Le Pèlerin passionné (trad. Hugo)
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William Shakespeare | |||
(traduction et notes par François-Victor Hugo) | |||
Le Pèlerin passionné | |||
Textes établis par François-Victor Hugo | |||
Œuvres complètes de Shakespeare | |||
Tome XV : Sonnets – Poëmes – Testament | |||
Paris, Pagnerre, 1872 | |||
p. 303-314 | |||
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LE PÈLERIN PASSIONNÉ (23)
I
La tendre Cythérée, assise au bord d’un ruisseau, près du jeune Adonis, aimable et frais novice, le tentait par mille gracieuses œillades, de ces œillades que pouvait seule lancer la reine de la beauté.
Elle lui faisait des récits à ravir son oreille ; elle lui montrait des charmes à éblouir ses yeux ; pour gagner son cœur, elle le touchait ça et là ; des attouchements si doux triomphent toujours de la chasteté.
Mais soit que l’adolescent inexpérimenté ne comprît pas, soit qu’il refusât d’accepter ces offres provocantes, le tendre rebelle repoussait l’appât, et répondait par un sourire moqueur à toutes ces gracieuses avances.
Alors elle se renversa sur le dos, la belle reine, et en avant !… Mais il se leva et s’enfuit ; ah ! niais trop farouche !
II
À peine le soleil avait-il séché la rosée matinale, à peine le troupeau avait-il cherché l’ombre sous la haie, que déjà Cythérée, amoureuse délaissée, attendait avidement Adonis
Sous un saule au bord d’une source, d’une source où Adonis avait coutume de baigner sa mélancolie. Chaude était la journée ; plus chaude encore la déesse, guettant le mortel qui si souvent était venu là.
Sur-le-champ il arrive, jette de côté son manteau, et s’arrête tout nu sur le bord verdoyant du ruisseau ; le soleil dardait sur le monde un regard splendide, mais moins ardent que celui dont la royale Vénus dévorait Adonis.
Lui l’aperçoit et d’un bond s’élance dans l’eau. « Ô Jupiter ! s’écrie-t-elle, que n’étais-je la source ! »
III
Belle était la matinée où apparut la belle reine d’amour, plus pâle que sa blanche colombe, de la douleur que lui causait Adonis, jouvenceau altier et farouche.
Elle prend position sur une colline escarpée ; vite Adonis arrive, au son du cor, avec sa meute. Elle, la reine affolée, avec une sollicitude plus que tendre, défend à l’enfant d’aller plus loin :
« Une fois, dit-elle, j’ai vu un beau jeune homme, ici, dans ces halliers, blessé grièvement à la cuisse par un sanglier ; spectacle douloureux ! Regarde ma cuisse, ajoute-t-elle, c’est là qu’était la plaie. »
Et elle lui montrait sa cuisse ; Adonis y vit plus d’une cicatrice, et s’enfuit rougissant, et la laissa toute seule.
IV
Vénus, ayant le jeune Adonis assis près d’elle, à l’ombre d’un myrte, se mit à l’entreprendre ; elle dit au jouvenceau comment le dieu Mars la pressait et, comme Mars se jetait sur elle, elle se jetait sur Adonis.
« Ainsi, dit-elle, m’embrassait le dieu de la guerre. » Et alors elle serrait Adonis dans ses bras. « Ainsi, dit-elle, le dieu de la guerre me délaçait. » Et elle espérait que l’enfant aurait les mêmes tendres caresses.
« Ainsi, dit-elle, il me baisait aux lèvres. » Et de ses lèvres elle répétait le baiser sur les lèvres d’Adonis ; et, comme elle reprenait haleine, lui se dérobe, sans se rendre à ses insinuations ni à son désir.
Ah ! que n’ai-je ma dame ainsi à ma merci, pour m’embrasser et m’étreindre jusqu’à ce que je me sauve !
V
La vieillesse voûtée et la jeunesse ne peuvent vivre ensemble ; la jeunesse est pleine de plaisirs, la vieillesse est pleine de soucis.
La jeunesse est comme une matinée d’été, la vieillesse comme un temps d’hiver ; la jeunesse est splendide comme l’été, la vieillesse nue comme l’hiver.
La jeunesse est pleine d’entrain, la vieillesse a l’haleine courte. La jeunesse est agile, la vieillesse est boiteuse.
La jeunesse est chaude et hardie, la vieillesse est faible et glacée ; la jeunesse est fougueuse, et la vieillesse est apprivoisée.
Vieillesse, je t’abhorre ; jeunesse, je t’adore. Oh ! l’être que j’aime, l’être que j’aime est jeune : vieillesse, je te défie.
Ô doux berger, sauve-toi vite, car je crois que tu t’attardes trop longtemps.
VI
Rose embaumée, charmante fleur, cueillie avant l’heure, trop vite flétrie ! cueillie en bouton et flétrie au printemps ! Brillante perle d’Orient, hélas ! prématurément ternie ! belle créature, tuée trop tôt par le dard acéré de la mort !
Comme une prune verte qui pend à l’arbre et tombe sous un coup de vent, avant le moment où elle devrait tomber !
Je te pleure, et pourtant je n’ai pas de motif de te pleurer, car tu ne m’as rien légué dans tes volontés dernières ; et pourtant tu m’as légué plus que je ne demandais, car je ne t’ai jamais rien demandé.
Oh ! si, chère amie ! je te demande pardon ; car tu m’as légué ta rancune.
VII
Jolie est ma bien-aimée, mais moins jolie que capricieuse ; douce comme une colombe, mais ni fidèle, ni digne de confiance ; plus brillante que le verre, mais, comme le verre, fragile ; plus molle que la cire, et pourtant, comme le fer, sujette à la rouille.
Pâle lis, embelli de nuances rosées ! En éclat nulle ne l’éclipse, nulle en fausseté !
Que de fois elle a joint ses lèvres aux miennes, proférant entre chaque baiser un serment d’amour ! Que de contes elle a forgés pour me plaire, redoutant mon amour, mais sans cesse en craignant la perte !
Pourtant, au milieu de toutes ces pures protestations, sa parole, ses serments, ses larmes, tout était dérisoire.
Elle a brûlé d’amour, comme la paille prend feu ; elle a brûlé l’amour, aussi vite que le feu brûle la paille. Elle a édifié l’amour, et pourtant elle en a dégradé l’édifice. Elle a fait vœu d’amour durable, et pourtant elle est tombée dans l’inconstance.
Était-ce là une amoureuse, ou une libertine ? Elle était mauvaise en ce qu’elle avait de meilleur, sans exceller en rien.
VIII
N’est-ce pas la céleste rhétorique de ton regard, à laquelle l’univers ne pourrait opposer d’argument, qui a entraîné mon cœur à ce parjure ? À rompre un vœu pour toi on ne mérite pas de châtiment.
J’ai renoncé à une femme ; mais je prouverai que je n’ai pas renoncé à toi qui es une déesse. Mon vœu était tout terrestre, tu es un céleste amour. Ta grâce obtenue me guérit de toute disgrâce.
Mon vœu n’était qu’un souffle ; le souffle n’est qu’une vapeur. Ainsi, beau soleil qui brille sur cette terre, aspire à toi mon vœu ; en toi il s’absorbe ; si alors il est rompu, ce n’est pas ma faute.
Et, quand il serait rompu par ma faute, quel fou n’est pas assez sage pour violer un serment afin de gagner un paradis (24) ?
IX
Si l’amour me rend parjure, comment puis-je jurer d’aimer ? Ah ! les serments ne sont valables qu’adressés à la beauté. Bien qu’à moi-même parjure, envers toi je serai constant. La pensée, chêne pour moi, devant toi plie comme un roseau.
L’étude, cessant de dévoyer, fait son livre de tes yeux qui recèlent toutes les jouissances que peut contenir l’art. Si la connaissance est le but, te connaître doit suffire. Bien savante est la langue qui sait bien te louer.
Bien ignorante est l’âme qui te voit sans être éblouie. Il suffit à ma gloire d’admirer tes mérites. L’éclair de Jupiter est dans ton regard ; sa foudre, dans ta voix qui, quand elle est sans colère, est musique et douce flamme.
Divine comme tu l’es, oh ! tu es sans pitié pour l’insolent qui chante les louanges du ciel dans une langue si terrestre !
X
La beauté n’est qu’un bien futile et douteux ; c’est un lustre brillant qui se ternit soudain ; une fleur qui meurt, dès qu’elle commence à éclore ; un verre éclatant qui sur-le-champ se brise :
Bien perdu, lustre terni, verre brisé, fleur morte en une heure !
Et, comme un bien perdu est rarement retrouvé, pour ne pas dire jamais, comme aucun frottement ne peut rafraîchir le lustre terni, comme la fleur morte tombe fanée à terre, comme aucun ciment ne peut réparer le verre brisé,
La beauté, une fois flétrie, est à jamais perdue, en dépit des remèdes, du fard, des peines et des dépenses.
XI
« Bonne nuit et bon repos ! » Ah ! souhait stérile ! elle m’a dit : bonne nuit, celle qui trouble mon repos, et elle m’a rejeté dans une chambrette tendue de souci, pour y réfléchir sur les causes de mon accablement.
« Porte-toi bien, a-t-elle ajouté, et reviens demain. » Me bien porter ! je ne le puis, car je soupe en compagnie de la tristesse.
Pourtant elle a souri doucement en me quittant ; était-ce un sourire de dédain ou de sympathie ? je ne saurais le dire. Il se peut qu’elle se réjouît ironiquement de mon exil ; il se peut aussi qu’elle se réjouît de me faire bientôt revenir auprès d’elle.
Revenir ! Un mot bien fait pour un fantôme comme moi qui prend la peine sans savoir en tirer le salaire.
XII
Seigneur ! quels regards mes yeux jettent vers l’orient ! Mon cœur me tient en éveil ; le lever du jour arrache au repos toutes mes facultés sensibles. N’osant me fier au rapport de mes yeux,
Tant que Philomèle veille et chante, je veille et j’écoute, en souhaitant qu’elle chante les mêmes airs que l’alouette.
Car l’alouette salue l’aube de son roucoulement et chasse la sombre nuit et ses rêves terribles. La nuit une fois dissipée, je vole près de ma belle ; mon cœur obtient son désir ; mon regard, la vue souhaitée.
Le chagrin se change en joie, joie mélangée de chagrin ; car ma belle a soupiré en me disant de revenir demain.
Si j’étais avec elle, la nuit s’écoulerait trop vite, mais maintenant les minutes ont la longueur des heures ; maintenant, pour me dépiter, chaque minute semble une lune ; ah ! que le soleil luise sinon pour moi, du moins pour vivifier les fleurs !
Envole-toi, nuit, brille, jour ! Bon jour, empiète sur la nuit ; et toi, nuit, abrège-toi cette nuit pour t’allonger demain.
XIII
C’était la fille d’un gentilhomme, la plus jolie entre trois. Elle aimait son précepteur autant que possible, jusqu’au jour où sur un Anglais, le plus beau qu’on pût voir, son inclination se tourna.
Le combat fut longtemps douteux entre ces deux amours. Que faire ? Cesser d’aimer le précepteur ou sacrifier le galant chevalier ? Accomplir l’une ou l’autre chose, hélas ! c’était un crève-cœur pour la candide damoiselle.
Elle dut refuser l’un des deux, et son regret fut vif de ne pouvoir les rendre heureux l’un et l’autre ; car ce fut le chevalier fidèle qu’elle blessa d’un refus. Hélas ! elle ne pouvait faire autrement.
Ainsi l’art fut victorieux dans sa lutte avec l’épée ; la jeune fille fut conquise par le prestige de la science. Le savant possède la belle, et sur ce, bonsoir ! Car ma chanson finit là.
XIV
Un jour, hélas ! un jour, l’amour, dont le mois est toujours mai, découvrit une fleur ravissante, se jouant dans l’air voluptueux.
Entre ses pétales veloutées, le vent invisible se frayait un passage ; si bien que l’amoureux, languissant à mourir, se prit à envier l’haleine du ciel :
« Zéphyr, dit-il, tu peux souffler à pleines joues ; zéphyr, que ne puis-je triompher comme toi !… Mais, hélas ! rose, ma main a juré de ne jamais te cueillir à ton épine ! Serment, hélas ! bien peu fait pour la jeunesse, si prompte à cueillir les douces choses.
» Si je me parjure pour toi, ne m’en fais pas un crime. Près de toi Jupiter jurerait que Junon n’est qu’une Éthiopienne, et, pour toi se faisant mortel, il nierait être Jupiter. »
XV
Mes troupeaux n’engraissent pas, mes brebis ne nourrissent pas, mes béliers ne multiplient pas, tout va mal.
L’amour se meurt, la foi se moque, le cœur se renie ; voilà la cause de tout cela.
Tous les chants joyeux sont mis en oubli ; tout l’amour de ma maîtresse est perdu pour moi, Dieu le sait ; à cette tendresse que sa foi avait si fermement fixée, a succédé une insurmontable résistance.
Une stupide boutade a fait toute ma perte. Ô fortune ennemie, maudite capricieuse ! Je le vois maintenant, l’inconstance existe bien plus chez les femmes que chez les hommes.
Je me mets en deuil ; je dédaigne tout scrupule ; mon amour m’a délaissé, et je reste en esclavage ; mon cœur saigne, ayant besoin de secours : ô cruelle assistance ! on ne l’abreuve que de fiel !
Mon chalumeau de pâtre ne rend plus de son ; le grelot de mes moutons fait entendre un glas funèbre ; mon chien à queue courte, qui avait coutume de jouer, ne joue plus et semble inquiet.
Poussant des soupirs profonds, il se met à pleurer, et il hurle d’un air d’intelligence en voyant mon désespoir. Comme ces soupirs résonnent contre la terre sourde ! on dirait comme les gémissements de mille vaincus dans une bataille sanglante !
Les sources limpides ne coulent plus, les doux oiseaux ne chantent plus, les bruyantes cloches ne sonnent plus joyeusement ; les bergers sont éplorés, les troupeaux sont somnolents, et les nymphes glissent à reculons avec effroi.
Adieu tous les plaisirs connus de nous, pauvres pâtres, toutes nos réunions joyeuses dans la plaine, tous nos ébats du soir. C’en est fait de tout notre amour, car l’amour est mort.
Adieu, douce fillette ! Tes pareilles n’ont jamais eu de douces complaisances, et c’est la cause de tous mes tourments. Le pauvre Coridon doit désormais vivre seul ; je ne vois pas pour lui d’autre avenir.
XVI
Quand tu as choisi des yeux ta belle et ajusté la chère proie que tu veux frapper, que la raison gouverne ta conduite pécheresse selon la convenance de ta partiale passion ; prends conseil de quelque tête plus sage, qui ne soit pas trop jeune et qui connaisse l’amour.
Et quand tu feras à ta belle ta déclaration, ne polis pas ton langage par une parole trop raffinée, de peur qu’elle ne flaire quelque malice subtile : quand on est paralysé, on a bien vite fait un faux pas ! Mais dis-lui franchement que tu l’aimes, et offre-lui ta personne.
Ouvre-toi tous les accès à son amour ; débourse largement, et surtout, si quelque service peut mériter sa louange, fais-le bien résonner à l’oreille de ta belle. La citadelle, la tour, la ville la plus forte sont abattues par le boulet d’or.
Sers-la toujours avec une immuable assurance, et sois dans ta requête humblement franc ; à moins que ta dame ne soit ingrate, ne te presse pas d’en prendre une autre ; quand l’occasion sera favorable, va vite de l’avant, lors même qu’elle te repousserait.
Qu’importe qu’elle te montre un front irrité ! Son visage nébuleux s’éclaircira avant la nuit, et alors elle se repentira trop tard d’avoir ainsi dissimulé sa joie ; et elle désirera deux fois, avant qu’il soit jour, ce qu’elle aura refusé avec tant de dédain.
Qu’importe qu’elle résiste de tout son pouvoir, qu’elle maugrée et se récrie et te dise : Non ! Ses faibles forces l’abandonneront enfin, au moment où ton art l’aura réduite à dire : « Si les femmes étaient aussi fortes que les hommes, ma foi, vous n’auriez pas réussi. »
Les ruses et les artifices auxquels ont recours les femmes, en se dissimulant sous des dehors trompeurs, ces malices et ces enfantillages qui sont chez elles autant de piéges, le galant qui marche dessus ne les connaîtra pas. N’as-tu pas maintes fois ouï dire que le nenni d’une femme équivaut à néant ?
Songe que les femmes aiment avoir affaire aux hommes, et non à vivre ainsi comme des saintes ; il n’y a de ciel pour elles et elles ne se convertissent que quand l’âge les y condamne. Si de froids baisers étaient toutes les jouissances du lit, une femme se contenterait d’en épouser une autre.
Mais doucement ; c’est assez, c’est même trop, j’en ai peur. Car si ma belle entend ma chanson, elle n’hésitera pas à me tirer l’oreille, pour m’apprendre à avoir la langue si longue. Pourtant elle rougira, avouons-le, mais c’est d’entendre ainsi révéler ses secrets.
XVII
C’était un jour du joyeux mois de mai ; j’étais assis dans l’ombre charmante que faisait un bosquet de myrtes. Le bétail bondissait, et les oiseaux chantaient ; les arbres poussaient et les plantes germaient ; tout bannissait la désolation, tout, excepté le rossignol.
Lui, pauvre oiseau, comme délaissé, appuyait sa gorge contre un buisson, et là chantait un lamentable refrain qui faisait peine à entendre. Tantôt il criait : Fi ! fi ! fi ! tantôt : Térée ! Térée ! À l’entendre ainsi se plaindre, je pouvais à peine retenir mes larmes ; car sa douleur, si vivement exprimée, me faisait songer à la mienne.
Ah ! pensais-je, en vain tu te lamentes ! Personne n’a pitié de ta peine. Les arbres insensibles ne peuvent pas t’entendre ; les bêtes inexorables ne veulent pas te consoler ; le roi Pandion est mort ; tous tes amis sont enveloppés de plomb ; tous les oiseaux, tes camarades, chantent, sans souci de ta douleur. Pauvre oiseau, je suis comme toi : nul vivant ne veut me plaindre.
XVIII
Tant que souriait l’inconstante fortune, toi et moi nous étions cajolés. Aucun de tes flatteurs n’est ton ami dans la misère.
Les paroles sont mobiles comme le vent ; les amis fidèles sont difficiles à trouver. Chacun sera ton ami, tant que tu auras de quoi dépenser.
Mais, pour peu que s’épuise ta provision d’écus, personne ne subviendra à tes besoins.
S’il existe un prodigue, tous le qualifient de généreux, et l’accablent de telles flatteries qu’il perdrait à être roi.
S’il est adonné aux vices, bien vite ils l’entraîneront ; s’il a du goût pour les femmes, il en aura à commandement.
Mais, pour peu que la fortune soit contraire, alors adieu sa grande réputation. Ceux qui le cajolaient naguère ne fréquentent plus sa compagnie.
Celui qui est vraiment ton ami, celui-là t’aidera dans ton besoin ; si tu t’affliges, il pleurera ; si tu as des insomnies, il ne dormira pas.
Il prendra part dans son cœur à toutes tes douleurs. Voilà des signes certains pour distinguer un ami fidèle d’un ennemi sincère.
↑(23) Sous ce titre de fantaisie, le Pèlerin passionné, un libraire, nommé Thomas Jaggard, édita en 1599 les dix-huit pièces de vers ici réunies, après avoir mis le nom de Shakespeare en tête de cette compilation incohérente. La critique est aujourd’hui unanime pour déclarer que la plupart de ces pièces ont été faussement attribuées à notre poëte. C’est tout au plus si nous pouvons reconnaître la main du maître dans cinq ou six de ces opuscules, qui paraissent n’avoir été publiés sous ce nom glorieux que dans un but de spéculation frauduleuse.
↑(24) Ce sonnet, ainsi que la neuvième et la quatorzième pièce de vers, se retrouve avec de légères variantes dans la charmante comédie de Peines d’amour perdues.
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