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Le Règne de l’Argent/02

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LE RÈGNE DE L'ARGENT

II.[1]
LE MAMMONISME ET LA DÉMOCRATIE

Autre cause du règne de l’argent, la démocratie. La démocratie fraye, malgré elle, les voies à l’usurpation de l’argent. Un des caractères de nos sociétés démocratiques, c’est la prédominance des intérêts matériels, autrement dit des intérêts tout court, c’est-à-dire de l’argent. Cela, en France, a été la marque de tous nos gouvernemens depuis 1830 ; et plus s’est accéléré le courant démocratique, plus ce trait s’est accentué. Presque partout, l’établissement de la démocratie aboutit, — au moins pour un temps, — à la royauté de l’argent. Rien là de sémite ; c’est l’évolution naturelle de l’histoire. Plus de hiérarchie dans les sociétés nivelées ; plus guère d’autres rapports entre les hommes que les relations établies par l’argent entre ceux qui payent et ceux qui sont payés.

On pourrait presque dire que l’argent est, de droit naturel, le souverain légitime des démocraties. Sur les ruines de la royauté, de la noblesse, de l’Eglise, se fonde la suprématie de la richesse. Du milieu des décombres accumulés autour d’elle, elle édifie son pouvoir sur la table rase des révolutions. Elle demeure l’unique supériorité reconnue de tous. A d’autres époques, la puissance de l’argent avait des contrepoids ; presque tous ont disparu ; rien ne lui fait plus équilibre. Il est le vrai bénéficiaire du renversement de toutes les autorités anciennes, de la destruction de tous les privilèges de naissance. Resté seul debout, sur un sol uni, il est presque seul à tracer des rangs parmi les hommes.


I

Chaque forme de société est grosse d’une aristocratie, c’est-à-dire d’une classe dominante par sa situation sociale. Or, que voulez-vous qu’il sorte d’une démocratie, d’une société égalitaire dont toutes les autres distinctions ont été effacées, si ce n’est une aristocratie d’argent ? Serait-ce, comme nos pères l’avaient rêvé, l’aristocratie du talent et de l’intelligence ? Mais comment le peuple en serait-il bon juge ? La foule n’a, pour cela, ni assez de lumières, ni assez de connaissances. Elle n’a pas de quoi apprécier le talent ; il lui manque d’habitude une mesure pour en prendre la hauteur ; et elle n’a pas assez d’humilité pour s’en rapporter à autrui. C’est beaucoup quand le peuple reconnaît ses grands hommes, et ne confond pas l’aventurier empanaché avec l’homme de génie. Si matérialistes que nous soyons, nous plaçons bien, en théorie, l’art, la science, le talent, au-dessus de l’argent ; mais tout cela n’est désigné par aucun signe extérieur ; et les récompenses honorifiques, les croix multiformes et les rubans multicolores, inventés pour distinguer le mérite, deviennent trop souvent le prix de l’intrigue ou de la bassesse. Il n’y a guère, pour le peuple, qu’une supériorité tangible, que tous comprennent : la richesse. On la jalouse, mais on la convoite ; on l’admire presque malgré soi. Il entre une sorte de vénération mêlée d’envie dans les regards des foules devant le millionnaire, devant le milliardaire d’Amérique. Comme autrefois sur les saints, on fait courir sur lui des légendes, et à l’argent, comme naguère à Dieu, l’on attribue volontiers des miracles. La démocratie enfante la ploutocratie, — jusqu’aux révoltes de la jalousie des foules contre l’aristocratie nouvelle. C’est une loi de la nature, et c’est une loi de l’histoire. Il en a été ainsi, de tout temps : antiquité, moyen âge, temps modernes ; en Orient comme en Occident, en terre sémitique comme en terre aryenne. Ainsi déjà des républiques grecques ; ainsi de Rome comme de Carthage, la punique. Les « meilleurs », aristoi, c’est de bonne heure, en Grèce, les riches. A Rome, lorsque l’ascendant du patriciat décline, l’influence passe aux chevaliers, à l’ordre équestre, c’est-à-dire à la finance, aux sociétés de publicains qui afferment les impôts, les terres du domaine, les travaux publics[2]. Ainsi des républiques italiennes du medio evo ; et plus démocratique est leur constitution, plus absolue est la domination de l’argent. Prenez Florence : Christo regnante est-il encore gravé sur le portail du palais de la Seigneurie ? Pieux mensonge des amis de Savonarole ! le roi de la cité du lis est le florin d’or ; et sous le Médicis, le florin devient souverain de droit, comme souverain de fait. Nos démocraties modernes seraient d’étroites cités, des communes, qu’elles risqueraient fort de finir, elles aussi, par la dictature, avouée ou sournoise, de l’argent.

Faut-il parler des contemporains ? Regardez les États-Unis d’Amérique : c’est, par élection, le pays de Mammon et du Mammonisme. Quel est le souverain de la grande république, si ce n’est le roi dollar ? — Et notre vieille Europe, à mesure qu’elle se délivre des legs de la tradition, est en train de faire comme l’Amérique. J’entends dire qu’elle se judaïse ; encore une fois, il serait plus juste de dire qu’elle s’américanise. Ou mieux, la ploutocratie, s’il faut l’appeler de ce nom, n’est ni américaine, ni européenne, ni anglo-saxonne, ni sémitique ; elle n’a rien à voir avec la race. La ploutocratie est la résultante de tout un état social. Elle naît, spontanément, de la prédominance de l’industrie et du commerce. Qu’est-ce qui dans nos démocraties contre-balance le pouvoir de l’argent ? Une seule chose, en réalité, les convoitises des foules, anxieuses de jouir à leur tour.

Nos pères de 1789, en abolissant tous les privilèges, s’étaient flattés de fonder, à jamais, le règne de l’égalité, et sur cette égalité, ils avaient cru naïvement asseoir l’unité nationale. Plus de castes, plus de divisions de classes, s’étaient-ils dit ; plus de hiérarchie sociale : une nation homogène faite d’une seule pâte, comme d’un seul morceau. Et voici que, la Révolution à peine achevée et tout privilège abrogé, surgit une nouvelle hiérarchie des rangs, de nouvelles luttes et de nouvelles haines de classes. La nation tend derechef à se couper en deux ; et la déchirure se fait suivant le pli de la fortune : les riches d’un côté, les pauvres de l’autre. C’est la division antique des sociétés païennes, le schisme intérieur des cités de Thucydide.

« Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais que deux classes réellement distinctes, affirmait, dès avant 1789, le Cahier des pauvres : les propriétaires et les non-propriétaires. Toute autre distinction pour le peuple n’existe point[3]. » Il y a deux nations dans chaque nation, comme le disait déjà, de l’Angleterre encore aristocratique, le jeune Disraeli, vers 1845, — « deux nations entre lesquelles il n’y a ni relation, ni sympathie ; qui n’ont ni même éducation, ni mêmes sentimens, ni mêmes mœurs, comme si elles habitaient deux zones différentes[4]. » Combien cela est-il plus vrai, depuis un demi-siècle ! L’unité nationale est, partout, plus ou moins compromise, parce que, à l’intérêt national, tendent à se substituer les intérêts de classes. Cela même est une conséquence du règne de l’argent, car le royaume de Mammon est fatalement un royaume divisé contre lui-même.

Plus de privilèges ! avions-nous assuré, de bonne foi, aux masses ; mais la fortune, à son tour, leur paraît un privilège, et le plus odieux comme le plus enviable. Nous avons beau leur démontrer que, en droit, la richesse est accessible à tous ; qu’elle est, d’habitude, le prix de l’intelligence et du travail ; les foules ne voient que le fait matériel, l’inégalité dans ce qui les touche le plus, dans la répartition des biens de ce monde. Et comme nous leur avons appris que les hommes naissent égaux en droits, cette inégalité leur paraît une iniquité. Notre égalité théorique ne fait que leur rendre plus blessantes et plus douloureuses les inégalités réelles. C’est toujours la remarque d’Aristote : les hommes, égaux sous un rapport, ont voulu l’être en tout[5]. Egalité devant la loi, égalité politique, suffrage universel ne leur semblent qu’un leurre, — à moins qu’ils n’y découvrent une arme pour conquérir l’égalité sociale et convertir l’égalité des droits en égalité des conditions. Alors seulement sera achevée, pour le peuple, l’œuvre de la Révolution ; car, après l’ancien régime et la féodalité, reste à détruire la nouvelle aristocratie : la bourgeoisie capitaliste. Derrière le tiers état, parvenu à la richesse, se dresse le « quatrième état » qui, à son tour, se plaint de n’être rien et prétend être tout[6].

L’évolution est singulièrement rapide ; la démocratie, arrivée au règne de l’argent, s’insurge contre l’argent. Elle pourrait dire à la richesse : Nec tecum possum vivere, nec sine te. De là, désormais, le principe de toutes nos révolutions.


II

Et pourquoi ne pas l’avouer ? De toutes les aristocraties présentes ou passées, l’aristocratie d’argent a beau être la plus ouverte et, à tout prendre, la plus légitime, c’est peut-être celle qui excite le plus d’envie, et inspire le moins de respect. N’est-ce pas souvent sa faute ? Peut-on toujours dire d’elle qu’elle est l’aristocratie du mérite ? ou qu’elle a su mettre en pratique le « noblesse oblige » ? Oserions-nous affirmer de la richesse qu’elle est au plus digne ? L’argent est un roi dont les faveurs s’acquièrent parfois d’une manière trop choquante, pour que ses favoris soient toujours entourés de considération.

Qui l’aurait cru ? l’homme supportait, avec moins d’impatience peut-être, le privilège de la naissance ou le droit de l’épée. C’est que l’argent, dès qu’il réclame nos hommages de son propre chef, sans autre titre que ses écus, semblera toujours chose peu respectable. Il n’a rien de noble. Il n’a derrière lui, d’habitude, ni l’antiquité du temps, qui impose à l’imagination ; ni le prestige de la race qui relève l’homme vis-à-vis de lui-même, aussi bien qu’aux yeux d’autrui ; ni l’autorité des grandes charges et les traditions patriciennes qui semblent léguer à une famille un long héritage d’honneur ; ni l’éclat des hauts faits et des mâles prouesses qui illuminent un nom d’un éclair d’héroïsme. Il n’a, le plus souvent, pour faire accepter sa suzeraineté, ni la distinction personnelle, ni les générosités natives et les élégances héréditaires, rien de ce qui semblait légitimer jusqu’aux noblesses de boudoir ou d’antichambre, issues, par caprice royal, des flatteries d’un favori ou des complaisances d’une favorite. On ne voit, presque nulle part, dans l’aristocratie d’argent, de quoi fonder un patriciat, justifiant sa situation sociale par ses services. Bref, de toutes les supériorités, c’est encore celle devant laquelle l’homme se courbe le moins volontiers ; et cette répugnance est à l’honneur de la nature humaine. En dépit de Pascal, nous n’aimons point, pour céder le pas, à compter le nombre des laquais.

L’argent sait-il au moins se faire aimer ? Peut-on dire de lui que son joug est léger ? Les rois de l’or daignent bien nous faire participera leurs fêtes et à leurs plaisirs ; mais, alors même qu’ils n’y mettent pas de morgue, nous sommes enclins à trouver qu’ils y mettent trop de vanité. Inconséquence démocratique ! Nous avons, à la fois, pour les conquérans de la richesse, des indulgences et des exigences excessives. Nous voudrions, naïvement, qu’ils se fissent pardonner leur fortune à force de noblesse d’âme et de distinction d’esprit, deux choses, à coup sûr, malaisées aux enrichis. On leur passe, de mauvais gré, ce qu’on tolérait sans peine des aristocraties militaires ou des noblesses de cour, le luxe, le faste, ce dont l’aristocratie d’argent ne saurait se priver ; car c’est par là qu’elle établit ses titres et qu’elle affirme sa royauté.

L’argent a besoin de paraître, et l’esprit démocratique, qui le provoque à se montrer, est choqué de ses exhibitions. Quand les distinctions sociales sont fondées presque uniquement sur la richesse, chacun est porté à faire parade de ce qu’il possède. Mammon, le roi nouveau, aime à se donner en spectacle ; il n’est ni simple, ni modeste. C’est, plus ou moins, un parvenu ; l’ostentation ne lui déplaît pas ; il ne craint point de froisser autrui ; il a besoin d’éblouir son prochain. Et comme on imite partout les puissans du jour, les petits sont portés à copier les rois de l’argent. C’est, pour eux, une manière de se tirer du commun. Rester au-dessous des autres semble s’avouer leur inférieur ; on voit, du haut en bas de ce qui s’intitule le monde, jusque dans la plus mince bourgeoisie, une émulation de luxe, un assaut de banales et factices élégances. Il est souvent bien pauvre et de bien mauvais goût, ce luxe frelaté de bourgeois mesquins ; il n’en est guère moins irritant pour le peuple. C’est une barrière artificielle, une cloison élevée à dessein pour séparer les hommes et leur rendre plus sensible la différence des conditions. L’orgueil des riches ne redoute point de provoquer, au-dessous d’eux, les comparaisons blessantes ; il s’y efforce plutôt : c’est, pour lui, une façon de faire preuve de fortune, comme autrefois on faisait preuve de noblesse.

L’existence de certains riches (ce ne sont pas toujours les plus opulens) semble un défi à la multitude des pauvres ; elle est, à coup sûr, une incitation aux passions révolutionnaires. La futilité outrageante d’une vie toute de plaisir est une prédication quotidienne contre la richesse et contre les riches. Rien de malsain, pour les foules entassées dans nos capitales, comme le spectacle des oisivetés bruyantes qui s’étalent insolemment sur les boulevards de nos grandes villes. Deux choses, dans nos démocraties, compromettent la richesse, et avec elle la propriété : l’une, c’est la manière dont se font tant de fortunes ; l’autre, c’est la façon dont on use de la fortune.

Plus qu’aucune autre, peut-être, l’aristocratie d’argent soulève autour d’elle l’esprit de révolte. Le règne de Mammon n’est jamais longtemps paisible. Les masses s’insurgent contre ce qu’elles appellent les privilèges des riches, et le socialisme sort du mammonisme. Mais, en se révoltant contre les rois de l’argent, la démocratie s’attaque moins à la richesse qu’aux riches. Elle ne veut pas détruire la richesse, elle prétend s’en emparer. Ce n’est pas l’esprit chrétien qui la pousse, l’esprit de renoncement et de sacrifice, joyeusement détaché des biens de ce monde. Tout au rebours, le socialisme, chez le peuple, n’est guère que le syndicat des appétits et le formulaire des convoitises. Dans les guerres civiles du royaume de Mammon, satisfaits et mécontens sont, en réalité, imbus du même esprit, les uns voulant prendre, les autres voulant garder. Deux égoïsmes aux prises.

Les classes en possession du pouvoir en ont, de tout temps, fait un moyen d’arriver à la richesse. Ainsi, à son tour, la démocratie. Je ne sais si elle y apporte plus d’âpreté ; mais ce qui était facile aux aristocraties, nobiliaires ou bourgeoises, lui est singulièrement plus malaisé. Tous les citoyens ayant part à la souveraineté, tous prétendent avoir part aux profits du pouvoir. « Enrichissez-vous, » disaient, à leurs électeurs censitaires, les ministres de l’oligarchie bourgeoise. « Enrichissez-nous, crient, à leurs élus, les masses du suffrage universel ; donnez-nous ce qui, jusqu’à présent, a été le lot du petit nombre : bien-être et loisir. » Ce n’est rien moins qu’un miracle, une sorte de multiplication instantanée des richesses, avec diminution du travail, c’est-à-dire du grand facteur de la richesse, que promet aux multitudes l’extrême démocratie. Elle me fait songer aux alchimistes qui s’ingéniaient, sous la protection des princes, à transmuer en or le cuivre et les métaux vils. Elle cherche, elle aussi, la pierre philosophale. Elle s’est engagée, vis-à-vis des peuples, à fondre à nouveau les sociétés. Elle a beau avoir pour creuset l’Etat, et pour moule la loi, si elle réussit jamais, il lui faudra des siècles.

En attendant qu’elle annule le pouvoir de l’argent par le transfert de la richesse à tous, la démocratie semble offrir plus de prise à l’argent qu’aucun des régimes qui l’ont précédée à l’empire. Jamais peut-être Mammon n’a tenu plus de place dans la vie publique des nations chrétiennes ; aussi, quand elles seraient dirigées contre lui, il ne semble pas que les révolutions prochaines doivent de sitôt mettre fin à son règne. C’est un souverain malaisé à renverser, car, pour le détrôner, il ne suffit pas de proclamer sa déchéance.


III

L’intrusion de l’argent dans la politique est un des symptômes les plus alarmans de notre malaise social. La politique redevient matière à trafic, partant à courtage. Je doute que notre époque soit plus corrompue que les précédentes. Il fut un temps, dans l’Europe chrétienne, — témoin l’Angleterre de Charles II, — où, tout comme les parlemens, les rois étaient à vendre[7]. En Allemagne, en Pologne, en Suède, à Rome même, partout où siégeaient des assemblées, Versailles connaissait le tarif des consciences. L’immoralité, la vénalité sont de tous les temps, mais les institutions démocratiques en ont démesurément agrandi le domaine. Quand il n’y avait guère d’autre élection dans le Saint-Empire que celle de l’empereur, les princes, séculiers ou ecclésiastiques, étaient seuls à pouvoir mettre leur vote à l’encan. La mendicité des places et des faveurs, la course aux pensions et aux emplois, le négoce des influences, l’effort pour vivre et s’enrichir aux dépens du public, le parasitisme politique en un mot n’était autrefois permis qu’à une oligarchie, à la noblesse de cour, aux privilégiés de la naissance ou de la fortune.

Il en est autrement, depuis que les rameaux de l’arbre du pouvoir ont été abaissés à la portée de toutes les mains, et que toutes en prétendent cueillir les fruits d’or. Le cercle de la corruption s’est élargi à l’infini, avec le suffrage universel et avec l’avènement des nouvelles couches, d’autant que ces nouveaux venus avaient plus de besoins et moins de vergogne. — Puis les progrès de la civilisation et de l’industrie, la création des sociétés anonymes, les émissions de titres, les syndicats de garantie, les participations des banquiers nous ont enrichis de modes de corruption moins grossiers et moins périlleux. L’abject, le vulgaire pot-de-vin de nos ancêtres s’est bien affiné avec les inventions modernes ; il s’est fait propre, il ne salit presque plus les mains. Que de manières de faire de l’argent inconnues de Panurge ! La savante vénalité de nos jours a des procédés discrets qui ne laissent guère plus de traces que les poisons végétaux de la chimie moderne.

Prévarications, exactions, péculat, dilapidations, malversations, concussions, la vénalité et la corruption sont protéiformes ; elles n’appartiennent en propre à aucun régime. L’ancienne monarchie et la Révolution en ont presque également pâti. Je dirai plus, en dépit de l’Angleterre de Walpole, le défaut de liberté politique, par suite du manque de contrôle, me semble rendre la vénalité plus difficile à réprimer sous un gouvernement absolu, témoin la France de l’ancien régime, témoin la Russie autocratique[8]. Mais en Russie et dans les États absolus, l’argent peut fausser les ressorts du gouvernement ; il ne fait pas la loi. Dans les démocraties, au contraire, surtout aux époques de désarroi moral, l’argent menace de faire la loi.

De tout temps, les républiques ont été exposées à la tyrannie et aux usurpations ; l’usurpation sournoise de l’argent et la tyrannie occulte du pot-de-vin sont de celles dont il leur est le plus malaisé de se défendre. Pour s’en mettre à l’abri, il ne suffit pas d’édicter des lois contre les riches ; il faut des mœurs, il faut de la vertu, — comme disait ce bon Montesquieu, — et quand les mœurs déclinent, là même où subsiste encore de la vertu, ce n’est pas chez les politiciens qu’elle a son refuge.

Ici encore, nous pouvons renvoyer aux États-Unis d’Amérique. Faisons grâce au lecteur des républiques hispano-américaines ; tenons-nous-en aux États-Unis. Sur les plages où débarquaient, au chant des psaumes, les pèlerins de la Fleur de mai, fuyant devant la corruption du vieux monde, règne le gras, le lourd Mammon, au front chauve, à la peau luisante[9]. C’est sous l’œil louche de Mammon que délibèrent les Chambres du congrès, vainement fidèles à la tradition d’ouvrir leurs séances par une prière au Christ. La politique, aux États-Unis, est devenue une besogne suspecte où les honnêtes gens répugnent à tremper leurs doigts. Les partis y ressemblent à des compagnies de mercenaires, équipées et soldées par des groupes financiers qui se disputent à coups de bulletins, avec les emplois lucratifs, la machine à légiférer. La puissance des trusts n’a d’autre contrepoids que les coalitions des « chevaliers du travail » et les violences des syndicats ouvriers. Des États entiers sont les vassaux d’une société industrielle ; et législatures d’États ou congrès fédéral se font les serviteurs des cupidités privées. Propriétaires de mines et rois des chemins de fer savent dicter des lois : ils font voter le bill Mac-Kinley, ils font voter le Sherman bill[10], qui enrichissent un groupe de privilégiés et appauvrissent le pays. La longue administration du parti républicain a été le règne des accapareurs, des monopoles et des coalitions de capitaux. La victoire des démocrates et de l’honnête Cleveland, en 1893, est sortie d’une réaction des intérêts privés et de la conscience publique contre l’oppression de la ploutocratie. Nulle part, en pays chrétien, la domination de l’argent n’a été aussi éhontée et aussi tyrannique ; et, bien qu’on y compte, de longue date, des juifs nombreux, personne, que je sache, n’a encore découvert que cela fût dû à l’invasion des « Sémites ».

Il n’en est pas encore de notre France comme de la fédération américaine ; mais le mal, chez nous, est déjà grand, et à en juger par les dernières élections, le pays en paraît si peu inquiet que je ne sais s’il aura l’énergie d’en triompher. Cette France qui, depuis le Consulat et durant tout le XIXe siècle, était restée le modèle de l’intégrité administrative, voilà que, depuis une douzaine d’années, elle semble atteinte de la répugnante maladie dont nous la croyions à jamais indemne. Le chancre, le lupus hideux a pris la république par la tête, par le personnel parlementaire, par les ministères et les Chambres. À tous les yeux qui n’ont pas voulu demeurer fermés, les demi-révélations du Panama ont laissé entrevoir l’étendue et la profondeur de l’ulcère. Les dossiers de Cornélius Herz et le carnet d’Arton ont beau nous avoir été soustraits, nous avons aperçu, dans le cabinet de plus d’un homme politique, de louches agences où l’on trafiquait simultanément des croix d’honneur, des influences de partis et des concessions de l’État[11]. Le courtage s’est introduit dans nos mœurs politiques ; et, Levantins ou juifs allemands, les courtiers de race, les makler au crayon tentateur se sont glissés dans les couloirs du Palais-Bourbon. Paris semble devenu la terre d’élection des aventuriers et des aigrefins de toute origine ; c’est que, selon le proverbe talmudique, la brèche appelle le voleur. Et que de brèches béantes ont trouvées dans nos murs les rôdeurs de nuit ! Il ne leur a pas fallu longtemps errer autour de nos monumens ; ils n’ont même pas eu besoin d’escalades nocturnes. Les veilleurs, préposés par le peuple à la garde de la chose publique, leur ont fait signe du doigt et leur ont tendu la main, les aidant à enjamber les grilles et à sauter les fossés.

Des deux larrons alliés pour exploiter l’ingénuité populaire, — de l’aventurier sans patrie qui se fait décorer pour accroître le nombre de ses dupes, et du ministre ou député, serviteur de la démocratie, dénonciateur attitré des abus, qui trafique de ses votes ou de son influence, — le plus abject me semble encore le politicien. L’homme d’argent, le tripoteur exotique fait son vil métier ; l’autre, le démocrate, ment à sa vocation. Il commet le péché irrémissible dans une démocratie, le péché contre le peuple. Il ressemble au prêtre sacrilège qui n’a pas honte de profaner les mystères qu’il enseigne à révérer, et ne voit dans la religion qui le nourrit qu’une vache à lait. Et la République est-elle autre chose pour nombre des élus du peuple ? La politique, à leurs yeux, n’est que l’art de traire sans l’irriter la vache populaire. — Comment se feraient-ils scrupule de soutirer des millions aux sociétés privées ? De même que, autrefois, les chevaliers brigands du Rhin, les Raubritter, postés aux défilés du fleuve ou de la montagne, ils ont imaginé de lever un péage sur les marchands ou sur les industriels qui, pour passer, ont besoin d’une autorisation. Ils ont fait mieux : pareils aux naufrageurs du bon vieux temps qui, pour les piller, attiraient sur des écueils les vaisseaux en péril, les politiciens des nouvelles couches ont lié partie avec les écumeurs d’affaires pour exploiter en commun les sociétés en détresse. Panama nous les a montrés mettant à contribution la ruine des compagnies et vendant, à des financiers aux abois, le droit de dilapider les économies des petites gens.

Une des tristesses des hommes de mon âge, c’est de constater combien, depuis un tiers de siècle, a grandi, chez nous, le rôle de l’argent dans les coulisses de la politique. Nous nous indignions, jadis, contre « la corruption de l’Empire », corruption de cour, toute de surface, qui n’avait entamé aucun des organes essentiels de la nation. Qu’était cette corruption impériale en regard de ce que nous a valu l’austérité républicaine ? En vérité, nous avons été trop sévères pour le passé, ou nous sommes trop indulgens pour le présent. Déjà, sous l’honnête Louis-Philippe, vous savez ce qu’éprouvait Tocqueville : il lui semblait se trouver moins en présence d’un gouvernement que d’une compagnie industrielle. Il s’imaginait voir la France mise en actions au profit du parti au pouvoir[12]. Ce morose Tocqueville, que dirait-il, aujourd’hui, de notre démocratie française, ou de sa démocratie américaine ?

Pour l’argent et par l’argent, telle semble, des deux côtés de l’Atlantique, la devise du gros des politiciens. Elus et électeurs travaillent réciproquement à se corrompre. A côté des syndicats de la Bourse, nous avons des syndicats électoraux qui se soutiennent par des procédés analogues. Les élections veulent de l’argent, et au lieu de se contenter des subventions de leurs amis politiques, certains démocrates, en France comme en Italie, ont trouvé plus commode d’y faire contribuer les banques privées ou les établissemens financiers dans la dépendance de l’État. On s’expliquait mal, parfois, certaines connexités, devant le corps électoral, d’hommes et de groupes qui semblaient en guerre déclarée pour la conquête de la République. Le secret de ces scandaleuses alliances était, en partie, dans la complicité de certaines pratiques. Entre l’opportunisme et le radicalisme, ces deux frères ennemis, alliés des grands jours, il y avait un autre lien que l’esprit sectaire et la commune passion anti religieuse : le carnet de chèques. Plutus-Mammon est, après Vénus-Astarté, le dieu dont s’offusque le moins le zèle athée de nos laïcisateurs. Sous quels traits apparaîtra, dans l’histoire, cette concentration républicaine qu’on osait nous présenter comme l’arche du salut ? Sous la figure du ministre des finances et du chef de l’extrême gauche, de l’opportuniste et du radical escortant, de concert, leur ami le baron de Reinach, chez leur ami Cornélius Herz. Qui voudrait peindre, en un vivant tableau, la politique des dernières années, aurait là le sujet d’un beau groupe symbolique.

Encore, n’est-ce pas dans les parlemens ou dans les ministères que se fait le plus sentir l’ingérence de l’argent. Son ascendant s’exerce plus encore, sur une puissance qui se dit supérieure aux autorités constituées, sur la presse. En France, en Allemagne, en Autriche-Hongrie, en Italie, tout comme dans les deux Amériques, peu de feuilles échappent entièrement à ce joug avilissant. La plupart ont au cou un collier d’or, sur lequel leur maître a soin de ne pas graver son chiffre. Les maisons de banque, les financiers subventionnent volontiers les journaux, les achetant ou les prenant à bail, en tout ou en partie. Les habiles consentent à y perdre de l’argent ; ils se rattrapent dans les émissions ou dans les fournitures, sur le dos du public ou sur le dos de l’Etat. Des faits récens l’ont montré : les feuilles les plus vénales sont souvent celles qui dénoncent le plus bruyamment « les exploiteurs du peuple ». Les journaux honnêtes (il en reste encore, Dieu merci) ne vendent ni n’afferment leur partie politique ; mais beaucoup ne se font pas scrupule de céder, au plus offrant, leur partie financière. Et le public est dupe de bizarres marchés ; telle feuille d’extrême droite, ultra-catholique, telle feuille d’extrême gauche, ultra-radicale, ont leur bulletin financier vendu au même courtier israélite ou protestant. Les gazettes les mieux pensantes ne dédaignent pas toujours de s’abreuver à ce Pactole. Aux époques d’émission, la presse, de toute nuance, passe à la caisse du banquier émetteur. Ainsi s’explique comment cette presse aboyante, pareille à un Cerbère aux cent têtes dont les gueules baveuses passent le temps à s’entre-mordre, montre tout d’un coup une quasi-unanimité, psalmodiant à l’unisson la même litanie d’éloges.

Entre toutes les vilenies de l’affaire du Panama, le rôle de la presse a peut-être été le plus honteux, et sur cette complicité de la presse, d’autant plus pernicieuse qu’elle se reproduit à chaque occasion, on s’est lu dans tous les camps, les journaux quotidiens de toute couleur étant intéressés au silence. Encore si tous s’étaient tus ! Mais plusieurs ont érigé leur vénalité en maxime. Des journalistes, qui n’étaient pas tous juifs, ont posé en principe que le journal est un avocat qui plaide et se fait payer. Cette presse qui se vantait d’être l’éducatrice du peuple, qui prétendait remplacer auprès des foules émancipées le prêtre et le prône, se donnant comme le nouveau pouvoir spirituel appelé, sur les ruines des églises, à distribuer aux masses le pain de l’esprit, voilà comment elle pratique son sacerdoce ! Il n’est pourtant pas loin le temps où la plume nous semblait une épée, pure de tout sang versé ; où nous nous imaginions que, dans la confuse mêlée de la vie contemporaine, où les violences ne sont plus guère accomplies par la force, l’écrivain, le journaliste devait être le moderne chevalier, le redresseur de torts, combattant visière haute pour la défense des faibles. C’était trop demander à ces temps sans vertu. La plume du journaliste ressemble plutôt aux flèches empoisonnées du sauvage, et, pour écrire, il n’est, hélas ! nul besoin d’être armé chevalier. Nous avons vu se lever, derrière nous, une génération de condottieri de la presse, de bravi du journal, qui rançonnent effrontément les particuliers ou les sociétés, et entreprennent à forfait des raids financiers sur les terres du public. Certes, il y a encore de nombreuses et nobles exceptions ; mais, à tout prendre, il n’y a pas, pour nous écrivains, à être fiers de notre temps et de notre pays. Pour ne pas trop nous mépriser, nous avons besoin de nous rappeler l’époque peu lointaine où poètes et prosateurs étaient aux gages de qui les payait et tendaient publiquement la main aux grands seigneurs ou aux financiers. N’importe, de toutes les faillites dont a été témoin le XIXe siècle, je n’en sais pas de plus lamentable que la faillite de cette presse corrompue et corruptrice. Si l’on doit juger l’arbre à ses fruits, il faut bien avouer que, — chez nous au moins, — la liberté de la presse a fait banqueroute.

À cette corruption, à cette immixtion de l’argent dans la presse et dans la politique, certains docteurs apportent des remèdes d’apparence fort simple. Les uns recommandent de restreindre les libertés publiques et notamment la liberté de la presse ; les autres. — ou les mêmes, — conseillent de supprimer le parlementarisme, de ramasser tous les pouvoirs dans une main, tout en accroissant les droits de l’Etat. Vieux remèdes qui n’ont jamais guéri personne. Le mal, qu’on ne s’y trompe point, n’est pas toujours imputable à la liberté ; les gouvernemens en sont, pour une bonne part, responsables. Les gouvernemens, ou les gouvernans ont beaucoup fait pour corrompre la presse, les Chambres, les électeurs. Ils ont employé, à cette œuvre de démoralisation publique, les subventions, les décorations, les faveurs de l’Etat. La vénalité a été, pour eux, un procédé de gouvernement. Les fonds secrets qui révoltaient nos pudeurs enfantines ne suffisent plus. En France, en Allemagne, on Italie, pour ne parler que de l’Europe, il a fallu inventer d’autres ressources. Nous avons entendu des ministres de la République se vanter d’avoir fait tomber, de préférence, sur leurs amis, la pluie d’or répandue par les courtiers des syndicats sur les journaux. De plus grands hommes n’ont pas dédaigné ces petites manœuvres. La presse de la vertueuse Allemagne n’a-t-elle pas, durant vingt-cinq ans, savouré la manne du fonds des Guelfes, du fonds des reptiles, artistement distribué par ce grand tentateur de Bismarck ? L’Italie a eu sa crise des Banques et son Panamino, plus grave peut-être en réalité que son homonyme français. C’est que, en politique aussi, l’argent trop souvent est le nerf de la guerre. Presque partout, sur le continent, les hommes ou les partis au pouvoir ont noué de louches alliances avec les financiers ; et, qu’on le remarque bien, si les banques ou les sociétés industrielles font parfois la loi aux gouvernemens, c’est, plus souvent peut-être, les gouvernemens qui exploitent les compagnies privées et les banques ; témoin le Panama et le Panamino. Comme les extrêmes se touchent, on retrouve parfois dans nos démocraties les plus coupables pratiques des gouvernemens d’ancien régime : pour obtenir la protection des lois, il faut acheter la connivence des hommes en place. Ainsi trop souvent, chez nous, depuis le règne du syndicat électoral de la concentration républicaine. En pareil cas, ce n’est ni des particuliers, ni des compagnies, que vient l’initiative de la corruption, c’est des représentans du pouvoir. Les mains qui payent sont ouvertes de force par la main qui reçoit : le vrai corrupteur, c’est le corrompu.

Après cela, que dire des autres remèdes préconisés des empiriques ? Faut-il parler de la révision ? La corruption politique n’est qu’une éruption du virus intérieur : comment la guérir avec une révision constitutionnelle ? En France, on est toujours enclin à chercher le salut dans une modification de la machine gouvernementale, comme si les textes de loi avaient une vertu curative. Qu’on ramène sénateurs et députés à leurs attributions législatives ; qu’on délivre l’administration de leur ingérence tyrannique, fort bien ; mais faire nommer le chef du pouvoir par le suffrage universel, choisir les ministres en dehors des Chambres, risquerait fort de n’avoir d’autre résultat que de déplacer les abus. Il faut, dit-on, prendre modèle sur les États-Unis. Mais quand il serait possible, à une France unitaire, de copier la grande république fédérale, n’est-ce pas aux États-Unis que la plaie d’argent est la plus invétérée, et que le mammonisme est le plus puissant ?

Reste la panacée à la mode : l’extension des attributions de l’État. Voilà, du coup, un traitement avec lequel on est sûr de voir le malade empirer. Etendre la sphère d’action de l’État, accroître les droits du pouvoir, lui conférer la haute main sur les banques, sur les mines, sur les sociétés financières et industrielles, c’est agrandir, à l’infini, le domaine de la corruption administrative, avec le champ d’exploitation des politiciens qui représentent l’État et vivent de lui. Voulez-vous de nouveaux Panama, élargissez les attributions de l’État. L’État, le gouvernement, n’est pas un être de raison infaillible, impeccable, incorruptible ; l’État est représenté par des hommes en chair et en os, sujets à toutes les passions et à toutes les cupidités, qui ne cherchent souvent au pouvoir que les satisfactions de leurs intérêts, de leur ambition ou de leurs haines. L’État, c’est, dans la pratique, le parti au pouvoir ; c’étaient hier, en France, les patrons de Cornélius Herz ; car, en ce sens, État ou gouvernement, c’est tout un. Hélas ! ce n’est pas du dehors qu’il faut attendre la guérison. Le salut ne peut nous venir de l’État ; tout au rebours, c’est à nous plutôt de sauver l’État. Ce ne sont ni les lois ni les institutions, ce sont les hommes, c’est nous-mêmes qu’il faudrait changer. Nous avons moins besoin de révisions constitutionnelles, de réformes législatives, que de réformes morales ; et cela est autrement malaisé.


IV

Le mal est en nous, et ne peut être guéri par des remèdes extérieurs. Il ne nous est pas venu du dehors ; ce n’est point une fièvre jaune ou un choléra des Indes importé d’outre-mer, avec des produits exotiques, par des marchands de race étrangère ; c’est, à vrai dire, un choléra-nostras né, spontanément, chez nous, ou devenu endémique en Occident. Pour nous en défendre, peu nous servirait d’établir des lazarets à nos Frontières, ou des léproseries aux portes de nos villes.

Le mal est en nous, mal organique qui tient à notre complexion, à notre âge, à notre régime social, à toutes nos conditions d’existence ; mal qui a gagné toutes les classes ; non que toutes en soient également contaminées, mais aucune n’en est indemne. S’il est plus visible dans les couches moyennes ou supérieures, la pauvreté n’en préserve point. A trop de pauvres, il ne manque, pour avoir les vices des riches, que les moyens de s’y livrer. Le peuple est démoralisé par les exemples d’en haut. D’après ce qu’il en aperçoit, toutes les classes supérieures, tout ce qu’il confond sous le nom de bourgeoisie lui apparaît incurablement gangrené. « Que dit-on dans les ateliers ? demandait à un ouvrier de sa connaissance un sénateur philosophe. — Monsieur Jules, on dit que tous les bourgeois sont pourris. Depuis le Panama, la démonstration est faite. »

La bourgeoisie, une pourriture ! voilà le sentiment du peuple dans presque tous nos États modernes. Nous savons, nous autres, combien cela est faux ; mais cette opinion s’enfonce dans les cervelles populaires ; elle est en train d’y devenir un axiome. Les masses raisonnent des bourgeois, comme nombre de bourgeois raisonnent des juifs : tous exploiteurs, tous voleurs ! Pour le peuple des villes surtout, tel est le sens de nos scandales politiques et financiers ; Panama a été le procès de la société bourgeoise, enveloppée tout entière dans la même réprobation. Le peuple nous applique la théorie du bloc. Pas d’autre remède que de supprimer le bourgeois. Cela est radical, mais cela est au moins plus logique que de se contenter de supprimer le juif.

Supprimer le bourgeois, ce n’est point, il va de soi, la solution bourgeoise. Pas n’est besoin d’un remède aussi violent. Pour se délivrer de la corruption et s’affranchir des vilenies de l’argent, il n’y a, selon beaucoup, qu’à écarter les hommes d’argent. Mais où commencent, où finissent, de nos jours, les hommes d’argent ? Bien simple qui les croit tous réunis sous les colonnades de la Bourse ! Leur nom est légion. Le Fils de l’homme chassait les marchands des portiques du Temple, mais il leur laissait la ville et la campagne. Les philosophes grecs, plus sévères, mettaient les hommes de négoce en dehors de la cité ; ils leur permettaient d’y vivre, d’y trafiquer, non d’y prendre part aux affaires publiques. Aristote est formel à cet égard : il bannit les marchands de l’agora[13]. Il n’y veut que des hommes libres, affranchis des préoccupations mercantiles qui s’opposent à la pratique de la vertu, car la recherche du gain empêche l’acquisition de la sagesse. Pareille exclusion était bonne, en Grèce, pour ces démocraties d’aristocrates fondées sur l’esclavage. Mais rayez des listes électorales, dans nos démocraties modernes, les hommes dont le gain est le principal souci, combien restera-t-il d’électeurs ? L’Evangile dit bien : Si ton œil te scandalise, arrache ton œil, et si ta main te scandalise, coupe ta main ; mais ici ce n’est pas un membre qui est malade : c’est tout le corps. Ou mieux, c’est l’âme elle-même. Notre mal, on ne saurait trop le redire, ce n’est pas l’argent, ce n’est pas la richesse ; c’est la soif dévorante, la soif diabétique de l’argent, l’idée que le bonheur dépend de la richesse et que dans la fortune gît toute félicité.

Un écrivain du XVe siècle raconte que le médecin juif du pape Innocent VIII (les papes, comme les rois, avaient encore des médecins juifs), ayant épuisé tous les moyens de guérison, inventa de sauver le vieux pontife à l’aide d’un élixir fait d’une dissolution de perles fines[14]. Qu’était la fabuleuse potion du médecin sémite, sinon un symbole de notre foi, déjà ancienne, dans la toute-puissante vertu de la richesse ? Et cette foi en la richesse n’a fait que grandir depuis le moyen âge. Jamais l’on n’a autant cru à sa vertu curative. C’est d’elle, c’est d’une infusion de richesse et de bien-être que presque tous les modernes attendent le salut des sociétés.

Eh bien ! non ; à quelque dose qu’elle soit prise, gaspillée témérairement par l’empirisme brutal des socialistes, ou prudemment administrée par la main savante des économistes, la richesse ne suffira point à nous guérir. Notre sang ne se refera point avec l’or. Le bien-être ne saurait nous rendre la santé. Notre mal, il faut toujours en revenir là, est avant tout un mal moral, et à mal moral remèdes moraux. La question d’argent, comme la question sociale, se ramène à une question de morale. Qu’on me pardonne d’insister sur des idées que j’ai déjà exprimées plus d’une fois ici même[15]. Il y a des vérités auxquelles nous sommes toujours rappelés. Le mal est dans les âmes, et c’est des âmes qu’il faut d’abord s’occuper ; c’est, elles qu’il faudrait affranchir de la servitude de l’argent. Nous aurons fait un grand pas dans la voie libératrice, quand nous aurons cessé de croire au salut, par la richesse et par la civilisation matérielle.

C’est là le premier point ; le second serait de cesser d’attendre la guérison de l’Etat, de la loi, qui ne peut refaire l’homme intérieur. La loi est chose morte ; elle n’a point en elle de principe de vie. Elle n’a jamais arrêté la décadence des nations. Tolstoï et les mystiques ont raison, à travers toutes leurs outrances : ni l’État, ni la loi, ni même la science n’ont de quoi fermer les plaies de nos sociétés. Le remède efficace est au dedans de nous, dans la rénovation morale.

Ici encore, si nous prétendons réformer la société, commençons par réformer l’individu, commençons par nous réformer nous-mêmes. Si nous voulons vaincre Mammon, sachons nous affranchir de tout ce qui donne à Mammon prise sur nos âmes. Et qu’est-ce qui lui donne prise sur nous, si ce n’est nos vices, notre mollesse affadie et débilitante, notre lâche amour du bien-être, notre fièvre de plaisirs ineptes et vides, la vanité qui est au fond de nos goûts de luxe, la sensualité qui est à la racine de nos besoins de confort, la satiété de blasés qui nous fait rechercher le ragoût des nouveautés coûteuses ? Est-ce tout ? Est-il besoin de nommer le vice qui est la grande anse par où l’argent a prise sur tant de nos contemporains ? la débauche secrète ou cynique, le libertinage grossier ou raffiné, dont notre époque a étendu les ravages à toutes les classes et à tous les âges ? La volupté, tel est le suppôt attitré de la royauté de l’argent, le grand agent de la corruption publique et privée. Asmodée l’impudique a toujours été le ministre de Mammon. Demandez aux bénéficiaires innomés des chèques d’Arton les conseils de probité que leur ont donnés le foyer de l’Opéra ou les coulisses des petits théâtres. Une société qui fait à l’Ève déchue, à la femme de luxe et de luxure, abjecte héritière des hétaïres grecques et des kedeshot syriennes, une place quasi officielle est vouée au joug de Mammon, à la servitude de l’argent. Les deux corruptions, la sensuelle et la vénale, les deux concupiscences de la chair et des yeux, comme s’exprime la vieille Église, se tendent la main. La vie morale forme une chaîne dont les anneaux se tiennent. Purifions-nous, élevons nos âmes, écartons de nous tout ce qui est vil, faisons fi des vaines délicatesses des sens, et Mammon n’ayant plus de prise sur nous, le règne de l’argent prendra fin.


V

Mais c’est trop demander à notre mollesse. Sommes-nous prêts à changer de vie ? Avons-nous seulement la sincérité de nous reconnaître coupables ? Il y a comme une vertu, un commencement de relèvement dans la confession du péché. Si nous n’avons pas le courage de nous convertir et de faire pénitence, ayons au moins la franchise d’avouer notre faute, et sachons dire : Pater, peccavi. Voilà qui serait viril, et qui serait chrétien. Est-ce ce que nous faisons ? Est-ce ce que nous conseillent les dénonciateurs patentés des corruptions de l’argent ? Non, tout au rebours ; ils refusent de nous laisser nous accuser nous-mêmes ; ils nous invitent, selon la déloyale méthode des lâches de tous les temps, à chercher, à côté de nous, un bouc que nous chargions de nos péchés. Ainsi, notamment, les antisémites, oublieux qu’en cela ils empruntent aux juifs une des pratiques les moins recommandables de l’ancienne loi. Désignant au peuple un groupe minuscule, ils rejettent sur lui toutes les fautes de la nation, disant : C’est lui le coupable, chassons-le du camp et le peuple sera sain.

Ce n’est pas que dans l’antisémitisme, allemand ou français, il n’y ait qu’hypocrisie ou haines surannées. Non, certes ! L’antisémitisme, chez les plus honnêtes de ses adeptes (et parmi eux, les honnêtes gens, les naïfs sont après tout en majorité), l’antisémitisme a pu être, à sa façon, une révolte de la conscience publique contre le règne de l’argent. C’est, à travers ses injustices et ses ignorances, une protestation contre les tendances matérialistes de notre âge[16]. Par-là, ce vilain revenant du passé s’adresse aux meilleurs sentimens de notre nature, à ce qui reste de chrétien dans nos sociétés redevenues païennes. Mais, en même temps, avec une aveugle inconsistance, cette apparente réaction contre le matérialisme pratique de nos jours fait appel à tous les instincts mauvais qu’elle semblait devoir combattre, aux convoitises, aux cupidités, à tout ce qu’il y a de bas dans l’homme. Ainsi, dans ce torrent aux eaux troubles se mêlent et s’entre-croisent les sentimens les plus divers, la probité indignée de l’honnête homme et l’avide avarice des jaloux qu’irrite la richesse d’autrui ; les regrets douloureux des simples, dépouillés par la fraude des agioteurs, et les rancunes inavouées des intrigans ou des malhabiles, déçus de leurs rêves de fortune. Impur mélange d’instincts généreux et de vils appétits qui fait la force de l’antisémitisme, car il lui vaut simultanément les cœurs honnêtes et les âmes basses.

On a dit souvent que l’envie était la passion dominante des démocraties. Cela seul expliquerait l’antisémitisme ; s’il a grandi si vite, c’est qu’il a été semé dans la terre de l’envie, un sol qui ne manque nulle part. Toute rébellion du sentiment public contre la domination de l’argent devait, du reste, en Europe, tourner contre les juifs. Les peuples ont besoin de tout personnifier dans un homme, dans un nom ; ils devaient personnifier l’argent dans le juif. Peu leur importe que la majorité des fils de Jacob soit pauvre ; ils ne veulent voir en Israël que les rois de la finance ; et poussés, à leur insu, par des réminiscences lointaines et par une aversion héréditaire, ils incarnent dans le juif la tyrannie de l’argent. La finance, c’est vague ; le capital, c’est abstrait ; — le juif, cela semble précis, cela donne un corps aux haines et une cible aux traits. Aux yeux des foules, le juif, c’est la spéculation, c’est le million fait homme.

Autre raison de cette identification du juif et de l’argent. Les juifs, par le fait de leur religion et de leur isolement séculaire, forment, parmi les nations, comme une sorte de classe, de caste à part, contre laquelle il est d’autant plus aisé d’ameuter les antipathies populaires que l’on peut les représenter comme des étrangers, des intrus d’un autre sang, n’ayant d’autre patrie que la Bourse et d’autres dieux que l’or[17]. A la démocratie, naturellement jalouse de toute supériorité, il est facile de dénoncer Israël comme le noyau d’une nouvelle aristocratie, l’embryon de la vile noblesse d’argent qui va conquérant le monde à coups de millions. On voit en lui (bien à tort souvent) le nerf de cette antipathique « féodalité financière » qui règne par le droit de l’or. Les rois, en temps de révolution, sont victimes de leur royauté ; et, pour la foule des petites gens, les juifs sont les rois de l’argent. Elle s’imagine qu’en les détrônant, comme nous avons fait de nos rois, elle s’affranchirait de la souveraineté de l’argent.

Erreur éternelle du vulgaire qui, pour conquérir la liberté, croit qu’il n’y a qu’à tuer César. Les dynasties de banquiers juifs viendraient à périr sur l’échafaud ou dans l’exil, comme les Stuarts et les Bourbons, que l’argent n’en continuerait pas moins à régner sur nous. Comme après bien des révolutions, il n’y aurait qu’un changement de personnes ou des mutations de familles. Le sceptre de la Bourse passerait à d’autres, à des protestans, à des Anglo-Saxons, à des Levantins, peu importe ; pour être en des mains chrétiennes, peut-être n’en serait-il pas plus léger. La domination de l’argent, Israël en a profité plutôt qu’il ne l’a établie ; ce n’est pas une royauté qu’il ait été seul à fonder, qu’il soit seul à faire durer. Nous avons dit ses origines ; elle est sortie spontanément de notre évolution démocratique et de notre civilisation industrielle. Pour y mettre fin, il faut bien autre chose que la chute du juif. Il est très vrai que l’ascendant des juifs tient, en partie, à la puissance de l’argent ; mais ce n’est pas Juda qui fait la puissance de l’argent ; c’est, à l’inverse, la domination de l’argent qui fait la puissance du juif. Ne prenons point l’effet pour la cause. Avec le rôle de l’argent, tend à grandir, partout, en Asie comme en Europe, le rôle des races que l’histoire et la persécution ont longtemps vouées aux affaires d’argent : Juifs, Grecs, Arméniens, Parsis. L’or étant roi, ses ministres règnent. Mais, hélas ! il nous paraît moins dur d’incriminer « le Sémite » que de nous réformer nous-mêmes.

Allons jusqu’au bout de notre examen de conscience. S’il est inique d’imputer le mammonisme au juif et de rejeter sur les « Sémites » nos fautes et nos vices, est-il toujours juste de s’en prendre à la richesse ? Il ne faut calomnier personne, pas même la richesse et les riches. Le coupable, force est bien de le répéter, ce n’est pas la richesse, mais l’amour immodéré des richesses. La richesse, avons-nous dit, n’est, en soi, ni bonne ni mauvaise ; elle n’est ni belle ni laide. Elle est ce que nous sommes, et ce que nous la faisons. N’en déplaise à ses détracteurs, la richesse, l’opulence même, garde, dans notre culture moderne, un rôle essentiel. Elle a sa fonction sociale, fonction multiple que, par ces temps de démocratie, elle est seule à pouvoir remplir. Frêles ou durables, parmi les choses qui donnent du prix à la vie, plus d’une risquerait de périr avec elle. Ni l’art ni la science, pour ne point parler du reste, ne sauraient longtemps se passer d’elle ; la supprimer, sous prétexte que ses élégances sont su perdues, ce serait couper dans sa tige la fleur suprême de la civilisation. Ne faisons pas les raffinés : sa mission a beau être presque aussi mal comprise du riche que du pauvre, la richesse n’en est pas moins un des facteurs de ce que nous nous plaisons à nommer le progrès, et si elle venait à disparaître, le riche ne serait pas seul à en pâtir. N’en croyons pas des moralistes trop chagrins : la richesse n’est pas forcément chose vile et avilissante ; il n’est pas toujours vrai qu’elle matérialise l’âme et qu’elle « prosaïse » la vie ; si elle n’a pas de poésie en elle-même, elle a moins de peine à se défendre contre le prosaïsme de l’existence. Elle n’est pas toujours oppressive de l’esprit et desséchante du cœur ; il est faux qu’elle étouffe partout l’âme sous le poids de plomb des soucis matériels, ou sous le lourd édredon du bien-être. Elle peut, elle aussi, être libératrice : elle peut émanciper ou soulager l’esprit, en allégeant le fardeau incommode des nécessités quotidiennes. Ceux-là seuls savent être riches qui de leur fortune ont fait un instrument de liberté.

De même, la richesse n’est pas toujours une cause d’isolement. Plaignons les riches qui s’enferment dans leur argent, comme dans une prison aux grilles d’or dont les barreaux les séparent de leurs frères. Ceux-là, non plus, ne savent pas être riches. Ils ignorent les meilleures joies de la fortune. La richesse n’est pas toujours corruptrice ; elle ne corrompt que ceux qui mettent leur cœur en elle. Bien mieux, selon le mot d’un contemporain[18], sa fonction, trop méconnue, est de créer autour d’elle les conditions matérielles de la moralité. Ainsi du logement, par exemple. C’est pour cela qu’il nous est permis d’en souhaiter la diffusion parmi nous ; — non pour le confort des sens, non pour donner à tous les aises amollissantes et les joies banales du bien-être matériel ; mais pour la pureté du foyer et l’intégrité de la famille ; pour que le corps étant moins durement ou moins longtemps courbé vers le sol, l’âme aussi se tienne plus droite ; pour que l’esprit ait plus d’aise et de liberté, et que, partout, dans la vie humaine, il entre plus d’humaine dignité.

La règle de la sagesse, elle nous a été donnée, voici bientôt deux mille ans, sur les collines de Galilée. Soyons pauvres en esprit, ce qui veut dire n’ayons pas notre cœur aux richesses. Et, pour être pauvre en esprit, le chrétien n’a pas besoin, comme le stoïcien île la Home impériale, d’avoir dans son palais une chambre du pauvre, où s’enfermer, à certains jours, sous un vêtement grossier, avec un pain d’orge ou un peu de farine détrempée, comme pour se donner une heure la sensation de la pauvreté, et se prouver à soi-même que les privations n’en sont pas si dures. Il suffit au sage de ce versant du Calvaire (chose malaisée peut-être aux mondains affairés) de se retirer en silence dans la solitude de sa conscience et de sentir que son âme n’est par l’esclave des fades délicatesses du bien-être ou des fastueuses jouissances du luxe. Mais, riches ou pauvres, et juifs ou chrétiens, combien, parmi nous, savent être pauvres en esprit ? Si les riches ne le savent plus, les pauvres eux-mêmes l’ont désappris. A suivre les convoitises des yeux, à surprendre les battemens des cœurs, je ne vois guère, autour de nous, que des riches en esprit. Les plus ardens à déclamer contre l’argent et contre le mammonisme n’ont, le plus souvent, d’autre dieu que Mammon. C’est pour cela que nos sociétés sont malades ; car l’amour de la justice ; n’est pas seul à travailler notre démocratie.


ANATOLE LEROY-BEAULIEU.

  1. Voyez la Revue du 15 mars.
  2. Voyez A. Delourne, les Manieurs d’argent à Rome.
  3. Voyez M. Ch. Gomel, les Causes financières de la Révolution française, t. II, p. 626 ; Guillaumin, 1893.
  4. Benjamin Disraeli, Sybil or the two Nations.
  5. Aristote, Politique, liv. V, ch. I.
  6. Chose peu connue, cette expression de IVe état, de IVe ordre, dont on abuse quelque peu aujourd’hui, et que nous ne saurions prendre à la lettre, est antérieure à la Révolution. Que parle-t-on d’ordres dans la nation, disait, dès avant 1789, un pamphlet intitulé : Le IVe Ordre ; il n’y a que des classes : celle des pauvres, celle des gens qui ont le nécessaire, enfin celle des riches. » Voy. Ch. Gomel : les Causes financières de la Révolution, t. II, p. 626.
  7. « Les Anglais, disait Montesquieu, encore au XVIIIe siècle, ne sont plus dignes de leur liberté. Ils la vendent au roi, et si le roi la leur redonnait, ils la lui vendraient encore. Un ministre ne songe qu’à triompher de son adversaire dans la Chambre basse, et pourvu qu’il en vienne à bout, il vendrait l’Angleterre et toutes les autres puissances du monde. » Montesquieu, Notes sur l’Angleterre, 1729.
  8. Voyez l’Empire des Tsars et, les Russes, t. II, liv. II, 3e édition ; Hachette, 1893.
  9. Se rappeler le tableau du peintre anglais Wats, exposé, chez nous, au Champ-de-Mars, en 1889.
  10. La loi sur la frappe du métal argent récemment abrogée.
  11. On savait, depuis longtemps, à l’étranger que telles feuilles républicaines payaient leurs bailleurs de fonds avec des croix de la Légion d’honneur. Voyez notamment Sir Ch. Dilke, l’Europe en 1887 ; Quantin, édit. française, p. 70.
  12. Alexis de Tocqueville, Souvenirs. Et il n’était pas seul à avoir cette impression, témoin certaines lettres de La Mennais et de Léon Faucher, etc.
  13. Aristote, Politique, liv. I, ch. VIII ; — liv. VII, ch. IX. Cf. Platon, les Lois, liv, XI.
  14. Gregorovius, Geschichte der Stadt Rom im Mittelalter, t. VII (1870), p. 306.
  15. Voyez notamment, la Papauté, le Socialisme et la Démocratie.
  16. Die Judenfrage ; eine ethische Frage, dit un Israélite allemand, le Dr Léopold Caro ; Leipsig, 1892.
  17. Voyez Israël parmi les Nations ; Calmann Lévy, 1893, ch. XII.
  18. M. Paul Desjardins.