Le Problème pénal au moment présent et la peine de mort

La bibliothèque libre.
Le Problème pénal au moment présent et la peine de mort
Revue des Deux Mondes5e période, tome 49 (p. 173-204).
LE PROBLÈME PÉNAL
AU MOMENT PRÉSENT
ET LA PEINE DE MORT

Le problème pénal se décompose en deux parties : l’une considère le crime en lui-même et dans ses effets malfaisans, l’autre étudie plutôt le criminel pour mesurer, s’il est possible, ou la légèreté excusable ou la perversité haïssable et dangereuse de ses intentions. Un peuple primitif et dédaigneux des analyses voit surtout le fait à réprimer et à réprimer tout de suite. L’étude des dispositions intérieures attire davantage une génération comme la nôtre, amie de la psychologie, amie des nuances, portée à l’indulgence par scepticisme autant que par pitié. En réalité cependant, les deux groupes de questions se croisent, on peut même dire qu’elles s’appellent réciproquement, et on ne pourra jamais en sacrifier aucune. Pour nous rendre compte de l’état du problème pénal à notre époque, des solutions nouvelles qu’on prépare, des solutions anciennes qu’on maintient ou qu’on rectifie, nous ne pouvons faire autrement que de les passer en revue l’une et l’autre.

Les législations criminelles des peuples modernes divisent les actes à réprimer en trois groupes : crimes et délits contre l’ordre public, crimes et délits contre les personnes, crimes et délits contre les propriétés.

Il apparaît tout de suite que ce qui doit se modifier, que ce qui se modifie en effet le plus souvent, c’est tout ce qui se rapporte au premier de ces trois groupes. Les hommes s’accorderont toujours à dire qu’il ne faut ni tuer ni voler, ni porter de faux témoignages, ni vendre à faux poids... Ils s’entendront moins facilement sur ce que les nécessités permanentes ou changeantes, réelles ou apparentes de l’ordre public demandent aux individus de sacrifices, en échange de la protection et des bienfaits que la société leur assure. Le respect de l’individu en tant qu’individu, le caractère sacré de la personne prise en elle-même, sont bien des conceptions qui paraissent tendre à prédominer dans les temps modernes. Les ressources mêmes que la civilisation des siècles successifs a mises à la disposition de chacun, donnent à chacun l’illusion qu’il pourrait se suffire à lui-même et qu’il vaut par lui-même tout ce qu’il vaut. Ce qui prédominait dans les temps anciens était plutôt le respect de l’ensemble social et de son organisation : on les considérait l’un et l’autre comme d’ordre naturel ou plutôt d’ordre divin. Aujourd’hui, nous croyons volontiers que cette organisation était artificielle, et le fait même qu’elle n’existe plus telle qu’elle était nous en paraît une preuve suffisante. Dans la période que nous traversons, les crimes et délits contre l’ordre public n’attirent donc plus contre eux la même résistance de la part de l’autorité, ni la même révolte de la part de l’opinion du plus grand nombre. Il semble que ces infractions se confondent avec ce qu’on appelle le délit politique, chose pardonnable, souvent même objet d’admiration et de complaisance, en ce temps d’émancipation universelle et de révolution périodique. Il ne faut pas trop s’y fier cependant. La vie sociale a ses réactions inattendues, et l’ordre nouveau est la plupart du temps plus ambitieux, plus inquiet, plus ombrageux, plus tyrannique que l’ordre ancien. Nous sommes actuellement dans une période où tout se relâche et où la résistance du corps social s’affaiblit. Si le régime collectiviste l’emportait, le point de départ de la résistance et sa direction seraient en quelque sorte retournés ; mais pour être gouvernés par ceux-là mêmes qui se plaignaient le plus de le subir, ce mouvement serait-il moins vif, pour ne pas dire moins violent ? Nous avons plus d’une raison d’en douter.

L’ordre public, c’est-à-dire l’ensemble des exigences de l’organisation sociale et des pouvoirs qui le font vivre, fut longtemps conçu comme reposant sur un fondement religieux. Le christianisme modifia profondément l’idée de Dieu, de sa nature et de son intervention dans les choses humaines. À bien des égards cependant, il assura la continuité du droit romain. On sait qu’un instant il se dédoubla, pour ainsi dire, les uns faisant surtout reposer toute l’organisation sociale sur le nouveau César, héritier du César antique que la cité païenne avait fini par diviniser, les autres réclamant la suprématie absolue pour le représentant du Christ. Il fallut que la sagesse des grands papes réalisât l’alliance des deux pouvoirs avec un partage équitable des attributions. Malgré ces luttes qui ont ainsi rempli les siècles du moyen âge et des temps modernes, l’ordre public n’en fut pas moins dominé, même pour les serviteurs de l’Empire et des princes et même pour les hérétiques, par l’idée du respect nécessaire, obligatoire de l’unité chrétienne. C’était seulement à qui la représenterait, à qui reviendrait la prérogative de la défendre et de la rétablir. Mais chacun y tenait énergiquement et prétendait y tenir plus que tous les autres, car nul n’aurait toléré que personne risquât de lui enlever « sa part de paradis, » pas plus que le citoyen d’aujourd’hui n’admettrait qu’on lui enlevât « sa part de souveraineté. » Voilà pourquoi tout le monde était d’accord pour poursuivre et pour punir les faiseurs d’hérésies, les auteurs d’impiétés, les blasphémateurs, les sacrilèges, les sorciers, les magiciens, les jeteurs de sorts, les démoniaques. Il est bien établi qu’à cet égard les peuples et leurs princes étaient plus exigeans et plus durs que les clercs et qu’en réclamant pour elle le droit d’instruire contre ces actes, l’Église tendit plutôt à adoucir et à régulariser la répression.

Il est superflu de rappeler comment l’idée du royaume et de l’unité de la monarchie s’alliait à l’idée de l’unité religieuse pour dominer l’ensemble des pénalités. Ceux qui préparèrent et ceux qui achevèrent la chute de l’ancien régime n’entendirent pas pour cela desserrer les liens. Que, par exemple, les disciples du Contrat social imposent tour à tour une religion ou une irréligion d’État, ils n’en considèrent pas moins comme un criminel, — au sens strict du mot, — tout citoyen qui se permet des affirmations ou des négations contraires à l’unité voulue. Suivant Rousseau, c’est encourir la peine de mort que de mentir devant les lois en bravant la religion nationale. Suivant le Comité de salut public, c’est l’encourir que de favoriser le « fanatisme » par des restes quelconques de « superstition. » Puis la nation elle-même se divinise : c’est elle qu’il faut adorer, c’est à elle surtout qu’il faut « sacrifier, » car il faut lui dénoncer non seulement les dissidens, mais ceux qui s’abstiennent de les livrer. Devant le tribunal révolutionnaire, la supérieure des carmélites de Compiègne veut excuser ses sœurs tourières, accusées d’avoir mis à la poste les lettres qu’elle adressait à son ancien aumônier déporté. « En leur qualité de femmes à gages, elles étaient, dit-elle, obligées d’exécuter mes ordres. » Mais le président l’interrompit avec violence : « Tais-toi, leur devoir était de prévenir la Nation ! »

Cette nation cependant, qui se prend ainsi elle-même pour terme de ses aspirations et de ses volontés, elle est alors bien loin d’avoir assuré son unité morale (elle la cherche encore plus fiévreusement que jamais à l’heure actuelle). La bourgeoisie, qui va remplir d’elle et de son action le XIXe siècle tout entier, est assurément un corps ouvert, et la propriété à laquelle elle tient tant demeure accessible à tous, mais cela est vrai en droit plus qu’en fait. Aussi des appétits nouveaux vont-ils menacer à leur tour cette nouvelle forme de l’ordre public. Pour les prophètes de demain, l’ordre bourgeois n’a songea punir que ceux qui touchaient au mariage bourgeois, à la propriété bourgeoise, à l’éducation bourgeoise, au patronat bourgeois, aux conventions bourgeoises, aux contrats, rédigés et interprétés pour la seule satisfaction des bourgeois. Le moment, disent-ils, est venu de supprimer ou d’alléger considérablement les peines frappant les non-propriétaires et de punir plus sévèrement les infractions commises non seulement contre les droits acquis des travailleurs, mais contre les efforts qu’ils font pour conquérir des droits nouveaux. Ici s’esquisse et se précise peu à peu devant nous tout un nouveau code pénal. Il a été d’abord en germe dans les revendications des syndicats. Maintenant il grandit, il se développe, il fructifie dans plus d’un document législatif. Enfin, le parti socialiste allemand tenait l’année dernière à Mannheim un congrès spécial où il discutait et votait tout un plan de législation. Il vaut la peine de s’y arrêter, car c’est là ce que nous avons de plus réfléchi et de mieux coordonné dans les essais de transformation de notre vieux droit criminel.

Qu’est-ce donc qui, dans cet essai, tend à constituer l’ordre public et à régler les pénalités destinées à le défendre ? Ce n’est plus la chrétienté, ce n’est plus la monarchie, ce n’est plus ni la nation ni la patrie, ce n’est même plus l’ensemble de ceux qui sont parvenus, par leur intelligence et leur travail, à un état supérieur de culture et d’instruction pour le bien de tous, affirment-ils : non, c’est la classe ouvrière. Cette classe soutient, il est vrai, qu’elle sera demain toute la nation ; et son assertion paraîtra spécieuse, puisqu’elle se propose de supprimer tous les propriétaires et de réduire tous les avantages sociaux aux résultats immédiats du travail proprement dit, du travail présent. Mais cette fusion de toutes les classes dans la seule classe ouvrière est encore bien utopique. En attendant qu’elle se fasse, c’est bien une classe distincte et séparée, c’est une classe vivant sur le pied de guerre qui aspire à la domination, même dans l’ordre d’idées qui nous occupe en ce moment, c’est-à-dire en droit criminel. N’est-ce pas pour mieux accuser l’originalité de ses idées, pour mieux se maintenir en état de séparation armée qu’en plus d’un pays, — dont le nôtre, — elle rêve de substituer à l’unité de chaque patrie l’unité des groupes ouvriers de toute nation, ralliés, par delà les frontières, pour la défense commune de leurs intérêts spéciaux ?

Dans leur projet de code pénal, les socialistes allemands, — il faut être juste, — ne se sont pas étroitement confinés dans les idées de secte et de parti. On trouve dans leur travail des vues d’une portée plus générale. Ils réclament pour leur pays plus d’une réforme que la France a déjà réalisée, telles que la loi de sursis et le droit à l’assistance d’un avocat au cours de l’instruction. On a même remarqué qu’ils étaient, sur certains points, plus timides ou plus conservateurs que nous, arrêtant, par exemple, à seize ans les mesures de clémence que le législateur français permet jusqu’à dix-huit ans. Il n’en est pas moins vrai que l’ensemble du programme est bien imprégné de cette conception, que c’est en vue des classes ouvrières et du prolétariat qu’il faut enfin renouveler le code pénal.

Dira-t-on qu’ils se contentent de concessions raisonnables, puisqu’ils demandent simplement l’atténuation de la pénalité pour tous les délits contre la propriété et « la punition en qualité de contravention seulement de la soustraction des objets nécessaires à l’existence, ainsi que du matériel de travail d’une valeur plus considérable ? » D’autres penseront que c’est là tout au moins un pas en avant du côté de la socialisation imposée des objets de consommation et des instrumens de production. Mais à cette atténuation de certaines peines, le congrès de Mannheim ajoutait tout de suite l’abolition complète de toutes celles qui frappent actuellement les mendians, les vagabonds, les gens sans domicile. Motion surprenante, même, et je dirais presque surtout pour qui se place au point de vue des intérêts particuliers du travail et des droits spéciaux du travailleur. Le congrès veut la protection de la classe ouvrière « contre l’abus et l’exploitation de son état nécessiteux. » S’il eût été moins tenté de guerroyer contre les riches et de se créer contre eux des alliances quelconques, il eût compris que les mendians et les vagabonds et les gens sans domicile multiplient singulièrement les abus et aggravent lourdement « l’exploitation de l’état nécessiteux » des travailleurs. Enivrés de l’idée de la lutte de classes, ils entendent traiter leurs dissidens avec la sévérité d’une nation envers ses traîtres. Parmi les articles déjà rédigés de leur code pénal est celui-ci : « Reconnaissance garantie du droit d’occuper son poste de grève. » « Son poste de grève, » on sait ce que cela veut dire. C’est le poste de combat d’où l’on doit surveiller les peureux ou les récalcitrans et lyncher ceux qui, désertant le drapeau rouge ou noir, compromettent le succès final. Ici, c’est bien la classe ouvrière, — en apparence, — en réalité, la minorité dirigeante de cette classe, — qui prétend se réserver à son profit exclusif quelques-unes des armes mêmes de nos vieux codes.

Parmi ces armes, il en est qu’ils renoncent à employer. Ils sont pour l’abolition de la peine de mort et entendent restreindre l’emprisonnement le plus possible. En retour, ils comptent beaucoup sur l’amende, et, le code pénal venant ici en aide aux législations civiles et financières, ils comptent bien en faire un instrument de nivellement. Les peines privatives de la liberté de courte durée pourront être remplacées par des peines pécuniaires. Mais, d’un côté, l’amende sera proportionnée aux revenus des coupables ; d’un autre, il sera interdit de transformer en peine privative de la liberté une peine pécuniaire qui n’aura pas pu « être amenée à exécution. » Les uns seront ainsi dégrevés de toute pénalité, tandis que la pénalité des autres sera progressive. C’est bien un même système qui doit présider à l’échelle des impôts et à celle des peines. Dans un cas comme dans l’autre, on retourne simplement ce que d’autres auraient voulu mieux aménager. Autrement dit, à des injustices nées des contingences et du hasard et que les hommes de bon sens s’efforçaient de corriger, on substitue, cette fois, une injustice voulue, bâtie de toutes pièces pour le plaisir de l’esprit de représailles et la satisfaction des appétits.

Ne croyons pas que ce soient là des rêves irréalisables ! Si le projet du code pénal de Mannheim n’a pas encore beaucoup de chances d’être voté par un parlement à majorité collectiviste, il pourrait bien être réalisé peu à peu par des « amendemens » successifs arrachés à l’incohérence des uns et à la complicité intéressée des autres. En 1905, malgré l’opposition des membres français, le congrès pénitentiaire international de Budapest se laissait aller à voter le vœu suivant : « Que l’amende soit proportionnée à la fortune des condamnés et que, pour permettre au juge de statuer, l’information porte sur l’état de fortune desdits condamnés. »

Sur quoi l’un de nos magistrats de l’ordre le plus élevé disait avec raison, quelques mois plus tard, dans une des sociétés savantes de Paris : « Est-il rien de plus vague, de plus incertain, de plus variable que la fortune du condamné ? A quelles investigations le juge devra-t-il procéder, quelle base devra-t-il prendre pour déterminer la consistance d’une fortune ? Quelle proportion sera adoptée pour la peine à prononcer ? Si la peine est peu élevée, le résultat sera illusoire ; si elle est élevée, l’amende revêtira le caractère d’une confiscation partielle. Puis, pourquoi cette proportionnalité pour la peine d’amende seulement et non pour la peine d’emprisonnement ? » Cette protestation est on ne peut plus sensée. Mais la doctrine pénale contre laquelle s’élève ici le distingué magistrat est la même que celle qui inspire tant de projets d’impôt progressif et inquisitorial sur le revenu ; elle tend, elle doit aboutir graduellement au même résultat. Quant à la question : « pourquoi pas proportionner aussi la durée de l’emprisonnement à la fortune ? » prenons-y garde ! Certains pourraient bien répondre un jour : « Mais, en effet, pourquoi pas ? » Et ce ne serait assurément pas sans quelque logique : « Est-ce que, diraient les réformateurs, celui dont la femme et les enfans gardent de quoi vivre ne peut pas supporter plus longtemps que le pauvre diable une incarcération prolongée ? »

En résumé, à la base des pénalités destinées à défendre l’ordre public, on avait mis successivement la défense de l’unité religieuse, la défense de l’unité de l’Etat, la défense de la nation, la défense des droits acquis et de la propriété : ce qu’on veut y mettre aujourd’hui, c’est avant tout et presque à l’exclusion de toute autre chose, la défense des classes laborieuses. A beaucoup d’égards, il est certain que les siècles antérieurs avaient laissé plus d’une lacune à combler, plus d’un abus à supprimer. Il est certain que les intérêts du travail et du travail réduit à ses moyens tout à fait actuels ont été dans le droit public antérieur un élément trop sacrifié. Cet élément prétend aujourd’hui conquérir non seulement l’égalité, mais la primauté en substituant ses privilèges à ceux dont il se plaignait. Il entend sacrifier la propriété, comme la propriété avait un instant voulu tout réduire aux droits de l’argent et y subordonner le droit de suffrage, comme les classes dirigeantes avaient supprimé le droit d’une autorité traditionnelle, comme cette autorité enfin avait voulu souvent se subordonner les droits de la conscience et s’approprier l’héritage de l’autorité religieuse mutilée ou asservie.

Toutes ces destructions successives étaient-elles donc nécessaires ? Et chacune d’elles a-t-elle donc tant profité à ceux qui ont essayé de la consommer ? L’héritage de leurs victimes les a-t-il vraiment si enrichies ? Les a-t-il rendues si heureuses ? De destruction en destruction, nous en arrivons à cet individualisme auquel le socialisme même permet on ne peut mieux de vivre au jour le jour, car il le dégage de toute prévoyance, il lui laisse espérer l’impunité de toutes ses fantaisies, il se charge du soin de réparer les résultats de ses écarts ; mieux encore, il lui sait gré de pratiquer l’union libre et d’abandonner ses enfans à la collectivité.

Quand on aura goûté quelque temps ce beau régime, le temps reviendra sans doute où l’on trouvera original et nouveau de pratiquer ce qu’enseignaient les sages d’autrefois. On se demandera si l’individu n’est pas plus fort quand il s’est encadré dans une famille une, permanente et indissoluble, si la famille n’est pas plus respectée dans un Etat ayant le souci constant de son indépendance et de son unité, si les travailleurs n’ont pas plus à profiter de la richesse que de la gêne des patrons, s’ils n’ont pas plus à bénéficier de la vitalité d’une élite que de son étouffement, si les classes plus élevées n’ont pas tout intérêt à respecter les traditions héréditaires, et si le pouvoir civil n’est pas d’autant plus assuré de l’efficacité de son action que le pouvoir religieux est plus maître de ses enseignemens pacificateurs. Ainsi, loin de sacrifier aucune des conquêtes, on les replacerait toutes dans un milieu moins désorganisé, moins anarchique et, dans tous les sens du mot, moins appauvri.

Il n’est que trop visible, je le sais, que nous descendons en ce moment, et avec une certaine rapidité, la pente inverse. Mais on peut espérer que cette descente aura son arrêt ailleurs que dans l’anarchie et dans la ruine. Déjà des socialistes de plus de sens rassis que beaucoup d’autres, les socialistes hollandais, voient au-dessous d’eux ce qu’ils appellent « les miséreux » ou, d’un mot plus expressif et qui mérite de rester, « le sous-prolétariat. » Présentement ils s’en inquiètent à un point de vue restreint. Ils craignent qu’en cas de trouble universel et de suspension de la production, le gouvernement n’achète son concours contre le prolétariat honnête et laborieux. Mais si le premier est capable de desservir et de trahir ainsi le second, ce dernier doit être amené fatalement à lui dire : « Nous avons lutté contre ceux que nous appelons les parasites d’en haut ; ce n’est pas pour nous laisser dévorer par les parasites d’en bas (car enfin il paraît bien qu’il y en a). Si vous voulez vous élever jusqu’à nous, vous en êtes libres, et nous nous efforcerons de vous y aider. Mais commencez par respecter ce qui, en somme, depuis que nous avons mis fin aux scandales du capitalisme, est bien à nous. Nous n’avons pas de femmes dites légitimes ; mais tout de même, chacun de nous tient à réserver pour lui sa compagne momentanée, tant qu’elle s’entend avec lui : ayez soin de la respecter. Apprêtez-vous aussi, si vous en avez le courage, à prendre place parmi les travailleurs consciencieux qui veulent que chacun n’ait que le produit de son propre travail, mais l’ait, et en jouisse intégralement. » Le jour où le prolétariat proprement dit tiendrait ce langage au sous-prolétariat, le jour où le quatrième Etat s’efforcerait ainsi de contenir le cinquième, peut-être serait-il moins malaisé de lui parler de ceux avec lesquels il a rompu. Peut-être pourrait-on lui faire comprendre qu’il est aussi de son intérêt de faire respecter, au-dessus du travail manuel et du travail du moment, le travail du passé, le travail de l’intelligence, le travail accumulé d’une élite cultivée et prévoyante.

Sommes-nous loin de l’évolution du droit criminel ? En aucune façon, puisque les idées que les hommes se font de la justice sociale influent si directement sur les moyens de défense qu’ils se croient en droit d’adopter et de permettre. Les modifications qui s’annoncent, à plus forte raison celles qui se réalisent dans la complexité de notre organisation, n’ont pas seulement leur répercussion dans les idées courantes sur les délits contre l’ordre public ; elles ont aussi un contre-coup, moins fort assurément et moins prolongé, mais réel, dans les conceptions relatives à la répression des délits contre les personnes et des délits contre les propriétés.. On peut même dire que ces distinctions sont quelquefois délicates, et paraissent à quelques égards artificielles ; car la valeur attribuée à certaines formes de la personnalité humaine et à certaines formes de la propriété dépendent beaucoup de la place que l’opinion assigne aux unes et aux autres dans l’ordre social ou public.

Dans l’ordre public hindou, l’adultère était presque le crime capital, le crime par excellence, parce qu’il risquait de troubler les distinctions des castes, fondement de cet ordre même. « C’est de l’adultère, disent les lois de Manou[1], que naît dans le monde le mélange des classes, et du mélange des classes provient la violation des devoirs, la destruction de la race humaine et la perte de l’univers. »

En d’autres races, l’idée du droit de famille était plutôt subordonné à l’idée du droit de la cité. Dans le code d’Hamourabi, la femme n’est pas tenue à la fidélité envers un mari qui s’est enfui : « Si un mari a abandonné sa ville et si sa femme est entrée dans une autre maison, si cet homme revient et veut reprendre sa femme, parce qu’il a dédaigné sa ville et s’est enfui, la femme du fugitif ne retournera pas avec son mari. » Nos codes ne nous offrent-ils pas comme une ombre affaiblie de cette prescription dans l’article de notre code civil qui n’oblige la femme à suivre son mari que sur le territoire français ? L’idée religieuse qui associe le mari et la femme à jamais pour les choses divines et humaines ne subordonne point la foi conjugale à des considérations d’ordre purement humain. Mais l’excès d’individualisme où nous sommes arrivés n’a pu qu’ébranler radicalement cette idée de la fidélité. Si la punition de l’adultère figure encore dans nos codes, elle n’y est plus guère qu’une fiction ; si elle est réclamée et appliquée, ce n’est pas pour assurer le respect du lien, c’est au contraire pour créer un motif authentique de rupture totale et définitive. Il faut avouer en tout cas qu’il est assez puéril de punir un époux de la prison pour avoir anticipé de si peu sur une liberté que la loi et surtout la jurisprudence lui permettent de reprendre si facilement et si complètement.

N’est-ce pas encore à une diminution du rôle attribué à la famille et à toutes les conséquences qui en découlent, que nous voyons s’atténuer de plus en plus l’idée de la criminalité de l’infanticide et de la criminalité de l’avortement ? Soyons-en bien convaincus, si le collectivisme parvient à rédiger et à faire voter un code pénal, ailleurs que dans un congrès, il passera soigneusement sous silence ces deux incriminations. Il ne faudrait pas beaucoup presser ses aspirans jurisconsultes pour leur faire dire que le droit de chacun est de limiter, par les moyens qui lui conviennent, les charges qu’il se croit en mesure d’accepter. Ils soutiendraient que ce droit est d’autant plus fort que la société refuse davantage de se charger de l’éducation des enfans. Invoquerait-on enfin l’intérêt des générations futures ; ils rétorqueraient l’argument : ils répéteraient ce qu’ils ont déjà glissé dans leurs propagandes secrètes ou imprimé sur leurs affiches, que qui met trop de nouveaux travailleurs à la disposition des industries, commet un véritable crime envers la collectivité ouvrière, en contribuant à faire baisser les salaires.

Il est des pays où l’ordre public repose sur l’idée de race infiniment plus que sur l’idée de caste ou de classe : tels sont les États-Unis. Les distinctions entre travailleurs et millionnaires n’y existent pas ; mais on sait que les distinctions entre les blancs d’un côté, les noirs ou les jaunes de l’autre, ne sont pas à la veille de s’effacer. On s’en aperçoit dans ce que j’appellerai la jurisprudence populaire et les mœurs pénales de la nation. Le gouvernement central, qui agit dans des vues d’avenir et avec une sérénité plus scientifique, a beau résister. Il doit faire des concessions à cet esprit d’exclusivisme qui ne veut pas se croire obligé à un égal respect de la légalité envers toutes les races. Il doit tolérer envers les nègres une méthode de lynchage qu’il ne tolérerait pas envers les blancs.

Revenons chez nous. Les classes ouvrières ne cessent de réclamer et elles ont à demi obtenu l’abrogation de l’article 414 qui punit les violences, les voies de fait et les menaces en vue d’amener une cessation concertée du travail. Les partisans de l’abolition disent bien que cet article fait double emploi, puisque le droit commun punit d<‘jà les violences et les voies de fait. L’explication est ingénieuse et elle nous prouve que la casuistique n’est pas morte. On connaît le raisonnement fait au cours de 1907 par certains fonctionnaires en révolte : « Nous avons bien injurié le ministre, en effet ; mais ce n’était pas en qualité de fonctionnaires, c’était en qualité de syndicalistes. » On dira de même, et cette fois en se couvrant d’une sorte de permission législative : « Nos actes de violence et de pillage ne sont pas des actes de particulier à particulier, ce ne sont pas par conséquent des violations du droit commun. Ce sont des actes découlant des nécessités de notre « poste de grève : » nous ne nous attaquons qu’à des belligérans ou à des traîtres, et le droit de la guerre ne saurait être calqué sur le droit de la paix. » Mesurez tout ce que promettent ces distinctions savantes de la part de gens qui substituent le capital et la propriété à l’ennemi d’au delà des frontières et qui se réservent de passer de l’état de paix à l’état de guerre, à leur gré. Le droit commun sera vraiment une belle garantie ! L’abrogation en passe d’être votée est donc bien un épisode de la lutte qui tond non à supprimer, mais à retourner les abus, à conférer même aux vainqueurs des privilèges plus exorbitans que tous ceux dont ils ont poursuivi l’abrogation. Or ces privilèges il n’est pas seulement question de les tolérer, de les ignorer ou de les amnistier, comme on le fait depuis quinze ans, on entend les consacrer par des additions, — ou des soustractions, — au code pénal qui nous régit.

Les influences d’ordre social qui ont modifié les notions communes sur les délits contre les personnes ont encore modifié gravement certaines idées sur les délits contre la propriété. Nous en avons eu déjà la preuve dans les vœux du congrès socialiste de Mannheim et dans les efforts faits pour l’abrogation de notre article 414. Il ne faut pas se dissimuler que la jurisprudence de plus d’un pays, que sa législation même tendent à se rapprocher de cette politique, sous une pression parlementaire qui est elle-même un prolongement de la pression électorale. Sans doute, en maint département, la petite propriété souffre et s’indigne autant que la grande de l’indulgence que les pouvoirs publics recommandent à l’égard des mendians et des vagabonds. Mais le désir de ménager le travail proprement dit l’a emporté. Il faut se plier à des habitudes grandissantes d’instabilité. Les transformations de l’industrie moderne, l’industrialisation de l’agriculture, la multiplication des travaux saisonniers, la rapidité avec laquelle on entend mener à fin des entreprises exceptionnelles, la suppression graduelle de l’apprentissage, la facilité qu’ont les « sous-prolétaires » et les faux chercheurs de travail d’aller se mêler aux grèves et quelquefois de les provoquer pour y bénéficier des « secours de chômage, » tout cela rend certainement plus difficile de distinguer ce que diverses législations appellent le vagabond intéressant et le vagabond non intéressant. Mais les complaisances gouvernementales ajoutent à la difficulté en décourageant la police de s’appliquer à la résoudre correctement. Ici on préconise une assistance abusive en ouvrant des maisons, pour ne pas dire des cités, où se prodigue une bienfaisance que le premier venu peut accepter, abandonner, reprendre à volonté. Là on laisse le chemineau vivre sur le commun. Le plus souvent on cumule les deux systèmes, de manière à laisser les irréguliers user à leur gré de l’un, puis de l’autre. Jadis les vagabonds abusaient, — surtout en hiver, — de la prison qu’ils aimaient, qui les corrompait encore davantage. Ils abusent maintenant, et de plus en plus, de l’indulgence qui leur laisse la bride sur le cou. C’est là un des aspects les plus irritans du problème pénal.

Mais ce n’est pas seulement devant le sous-prolétariat que les transformations du droit public ont désarmé la propriété si chère à nos aïeux ; c’est aussi devant les aventures d’un esprit d’entreprise considérablement élargi. Maintenir contre les déconfitures financières les sévérités jadis déployées contre les banqueroutiers n’était pas difficile. Le législateur a été touché de l’étendue des nouveaux risques et du nombre de ceux qui y succombaient. Il n’a pas voulu voir là un crime irrémissible. Il a introduit la liquidation judiciaire et donné plus de facilité ? aux faillis. Il a été frappé de l’immensité du rayon dans lequel opèrent les acheteurs, de l’impossibilité de satisfaire tous les besoins avec l’unique système des opérations au comptant. Il a donc donné à la spéculation des droits nouveaux ; il l’a allégée de cette espèce de tare dont abusaient les spéculateurs de mauvaise foi en alléguant l’exception de jeu. Mais voici que l’exploitation du public par les sociétés anonymes et par les roueries des monteurs d’affaires ne cessent de provoquer des plaintes. En dépit de cette assertion dont on abuse, que l’histoire du droit pénal n’est remplie que d’abolitions, il n’est guère de congrès pénitentiaire ou d’union de droit pénal qui ne réclame des précautions plus minutieuses et des pénalités plus fortes contre les escroqueries financières. Sans doute il ne faut pas plus entraver l’esprit de création chez les capitalistes que le désir d’aller chercher du meilleur travail chez les ouvriers. L’opinion des esprits désintéressés et cultivés est que les liens restrictifs des abus ont été trop desserrés, et que l’intérêt universel exige qu’on les resserre avec discernement.

En définitive, malgré toutes les révolutions accomplies ou menaçantes, chacun persiste à tenir à sa tranquillité, à la sécurité de sa maison et de son travail, à la jouissance de ses bénéfices. Le socialiste de l’avenir pourra préférer à la monnaie des bons de travail ou des bons d’échange : il n’admettra jamais qu’on les lui truque ou qu’on les lui voie. On a eu beau démocratiser le jury de plus en plus : il n’en devient que plus exigeant devant les recrudescences de criminalité qui l’effraient à bien juste titre. Il y a donc encore de beaux jours pour les discussions savantes des criminalistes.

Par la pénalité, la société se défend, elle se défend contre une atteinte réalisée par un acte extérieur, acte achevé ou inachevé, mais assez prononcé pour que le corps social se sente positivement lésé dans un de ses membres. Il ne peut y avoir de délit d’opinion, tant que l’opinion ne va pas ostensiblement provoquer par sa propagande des actes tenus pour contraires à l’ordre public. Il ne saurait y avoir de procès de tendance pas plus que d’investigation dans les consciences, pas plus que de recherches arbitraires dans la vie privée, dans le domicile, dans la correspondance des gens qui n’ont encore contribué ou paru tout au moins contribuer à aucune lésion de cette nature. L’acte une fois constaté, doit-on en mesurer matériellement les conséquences et ne le juger que par les résultats de fait ? On s’accorde à penser que la justice doit atténuer la peine quand la perversité de l’intention lui semble légère. Ne doit-elle pas aggraver son châtiment quand cette perversité lui paraît profonde ? C’est là un point sur lequel discutent encore à l’heure actuelle un grand nombre de pénalistes.

On peut remarquer ici en effet une divergence analogue à celle qui sépare les hommes politiques au sujet des contributions des citoyens aux charges financières de la société. Le principe de 1789, qui ne le sait ? était que chacun doit être imposé conformément aux signes extérieurs qu’il donne lui-même de sa richesse. S’il en donne plus qu’un prudent esprit d’économie ne le lui conseillerait, c’est son affaire ! Tant mieux pour lui, au contraire, s’il a su se restreindre. La société ne pénètre ni dans ses comptes, ni dans l’étendue probable des dépenses qu’il pourrait ou non se permettre. Elle constate simplement les dépenses qu’il fait, les biens qu’il met en vue, et elle le taxe en conséquence. Le principe dit nouveau, celui qu’on s’efforce de faire triompher dans des projets bien connus d’impôt sur le revenu, est que la société a le droit, le devoir même, dit-on, de compter toutes les ressources d’un homme, qu’il en use ou non. Le pouvoir doit se mettre, de gré ou de force, au courant de toute sa fortune et de tous ses gains, de ses moyens présens et de ses réserves accumulées. Il doit s’associer à ses inventaires et faire avec lui la balance de ses profits et de ses pertes, afin de ne laisser, sans la taxer, aucune parcelle de sa richesse.

Il est assez curieux de voir que l’État qui a le plus exagéré le système inquisitorial de l’impôt sur le revenu, — je veux dire l’État prussien, — soit aussi celui qui récemment ait le plus exagéré l’idée de l’individualisation de la peine. Il y a là chez lui un mélange de caporalisme et de métaphysique qui le porte, sous prétexte de justice absolue, à imposer aux gens des exigences en quelque sorte indéfinies. Ses juristes ont la prétention de ne relaxer un accusé, à plus forte raison un condamné, qu’après avoir pénétré dans les moindres replis de sa conscience, comme ses financiers ont décidé de ne « lâcher, » — qu’on me pardonne le mot, — aucun contribuable qu’après avoir compté jusqu’à son dernier sou.

Mais prenons la question en elle-même. En matière de droit criminel, il a été répété bien des fois : ce n’est pas le délit qu’on doit frapper, mais le délinquant. Ou veut dire que le délit n’est rien sans le délinquant et qu’il serait absurde de vouloir punir un incendie quand on n’a pas l’incendiaire. C’est trop évident. Il est non moins évident, d’autre part, que ce qui rend le délit dangereux, c’est surtout la disposition du délinquant à le renouveler lui-même comme à le suggérer à d’autres ; il importe donc, pour la défense sociale, de savoir si cette disposition existe et dans quelle mesure. Il serait déraisonnable et d’une mauvaise méthode de défense de se borner à considérer l’acte matériel et l’étendue en quelque sorte tangible du dommage causé. Pour reprendre la proposition indiscutable de tout à l’heure, on ne poursuit pas un incendie quand il n’y a pas d’incendiaire, on ne poursuit pas un vol quand il n’y a pas de voleur ; mais cela ne veut pas dire qu’il faille proportionner la culpabilité du criminel à l’étendue petite ou grande du mal causé, — à moins qu’il ne soit clairement établi que c’est lui qui a voulu en étendre ou en restreindre les effets. Toute autre façon d’entendre la répression engendrerait deux excès opposés. On s’exposerait à punir trop sévèrement des actes qui ne le méritent pas parce qu’ils ne menacent pas la société pour l’avenir. On s’exposerait non moins à laisser en liberté des hommes constituant pour la société un péril certain, mais d’une certitude plutôt morale que sensible ou mathématique. On y laisserait même des hommes avant causé à leur milieu un détriment indéniable en y semant l’inquiétude et la démoralisation.

Faut-il, par exemple, ne punir un vol qu’en raison et en proportion de l’importance des sommes volées ? C’est l’opinion de beaucoup de juristes. Mais d’abord, un homme venant de forcer un coffre-fort peut n’y trouver, à son grand regret, que des sommes insignifiantes ou des papiers inutiles ; il n’est pas moins prouvé de la façon la plus authentique qu’il est un voleur dangereux. En revanche, un homme peut accidentellement trouver à sa portée une somme considérable et succomber à la tentation de se l’approprier, tout en étant moins coupable et moins nuisible que le précédent.

On peut, il est vrai, concilier les deux tendances en disant : quand l’intention est manifestée par des préparatifs extérieurs et par la réunion de certains moyens, ce n’est plus là l’intention pure et simple : il y a commencement d’exécution. Il faut donc entendre par acte coupable et punissable, un acte reconstitué dans ses antécédens et dans ses conséquences évidemment voulues, un acte rattaché à ses motifs, tels que les circonstances permettent de les dégager. C’est, il est vrai, l’acte seul qui est en cause, mais il y est avec toute la signification qu’il comporte dans le milieu où vit l’auteur.

C’est en discutant ces principes que les criminalistes contemporains ont été amenés à reprendre deux questions très controversées, la question de la tentative et la question de la complicité. On sait que le code pénal de 1810 assimile au crime consommé le crime tenté et qui n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur : on sait encore que ce même code (article 59) punit les complices d’un crime ou d’un délit, de la même peine que les auteurs principaux. Il y a quelques années il était de mode de critiquer ces deux assimilations. On les jugeait excessives, et peut-être en France en eût-on voté l’abrogation, si des criminalistes éminens de Belgique, de Hollande et d’Allemagne n’étaient venus nous dire, à Paris même : « Au moment où vous vous apprêtez à renoncer à cette juste sévérité de votre code, nous, après nous en être départis, nous nous apprêtons à y revenir. »

Ces déclarations d’étrangers pleins d’autorité sont à retenir et à méditer[2]. A l’époque où nous les avons entendues (c’était en 1901, à la Société générale des prisons), nous en étions tous ou presque tous à l’adoucissement des peines, à la recherche de toutes sortes d’excuses aux erreurs, aux misères, à la folio partielle ou passagère des accusés. Tel crime n’avait pas abouti : la générosité française devait être heureuse d’avoir au moins ce prétexte au pardon et à l’oubli. On en voulait, on en veut encore aux députés d’avoir laissé exécuter Vaillant alors qu’il n’avait ni tué ni même blessé sérieusement personne. L’imagination et la sensibilité sont en cela plus écoutées que la raison. Le public qui, de nos jours, a une si grande part à la justice distributive par l’action qu’il exerce sur les magistrats à peu près autant que sur les jurés, subit surtout l’influence des représentations qu’on lui donne ou qu’il se donne de tous les détails du forfait. La tentative n’a pas abouti : le mal a été restreint. Allons, tant mieux ! Le coupable et celui qu’il visait ont eu « de la chance » l’un et l’autre. Qu’ils en bénéficient également ! Les souffrances de la victime et les suites du forfait se sont-elles trouvées plus horribles ; la douleur publique demande à être apaisée, et on trouve juste que ce soit le criminel qui en fasse les frais. La vieille idée de la satisfaction et du talion reparaît ainsi périodiquement dans les âmes simples. Mais le législateur et le magistrat sont obligés de regarder plus loin et de voir plus juste. Ce que la défense sociale exige avant tout, c’est qu’on mette autant que possible hors d’état de nuire celui qui visiblement a eu la volonté de nuire, car c’est bien la volonté qui renferme le péril à venir. Or la volonté peut avoir été manifestement plus perverse dans la tentative que dans l’acte consommé et dans une complicité savante que dans une exécution servile et brutale.

« Tout le mouvement scientifique du XIXe siècle, disait M. Prins, tous les remarquables travaux qui ont été faits seraient inutiles s’ils ne devaient pas aboutir à déclarer au juge dans des cas déterminés : « Ne vous préoccupez pas tant des résultats matériels ; vous avez devant vous un délinquant professionnel, dangereux, condamnez-le absolument comme s’il avait réussi, ou, dans tous les cas, ne faites pas une différence aussi grande que celle que vous faites aujourd’hui entre le complice et l’auteur principal, entre l’auteur d’une tentative et l’auteur d’une infraction consommée. » Nous disons, en somme, à l’étranger ; « Retournons à la législation française. Ce système aboutit au renforcement de la pénalité ? Eh bien ! ce renforcement est absolument nécessaire. Une œuvre législative vient d’être accomplie : c’est une œuvre de clémence et de pitié sociale. Le patronage des condamnés libérés, la condamnation conditionnelle, en un mot, toutes les mesures d’indulgence pour ceux qui en sont dignes font l’honneur de la fin du XIXe siècle ; mais cette œuvre a comme corollaire absolument indispensable une sévérité plus grande pour les volontés tenaces, notamment en matière de tentative et de complicité. »

M. von Lizst, appuyant ces judicieuses considérations, disait de son côté : « C’est une situation un peu singulière, un peu embarrassante, pour nous autres étrangers, de venir défendre devant vous le principe français : toute tentative doit être punie comme le crime même. Dans votre nouveau projet de code pénal, vous avez abandonné ce principe, je ne sais trop pourquoi, alors que tous, à l’étranger, nous disons : Il faut accepter le principe français. » Le savant professeur de Berlin tenait ensuite le même langage au sujet de la complicité.

M. van Hamel, d’Amsterdam, insistait dans le même sens et disait : « Ce que nous préconisons actuellement, vous, vous l’avez depuis 1810 » Et le professeur de droit pénal de l’Université de Copenhague[3] partageait l’opinion de ses confrères : « Nous avons fait dans nos codes une distinction entre la tentative et le crime consommé, entre le complice et l’auteur principal. Mais pour nous, ce sera renouveler tout notre droit pénal que d’écarter toutes ces distinctions. Je crois que nous serons tous d’accord pour regarder une telle mesure comme un vrai progrès ; et cela aura encore d’autres conséquences, et notamment l’idée que c’est l’acte délibéré, non l’effet matériel qu’il faut punir, conduira, en beaucoup de cas, à une définition nouvelle des crimes consommés. »

Devant cet ensemble de manifestations, les novateurs les plus résolus durent se résigner à faire, eux aussi, l’éloge de notre code pénal de 1810. On n’en saisira pas moins là un des nombreux inconvéniens de notre méthode de travail parlementaire. On croit faire du nouveau, mais on le fait avec tant de lenteur et... d’incohérence (puisque c’est le mot caractéristique du régime) que ce nouveau a déjà vieilli quand on en est encore, non pas même à l’essayer, mais à en préparer le premier essai. On se croit obligé de reproduire les expériences de l’étranger, quand ces expériences lui ont enfin révélé les défectuosités qui font qu’il y renonce. Nous sacrifions de nos propres mains les idées qui nous faisaient le plus d’honneur, au moment où nos rivaux ont la sagesse de nous les emprunter, quelques-uns la sagesse plus rare encore de les conserver et de les développer.


Il faut avouer cependant que le réformateur mêlé au mouvement des idées et curieux des théories modernes était assez excusable, en France comme ailleurs, de mal réussir à s’orienter et à demeurer ferme dans la voie droite. Cette question du crime et du criminel n’était sans nul doute que la traduction, en langage de criminaliste, de la vieille controverse métaphysique du subjectif et de l’objectif, du corps et de l’âme, de la nécessité et de la liberté, comme aussi de la société et de l’individu. Si nous sommes tous pris dans un engrenage auquel nous ne pouvons donner ni impulsion ni direction, dont nous ne pouvons pas même nous détourner, comme l’admettaient les épicuriens de l’antiquité, si nul d’entre nous n’est ni libre ni responsable ou si, ce qui revient au même, la liberté de nos intentions idéales ne peut modifier en rien le déterminisme des faits que nous subissons, alors nous devons nous défendre contre le coupable comme nous nous défendons contre un malade, contre une bête féroce ou contre l’irruption d’une eau rompant ses digues : toute autre méthode nous apparaîtra comme téméraire et inutile. Sans doute les psychologues nous apprendront que la mentalité du criminel est fort complexe ; mais c’est précisément cette complexité qui nous effraiera, — pis que cela, qui nous découragera. Nous avouerons que tout crime, — comme au reste tout acte humain, — est un problème indéchiffrable, parce qu’il nous manque forcément trop de données, de données sûres, de données précises. Nous nous en tiendrons à ce qui est certain ; nous ne discuterons pas plus sur la responsabilité d’un coupable que nous ne dissertons sur l’intelligence ou sur l’instinct d’un animal dangereux qu’il s’agit d’éloigner ou de supprimer.

Cette théorie, qui argue de l’extrême complexité dans la position du problème pour conseiller une extrême simplicité dans la solution, devait choquer beaucoup d’esprits. De là une réaction, — très vive et très peu mesurée, disons-le tout de suite, — de la part de ceux que la complexité même des questions attire, fascine et passionne, pour finir souvent par les égarer. Il y eut donc, il y a quelques années, un mouvement très prononcé en faveur de ce qu’on a appelé « l’individualisation de la peine. » En principe, rien de plus juste que le souci de proportionner la peine à la faute et de juger la faute d’après le degré de perversité qu’elle indique. Mais en résulte-t-il qu’on doive et qu’on puisse, un coupable étant donné, assumer la charge de pénétrer son individualité de part en pari et de la refaire en entier ? Pour en concevoir l’idée, il fallait une dose respectable de conviction et d’illusion. Pour la soutenir, il fallait une logique imperturbable, une science très variée et une ingéniosité habile à tourner les difficultés. On a trouvé de tels esprits en France comme en Allemagne, et leur vaillance les a portés si loin qu’ils sont finalement arrivés à un point où personne n’a plus pu les suivre. Il devenait évident que, grâce à leur logique même, ils avaient tourné le dos à la vérité et au bon sens. De quoi en effet s’agissait-il, suivant eux ? De ne voir dans l’acte raisonné qu’une occasion d’examiner à fond son auteur, de le soumettre aux analyses combinées des psychologues, des médecins, des pédagogues, de l’inventorier, de discerner parmi les motifs qui l’ont fait agir « si ce motif a été simplement fourni par l’idée d’un but à atteindre ou s’il provient d’un sentiment qui a au contraire suscité le but lui-même, d’un sentiment par conséquent antérieur non seulement au crime, mais aux événemens et aux circonstances qui expliquent le crime… » Oui, il faut savoir toutes ces choses et quelques autres encore pour administrer la peine ; car ce que la justice a devant elle, ce n’est ni plus ni moins qu’« une âme à refaire. » Tel est le principe. La conséquence forcée, c’est que les pouvoirs publics doivent garder leur condamné jusqu’à ce qu’ils aient refait son âme, et si la manière dont ils s’y prennent ne réussit qu’à le désagréger ou à le corrompre encore un peu plus, ils le garderont indéfiniment. Quand on aboutit à donner à une administration publique et à une bureaucratie pénitentiaire une tâche pareille, la thèse est jugée.

Sommes-nous donc en présence de deux excès tels que la faiblesse de nos jugemens ne puisse éviter l’un sans tomber dans l’autre ? Faisons ce que nous pouvons. Essayons de ranger les accusés en plusieurs catégories suffisamment reconnaissables. Examinons si celui qu’on juge a voulu mal faire, et s’il était maître ou non d’éviter de mal faire. Cherchons les chances qui paraissent lui rester de revenir au bien, ce qui veut dire ici au bien que l’autorité a le devoir de maintenir et de rétablir autant qu’elle le peut, au respect du droit d’autrui et à l’obéissance à la loi. Ecartons les obstacles factices et inutiles qui pourraient entraver le retour des bonnes intentions. Ecartons aussi, autant que possible, les contagions néfastes, les influences démoralisantes. Tel est le problème ; il n’est pas indéchiffrable et il n’est pas insoluble, parce qu’il est limité.

Et toutefois, il est encore fort délicat. Il enveloppe plusieurs problèmes particuliers, dont les principaux sont le problème de l’enfance coupable, le problème des incorrigibles et le problème de la responsabilité atténuée de certains individus qualifiés tour à tour d’aliénés criminels et de demi-fous. Telles sont les difficultés contre lesquelles on a dépensé, depuis quelque temps, le plus d’efforts et le plus de subtilité. Je n’en aborderai ci que les points essentiels et, en quelque sorte, critiques.

La question de l’enfance coupable n’est devenue si aiguë qu’en raison du nombre croissant des actes criminels des mineurs et, — si l’on veut remonter aux causes, — en raison de l’affaiblissement d’un certain nombre de forces modératrices des mauvais penchans, telles que l’autorité paternelle dans la famille, l’autorité de l’enseignement religieux dans l’école, l’autorité du patron[4] dans l’apprentissage. L’autorité du juge peut-elle suppléer à tout ce qu’on a ainsi détruit ou compromis ? Peut-elle compenser toutes ces défaillances ? Personne ne peut le croire, personne ne le croit à l’heure présente. On est même venu à penser qu’elle ne peut que les aggraver encore. Par un de ces reviremens d’opinion qui sont si fréquens, on s’est porté d’un excès à l’autre. Il y a environ quinze ans, sous le coup d’un effroi causé par un essor inaccoutumé jusque-là de la criminalité juvénile, on a exécuté, place de la Roquette, un garçon de dix-sept ans. Aujourd’hui, devant une précocité, un cynisme et une cruauté bien plus redoutables, on veut pouvoir soustraire complètement à la pénalité proprement dite des jeunes. gens de seize à dix-huit ans. Une loi récente (1906) donne aux magistrats le droit de déclarer que tel voleur, incendiaire ou assassin de moins de dix-huit ans a agi sans discernement. Sans doute des interprètes vigilans de la loi nouvelle ont pris soin de rappeler avec une heureuse énergie que le texte de 1906 ne reporte pas d’une manière générale la majorité pénale à dix-huit ans. Elle ne fait que donner aux juges la possibilité de déclarer, dans des cas exceptionnels, que tel adolescent n’ayant pas encore franchi cet âge, a agi sans discernement : fiction si l’on veut mais fiction salutaire, qui permet de ne pas flétrir, de ne pas marquer pour la vie un sujet tenu pour amendable... Rien de plus spécieux que ce raisonnement, rien même de plus juste, si la mesure qu’on va substituer à la peine est étudiée, puis exécutée avec toute la sagacité promise, si le mode de liberté laissé sous forme de renvoi dans la famille ou de tutelle de l’Assistance publique, de surveillance d’une œuvre charitable, de retrait dans une maison dite d’éducation, n’est pas jugé par l’enfant plus dur et par l’opinion publique plus corrupteur qu’un emprisonnement bien compris. Il ne sert de rien de dire qu’ainsi l’enfant et le public se trompent également. Si l’on veut que la méthode adoptée soit efficace, il ne faut pas qu’ils se trompent ainsi, et il reste à se demander si c’est à leur propre faute ou à celle de l’autorité que l’erreur est imputable.

Cette action du juge, d’autres esprits la tiennent tellement en suspicion, ils l’estiment à tout le moins si dangereuse pour ces frêles natures demandant à être redressées, non ébranlées ni brisées, qu’ils ne veulent même pas laisser l’enfance coupable soumise à l’appréciation du magistrat de droit commun. De là cette idée, très populaire en Amérique, de tribunaux spéciaux pour enfans et de la « mise en liberté surveillée » pour ceux qu’on n’a pas voulu laisser absolument dans l’état qui avait appelé sur eux l’attention de l’autorité. Si on se limite aux enfans jeunes, à ceux, par exemple, qui sont encore d’âge scolaire, c’est certainement une idée à essayer. Qu’il soit peu flatteur pour une société telle que la nôtre d’avoir recours aux pratiques d’un pays inondé de familles d’émigrans et de familles auxquelles il faut un certain temps pour se reclasser dans leur milieu d’adoption, il n’y a pas là de quoi nous arrêter. Quand le mal s’étend, rien ne sert d’incriminer la cause, il faut lutter comme on peut. Mais ici le succès suppose que le tribunal pour enfans aura été bien composé, que ses membres auront une autorité persuasive et réconfortante. Il suppose surtout que la « liberté surveillée » sera surveillée comme il le faut, sans tracasserie policière et sans complaisance intéressée ou paresseuse. Bref, la justification de la mesure substituée à la peine d’autrefois sera plus que jamais dans la valeur sociale du mode d’exécution.

Il faudrait d’autant plus s’appliquer à la rendre irréprochable que la précocité du mal risque bien d’en entraîner la ténacité. Nous arrivons là aux incorrigibles, à ceux du moins que la société peut déclarer tels à ses yeux, soit parce qu’ils ont comparu trop souvent devant les juges, soit parce qu’ils y ont comparu pour des entreprises criminelles portant la marque d’une dégradation profonde et invétérée[5]. Ramener à l’unité, systématiser tous les élémens des rechutes successives et de la tendance à les aggraver, serait difficile. En se bornant à ce qui tombe sous les regards et sous la compétence de la société, on peut tout au plus discerner deux groupes de récidivistes : ceux qu’on appelle de la récidive spéciale, c’est-à-dire qui se portent toujours au même genre de crime, et ceux qu’on appelle de récidive générale, allant de délit en délit, selon les occasions rencontrées, cherchées ou provoquées. Aux yeux de certains criminalistes, et notamment de ceux qui s’inspirent des idées lombrosiennes, le récidiviste spécial est un être plus dangereux parce que, chez lui, l’action impulsive individuelle l’emporte sur l’attrait imprévu des occasions. Aussi ne demandent-ils d’aggravation dans la peine à lui infliger qu’au cas où les premières infractions et la dernière infraction signalée dérivent d’un même penchant coupable et d’une « identité d’impulsion. » Il est permis de trouver que cette solution est bien empreinte d’un esprit de fatalisme physiologique et qu’un tel esprit pousse plus à une certaine férocité sociale qu’à la pitié et à l’amélioration du délinquant. En tout cas, j’ai expliqué, dans un précédent travail[6], que cette récidive spéciale ne donnait pas plus des deux cinquièmes de la récidive totale et que les trois autres cinquièmes étaient formés de récidivistes sachant varier leurs talens ou leur trouver des applications de plus d’un genre. On sera donc beaucoup plus près, en somme, de la vérité et de la justice, en ayant surtout en vue les récidivistes qu’on peut appeler à diversité de délits[7]. Il est peu probable que la majorité d’entre eux cède à une force uniforme, constante et par conséquent irrésistible ; mais enfin, cette réitération de faits punissables n’autorise pas moins à les considérer comme incorrigibles. Leur appliquer une pénalité identique serait par trop simplifier la solution d’un problème complexe. L’expérience a parlé très clairement, et nous pouvons en résumer brièvement les leçons. En premier lieu, les criminalistes du monde entier se sont à la fois mis d’accord sur le danger des courtes peines. Il n’est que plus attristant de constater que plus la science indépendante et désintéressée les désapprouve, plus » notre justice et notre administration s’entendent pour les pratiquer[8]. Est-ce esprit de relâchement ? Est-ce esprit de fausse et trompeuse économie ? L’un et l’autre peut-être. Ce qui est sûr, c’est que la multiplicité des courtes peines ne réussit guère qu’à donner à beaucoup la funeste accoutumance de la prison et que ceux qui la traversent ainsi ont le temps de s’y aigrir et de s’y corrompre sans avoir le temps de s’y assagir ou, si l’on veut, de s’y pacifier.

Si la courte peine est dangereuse, il convient donc de l’épargner le plus possible à l’homme accusé ou prévenu pour la première fois[9], mais sous la condition que la peine sera sévèrement aggravée en cas de récidive. Tel est bien l’esprit de la loi Bérenger. Il est malheureusement établi que la magistrature s’en tient à la lettre et simplifie beaucoup trop sa besogne.

En troisième lieu, lorsqu’il faut enfin priver un homme de sa liberté, il importerait de le séparer le plus rigoureusement possible de ceux qui subissent la même peine. L’emprisonnement individuel est certainement à recommander pour tout détenu ; mais là où l’on n’a pas cru devoir le généraliser, il faut absolument l’appliquer aux récidivistes. C’est une idée assez répandue qu’il vaut mieux réserver la cellule aux condamnés primaires, aux premières années d’emprisonnement, mais qu’une fois qu’on arrive aux longues peines, il y aurait inhumanité à la conserver. Cependant les longues peines, dans un système pénal bien compris, ne supposent-elles pas chez l’homme ainsi puni une violence dangereuse ou une obstination plus dangereuse encore ? Et dès lors la vie en commun, dans le confinement honteux d’une prison, ne doit-elle pas rendre fatalement les uns plus corrupteurs, les autres plus corrompus ? Au détriment de qui ? De la sécurité sociale et de l’ordre public.

Pour se débarrasser de ce souci, on avait imaginé la transportation. L’épreuve en a été longuement faite et je ne reviens pas sur les critiques de toute nature qu’elle s’est attirées[10]. Ce qui me dispense d’insister, c’est que la transportation a été successivement abandonnée par tous les peuples qui l’ont essayée (la Russie comprise), et que nous-mêmes, après y avoir inutilement dépensé des centaines de millions, nous nous sommes aperçus que nous n’aboutissions qu’à une chose : à perdre, sans aucune compensation, les colonies dont nous l’affligions. Elle mérite néanmoins de n’être pas indistinctement sacrifiée pour tous ceux auxquels on l’avait appliquée indistinctement. Il est plus d’une méthode (travaux publics en plein air, prestations imposées).... qui échouent fatalement quand elles accumulent sur un même lieu un trop grand nombre d’hommes tarés, mais qui peuvent réussir quand elles disséminent sur des points éloignés un petit nombre de sujets, choisis comme capables d’un effort de relèvement et comme désireux de s’assurer l’oubli du passé.

Malheureusement, il restera toujours des hommes qu’il faudra, pratiquement au moins, considérer comme incorrigibles et comme perdus pour la société humaine. Faut-il les en séparer à perpétuité ? On objecte aux peines perpétuelles qu’elles supposent impossible l’amendement de ceux qu’elle frappe ; qu’un tel arrêt est cruel autant qu’arbitraire et qu’en le rendant la société renonce à l’un de ses devoirs qui est de tout faire pour obtenir cet amendement. Oui, en effet, c’est là un devoir de la société ; mais il ne dépend pas d’elle seule d’y réussir. De plus l’amendement intérieur d’un individu ne suffit pas toujours à le rendre apte à la vie sociale, si le juste et nécessaire sentiment de répulsion qu’il a provoqué ne permet pas de le mêler à la génération qui le suit. Dans ces deux cas, la société a-t-elle le droit de sacrifier la partie, somme toute, la plus importante de sa mission, qui est la défense des honnêtes gens ?

Cette défense exige-t-elle que la peine de mort soit maintenue ? Un double mouvement vient de se produire sous nos yeux mêmes : mouvement tortueux vers l’abolitionnisme entretenu surtout par les doutes et les scrupules de quelques hommes publics et de quelques criminalistes, — mouvement de réaction presque inattendu, mais très général et très vif, de la part des jurys de nos divers départemens. Non seulement dans la première partie de l’année 1906-1907, le nombre des condamnations à mort a triplé ; mais les jurys qui les ont prononcées ont tenu à protester contre une clémence qui leur paraissait imméritée et surtout dangereuse. Il est vrai qu’entre ces deux manifestations s’est produit ce nouvel et alarmant accroissement des crimes de toute nature, et surtout des crimes sanglans. Si l’on n’avait devant soi que des exaltés, des hommes aveuglés par des passions ou des souffrances, il conviendrait à coup sûr d’essayer de l’apaisement. En face de gens dépourvus de toute idée, si ce n’est de l’idée de s’amuser au détriment d’autrui, — de la vie d’autrui ! — aussi brutalement que le comporteront les circonstances, il est naturel que le bon, sens public et le soin de la défense réclament des solutions plus énergiques. En plusieurs États (dans neuf cantons suisses notamment ; où la peine de mort avait été supprimée, il a fallu la rétablir. En France, où elle n’a été abolie qu’en fait, le résultat, nous le voyons, va être le même.

On essaie bien d’objecter que la plupart des assassins guillotinés avaient assisté à des exécutions capitales, et que cette vue du dernier supplice ne les avait point arrêtés. Le fait a pu se produire en effet chez les professionnels du crime, chez ceux qui, une fois enrégimentés dans des bandes, descendent fatalement la pente qui les jette hors de la société, on peut même dire hors de l’humanité. Mais les autres, les connaissons-nous ? y a-t-il une statistique où ils figurent ? Et pourra-t-on jamais affirmer que parmi ceux qui ne se sont pas mis dans le cas d’être exécutés, il n’en est pas qui aient été précisément retenus par la crainte de l’échafaud ?

Dans la série d’assassinats qui vient d’émouvoir Paris, bien des personnes ont fait, de divers côtés, la même réflexion. Si les cambrioleurs avaient eu la crainte de l’échafaud, ils eussent pris des précautions (beaucoup de leurs pareils y sont experts) pour voler sans verser le sang. Avec la certitude d’être graciés, pourquoi se priver de supprimer un témoin ? La peine n’en sera pas plus lourde.

On dit que la société ne manque pas d’autre moyens efficaces de défense. Nous avons vu ce qu’il faut penser de la transportation. Qu’on ne dise pas qu’au moins elle débarrasse la mère patrie : les évasions sont nombreuses. En la seule année 1906, on en a compté 323[11]. Ceci suffit.

On parle d’autre part de la détention perpétuelle, renforcée de manière à faire frissonner la nature, et à épouvanter la jeunesse par la seule description qu’on en donne. Remarquons d’abord que tout ceci est à créer. La loi de 1875 avait ordonné l’emprisonnement individuel. Comment l’applique-t-on ? Sur nos quatre cents prisons, trente ont été transformées selon les ordres de la loi. On eût donc été en droit de dire au gouvernement : « Si vous rencontrez cette résistance dans vos efforts abolitionnistes, à qui la faute ? aux assassins, sans doute ; mais sans rien exagérer, nous pouvons bien ajouter : à vous aussi ! Qu’avez-vous fait pour dresser une nouvelle échelle des peines ? Rien. Suivant un procédé qui menace de passer en habitude, vous proposez au pays de supprimer d’abord ce qui existe, puis d’entreprendre l’organisation de ce par quoi vous espérez le remplacer. Or, pour faire de notre système pénitentiaire un ensemble qui réponde aux nécessités les plus évidentes et les plus pressantes, il faudrait vingt ans d’efforts suivis et une quarantaine de millions. Pendant ce temps-là, que de vies d’honnêtes gens n’auriez-vous pas laissé sacrifier ! Tel est le fond du raisonnement que vous oppose, à juste titre, le bon sens public. Telles sont les raisons qui, après les manifestations de nos jurys, viennent de déterminer le vote de la majorité de nos députés.

Mais supposons le régime cellulaire établi. C’est ici que je me permets, non seulement au nom de la psychologie, mais au nom des faits, de soumettre aux criminalistes le dilemme suivant. Ou vous ferez des condamnés dont vous prolongerez un peu la vie, des victimes de tous les jours, des victimes que l’absence de tout espoir réduira vite à l’état de brutes ; ce sera pour eux la mort à petit feu, la mort honteuse, un nouveau genre de guillotine sèche ; ou par un sentiment d’humanité auquel se mêleront peu à peu l’accoutumance et l’oubli, vous ferez sortir le condamné de son isolement, vous lui ménagerez cette petite retraite hollandaise que j’ai plus d’une fois décrite, pour y avoir vu moi-même les condamnés à perpétuité de tout un pays jouant doucement aux cartes et aux dominos. En présence de cette alternative, je crois plus que jamais à la nécessité de renverser la solution adoptée par la Hollande. Elle dit avoir conservé les peines perpétuelles pour pouvoir abolir la peine de mort. Bien longtemps encore il sera plus logique de dire : maintenons la peine de mort pour quelques-uns, afin de laisser à ceux qu’on aura pu gracier l’espoir d’une libération sans laquelle la cellule ne peut guère être ni supportable ni moralisante.

Je n’ignore pas l’argument suprême des abolitionnistes : la peine capitale est irréparable en cas d’erreur. Mais la peine qu’on propose d’y substituer, ménagera-t-elle assez la vie du condamné pour lui laisser le temps de démontrer l’erreur de son jury ? Certes il y aurait lieu d’y réfléchir si la peine de mort se multipliait, si elle devenait la conclusion ordinaire de tous les cas auxquels le code actuel permet de l’appliquer. Mais quoiqu’un jury (celui de la Sarthe) ait récemment demandé qu’on l’applique « à tous les assassins sans exception, » il n’est pas probable qu’on en revienne à cette sorte de terreur légale. La majorité réclame seulement que la peine de mort reste dans nos codes, mais qu’elle n’y reste pas à l’état d’institution dont on a honte. Elle demande que toutes les fois qu’il se manifeste une de ces recrudescences de criminalité féroce, lubrique, évidemment préméditée, affectant de jouer avec la vie des autres et de braver une justice dont elle a appris à mesurer la faiblesse, il puisse y avoir un rappel énergique des droits supérieurs de la société. Les condamnés qui diront qu’on les surprend par cette inflexibilité subite prouveront par là même qu’ils avaient spéculé sur les défaillances du pouvoir et qu’ils ont ainsi mérité deux fois une sévérité exceptionnelle.


Pour amener la majorité des Français à le reconnaître, il a fallu vraiment que les criminels et les gens responsables de leur corruption précoce y missent de l’obstination ; car le mouvement du siècle poussait les esprits raffinés dans une direction toute contraire. Les criminalistes contemporains sont en effet portés du côté de l’atténuation des peines. Non pas qu’ils cessent d’avoir souci de la sécurité publique ; mais ils ont plus encore souci, semble-t-il, de discerner ce que mérite, — dans tous les sens du mot[12], — l’auteur d’un acte nuisible. Or l’une et l’autre tâche sont encore mal remplies à l’endroit de toute une catégorie croissante d’individus qu’on appelle ou les aliénés criminels ou les demi-fous.

Où commence, où finit cette forme hybride ? Où la prédominance de l’un des deux caractères est-elle assez décisive pour déterminer le choix d’une dénomination plus simple et d’une action plus une ? Ce sont là des problèmes de psychologie el de médecine pratique plus que de science pénale. Ce qui relève de cette dernière, c’est d’abord de savoir qui doit décider dans les cas particuliers. Médecins et magistrats se renvoient réciproquement les uns aux autres la tâche épineuse. Le bon sens pourtant ne doit pas avoir grand’peine à les mettre d’accord. Il est évident que le magistrat ne peut tout savoir et qu’il doit souvent réquisitionner, en quelque sorte, les lumières des spécialistes, mais qu’ensuite c’est à lui à prendre la responsabilité de la décision : c’est sa fonction et l’on aurait dit autrefois qu’il a pour elle grâce d’état. Mais, dira-t-on, le rapport de l’expert pourra lui-même ne donner qu’une conclusion hésitante, et il faudra cependant que le juge se décide.

En effet, c’est là un des cas nombreux où les nécessités impérieuses de l’action priment les vraisemblances du raisonnement et en font cesser, pratiquement au moins, les divergences. Mais pourquoi ne pas proportionner la nature de la solution à la nature des données ? Le cas de l’accusé est douteux ? Réservez lui donc un de ces lieux de détention d’une nature douteuse : tel serait « l’Asile de sûreté » réclamé à bon droit par tant d’aliénistes à qui la matière est devenue si familière pour l’avoir suivie du dépôt de la prison à l’asile, et pour avoir retrouvé si souvent dans les prisons des meurtriers qu’on avait fait sortir de l’asile à moitié guéris. N’en demandons pas davantage.

Il est cependant des esprits fort distingués auxquels cet aveu d’incertitude pèse tellement qu’ils veulent à tout prix y mettre fin. M. le professeur Grasset ne voit pas pourquoi on ne soumettrait pas un meurtrier ou un incendiaire soupçonné de folie à un traitement double et simultané, de même (c’est une objection qu’il me fait le grand honneur de me poser personnellement) qu’on traitera tel malade en même temps pour une bronchite et pour une entorse. Puis-je me permettre de répondre, en profane, que si certaines maladies ne sont pas inconciliables et permettent au sujet de se prêter en même temps à deux traitemens, il est des maladies et des médications qui s’excluent ? N’est-il pas même des cas où la première des deux méthodes entre lesquelles on hésite, risque bien, si elle est employée à faux, d’empêcher le succès de la seconde ? On ne soignera pas, je suppose, un même malade pour pléthore et pour anémie. Le crime et la folie coïncident-ils vraiment ? L’un est un état qu’on soigne parce que la volonté de l’individu n’y est pour rien ; l’autre est un état qu’on punit, parce que c’est la volonté de l’individu qui l’a déterminée. Si on est en face d’un homme qu’on ne puisse classer sûrement ni dans l’une, ni dans l’autre catégorie, qu’on le mette simplement hors d’état de nuire : cela vaut mieux que d’assumer une tâche dépassant actuellement notre compétence et nos forces.

En Allemagne, on a imaginé une autre méthode. On s’est souvenu de cet adage de la médecine, naturam morborum ostendunt curationes, l’action des remèdes révèle la nature des maladies ; et on propose d’appliquer successivement au sujet douteux un traitement pénal et un traitement médical, afin de voir quel est celui des deux qui agit. Commencez par la peine, dit M. von Liszt, car le châtiment a souvent la vertu d’imprimer une secousse qui dissipe les cauchemars naissans du trouble mental : si vous n’obtenez rien, alors vous soignerez. Soignez d’abord, dit M. Stoos, et si votre médication réussit, alors votre sujet, redevenu conscient et responsable, pourra justement subir le traitement d’un criminel. Bref, administrez successivement la schlague et la douche, et vous verrez. » C’est là sans doute une application de la théorie des sentences indéterminées, indéterminées dans leur durée, indéterminées dans le mode d’exécution : et le tout sera admis jusqu’à ce que les gardes-chiourmes veuillent bien déclarer qu’ils ont réussi ou non dans une tâche de nature à faire reculer les plus savans éducateurs. Il ne faut plus dire de mal des Chinois, — ni par conséquent des chinoiseries, — puisque nous commençons à redouter les uns et les autres. Je me bornerai à dire que nous ne sommes vraisemblablement pas mûrs pour exercer avec tout le sérieux qu’elle postule une méthode si compliquée.

En résumé, ce droit criminel, qu’on suppose si souvent n’être qu’une invention des vieilles sociétés pour la défense de leurs privilèges, toute société en formation ou en espérance s’apprête à l’invoquer. Il est même certain qu’après un établissement victorieux, elle en userait avec la dernière énergie pour consolider la nouvelle distribution des biens, des droits, des pouvoirs conquis. Voulons-nous trouver des amis, des amis même excessifs de l’adoucissement et d’une sorte de désarmement, cherchons-les dans la partie fatiguée de l’ancienne société, dans celle qui est le résultat le plus raffiné de ses sélections successives. Prenons guide que là le raffinement peut bien être un signe d’énervement et un symptôme de décadence, comme la subordination étroite et dure de la personne individuelle à trop d’exigences de l’ordre public est un commencement de retour vers une vigueur jeune, mais quelque peu barbare. Concilier le point de vue du droit public et celui de la personne, le droit de la défense sociale et le droit du coupable à un pardon dont l’espérance est liée à la possibilité de l’amendement, est-ce là un rêve irréalisable ? Il ne le serait pas si la société qui demande à bon droit qu’on punisse se préoccupait un peu plus de prévenir et d’amender, de prévenir par un meilleur système d’éducation, d’amender par un meilleur système pénitentiaire et par une plus grande liberté du patronage. Il ne le serait pas si le gouvernement voulait bien reconnaître que réprimer est sa tâche à lui, qu’il ne doit pas chercher, en la négligeant, à se procurer des économies ruineuses, mais qu’il doit d’autre part assurer largement, dans le domaine des œuvres charitables, une action dont il est incapable de se charger. Il ne le serait pas enfin si on jugeait selon ses mérites une doctrine à laquelle on a reproché tour à tour un esprit d’oppression et un esprit d’individualisme dont elle est également éloignée. Cette doctrine-là dit bien à chacun de nous : « Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu de Dieu et de sa grâce, et dont vous ne deviez rendre compte ? Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu des traditions de vos aïeux, des exemples de vos pères, de l’action de vos concitoyens ? » Mais en même temps, elle professe que chaque âme humaine est d’un prix infini parce qu’elle a été rachetée par un divin sacrifice, que dès lors elle est responsable de l’emploi qu’elle fait des dons reçus. Elle conclut que c’est également les respecter toutes dans leur ensemble que de préserver virilement celles qui sont encore intactes contre la contagion malfaisante de celles qui ne le sont plus, mais sous cette réserve de traiter ces dernières comme des volontés qui ont été libres et qui peuvent encore le redevenir, ne fût-ce qu’au dernier moment.


HENRI JOLY.

  1. Livre VIII, stance 353.
  2. Elles montrent une fois de plus combien est décevante l’idée d’un progrès rectiligne et continu. Au mot de progrès Le Play préférait avec raison le mot de « réforme. » Or, on se réforme le plus souvent en renonçant à des habitudes récentes dont on a expérimenté les inconvéniens et en reprenant quelques-unes de celles qu’on avait à tort abandonnées.
  3. Le professeur von Mayr, de Munich, également.
  4. Soit du patron, soit des « anciens » et de leur délégué, si le système de la coopération de production vient à triompher. Déjà (dans un des derniers numéros du Mouvement socialiste) les chefs intelligens du parti se plaignent de l’indocilité des apprentis, non pas sans doute de leur indocilité à l’égard des patrons actuels (cela, ils le leur pardonnent) mais, — ce qui est bien à remarquer,— de leur indocilité à l’égard des « vieux ouvriers, » éprouvés, qui ont souffert plus que la nouvelle jeunesse ouvrière ne souffrira et qui devraient lui servir de guides.
  5. Pour déclarer saint l’un des siens, l’Église demande ou une longue suite de vertus ou un acte qui, comme le martyre, résume un long et profond héroïsme. C’est le même principe... appliqué à des cas fort différens !
  6. Voyez le numéro du 1er décembre 1907, le Problème criminel.
  7. De même que l’on considère justement comme plus criminels ceux qui ont cumulé le vol et le meurtre ou le meurtre et le viol en une même entreprise.
  8. Ceci n’est pas seulement vrai en France. M. Prins a fait entendre sur ce point, en Belgique, des protestations très vives.
  9. Encore ne faut-il pas entendre ce mot « pour la première fois » d’une façon trop libérale. L’homme qui, comparaissant pour la première fois, apparaît comme ayant accumulé contre lui, depuis longtemps, des charges nombreuses, ne doit pas être considéré et traité comme un « primaire. »
  10. Voyez mon livre le Combat contre le crime, L. Cerf.
  11. Document apporté par la Préfecture de police à la Société générale des prisons dans sa séance du 20 mars 1907. Il s’ajoute à tous ceux que j’ai déjà passés en revue. Voyez le Combat contre le crime.
  12. On dit, par exemple, que telle plante ne mérite pas d’être cultivée, que tel objet ne mérite pas une réparation, parce que ni l’un ni l’autre ne paieront les frais faits pour eux.