendaient bien.

On parle, dans la crainte d'nne émeute, de transporter lebanquel parisien à SainiDenison à Corbeil ; mais ce bruit est presque aussitôt démenti. Seulement, le banquet aura lieu dans une propriété particulière. On assure que tics bataillons entiers de la garde nationale se sont offertspour escorter les députés.

Etranger. — On écrit de Turin que la plus grande activité règne dans les aisenaux ,

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que l'on s'attend à de graves- événements; mais avant quinze jours, pour faire face à tous les événements, quels qu'ils soient, le Piémont aura cent vingt mille hommes de troupes de ligne à ses frontières, et dans ses villes deux cent mille gardes nationaux parfaitement armés et exercés.

16 FÉVRIER[modifier]

Paris. — On apprend que des ordres ont été donnés à Viuceunes pour confectionner, nuit et jour, des munitions et expédier des canons, des caissons chargés et des chariots de matériel sur l'Ecole militaire.

On prépare tout, dit-on, au château de Vincennes comme pour un siège, et l'on fait circuler cette copie d'un ordre qui aurait été écrit par M. le duc deMontpensier:

« Délivrer d'urgence des magasins de l'artillerie de Vincennes et expédier sans délai sur l'licole militaire, à Paris, les objets et munitions ci-après : deux batteries d'artillerie de campagne, caissons chargés; vingt caissons d'infanterie chargés; trois cents buttes à mitraille, quatre cents pétards, un caisson de flambeaux pour le service de nuit.

» Signé A. D'orléans. »

Une discussion s'élève à la Chambre. M. Lesseps demande au ministère de la guerre ce que sont devenus les canons destinés aux fortifications de Paris. Ces canons ne sont pas a Bourges. M. Allard soutient qu'ils ne sont pas à Paris, mais à Douai, à Strasbourg et à Toulouse.

M. Trezel refuse de donner des renseignements.

Des troupes sont rapprochées de Paris. Toutes les garnisons des environs sont en mesure de se mettre en marche. Grâce aux chemins de fer, soixante à quatrevingt mille hommes pourront être réunis le 20 autour de la capitale.

A D fur et à mesure que de nouveaux régiments arrivent à Paris, les chefs de corps, habillés en bourgeois , sont conduits par des officiers d'état-major de la place, aussi en bourgeois, sur les différents points que leurs corps doivent occuper en cas d'attaque. Une partie des troupes est consignée dans Paris et la banlieue. Des munitions sont transportées dans les casernes, approvisionnées de vivres et de bois pou,r cinq ou six jours»

Le procès du frère Léotadc se continue à Toulouse, mais on a cessé de s'en occuper.

Etranger. — Le gouvernement provisoire est installé à Messine. Il vient de convoquer pour le 1*' mars le parlement sicilien. C'est à ce parlement que seront soumises les propositions faites par le roi Ferdinand.

Le ministre Del Caretto, chassé de Naples, a essayé de débarquer à Gênes. La population l a reçu à coups de pierres j U a été forcé de se rembarquer.

Munich est en révolution. A l'âge de soixante et un ans, le roi Louis, qui avait déjà l'infirmité d'être sourd et le malheur de se croire poète, a éprouvé le besoin de prendre une majjresse. Tant que cette maitresse ne s'est appelée que Lola Montes, tant qu'elle ne s'est préoccupée que de distraire Sa Majesté, tout a été à merveille; mais, un malin, le roi l'a nommée comtesse de Landsfeld, et un soir, la comtesse de Landsfeld a émis quelques idées politiques que le roi a cherché à appliquer le lendemain.

De la, révolte des étudiants, qui neveu- « lent pas qu'une femme soit ministre; de là, opposition des pairs du royaume, qui ne veulent pas qu'une danseuse soit comtesse. Il en est résulté une promenade d'étudiants qui ont chanté en chœur des vers latins et qui ont crié en bavarois et par manière de refrain, après chaque couplet, A bas Lola Montés!

En même temps, les pairs du royaume, présents à Munich, se réunissent et se rendent chez le roi avec la municipalité, dans le but de présenter à Sa Majesté trois demandes.

La première : le renvoi immédiat de la Bavière delà comtesse de Landsfeld. La seconde :la réouverture de 1 Université, fermée à cause de cris séditieux. La troisième : la punition du capitaine Bauer, cause de la collision qui a eu lieu la veille.

17 FÉVRIER[modifier]

Paris. — Le banquet réformiste du 12* arrondissement, qui devait avoir lieu le dimanche 20 février, est remis aux premiers jours de la semaine.

De Lyon, de Chàlons, de Péronne, on écrit aux députés de l'opposition des lettres par lesquelles ou les prie de compter sur le concours, des réformistes de ces différentes villes. De pareilles lettres arrivent

  1. M. Alexandre Dumas, ayant voulu faire un journal à la portée de tous, a mis le prix de ce journal à QUATRE FRANCS par an. S'adresse, franco rigoureusement, à M. Reignier, 171, rue Montmartre.