Le Secret (Collins)/Livre III/1

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Traduction par Old Nick.
Hachette (p. 81-96).
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CHAPITRE PREMIER.

Timon de Londres.


Timon d’Athènes, quittant un monde ingrat, s’était retiré dans une grotte au bord de la mer ; Timon de Londres, fuyant ses semblables, dans une maison isolée du côté de Bayswater. Timon d’Athènes épanchait sa misanthropie en vers magnifiques ; Timon de Londres manifestait ses sentiments en vile prose. En s’adressant à Timon d’Athènes, on lui disait humblement : « Monseigneur. » En parlant à Timon de Londres, on n’employait que la formule beaucoup plus simple de : « Monsieur Treverton. » À tant de contrastes on ne pouvait guère opposer qu’un seul point de ressemblance, et c’était celui-ci : la misanthropie des deux Timon était également sincère ; tous deux haïssaient leurs semblables d’une haine incorrigible.

Le caractère d’Andrew Treverton avait, dès l’enfance, offert ces reliefs et ces lacunes contradictoires, ce mélange incompréhensible de bien et de mal, que, dans son langage indifférent et sans précision, le monde qualifie dédaigneusement « d’excentricité. » On a défini l’homme « un animal imitatif, » et l’exactitude de cette définition se trouve surtout justifiée par la condamnation que ne manque jamais d’encourir tout membre de l’espèce assez hardi pour être lui-même et ne ressembler à personne autre. L’homme est partie intégrante d’un vaste troupeau : malheur à lui si sa laine n’est pas de la couleur ordinaire ! Il lui faut boire quand le reste boit ; partir quand le reste part. Ses semblables venant à s’effrayer devant un chien et à décamper du pied droit, il faut qu’il s’effraye aussi et décampe de même, du pied droit, non de l’autre. Si par hasard il n’a pas peur, ou si, prenant la fuite, il se permet une autre allure, il demeure démontré, dans l’opinion, qu’en lui quelque chose cloche et demande à être réformé. Qu’un homme, en plein midi, s’avise de parcourir Oxford-Street dans toute sa longueur, le plus tranquillement et le plus décemment du monde, sans le moindre égarement dans les yeux, la moindre irrégularité dans l’attitude et les gestes, mais sans son chapeau ; et allez-vous-en demander ce qu’ils pensent de cet homme aux milliers de passants que vous rencontrez, le chef couvert de feutre. Combien d’entre eux, séparément interrogés, hésiteront à déclarer sur l’heure que ce promeneur est fou ? et cela sans autre preuve, que le témoignage de sa tête nue. Il y a plus : que cet homme aborde poliment, un à un, chaque passant ; que, dans les termes les plus simples et les plus nets, il leur explique ce qui, dans sa conduite, les étonne ainsi : que son chapeau le gênait, qu’il se sent la tête plus libre quand il est décoiffé ; combien de ses semblables, si prompts à le déclarer fou de prime abord, consentiront à changer d’avis après l’avoir entendu déduire ses motifs ? Pour l’immense majorité, l’explication sérieusement donnée ne sera qu’un supplément de preuve, une excellente confirmation du verdict porté contre l’intelligence de l’homme sans chapeau.

Parti du mauvais pied, dès le début, avec le reste de ses contemporains, Andrew Treverton ne fut pas longtemps à subir la peine de cette irrégularité d’allure, qui faisait tort à la marche de la colonne. Il passa pour une espèce de phénomène dans la nursery ; à l’école, il fut un souffre-douleurs ; au collége, une victime. L’ignorante bonne l’avait déclaré « un drôle d’enfant ; » le pédant subalterne, usant d’une locution plus relevée, le traita de « garçon excentrique ; » le professeur érudit, variant à son tour le même texte, comparait la tête d’Andrew à un toit, et déclarait qu’il y avait là mainte ardoise tenant à peine. Quand une ardoise ne tient pas, si personne ne la fixe au poste qu’elle doit occuper, infailliblement elle finit par tomber. Dans le toit d’une maison, ceci nous paraît être la conséquence directe et nécessaire d’une négligence facile à comprendre ; si c’est le toit d’une cervelle humaine, nous voilà fort étonnés et fort choqués, ne sachant à qui la faute.

Délaissée à certains égards, mal dirigés à certains autres, les bons instincts encore bruts qui auraient pu se développer chez Andrew luttèrent vainement pour arriver à une organisation définitive. Ce que son excentricité avait de meilleur prit la forme de l’amitié. Sans trop savoir pourquoi, il s’attacha passionnément à un de ses camarades d’école ; un garçon qui, dans la cour, ne lui accordait pas beaucoup d’égard, et, dans la classe, ne se fatiguait point à l’aider. Sans que personne pût donner de ce phénomène une explication quelconque, il devint notoire que l’argent de poche d’Andrew était toujours au service de ce camarade ; qu’Andrew le suivait partout à la piste ; et que, maintes et maintes fois, Andrew prenait à son compte les punitions corporelles ou autres qu’avait méritées son ami. Lorsque cet ami, quelques années plus tard, fut envoyé dans un collége, Andrew sollicita d’y être envoyé en même temps, et là, plus que jamais, s’attacha au camarade si étrangement choisi, qu’il avait adopté dès l’école. Un pareil dévouement aurait touché un cœur doué de la moindre générosité ; il ne fit aucune impression sur l’âme naturellement basse de l’ami d’Andrew. Après trois années d’intimité au collége, intimité tout égoïsme d’une part, de l’autre tout sacrifice, le dénoûment arriva, et les yeux d’Andrew furent cruellement dessillés. Lorsque sa bourse fut restée vide aux mains de ce faux ami, lorsqu’il eut de tous côtés engagé sa signature pour lui venir en aide, celui que son affection avait adopté comme frère, le héros de sa candide admiration, l’abandonna tout à coup aux embarras, au ridicule, à l’isolement, sans un seul mot qui attestât le moindre remords, une simple parole d’adieu.

Andrew rentra chez son père, aigri dès le début de la vie ; et là il fut abreuvé de reproches à l’occasion de ces mêmes dettes contractés pour celui qui l’avait trompé sans pudeur, outragé sans scrupule. Il partit ensuite, disgracié, avec une maigre annuité, pour aller voyager loin du toit paternel. Les voyages se prolongèrent, et finirent, comme ils font souvent, par une expatriation en règle. La vie qu’il mena, les gens qu’il fréquenta pendant sa longue résidence hors du pays, lui firent un mal irréparable. Quand il revint en Angleterre, ce fut pour y donner le spectacle le plus affligeant, celui d’un homme qui ne croit plus à rien. À ce moment de sa vie, une seule bonne chance d’avenir lui restait, dans l’influence qu’auraient pu acquérir sur lui l’exemple et les conseils de son frère aîné. Ils avaient, en effet, renoué leurs liens d’enfance, lorsque la dispute amenée par le mariage du capitaine Treverton vint tout à coup les rompre à jamais. Dès cet instant, Andrew fut un homme perdu pour la société. Dès ce moment, il ne répondit plus aux dernières instances des amis qui voulaient bien prendre encore intérêt à sa destinée, que par ce raisonnement amer et désespéré : « Mon plus cher ami m’a odieusement trompé. Mon unique frère s’est brouillé avec moi pour l’amour d’une courtisane. Du demeurant de l’humanité, que voulez-vous que j’attende ? Deux fois, pour avoir cru aux autres, j’ai encouru l’expiation la plus rude. Je ne recommencerai pas l’expérience. L’homme sage est celui qui ne dérange pas son cœur des fonctions essentielles de cet organe, destiné uniquement à pomper et distribuer le sang dans tous les organes où il porte la vie. La somme de mon expérience, de celle que j’ai acquise au dehors, de celle qui me vient de ma famille, m’a suffisamment éclairé sur ces illusions de l’existence que les autres hommes prennent pour des réalités, mais qui se sont révélées à moi dans tout leur néant, depuis déjà bien des années. Ici-bas, je n’ai plus qu’à manger, boire, dormir… et mourir. Tout le reste est vanité ; j’en ai fini avec tout le reste. »

Les gens, en bien petit nombre, qui, après cette repoussante profession de foi, s’enquirent encore de lui, vinrent à savoir, trois ou quatre ans après le mariage de son frère, qu’il s’était établi à Bayswater. Des renseignements pris sur place, il résulta qu’il avait acheté, sans y regarder autrement, le premier cottage qu’il put trouver bien séparé des autres et bien enclos de murailles. On sut ensuite, et toujours par de vagues rumeurs, qu’il y menait la vie d’un avare, en compagnie d’un vieux domestique nommé Shrowl, encore plus misanthrope que son maître. Aucun être vivant, non pas même une ouvrière à la journée accidentellement retenue, ne pénétrait jamais dans la maison. Andrew ne se rasait plus, et son domestique avait ordre de laisser, lui aussi, pousser sa barbe. En 1844 (ceci ne doit pas être perdu de vue), aux yeux de la partie la plus éclairée du peuple anglais, un homme était réputé malsain d’esprit, par ce seul fait qu’il laissait son menton se couvrir des poils que la nature y fait pousser. Maintenant, grâce au progrès, la longue barbe de M. Treverton ne nuirait plus qu’à sa « respectabilité ; » mais il y a treize ans, nous l’avons dit, elle passait pour un symptôme d’aberration d’esprit. À cette époque, cependant, ainsi que son agent de change aurait pu l’attester, c’était un des hommes de Londres qui s’entendaient le mieux en affaires. Il défendait, au besoin, le mauvais côté de chaque question avec une acuité de sophisme et de sarcasme que lui eût enviée le docteur Johnson en personne ; il tenait les comptes de sa maison, à un farthing près, dans le meilleur ordre imaginable. Pas le moindre dérangement n’était perceptible dans ses façons d’être, minutieusement observées du matin au soir ; ses yeux attestaient toute la vivacité d’une intelligence en pleine possession d’elle-même ; mais à quoi tant d’avantages pouvaient-ils servir, mis en balance, dans l’estime de ses voisins, avec sa manière de vivre qui ne ressemblait en rien à la leur, et avec ce certificat de folie tracé au bas de son visage en caractères velus ? La tolérance en matière barbue a fait quelques pas depuis l’époque où nous ramenons nos lecteurs ; mais en cette présente année, 1857, malgré les progrès accomplis, y a-t-il dans toute la métropole anglaise un seul commis de banque assuré de conserver sa place, s’il se permettait de renoncer à l’usage quotidien du rasoir ?

Le bruit public, déjà calomnieux en ce qui concernait la prétendue insanité de M. Treverton, lui faisait une injustice égale en le représentant comme un avare. Il économisait certainement plus des deux tiers du revenu que lui eût permis de dépenser sa fortune très-rondelette, non par goût de thésauriseur, mais parce qu’il ne jouissait ni du confort ni du luxe que l’argent peut procurer. En bonne justice, il eût fallu tenir compte de ce fait, qu’il méprisait sa propre richesse tout autant que celle de ses voisins. Du reste le bruit public, si erroné dans les déductions au moyen desquelles il essayait de peindre M. Treverton, n’en était pas moins, par exception, très-exact quant aux circonstances de sa vie. Il était vrai qu’il avait acheté, pour son isolement même, le cottage le mieux séparé des autres ; vrai que personne, sous aucun prétexte, n’était admis à en franchir le seuil, et vrai, finalement, qu’il avait trouvé, dans la personne de M. Shrowl, son valet, un antagoniste plus zélé, un contempteur plus âpre de la race humaine, que lui-même il ne l’était.

La vie que menaient ensemble ces deux philosophes se rapprochait des conditions de l’existence primitive (ou sauvage) autant que peut le permettre l’état actuel de notre société. Une fois reconnue la nécessité de manger et de boire, M. Treverton avait restreint son ambition à se passer le plus possible, tout en se procurant l’indispensable alimentation, de cette race d’hommes qui ont pour industrie de fournir aux besoins corporels d’autrui, et qui, sous ce prétexte, les volent abominablement. Grâce à un jardin qu’il mit derrière son habitation, Timon de Londres, cultivant lui-même ses légumes, put se passer de fruitier. S’il eût eu assez de terrain pour y faire pousser du grain, il est probable qu’il eût été son propre laboureur et son fermier ; du moins parvint-il à éliminer le meunier et le boulanger, en achetant son blé sac par sac, dont il faisait lui-même de la farine, laquelle se métamorphosait en pain entre les mains de Shrowl. D’après le même principe, la viande était achetée à la criée, et du nourrisseur lui-même ; le maître et le valet la mangeaient fraîche aussi longtemps que sa conservation le permettait ; puis ils salaient le reste, et en vivaient jusqu’à ce qu’elle fût achevée, se passant ainsi de l’inutile intermédiaire qu’on appelle boucher. Pour ce qui est de la boisson, ni brasseurs ni cabaretiers ne pouvaient se prévaloir d’un seul farthing soustrait à l’escarcelle de M. Treverton, Shrowl et lui se contentaient de bière, et cette bière, ils la brassaient eux-mêmes. Ainsi pourvus de pain, de légumes, de viande et de liqueurs fermentées, nos deux ermites des temps modernes parvenaient à se donner cette double satisfaction de se maintenir en vie au dedans, tandis que les fournisseurs se morfondaient au dehors.

S’ils se nourrissaient comme aux époques primitives, ils avaient adopté, à tous autres égards, des habitudes non moins fidèlement empruntées à l’état de nature. Ils avaient des marmites, des casseroles, des pots, deux tables de bois blanc, deux chaises, deux vieux sofas, deux pipes courtes et deux manteaux longs. En revanche, pas de repos à heure fixe, point de tapis ni d’oreillers, point d’armoires, point de bibliothèques, point de bric-à-brac d’aucune sorte, point de blanchisseuse, point d’ouvriers quelconques. Quand l’un des deux éprouvait le besoin de manger ou de boire, il coupait lui-même son croûton de pain, faisait cuire son morceau de viande, tirait son petit pot de bière, sans importuner l’autre de tous ces détails. Si l’un ou l’autre éprouvait le désir de passer une chemise propre (désir qui ne se manifestait pas très-fréquemment), il allait en laver une pour son propre compte. L’un ou l’autre s’apercevait-il que tel ou tel coin du logis était aussi un peu trop immonde, celui-là prenait un seau d’eau, un balai, puis nettoyait le recoin en question, comme il eût fait pour un chenil. Et enfin, quand l’un ou l’autre voulait se livrer au sommeil, il s’enveloppait dans son manteau, s’étendait sur un des canapés, et prenait la dose de repos dont il avait besoin, le matin d’aussi bonne heure, et le soir aussi tard que cela lui pouvait convenir.

N’avaient-ils ni à boulanger, ni à brasser, ni à jardiner, ni à nettoyer quelque part, ces deux hommes s’asseyaient en face l’un de l’autre, et fumaient des heures entières, le plus souvent sans échanger un seul mot. Que s’ils rompaient le silence, c’était inévitablement pour se quereller. Leur dialogue le plus ordinaire était une sorte de lutte comme celle de deux boxeurs qui, après certains témoignages sournois d’une feinte bienveillance, finissent par détériorer, de tout cœur, la forme que Dieu a donnée à leur visage. Ils commençaient par quelques ironiques compliments, et finissaient par s’adresser les invectives les plus violentes. N’ayant pas à lutter, comme son maître, contre les habitudes invétérées d’un certain savoir-vivre, résultat infaillible d’une certaine éducation, Shrowl, dans ces duels de langue, avait un avantage marqué. Et, au fait, quoique nominalement le domestique, il avait en réalité le gouvernement de ce singulier ménage, ayant acquis sur son maître une influence sans bornes, par cela seul que dans toute direction il s’étudiait à le devancer. La voix de Shrowl était la plus aigre des deux ; les dires de Shrowl étaient les plus âpres ; la barbe de Shrowl était la plus longue. Si personne avait accusé M. Treverton d’une secrète déférence pour les opinions de son valet, ou d’un secret sentiment de crainte qui le faisait hésiter à le mécontenter, nul doute qu’il n’eût repoussé cette imputation avec toute sorte de colère et d’amertume. Mais il n’en restait pas moins vrai que Shrowl avait la haute main dans la maison, et que, sur tout sujet essentiel, sa décision devenait, tôt ou tard, celle de son maître. De toutes les punitions de ce monde, la plus certaine est celle de l’homme qui se targue et se vante n’importe de quoi. M. Treverton faisait sonner bien haut son indépendance absolue ; quand vint le châtiment de cette fanfaronnade, ce châtiment s’incarna dans la personne de Shrowl, et s’appela de ce doux nom.

Un beau matin, environ trois semaines après que mistress Frankland eut écrit à la femme de charge de Porthgenna-Tower pour lui annoncer la visite projetée par elle et son mari, M. Treverton descendit, avec sa physionomie la plus aigre et ses façons les plus bourrues, des régions supérieures de son cottage à l’une des chambres du rez-de-chaussée, celle que des hommes encore adonnés aux misères de la vie civilisée eussent probablement appelée un salon. C’était, comme son frère aîné, un homme de haute taille et fort bien fait ; mais sa figure osseuse, sombre et ravagée, n’avait pas la moindre ressemblance avec les traits réguliers, ouverts et hâlés de notre brave capitaine. Personne, les voyant à côté l’un de l’autre, n’aurait deviné qu’ils étaient frères, tant leur physionomie différait, aussi bien que leurs traits. Les souffrances de cœur qu’il avait endurées dans son jeune âge, la vie errante, dissipée, abandonnée, qu’il avait menée pendant sa maturité, les désappointements, les colères, l’épuisement de ses dernières années, avaient si bien fatigué, si complètement usé Andrew Treverton, qu’on aurait pu lui donner au moins vingt ans de plus qu’à son frère. Avec ses cheveux incultes, sa figure peu lavée, sa barbe grise aux flocons emmêlés, et la vieille robe de chambre en flanelle, sale et rapiécée, qui pendait autour de lui comme un sac informe, ce descendant d’une riche et ancienne famille avait tout l’air d’être né dans une maison de travail, et d’exercer, pour tout métier, celui des marchands de vieux habits.

L’heure du déjeuner avait sonné pour M. Treverton ; c’est-à-dire que l’heure était venue où il se sentait assez affamé pour songer à manger quelque chose. Sur la cheminée, à cette même place qu’eût occupée une glace dans toute maison à peu près meublée, un épais morceau de lard pendait dans le cottage de Timon de Londres. Sur la table de bois blanc placée près du feu, un énorme pain, grossier et brun. Dans un coin de la pièce, un baril de bière ; au-dessus, deux pots d’étain bosselés, pendus à des clous fichés dans le mur. Au-dessous de la grille à feu gisait un vieux gril enfumé, abandonné là, selon toute apparence, après avoir servi, par quelqu’un qui n’avait pas pris la peine de le remettre en place. M. Treverton sortit de la poche de sa robe de chambre un couteau à ressort mal essuyé, coupa une tranche de lard, établit, tant bien que mal, le gril sur le feu, et se mit à faire cuire son déjeuner. Il venait justement de retourner le lard, à point d’un côté, quand la porte s’ouvrit, et Shrowl entra, la pipe à la bouche, attiré justement par la même préoccupation culinaire à laquelle son maître avait obéi.

Shrowl était un petit homme, d’un embonpoint flasque, et complètement chauve, sauf une rangée de cheveux gris de fer, qui se hérissaient autour de son occiput comme les pointes d’un collier mal attaché. Par compensation à la rareté de sa chevelure, sa barbe, que, sur l’ordre de son maître, il laissait pousser, empiétait singulièrement sur sa poitrine, en deux pointes inégales. Il portait un très-vieil habit de luxe, à longues basques, merveilleuse occasion rencontrée dans Petticoat-Lane[1], une chemise d’un jaune pâle, à laquelle pendaient les débris d’un jabot, des pantalons de velours trop longs, retroussés à la hauteur de l’orteil, et enfin des bottes à la Blucher, qui jamais n’avaient été cirées depuis le jour où elles avaient quitté l’échoppe du cordonnier en vieux. Son teint était d’une vivacité malsaine ; ses grosses lèvres, rebroussant par les coins, exprimaient une ironie malveillante, et ses yeux, par leur forme et leur expression, se rapprochaient de ceux d’un basset, autant que puissent se le permettre des yeux enchâssés dans une face humaine. Un peintre quelconque, chargé de rendre la force unie à l’insolence, à la laideur, à la grossièreté, à la ruse, dans la physionomie d’un seul et même individu, n’aurait pu, fouillant le monde entier, découvrir un modèle plus accompli que M. Shrowl.

À première vue, ni le maître ni le valet ne songèrent à se parler, non plus qu’à se prêter l’un à l’autre la moindre attention. Shrowl, les mains dans ses poches, demeurait dans une nonchalante contemplation, attendant que le gril fût inoccupé. M. Treverton paracheva sa cuisine, posa son morceau de lard sur la table, et, se taillant une tranche de pain, se mit à déjeuner. Après la première bouchée seulement, il condescendit à lever les yeux sur Shrowl, qui, dans ce moment-là même, ouvrant son couteau, se hissait jusqu’au lard, le long duquel erraient ses regards endormis et avides.

« Que signifie ceci ? demanda M. Treverton avec un accent indigné, et montrant du doigt la poitrine de son serviteur. Comment, vilaine brute, vous avez mis une chemise blanche ?

— Vraiment charmé, monsieur, que vous y ayez pris garde, répondit Shrowl avec une railleuse affectation d’excessive humilité… L’occasion l’exigeait, certainement. Je ne pouvais pas moins faire pour le jour de naissance de mon maître, que de changer de chemise. Bonne et heureuse, monsieur, et accompagnée de beaucoup d’autres. Peut-être vous imaginiez-vous que cette journée passerait inaperçue. Dieu vous soit en aide, mon généreux maître ! ce n’est pas moi qui laisserais pareil anniversaire en oubli… Quel âge avez-vous maintenant, monsieur ?… Ce n’est pas précisément hier, monsieur, que vous étiez un gros marmot souriant, une collerette sous le menton, des billes dans vos poches, gilet et culotte du même morceau, et recevant de papa et de maman, d’oncle et de tante, force baisers et force caresses, le jour de votre naissance… N’ayez point peur, cependant, que j’use cette chemise à force de la blanchir, non. Je la mettrai dans un tiroir, avec force lavande, jusqu’à votre prochain anniversaire, ou du moins jusqu’à votre enterrement, si ce dernier précède l’autre, ce qui n’a rien d’absolument impossible ; à votre âge, songez-y donc !

— Ne vous mettez pas en peine d’une chemise propre pour le jour de mon enterrement, repartit M. Treverton… Je ne vous ai pas couché sur mon testament, honnête Shrowl… Quand je m’en irai vers ma fosse, vous serez en route vers la maison de travail.

— Est-ce que, bien réellement, vous avez fini par accoucher de votre testament ? demanda Shrowl, l’arrêtant comme dominé par un grand intérêt, au moment de détacher son morceau de lard… Je vous demande bien humblement pardon, mais je m’étais toujours imaginé que vous aviez peur de le faire. »

C’était évidemment à dessein que le serviteur avait abordé cette question palpitante. M. Treverton, atteint au vif, écrasa sur la table son morceau de pain, et jeta sur Shrowl un regard irrité.

« Peur de tester, moi, imbécile ? Si je ne fais pas mon testament, et mon intention est de ne pas le faire, c’est par principe, et non par aucune crainte. »

Shrowl se mit à scier sa tranche de lard et à siffler en même temps un petit air.

— Oui, par principe, répéta M. Treverton. Les riches qui laissent de l’argent après eux sont autant de cultivateurs qui fument le riche terrain de la méchanceté humaine. Lorsqu’un homme conserve en lui quelque étincelle de générosité, voulez-vous la lui ravir ? faites-en votre légataire. S’il vous faut réunir un groupe d’hommes appelés à perpétuer, sur une large échelle, la corruption et l’oppression traditionnelles, créez par testament une dotation qu’ils seront chargés d’administrer. Désirez-vous procurer à une femme la plus sûre chance qu’il y ait au monde de tomber sur un méchant mari ? léguez-lui une fortune. S’agit-il de vouer les jeunes gens à la perdition, ou de faire des vieillards autant de buts aimantés, où viennent adhérer d’eux-mêmes les plus vils éléments de l’humaine nature ?… S’agit-il d’armer les uns contre les autres parents et enfants, maris et femmes, frères et sœurs ? laissez-leur votre argent. Tester, moi ? J’ai pour mon espèce une antipathie prononcée, Shrowl, mais je n’en suis pas encore arrivé à haïr assez mes semblables pour jeter parmi eux un pareil brandon. »

Terminant par ces mots sa violente diatribe, M. Treverton décrocha du mur un des pots d’étain bosselés, et s’administra par voie de rafraîchissement une pleine pinte de bière.

Shrowl établit son gril en bonne place sur les charbons incandescents, et, sans répondre autrement, exprima par une grimace ironique les doutes de son esprit rebelle.

« À qui diable voulez-vous que je laisse mon argent ? s’écria M. Treverton, qui comprenait à demi-mot. À mon frère, qui maintenant me croit complètement abruti, et me tiendrait alors pour tout à fait insensé ? à mon frère, qui d’ailleurs encouragerait les plus frauduleuses manœuvres, en distribuant toute ma fortune à des princesses de théâtre, à des comédiens errants ? Ou bien sera-ce à l’enfant de l’actrice ? à cette enfant que je n’ai jamais vue, qu’on a instruite à me haïr, et qui, dès le lendemain, hypocrite par décence, ferait semblant de pleurer ma mort ? Ou encore à vous, n’est-ce pas, espèce de babouin fait homme, à vous qui monteriez tout aussitôt un bureau d’usure, et vous engraisseriez aux dépens de la veuve, de l’orphelin, des malheureux, tant que vous en trouveriez à dévorer ?… Portez-vous bien, monsieur Shrowl !… Je puis m’égayer tout comme vous… Et c’est surtout en songeant que je ne vous léguerai pas une pièce de six pence. »

Ce fut au tour de Shrowl de se sentir atteint. La servilité railleuse qu’il avait affectée en entrant fit place aux manières bourrues qui lui étaient habituelles, et, avec cette espèce de grognement dont la nature l’avait pourvu en guise de voix :

« Finirez-vous par me laisser tranquille ?… dit-il, s’asseyant devant son repas d’un air mécontent. J’ai assez plaisanté ce matin, et je suppose vous en êtes là, vous aussi… Que sert de bavarder ainsi à propos de votre argent ?… Il vous faudra bien le laisser à quelqu’un.

— Certainement, dit M. Treverton ; je le laisserai, je vous l’ai dit assez souvent déjà, au premier venu que je saurai n’y attacher aucun prix, et qui par conséquent n’en deviendra pas, pour se trouver riche tout à coup, plus mauvais qu’il n’était déjà.

— Autant dire personne, grommela Shrowl.

— C’est aussi ce que je pense, répondit son maître.

— Mais vous ne pouvez pas n’avoir pas d’héritier, insista Shrowl. Il faudra que votre propriété passe à quelqu’un… Bon gré mal gré, il le faudra.

— Croyez-vous ? dit M. Treverton… Je pense au contraire que j’en peux disposer à mon plaisir. Je peux la convertir tout entière en bank-notes, et faire d’iceux, avant de mourir, un beau feu de joie dans notre appareil à brasser. Je sortirais alors de ce bas monde, bien convaincu que je n’y laisse pas derrière moi de quoi le rendre plus méchant qu’il n’est… pensée consolante, je vous assure. »

Avant que Shrowl eût pu riposter d’un seul mot, on entendit vibrer la sonnette placée à la porte du cottage.

« Allez ! dit impérieusement M. Treverton… Allez voir qui ce peut être ! Si c’est une visite femelle, il suffira de votre face d’épouvantail pour la mettre en fuite… Si c’est une visite mâle…

— Si c’est un homme, interrompit Shrowl, je lui donnerai mon poing sur le nez pour lui apprendre à me déranger quand je déjeune. »

Pendant l’absence de son domestique, M. Treverton garnit et alluma sa pipe. Le tabac n’avait pas tout à fait pris lorsque Shrowl rentra ; le visiteur, dit-il, était un homme…

« Lui avez-vous donné du poing par le nez ? demanda aussitôt M. Treverton.

— Non, répondit Shrowl ; j’ai ramassé la lettre qu’il me glissait par-dessous la porte, et il est parti sans demander son reste… Voici le poulet. »

La lettre était écrite sur papier ministre, et l’adresse tracée en grosse ronde, comme le sont les documents légaux. Au moment où M. Treverton rompit l’enveloppe, il en tomba deux bouts de papier imprimé, détachés de quelque journal. L’un tomba sur la table devant laquelle il était assis ; l’autre descendit en voletant sur le parquet. Shrowl ramassa celui-ci, et en examina le contenu sans se donner la peine d’en demander la permission.

Après avoir longuement aspiré une bouffée de tabac et l’avoir expirée tout aussi longuement, M. Treverton commença la lecture de l’épître. Dès que ses yeux eurent parcouru les premières lignes, ses lèvres commencèrent autour du tuyau de sa pipe un travail assez inusité. Il n’y avait pas de feuille à tourner, la lettre, assez laconique, finissant au bas de la première page. Il lut jusqu’à la signature, examina de nouveau la suscription, et parcourut pour la seconde fois, d’un bout à l’autre, ce document qui semblait l’intéresser. Ses lèvres continuaient à travailler autour de l’embouchure de sa pipe ; mais, au total, il ne fumait plus. Quand sa seconde lecture fut achevée, il posa tout doucement la lettre sur sa table, regarda son domestique avec une distraction inaccoutumée, et sa main tremblait quelque peu lorsqu’il retira sa pipe de sa bouche.

« Shrowl ! dit-il fort tranquillement… Mon frère s’est noyé.

— Je le sais, répondit Shrowl sans lever les yeux du fragment imprimé… Je lisais justement ce qu’on en dit dans le journal.

— Le jour où nous nous querellâmes au sujet de sa comédienne, continua M. Treverton, se parlant à lui-même pour le moins autant qu’à son serviteur, ses dernières paroles furent que je mourrais sans avoir au cœur la moindre sympathie pour n’importe quel être vivant.

— Et il aura dit juste, murmura Shrowl, qui regardait au dos de son lambeau de journal, pour voir s’il y avait par hasard quelque renseignement supplémentaire.

— Je ne sais trop ce que, au moment de sa mort, il aura pu penser de moi, dit M. Treverton, reprenant en main la lettre qu’il venait de déposer sur la table.

— Il n’aura pas perdu son temps à penser à vous ni à personne, remarqua Shrowl… S’il pensait à quelque chose, c’était à se tirer d’affaire… Et quand il n’a plus pensé à ceci, du diable soit s’il a eu la moindre pensée… Il était mort et bien mort. »

Ayant ainsi fait connaître sa manière de voir, M. Shrowl se dirigea vers le baril de bière et en tira sa boisson du matin.

« Au diable la comédienne !… » murmura M. Treverton.

Comme il articulait cette malédiction, sa figure devint plus sombre, et ses lèvres se serrèrent l’une contre l’autre. Il déplissa lentement la lettre étalée sur la table. Il semblait qu’il ne fût pas bien au fait de ce qu’elle lui avait appris ; qu’il y cherchât un sens nouveau, jusqu’alors impénétré ; qu’il y supposât autre chose que ce qu’elle renfermait au premier coup d’œil. Reprenant pour la troisième fois cette lecture, il la fit à voix haute et très-lentement, comme pour graver séparément dans sa mémoire chacun des mots qu’il prononçait ainsi.

« Monsieur, à titre d’ancien consultant et fidèle ami de votre famille, mistress Frankland, née Treverton, désire que je vous transmette la triste nouvelle du décès de votre frère. Ce déplorable événement a eu lieu à bord du navire qu’il commandait, pendant un ouragan qui avait poussé ce navire sur un banc de rochers, en avant d’Antigua. Vous trouverez ci-inclus un récit détaillé du naufrage, extrait du Times. Il vous dira que votre frère a noblement péri dans l’accomplissement de ses devoirs envers son état-major et son équipage. Je vous envoie aussi extrait d’un journal du Cornouailles, renfermant sur le défunt une notice nécrologique.

Avant de clore cette communication, je dois ajouter que, malgré les recherches les plus assidues, on n’a pas trouvé de testament parmi les papiers de feu le capitaine Treverton. Il avait disposé, comme vous le savez, de Porthgenna : il ne lui restait donc plus, au moment de son décès, que sa fortune mobilière, provenant de la vente de ce domaine. Celle-ci, par suite de sa mort ab intestat, échoit légalement à sa fille, la plus proche héritière du sang.

Je suis, Monsieur, votre très-obéissant serviteur,

Alexander Nixon.

Le bout de papier tombé sur la table renfermait l’extrait du Times. Celui du journal de Cornouailles, que Shrowl avait ramassé sur le parquet, fut poussé par lui, dans un accès de déférence passagère, sous les yeux de son maître, aussitôt après qu’il en eut pris lecture. M. Treverton ne s’inquiéta ni de l’un ni de l’autre. Il demeurait assis, les yeux toujours arrêtés sur la lettre, même après l’avoir lue à trois reprises.

« Pourquoi ne donnez-vous pas un coup d’œil à la page imprimée aussi bien qu’à la feuille écrite ? demanda Shrowl… Pourquoi ne voulez-vous pas savoir quel grand homme c’était que votre frère, et quelle noble vie il a menée, et quelle fille admirablement belle il a laissée après lui, et quel admirable mariage elle a fait, justement avec le propriétaire de votre domaine de famille !… Ce n’est pas elle, toujours, qui a besoin de votre argent… La tempête qui a jeté sur les rochers où il s’est perdu corps et biens, le vaisseau commandé par son père, a soufflé dans son giron quarante bonnes mille livres sterling… Pourquoi ne lisez-vous pas tout ceci ?… Elle et son mari possèdent, en Cornouailles, une bien plus belle maison que celle où vous logez ici… Cela ne vous fait-il pas plaisir ?… Ils étaient sur le point de faire réparer l’établissement, et de fond en comble, pour déterminer votre frère à venir y vivre avec eux, en pleine liesse, dès qu’il aurait quitté le service. Qui donc se mettrait ainsi en frais pour vous attirer ?… Faut-il croire que votre nièce vous ferait place dans le vieux manoir, maintenant, si vous alliez, en grande toilette, l’en solliciter ? »

Après cette dernière question, Shrowl s’arrêta dans son petit travail agressif, non pas faute d’avoir à dire, mais parce que rien ne le conviait à continuer. Pour la première fois depuis qu’ils faisaient ménage ensemble, il avait essayé, sans y réussir, de fâcher son maître. M. Treverton l’écoutait, ou faisait semblant, sans qu’un muscle remuât sur son visage, qui gardait une invariable expression. La seule parole qu’il prononçât lorsque Shrowl eut fini, fut celle-ci : « Sortez ! »

Shrowl n’était pas homme à s’émouvoir facilement ; mais il changea de couleur quand il entendit cet ordre inouï et qui n’admettait pas d’hésitation. Après avoir mené son maître par le bout du nez, depuis qu’il était entré dans la maison, pouvait-il en croire ses oreilles quand il s’entendait mettre à la porte avec aussi peu de cérémonie ?

« Sortez ! répéta M. Treverton. Et, une fois pour toutes, bouche close sur le compte de mon frère et de ma nièce. Je n’ai jamais jeté les yeux sur la fille de la comédienne, et il en sera de même à l’avenir. Taisez-vous !… laissez-moi en repos !… Sortez !

— Je te revaudrai ceci ! » pensait Shrowl, quittant la chambre sans se trop hâter.

Lorsqu’il eut fermé la porte, il prêta l’oreille, et entendit M. Treverton, qui venait de repousser sa chaise, se promener de long en large en se parlant à lui-même. Des propos confus qui lui échappaient ainsi, Shrowl tira cette conclusion qu’il se préoccupait encore de la comédienne qui les avait brouillés lui et son frère. Il semblait trouver une sorte de cruel soulagement à traduire le mécontentement qu’il éprouvait de sa propre conduite, après la mort de son frère, en amères invectives contre la mémoire de la femme qu’il avait naguère si bien haïe, et contre la fille qui perpétuait ce souvenir odieux. Après quelque temps, les accents grondeurs de sa voix s’éteignirent tout à coup. Shrowl, l’épiant par le trou de la serrure, le vit qui lisait les fragments de journaux où se trouvaient et les détails du naufrage, et la notice biographique consacrée à son frère. Ce dernier document faisait allusion à quelques-unes de ces particularités dont le ministre de Long-Beckley avait entretenu son hôte, et que le lecteur connaît déjà. L’auteur de la notice la terminait en exprimant l’espérance que la perte cruelle subie par M. et mistress Frankland ne les empêcherait point de donner suite à leur projet de réparer Porthgenna-Tower, puisque déjà ils avaient envoyé un entrepreneur étudier en détail les travaux à y faire. Dans la rédaction de ce paragraphe il parut se trouver quelques passages qui reportèrent M. Treverton au temps de sa jeunesse, où le vieux manoir possédé par sa famille était aussi sa demeure. Il murmura quelques mots qui avaient trait à des jours « écoulés pour jamais. » Il se leva brusquement de sa chaise où il s’était rassis, jeta dans le feu les deux bouts de papier, les regarda brûler attentivement, et soupira lorsque leurs débris noirâtres, légers comme des fils de la Vierge, furent entraînés par le courant d’air et disparurent dans le tuyau de la cheminée.

Le bruit de ce soupir, frappant l’oreille de Shrowl, le fit tressaillir comme la détonation subite d’un pistolet eût fait tressaillir un autre homme. Ses petits yeux de basset s’ouvrirent démesurément, et, quand il s’éloigna de la porte, il branlait la tête, comme un augure d’autrefois devant les signes précurseurs de l’avenir.



  1. Quartier général de la friperie, à Londres.