Le Siècle de Louis XIV/Édition Garnier/Catalogue des écrivains

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Le Siècle de Louis XIV
Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 14, Histoire (4) (p. 32-144).

CATALOGUE

DE LA PLUPART DES ÉCRIVAINS FRANÇAIS

qui ont paru dans le siècle de Louis XIV,

POUR SERVIR À L’HISTOIRE LITTÉRAIRE DE CE TEMPS.




Abadie ou Labadie[1] (Jean), né en Guienne en 1610, jésuite, puis janséniste, puis protestant, voulut faire enfin une secte et s’unir avec Antoinette Bourignon[2], qui lui répondit que chacun avait son Saint-Esprit, et que le sien était fort supérieur à celui d’Abadie. On a de lui trente et un volumes[3] de fanatisme. On n’en parle ici que pour montrer l’aveuglement de l’esprit humain. Il ne laissa pas d’avoir des disciples. Mort à Altena en 1674.

Abbadie (Jacques), né en Béarn en 1658, célèbre par son traité de la Religion chrétienne, mais qui fit tort ensuite à cet ouvrage par celui de l’Ouverture des sept sceaux. Mort en Irlande[4] en 1727.

Achery (dom Jean-Luc d’), bénédictin, grand et judicieux compilateur. Né en 1608, mort en 1685.

Alexandre (Noël), né à Rouen en 1639, dominicain. Il a fait beaucoup d’ouvrages de théologie, et disputé beaucoup sur les usages de la Chine, contre les jésuites qui en revenaient. Mort en 1724.

Amelot de La Houssaye (Nicolas), né à Orléans, en 1634. Ses traductions avec des notes politiques et ses histoires sont fort recherchées ; ses Mémoires, par ordre alphabétique, sont très-fautifs. Il est le premier qui ait fait connaître le gouvernement de Venise. Son histoire déplut au sénat, qui était encore dans l’ancien préjugé qu’il y a des mystères politiques qu’il ne faut pas révéler. On a appris depuis qu’il n’y a plus de mystères, et que la politique consiste à être riche et à entretenir de bonnes armées. Amelot traduisit et commenta le Prince de Machiavel, livre longtemps cher aux petits seigneurs qui se disputaient de petits États mal gouvernés, devenu inutile dans un temps où tant de grandes puissances, toujours armées, étouffent l’ambition des faibles. Amelot se croyait le plus grand politique de l’Europe ; cependant il ne sut jamais se tirer de la médiocrité, et il mourut dans la misère : c’est qu’il était politique par son esprit, et non par son caractère. Mort en 1706[5].

Amelotte (Denis), né en Saintonge en 1606, de l’Oratoire. Il est principalement connu par une assez bonne version du Nouveau Testament. Mort en 1678.

Amontons (Guillaume), né à Paris en 1663, excellent mécanicien. Mort le 11 octobre en 1705.

Ancillon (David), né à Metz en 1617, calviniste, et son fils Charles. Mort à Berlin en 1715, ont eu quelque réputation dans la littérature.

Anselme[6], moine augustin, le premier qui ait fait une histoire généalogique des grands officiers de la couronne, continuée et augmentée par Dufourny, auditeur des comptes. On a une notion très-vague de ce qui constitue les grands officiers. On s’imagine que ce sont ceux à qui leur charge donne le titre de grand, comme grand écuyer, grand échanson ; mais le connétable, les maréchaux, le chancelier, sont grands officiers, et n’ont point ce titre de grand, et d’autres qui l’ont ne sont point réputés grands officiers. Les capitaines des gardes, les premiers gentilshommes de la chambre, sont devenus réellement de grands officiers, et ne sont pas comptés par le père Anselme. Rien n’est décidé sur cette matière, et il y a autant de confusion et d’incertitude sur tous les droits et sur tous les titres en France qu’il y a d’ordre dans l’administration. Mort en 1694.

Arnauld (Antoine), vingtième fils de celui qui plaida contre les jésuites, docteur en Sorbonne, né en 1612. Rien n’est plus connu que son éloquence, son érudition, et ses disputes, qui le rendirent si célèbre et en même temps si malheureux, selon les idées ordinaires qui mettent le malheur dans l’exil et dans la pauvreté, sans considérer la gloire, les amis, et une vieillesse saine, qui furent le partage de cet homme fameux. Il est dit dans le supplément au Moréri qu’Arnauld, en 1689, pour avoir les bonnes grâces de la cour, fit un libelle contre le roi Guillaume, intitulé « le Vrai Portrait de Guillaume-Henri de Nassau, nouvel Absalon, nouvel Hérode, nouveau Cromwell, nouveau Néron ». Ce style, qui ressemble à celui du père Garasse, n’est guère celui d’Arnauld. Il ne songea jamais à flatter la cour. Louis XIV eût fort mal reçu un livre si grossièrement intitulé, et ceux qui attribuent cet ouvrage et cette intention au fameux Arnauld[7] ne savent pas qu’on ne réussit point à la cour par des livres. Mort à Bruxelles, en 1694.

L’auteur du Dictionnaire historique, littéraire, critique, et janséniste[8], dit à l’article Arnauld qu’aussitôt que son livre sur la Fréquente Communion parut, l’enfer en frémit, et que le jésuite Nouet fit la première attaque. Il est difficile de savoir au juste quelle est l’opinion de l’enfer sur un livre nouveau ; et, à l’égard des hommes, ils ont entièrement oublié le P. Nouet. Il est très-vrai que la plupart des écrits polémiques d’Arnauld ne sont plus connus aujourd’hui. C’est le sort de presque toutes les disputes. Le Dictionnaire historique, littéraire, critique, et janséniste, s’emporte un peu contre cette vérité : il a raison ; mais l’auteur devrait savoir que les injures prodiguées au sujet des querelles théologiques sont aujourd’hui aussi méprisées que ces querelles mêmes, et c’est beaucoup dire.

Arnauld d’Andilly (Robert), frère aîné du précédent, né en 1588, l’un des plus grands écrivains de Port-Royal. Il présenta à Louis XIV, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, sa traduction de Josèphe, qui de tous ses ouvrages est le plus recherché. Il fut père de Simon Arnauld, marquis de Pomponne, ministre d’État ; et ce ministre ne put empêcher ni les disputes ni les disgrâces de son oncle le docteur de Sorbonne. Mort en 1674.

Aubery (Antoine), né en 1616. On a de lui les vies des cardinaux de Richelieu et de Mazarin, ouvrages médiocres, mais dans lesquels on peut s’instruire. Mort en 1695. C’est lui qui le premier fit connaître la fourberie de l’auteur du Testament politique du cardinal de Richelieu.

Aubignac (François d’), né en 1604. Il n’eut jamais de maître que lui-même. Attaché au cardinal de Richelieu, il était l’ennemi de Corneille. Sa Pratique du théâtre est peu lue ; il prouva par sa tragédie de Zénobie que les connaissances ne donnent pas les talents. Mort en 1676.

Aulnoi (la comtesse d’). Son Voyage et ses Mémoires d’Espagne, et des romans écrits avec légèreté, lui firent quelque réputation. Morte en 1705.

Avrigny (Hyacinthe Robillard d’), jésuite[9], auteur d’une nouvelle manière d’écrire l’histoire. On a de lui des Annales chronologiques depuis 1601 jusqu’à 1715. On y voit ce qui s’est passé de plus important dans l’Europe exactement discuté, et en peu de mots ; les dates sont exactes. Jamais on n’a mieux su discerner le vrai, le faux, et le douteux. Il a fait aussi des Mémoires ecclésiastiques[10] ; mais ils sont malheureusement infectés de l’esprit de parti. Marcel et lui ont été tous deux effacés par l’Histoire chronologique de France du président Hénault, l’ouvrage à la fois le plus court, le plus plein que nous ayons en ce genre, et le plus commode pour les lecteurs.

Baillet (Adrien), né près de Beauvais en 1649 ; critique célèbre. Mort en 1706.

Baluze (Étienne), du Limousin, né en 1630. C’est lui qui a formé le recueil des manuscrits de la bibliothèque de Colbert. Il a travaillé jusqu’à l’âge de quatre-vingt-huit ans. On lui doit sept volumes d’anciens monuments. Exilé pour avoir soutenu les prétentions du cardinal de Bouillon, qui se croyait indépendant du roi, et qui fondait son droit sur ce qu’il était né d’une maison souveraine, et dans la principauté de Sedan, avant que l’échange de cette souveraineté avec le roi eût été consommé. Mort en 1718.

Balzac (Jean-Louis Guer de), né en 1594. Homme éloquent, et le premier qui fonda un prix d’éloquence. Il eut le brevet d’historiographe de France et de conseiller d’État, qu’il appelait de magnifiques bagatelles. La langue française lui a une très-grande obligation. Il donna le premier du nombre et de l’harmonie à la prose. Il eut de son vivant tant de réputation qu’un nommé Goulu, général des feuillants, écrivit contre lui deux volumes d’injures. Mort en 1654[11].

Baratier, le plus singulier peut-être de tous les enfants célèbres. Il doit être compté parmi les Français, quoique né en Allemagne[12]. Son père était un prédicant réfugié. Il sut le grec à six ans, et l’hébreu à neuf. C’est à lui que nous devons la traduction des voyages du Juif Benjamin de Tudèle avec des dissertations curieuses. Le jeune Baratier était déjà savant en histoire, en philosophie, en mathématique. Il étonna tous ceux qui le connurent pendant sa vie, et en fut regretté à sa mort ; il n’avait que dix-neuf ans lorsqu’il fut ravi au monde : il est vrai que son père travailla beaucoup aux ouvrages de cet enfant.

Barbeyrac (Jean), né à Béziers en 1674 ; calviniste, professeur en droit et en histoire à Lausanne, traducteur et commentateur de Puffendorf et de Grotius. Il semble que ces Traités du droit des gens, de la guerre, et de la paix, qui n’ont jamais servi ni à aucun traité de pak, ni à aucune déclaration de guerre, ni à assurer le droit d’aucun homme, soient une consolation pour les peuples des maux qu’ont faits la politique et la force. Ils donnent l’idée de la justice, comme on a les portraits des personnes célèbres qu’on ne peut voir. Sa préface de Puffendorf mérite d’être lue : il y prouve que la morale des Pères est fort inférieure à celle des philosophes modernes. Mort en 1729.

Barbier d’Aucour (Jean), connu chez les jésuites sous le nom de l’Avocat Sacras, et dans le monde par sa Critique des entretiens du P. Bouhours, et par l’excellent plaidoyer pour un homme innocent appliqué à la question et mort dans ce supplice ; il fut longtemps protégé par Colbert, qui le fit contrôleur des bâtiments du roi ; mais, ayant perdu son protecteur, il mourut dans la misère, en 1694.

Barbier (Mlle) a fait quelques tragédies[13].

Baron (Michel). On ne croit pas que les pièces qu’il donna sous son nom soient de lui[14]. Son mérite plus reconnu était dans la perfection de l’art du comédien, perfection très-rare, et qui n’appartint qu’à lui. Cet art demande tous les dons de la nature, une grande intelligence, un travail assidu, une mémoire imperturbable, et surtout cet art si rare de se transformer en la personne qu’on représente. Voilà pourtant ce qu’on s’obstine à mépriser. Les prédicateurs venaient souvent à la comédie dans une loge grillée étudier Baron, et de là ils allaient déclamer contre la comédie. C’est la coutume que les confesseurs exigent des comédiens mourants qu’ils renoncent à leur profession. Baron avait quitté le théâtre en 1691, par dégoût. Il y avait remonté en 1720, à l’âge de soixante-huit ans, et il y fut encore admiré jusqu’en l’année 1729. Il était alors âgé de près de soixante et dix-huit ans : il se retira encore, et mourut la même année, en protestant qu’il n’avait jamais eu le moindre scrupule d’avoir déclamé devant le public les chefs-d’œuvre de génie et de morale des grands auteurs de la nation ; et que rien n’est plus impertinent que d’attacher de la honte à réciter ce qu’il est glorieux de composer.

Basnage (Jacques), né à Rouen en 1653. Calviniste, pasteur à la Haye, plus propre à être ministre d’État que d’une paroisse. De tous ses livres, son Histoire des Juifs, celle des Provinces-Unies, et de l’Église, sont les plus estimés. Les livres sur les affaires du temps meurent avec les affaires ; les ouvrages d’une utilité générale subsistent. Mort en 1723.

Basnage de Beauval (Henri), de Rouen, frère du précédent, avocat en Hollande, mais encore plus philosophe, qui a écrit de la Tolérance des Religions. Il était laborieux, et nous avons de lui le Dictionnaire de Furetière augmenté. Mort en 1710.

Bassompierre (François, maréchal de). Quoique ses Mémoires[15] appartiennent au siècle précédent, on peut le compter dans cette liste, étant mort en 1646.

Baudrand (Michel-Antoine), né à Paris en 1633, géographe, moins estimé que Sanson. Mort en 1700.

Bayle[16] (Pierre), né au Carlat dans le comté de Foix, en 1647, retiré en Hollande plutôt comme philosophe que comme calviniste, persécuté pendant sa vie par Jurieu, et après sa mort par les ennemis de la philosophie. Ce savant, que Louis Racine appelle un homme affreux[17], donnait aux pauvres son superflu, et quand Jurieu lui eut fait retrancher sa pension, il refusa une augmentation de l’honoraire que lui donnait Reiniers Leers, son imprimeur. S’il avait prévu combien son Dictionnaire serait recherché, il l’aurait rendu encore plus utile, en retranchant les noms obscurs, et en y ajoutant plus de noms illustres. C’est par son excellente manière de raisonner qu’il est surtout recommandable, non par sa manière d’écrire, trop souvent diffuse, lâche, incorrecte, et d’une familiarité qui tombe quelquefois dans la bassesse. Dialecticien admirable, plus que profond philosophe, il ne savait presque rien en physique. Il ignorait les découvertes du grand Newton. Presque tous ses articles philosophiques supposent ou combattent un cartésianisme qui ne subsiste plus. Il ne connaissait d’autre définition de la matière que l’étendue : ses autres propriétés reconnues ou soupçonnées ont fait naître enfin la vraie philosophie[18]. On a eu des démonstrations nouvelles, et des doutes nouveaux : de sorte qu’en plus d’un endroit le sceptique Bayle n’est pas encore assez sceptique. Il a vécu et il est mort en sage. Des Maizeaux a écrit sa vie en un gros volume[19] ; elle ne devait pas contenir six pages : la vie d’un écrivain sédentaire est dans ses écrits. Mort en 1706.

Il ne faut jamais oublier la persécution que le fanatique Jurieu suscita dans un pays libre à ce philosophe. Il arma contre lui le consistoire calviniste sous plusieurs prétextes, et surtout à l’occasion du fameux article de David. Bayle avait fortement relevé les excès, les trahisons et les barbaries que ce prince juif avait commises dans les temps où la grâce de Dieu l’abandonnait. Il n’eût pas été indécent à ce consistoire d’engager Bayle à célébrer ce prince juif qui fit une si belle pénitence, et qui obtint de Dieu que soixante et dix mille de ses sujets mourussent de la peste, pour expier le crime de leur roi qui avait osé faire le dénombrement du peuple. Mais ce qui doit être soigneusement observé, c’est que ces pasteurs, dans leur censure, le reprennent d’avoir quelquefois donné des éloges à des papes gens de bien, et lui enjoignent de ne jamais justifier aucun pape, parce que, disent ils expressément, ils ne sont pas de leur Église. Ce trait est un de ceux qui caractérisent le mieux l’esprit de parti. Au reste, on a voulu continuer son Dictionnaire ; mais on n’a pu l’imiter[20]. Les continuateurs ont cru qu’il ne s’agissait que de compiler. Il fallait avoir le génie et la dialectique de Bayle pour oser travailler dans le même genre.

Beaumont de Péréfixe (Hardouin), précepteur de Louis XIV, archevêque de Paris. Son Histoire de Henri IV, qui n’est qu’un abrégé, fait aimer ce grand prince, et est propre à former un bon roi. Il la composa pour son élève. On crut que Mézerai y avait eu part ; en effet, il s’y trouve beaucoup de ses manières de parler ; mais Mézerai n’avait pas ce style touchant et digne, en plusieurs endroits, du prince dont Péréfixe écrivait la vie, et de celui à qui il l’adressait. Les excellents conseils qui s’y trouvent pour gouverner par soi-même ne furent insérés que dans la seconde édition, après la mort du cardinal Mazarin. On apprend d’ailleurs à connaître Henri IV beaucoup plus dans cette histoire que dans celle de Daniel, écrite un peu sèchement, et où il est trop parlé du P. Coton, et trop peu des grandes qualités de Henri IV, et des particularités de la vie de ce bon roi. Péréfixe émeut tout cœur né sensible, et fait adorer la mémoire de ce prince, dont les faiblesses n’étaient que celles d’un homme aimable, et dont les vertus étaient celles d’un grand homme. Mort en 1670.

Beausobre (Isaac de), né à Niort en 1659, d’une maison distinguée dans la profession des armes, l’un de ceux qui ont fait honneur à leur patrie qu’ils ont été forcés d’abandonner. Son Histoire du Manichéisme est un des livres les plus profonds, les plus curieux, et les mieux faits. On y développe cette religion philosophique de Manès, qui était la suite des dogmes de l’ancien Zoroastre et de l’ancien Hermès ; religion qui séduisit longtemps saint Augustin. Cette histoire est enrichie de connaissances de l’antiquité ; mais enfin ce n’est (comme tant d’autres livres moins bons) qu’un recueil des erreurs humaines. Mort à Berlin en 1738.

Benserade (Isaac de), né en Normandie en 1612. Sa petite maison de Gentilly, où il se retira sur la fin de sa vie, était remplie d’inscriptions en vers, qui valaient bien ses autres ouvrages ; c’est dommage qu’on ne les ait pas recueillies. Mort en 1691.

Bergier (Nicolas) a eu le titre d’historiographe de France ; mais il est plus connu par sa curieuse Histoire des grands chemins de l’empire romain, surpassés aujourd’hui par les nôtres en beauté, mais non pas en solidité. Son fils mit la dernière main à cet ouvrage utile, et le fit imprimer sous Louis XIV[21]. Mort en 1623.

Bernard[22] (Mlle), auteur de quelques pièces de théâtre, conjointement avec le célèbre Bernard de Fontenelle, qui a fait presque tout le Brutus. Il est bon d’observer que la Fable allégorique de l’imagination et du bonheur, qu’on a imprimée sous son nom, est de l’évêque de Nîmes, La Parisière, successeur de Fléchier.

Bernard (Jacques), du Dauphiné, né en 1658, savant littérateur. Ses journaux ont été estimés. Mort en Hollande, en 1718.

Bernier (François), surnommé le Mogol ; né à Angers, vers l’an 1625. Il fut huit ans médecin de l’empereur des Indes. Ses Voyages sont curieux. Il voulut, avec Gassendi, renouveler en partie le système des atomes d’Épicure ; en quoi certes il avait très-grande raison, les espèces ne pouvant être toujours reproduites les mêmes, si les premiers principes ne sont invariables : mais alors les romans de Descartes prévalaient. Mort en vrai philosophe, en 1688.

Bignon (Jérôme), né en 1589. Il a laissé un plus grand nom que de grands ouvrages. Il n’était pas encore du bon temps de la littérature. Le parlement, dont il fut avocat général, chérit avec raison sa mémoire. Mort en 1656.

Billaut (Adam), connu sous le nom de maître Adam, menuisier à Nevers. Il ne faut pas oublier cet homme singulier qui, sans aucune littérature, devint poëte dans sa boutique. On ne peut s’empêcher de citer de lui ce rondeau, qui vaut mieux que beaucoup de rondeaux de Benserade :

Pour te guérir de cette sciatique
Qui te retient comme un paralytique
Dedans ton lit sans aucun mouvement,
Prends-moi deux brocs d’un fin jus de sarment,
Puis lis comment on le met en pratique.

Prends-en deux doigts, et bien chauds les applique
Dessus l’externe où la douleur te pique ;
Et tu boiras le reste promptement
Pour te guérir.

Sur cet avis ne sois point hérétique ;
Car je te fais un serment authentique
Que si tu crains ce doux médicament.
Ton médecin, pour ton soulagement,
Fera l’essai de ce qu’il communique
Pour te guérir.

Il eut des pensions du cardinal de Richelieu, et de Gaston frère de Louis XIII. Mort en 1662.

Bochart (Samuel), né à Rouen en 1599, calviniste, un des plus savants hommes de l’Europe dans les langues et dans l’histoire, mais systématique, comme tous les savants. Il fut un de ceux qui allèrent en Suède instruire et admirer la reine Christine. Mort en 1667.

[23] Boileau Despréaux (Nicolas), de l’Académie, né au village de Crône, auprès de Paris, en 1636. Il essaya du barreau, et ensuite de la Sorbonne. Dégoûté de ces deux chicanes, il ne se livra qu’à son talent, et devint l’honneur de la France. On a tant commenté ses ouvrages, on a chargé ces commentaires de tant de minuties, que tout ce qu’on pourrait dire ici serait superflu.

On fera seulement une remarque qui paraît essentielle : c’est qu’il faut distinguer soigneusement dans ses vers ce qui est devenu proverbe d’avec ce qui mérite de devenir maxime. Les maximes sont nobles, sages, et utiles. Elles sont faites pour les hommes d’esprit et de goût, pour la bonne compagnie. Les proverbes ne sont que pour le vulgaire, et l’on sait que le vulgaire est de tous les états.

Pour paraître honnête homme, en un mot il faut l’être.
On me verra dormir au branle de sa roue[24].
Chaque âge à ses plaisirs, son esprit, et ses mœurs.
L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.

Voilà ce qu’on doit appeler des maximes dignes des honnêtes gens. Mais pour des vers tels que ceux-ci :

J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon.
S’en va chercher son pain de cuisine en cuisine.

Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir.
Aimez-vous la muscade ? on en a mis partout.
La raison dit Virgile, et la rime Quinault.

ce sont là plutôt des proverbes du peuple que des vers dignes d’être retenus par les connaisseurs. Mort en 1711.

Boileau (Gilles), né à Paris en 1631, frère aîné du fameux Boileau. Il a fait quelques traductions qui valent mieux que ses vers. Mort en 1669.

Boileau (Jacques), autre aîné de Despréaux, docteur de Sorbonne : esprit bizarre, qui a fait des livres bizarres, écrits dans un latin extraordinaire, comme l’Histoire des flagellants, les Attouchements impudiques, les Habits des prêtres, etc. On lui demandait pourquoi il écrivait toujours en latin : « C’est, dit-il, de peur que les évêques ne me lisent ; ils me persécuteraient. » Mort en 1716.

Boindin (Nicolas), trésorier de France et procureur du roi de sa compagnie, de l’Académie des belles-lettres, connu par d’excellentes recherches sur les théâtres anciens, et sur les tribus romaines, par la jolie comédie du Port de mer. C’était un critique dur ; le Dictionnaire historique et janséniste[25] le traite d’athée. Il n’a jamais rien écrit sur la religion. Pourquoi insulter ainsi à la mémoire d’un magistrat que les auteurs de ce Dictionnaire n’ont point connu ? Quelle insolence punissable ! Comme il était mort sans sacrements, les prêtres de sa paroisse voulaient lui refuser la sépulture, espèce de juridiction qu’ils prétendent avoir droit d’exercer ; mais le gouvernement et les magistrats, qui veillent au maintien des lois, de la décence, et des mœurs, répriment avec soin ces actes de superstition et de barbarie. Cependant on craignit que ces prêtres n’ameutassent le petit peuple contre le convoi de Boindin, ainsi qu’ils l’avaient ameuté contre celui de Molière, et Boindin fut enterré sans cérémonie. Mort en 1751.

Boisrobert (François Le Métel de), plus célèbre par sa faveur auprès du cardinal de Richelieu, et par sa fortune, que par son mérite. Il composa dix-huit pièces de théâtre qui ne réussirent guère qu’auprès de son patron. Mort en 1662.

Boivin (Jean), né en Normandie en 1663, frère de Louis Boivîn, et utile comme lui pour l’intelligence des beautés des auteurs grecs. Mort en 1726.

Bossuet (Jacques-Bénigne), de Dijon, né en 1627, évêque de Condom, et ensuite de Meaux. On a de lui cinquante-un[26] ouvrages ; mais ce sont ses Oraisons funèbres et son Discours sur l’Histoire universelle qui l’ont conduit à l’immortalité. On a imprimé plusieurs fois que cet évêque a vécu marié, et Saint-Hyacinthe[27], connu par la part qu’il eut à la plaisanterie de Mathanasius, a passé pour son fils ; mais c’est une fausseté reconnue. La famille des Secousses, considérée dans Paris, et qui a produit des personnes de mérite, assure qu’il y eut un contrat de mariage secret entre Bossuet, encore très-jeune, et Mlle Desvieux[28] ; que cette demoiselle fit le sacrifice de sa passion et de son état à la fortune que l’éloquence de son amant devait lui procurer dans l’Église ; qu’elle consentit à ne jamais se prévaloir de ce contrat, qui ne fut point suivi de la célébration ; que Bossuet, cessant ainsi d’être son mari, entra dans les ordres ; et qu’après la mort du prélat, ce fut cette même famille qui régla les reprises et les conventions matrimoniales. Jamais cette demoiselle n’abusa, dit cette famille, du secret dangereux qu’elle avait entre les mains. Elle vécut toujours l’amie de l’évêque de Meaux, dans une union sévère et respectée. Il lui donna de quoi acheter la petite terre de Mauléon, à cinq lieues de Paris. Elle prit alors le nom de Mauléon, et a vécu près de cent années. On raconte qu’ayant dit au jésuite La Chaise, confesseur de Louis XIV : « On sait que je ne suis pas janséniste, » La Chaise répondit : « On sait que vous n’êtes que mauléoniste. » Au reste, on a prétendu que ce grand homme avait des sentiments philosophiques différents de sa théologie, à peu près comme un savant magistrat qui, jugeant selon la lettre de la loi, s’élèvera quelquefois en secret au-dessus d’elle par la force de son génie. Mort en 1704[29].

Boudier (René), de La Jousselinière[30], auteur de quelques vers naturels. Il fit en mourant, à quatre-vingt-dix ans, son épitaphe :

J’étais poëte, historien ;
Et maintenant je ne suis rien.

Bouhier (Jean), président du parlement de Dijon, né en 1673. Son érudition l’a rendu célèbre. Il a traduit en vers français quelques morceaux d’anciens poëtes latins. Il pensait qu’on ne doit pas les traduire autrement ; mais ses vers font voir combien c’est une entreprise difficile. Mort en 1746[31].

Bouhours (Dominique), jésuite, né à Paris en 1628. La langue et le bon goût lui ont beaucoup d’obligations. Il a fait quelques bons ouvrages dont on a fait de bonnes critiques : Ex privatis odiis respublica crescit.

La vie de saint Ignace de Loyola, qu’il composa, n’a réussi ni chez les gens du monde, ni chez les savants, ni chez les philosophes. Celle de Xavier a été plus mal reçue. Ses Remarques sur la langue, et surtout sa Manière de bien penser sur les ouvrages d’esprit, seront toujours utiles aux jeunes gens qui voudront se former le goût ; il leur enseigne à éviter l’enflure, l’obscurité, le recherché, et le faux ; s’il juge trop sévèrement en quelques endroits le Tasse et d’autres auteurs italiens, il les condamne souvent avec raison. Son style est pur et agréable. Ce petit livre de la Manière de bien penser blessa les Italiens, et devint une querelle de nation ; on sentait que les opinions de Bouhours, appuyées de celles de Boileau, pouvaient tenir lieu de lois. Le marquis Orsi et quelques autres composèrent deux gros volumes pour justifier quelques vers du Tasse.

Remarquons que le P. Bouhours ne serait guère en droit de reprocher des pensées fausses aux Italiens, lui qui compare Ignace de Loyola à César, et François-Xavier à Alexandre, s’il n’était tombé rarement dans ces fautes. Mort en 1702.

Bouillaud[32] (Ismaël), de Loudun, né en 1605, savant dans l’histoire et dans les mathématiques. Comme tous les astronomes de ce siècle, il se mêla d’astrologie, ainsi qu’on le voit dans les lettres que lui écrivait Desnoyers, ambassadeur en Pologne, et depuis secrétaire d’État ; c’était alors un moyen de faire la cour aux gens puissants. Confugiendum ad astrologiam, astronomiæ altricem, disait Kepler. Mort en 1694.

Boulainvilliers (Henri, comte de), de la maison de Crouï, le plus savant gentilhomme du royaume dans l’histoire, et le plus capable d’écrire celle de France, s’il n’avait pas été trop systématique. Il appelle notre gouvernement féodal le chef-d’œuvre de l’esprit humain. Le système féodal pourrait mériter le nom de chef-d’œuvre en Allemagne ; mais en France il ne fut qu’un chef d’œuvre d’anarchie. Il regrette les temps où les peuples, esclaves de petits tyrans ignorants et barbares, n’avaient ni industrie, ni commerce, ni propriété ; et il croit qu’une centaine de seigneurs, oppresseurs de la terre et ennemis du roi, composaient le plus parfait des gouvernements. Malgré ce système, il était excellent citoyen, comme, malgré son faible pour l’astrologie judiciaire, il était philosophe de cette philosophie qui compte la vie pour peu de chose, et qui méprise la mort. Ses écrits, qu’il faut lire avec précaution, sont profonds et utiles. On a imprimé, à la fin de ses ouvrages, un gros Mémoire pour rendre le roi de France plus riche que tous les autres monarques ensemble[33]. Il est évident que cet ouvrage n’est pas du comte de Boulainvilliers ; cependant tous ces petits écrivains politiques, qui gouvernent l’État dans leur grenier, citent cette rapsodie. Mort vers l’an 1720[34].

Bourchenu (Jean-Pierre Moret de), marquis de Valbonais, né à Grenoble en 1651. Il voyagea dans sa jeunesse, et se trouva sur la flotte d’Angleterre à la bataille de Solbaye. Il fut depuis premier président de la chambre des comptes du Dauphiné. Sa mémoire est chère à Grenoble pour le bien qu’il fit, et aux gens de lettres pour ses grandes recherches. Ses Mémoires sur le Dauphiné[35] furent composés dans le temps qu’il était aveugle, et sur les lectures qu’on lui faisait. Mort en 1730.

Bourdaloue (Louis), né à Bourges en 1632, jésuite ; le premier modèle des bons prédicateurs en Europe. Mort en 1704.

Boursault (Edme), né en Bourgogne en 1638. Ses Lettres à Babet, estimées de son temps, sont devenues, comme toutes les lettres dans ce goût, l’amusement des jeunes provinciaux. On joue encore sa comédie d’Ésope[36]. Mort en 1701.

Boursier (Laurent-François), de la société de Sorbonne, né en 1679, auteur du fameux livre de l’action de Dieu sur les créatures, ou de la prémotion physique. C’est un ouvrage profond par les raisonnements, fortifié par beaucoup d’érudition, et orné quelquefois d’une grande éloquence ; mais l’attachement à certains dogmes peut ravir à ce célèbre écrit beaucoup de sa solidité et de sa force. L’auteur ressemble à un homme d’État qui, en voulant établir des lois générales, les corrompt par des intérêts de famille. Il est trop difficile d’allier les systèmes sur la grâce avec le grand système de l’action éternelle et immuable de Dieu sur tout ce qui existe. Il faut avouer qu’il n’y a que deux manières philosophiques d’expliquer la machine du monde : ou Dieu a ordonné une fois, et la nature obéit toujours ; ou Dieu donne continuellement à tout l’être et toutes les modifications de l’être ; un troisième parti est inexplicable.

Il est dit dans le nouveau Dictionnaire historique[37], littéraire, critique, et janséniste, que « Boursier, semblable à l’aigle, s’élève en haut, et trempe sa plume dans le sein de Dieu ». On ne voit pas trop comment Dieu peut servir de cornet à M. Boursier. Voilà la première fois qu’on ait comparé Dieu à la bouteille à l’encre. Mort en 1749.

Bourzeis (Amable de), né en Auvergne en 1606, auteur de plusieurs ouvrages de politique et de controverse. Silhon[38] et lui sont soupçonnés d’avoir composé le Testament politique attribué au cardinal de Richelieu[39]. Mort en 1672.

Brébeuf (Guillaume de), né en Normandie en 1618. Il est connu par sa traduction de la Pharsale ; mais on ignore communément qu’il a fait le Lucain travesti[40]. Mort en 1661.

Breteuil (Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de), marquise du Châtelet, née en 1706. Elle a éclairci Leibnitz, traduit et commenté Newton, mérite fort inutile à la cour, mais révéré chez toutes les nations qui se piquent de savoir, et qui ont admiré la profondeur de son génie et de son éloquence. De toutes les femmes qui ont illustré la France, c’est celle qui a eu le plus de véritable esprit, et qui a moins affecté le bel esprit[41]. Morte en 1749.

Brienne (Henri-Auguste de Loménie de), secrétaire d’État. Il a laissé des Mémoires. Il serait utile que les ministres en écrivissent, mais non tels[42] que ceux qui sont rédigés depuis peu[43] sous le nom du duc de Sully. Mort en 1666.

Brueys (l’abbé de), né en Languedoc en 1639[44]. Dix volumes de controverse qu’il a faits auraient laissé son nom dans l’oubli ; mais la petite comédie du Grondeur, supérieure à toutes les farces de Molière, et celle de l’Avocat Patelin, ancien monument de la naïveté gauloise qu’il rajeunit, le feront connaître tant qu’il y aura en France un théâtre. Palaprat l’aida dans ces deux jolies pièces. Ce sont les seuls ouvrages de génie que deux auteurs aient composés ensemble. Mort en 1723.

On croit devoir relever ici un fait très-singulier qui se trouve dans un recueil d’Anecdotes littéraires[45], 1750, chez Durand, tome II, page 369. Voici les paroles de l’auteur : « Les amours de Louis XIV ayant été jouées en Angleterre, Louis XIV voulut faire jouer aussi celles du roi Guillaume. L’abbé Brueys fut chargé par M. de Torcy de faire la pièce ; mais, quoique applaudie, elle ne fut pas jouée. »

Remarquez que ce recueil d’Anecdotes, qui est rempli de pareils contes, est imprimé avec approbation et privilége ; jamais on ne joua les amours de Louis XIV sur aucun théâtre de Londres, et on sait que le roi Guillaume n’eut jamais de maîtresse. Quand il en aurait eu, Louis XIV était trop attaché aux bienséances pour ordonner qu’on fit une comédie des amours de Guillaume ; M. de Torcy n’était pas homme à proposer une chose si impertinente ; enfin l’abbé Brueys ne songea jamais à composer ce ridicule ouvrage qu’on lui attribue. On ne peut trop répéter que la plupart de ces recueils d’anecdotes, de ces ana, de ces mémoires secrets, dont le public est inondé, ne sont que des compilations faites au hasard par des écrivains mercenaires.

Brumoy (Pierre), jésuite, né à Rouen en 1688. Son Théâtre des Grecs passe pour le meilleur ouvrage qu’on ait en ce genre, malgré ses fautes et l’infidélité de la traduction. On a prouvé par ses poésies qu’il est bien plus aisé de traduire et de louer les anciens que d’égaler par ses propres productions les grands modernes. On peut d’ailleurs lui reprocher de n’avoir pas assez senti la supériorité du théâtre français sur le grec, et la prodigieuse différence qui se trouve entre le Misanthrope et les Grenouilles. Mort en 1742[46].

Buffier (Claude), jésuite. Sa Mémoire artificielle est d’un grand secours pour ceux qui veulent avoir les principaux faits de l’histoire toujours présents à l’esprit. Il a fait servir les vers (je ne dis pas la poésie) à leur premier usage, qui était d’imprimer dans la mémoire des hommes les événements dont on voulait garder le souvenir. Il y a dans ses traités de métaphysique des morceaux que Locke n’aurait pas désavoués ; et c’est le seul jésuite qui ait mis une philosophie raisonnable dans ses ouvrages. Mort en 1737.

Bussy-Rabutin (Roger de Rabutin, comte de), né dans le Nivernois en 1618. Il écrivit avec pureté. On connaît ses malheurs et ses ouvrages. Ses Amours des Gaules passent pour un ouvrage médiocre dans lequel il n’imita Pétrône que de fort loin. La manie des Français a été longtemps de croire que toute l’Europe devait s’occuper de leurs intrigues galantes. Vingt courtisans ont écrit l’histoire de leurs amours, à peine lue des femmes de chambre de leurs maîtresses. Mort à Autun, en 1693.

Cailly (le chevalier de), qui n’est connu que sous le nom d’Aceilly, était attaché au ministre Colbert. On ignore le temps de sa naissance et de sa mort[47]. Il y a de lui un recueil de quelques centaines d’épigrammes, parmi lesquelles il y en a beaucoup de mauvaises, et quelques-unes de jolies. Il écrit naturellement, mais sans aucune imagination dans l’expression.

Calmet (Augustin), bénédictin, né en 1672. Rien n’est plus utile que la compilation de ses recherches sur la Bible. Les faits y sont exacts, les citations fidèles. Il ne pense point, mais en mettant tout dans un grand jour, il donne beaucoup à penser. Mort en 1757.

Calprenède (Gautier-Coste de La), né à Cahors[48] vers l’an 1612, gentilhomme ordinaire du roi. Ce fut lui qui mit les longs romans à la mode. Le mérite de ces romans consistait dans des aventures dont l’intrigue n’était pas sans art, et qui n’étaient pas impossibles quoiqu’elles fussent presque incroyables. Le Boiardo, l’Arioste, le Tasse, au contraire, avaient chargé leurs romans poétiques de fictions qui sont entièrement hors de la nature ; mais les charmes de leur poésie, les beautés innombrables de détail, leurs allégories admirables, surtout celles de l’Arioste, tout cela rend ces poëmes immortels, et les ouvrages de La Calprenède, ainsi que les autres grands romans, sont tombés. Ce qui a contribué à leur chute, c’est la perfection du théâtre. On a vu dans les bonnes tragédies et dans les opéras beaucoup plus de sentiments qu’on n’en trouve dans ces énormes volumes : ces sentiments y sont bien mieux exprimés, et la connaissance du cœur humain beaucoup plus approfondie. Ainsi Racine et Quinault, qui ont un peu imité le style de ces romans, les ont fait oublier en parlant au cœur un langage plus vrai, plus tendre, et plus harmonieux. Mort en 1663.

Campistron (Jean-Galbert de), né à Toulouse en 1656, élève et imitateur de Racine. Le duc de Vendôme, dont il fut secrétaire, fit sa fortune, et le comédien Baron une partie de sa réputation. Il y a des choses touchantes dans ses pièces ; elles sont faiblement écrites, mais au moins le langage est assez pur ; après lui on a tellement négligé la langue dans les pièces de théâtre qu’on a fini par écrire d’un style entièrement barbare. C’est ce que Boileau déplorait en mourant[49]. Mort en 1723.

Cassandre (François), a rendu, aussi bien que Dacier, plus de services à la réputation d’Aristote que tous les prétendus philosophes ensemble. Il traduisit la Rhétorique, comme Dacier a traduit la Poétique de ce fameux Grec. On ne peut s’empêcher d’admirer Aristote et le siècle d’Alexandre quand on voit que le précepteur de ce grand homme, tant décrié sur la physique, a connu à fond tous les principes de l’éloquence et de la poésie. Où est le physicien de nos jours chez qui on puisse apprendre à composer un discours et une tragédie ? Cassandre vécut et mourut dans la plus grande pauvreté. Ce fut la faute non pas de ses talents, mais de son caractère intraitable, farouche, et solitaire. Ceux qui se plaignent de la fortune n’ont souvent à se plaindre que d’eux-mêmes. Mort en 1695.

Cassini (Jean-Dominique), né dans le comté de Nice en 1625, appelé par Colbert en 1666. Il a été le premier des astronomes de son temps, du moins suivant les Italiens et les Français ; mais il commença comme les autres par l’astrologie. Puisqu’il fut naturalisé en France, qu’il s’y maria, qu’il y eut des enfants, et qu’il est mort à Paris, on doit le compter au nombre des Français. Il a immortalisé son nom par sa Méridienne de Saint-Pétrone à Bologne ; elle servit à faire voir les variations de la vitesse du mouvement de la terre autour du soleil. Ou lui doit les premières tables des satellites de Jupiter, la connaissance de la rotation de Jupiter et de Mars, ou de la durée de leurs jours, la découverte de quatre des satellites de Saturne. Huygens n’en avait aperçu qu’un ; et cette découverte de Cassini fut célébrée par une médaille dans histoire métallique de Louis XIV. Il a le premier observé et fait connaître la lumière zodiacale. Il a donné une méthode pour déterminer la parallaxe d’un astre par des observations faites dans un même lieu, et s’en servir pour déterminer la distance des astres à la terre, avec plus de précision qu’on ne l’avait encore fait ; mais la première idée de cette méthode est due à Morin[50].

Le fils[51], le petit-fils de Cassini[52], ont été de l’Académie des sciences, et son arrière-petit-fils[53] y est entré en 1772 : cette espèce d’illustration est plus réelle et sera plus durable que celle dont la famille de Cassini avait joui en Italie, quelques siècles auparavant, et que les révolutions de ce pays lui avaient fait perdre. Mort en 1712.

Catrou (François), né en 1659, jésuite. Il a fait avec le P. Rouillé vingt tomes de l’Histoire romaine. Ils ont cherché l’éloquence, et n’ont pas trouvé la précision. Mort en 1737.

Cerisy (Germain Habert de) était du temps de l’aurore du bon goût et de l’établissement de l’Académie française. Sa Métamorphose des yeux de Philis en astres fut vantée comme un chef-d’œuvre, et a cessé de le paraître dès que les bons auteurs sont venus. Mort en 1655[54].

Chantereau Le Fèvre (Louis) né en 1588. Très-savant homme, l’un des premiers qui ont débrouillé l’histoire de France ; mais il a accrédité une grande erreur, c’est que les fiefs héréditaires n’ont commencé qu’après Hugues Capet. Quand il n’y aurait que l’exemple de la Normandie, donnée ou plutôt extorquée à titre de fief héréditaire en 912, cela suffirait pour détruire l’opinion de Chantereau, que plusieurs historiens ont adoptée. Il est d’ailleurs certain que Charlemagne institua en France des fiefs avec propriété, et que cette forme de gouvernement était connue avant lui dans la Lombardie et dans la Germanie. Mort en 1658.

Chapelain (Jean), né en 1595. Sans la Pucelle il aurait eu de la réputation parmi les gens de lettres. Ce mauvais poëme lui valut beaucoup plus que l’Iliade à Homère. Chapelain fut pourtant utile par sa littérature. Ce fut lui qui corrigea les premiers vers de Racine. Il commença par être l’oracle des auteurs, et finit par en être l’opprobre. Mort en 1674.

Chapelle (Jean de La). Voyez La Chapelle.

Chapelle[55] (Claude-Emmanuel Luillier), fils naturel de François Luillier, maître des comptes. Il n’est pas vrai qu’il fut le premier qui se servit des rimes redoublées ; Dassoucy[56] s’en servait avant lui, et même avec quelque succès.

Pourquoi donc, sexe au teint de rose,
Quand la charité vous impose
La loi d’aimer votre prochain,
Pouvez-vous me haïr sans cause,
Moi qui ne vous fis jamais rien ?
Ah ! pour mon honneur je vois bien
Qu’il faut vous faire quelque chose, etc.

On trouve beaucoup de rimes redoublées dans Voiture. Chapelle réussit mieux que les autres dans ce genre, qui a de l’harmonie et de la grâce, mais dans lequel il a préféré quelquefois une abondance stérile de rimes à la pensée et au tour. Sa vie voluptueuse et son peu de prétention contribuèrent encore à la célébrité de ces petits ouvrages. On sait qu’il y a dans son Voyage de Montpellier beaucoup de traits de Bachaumont[57], fils du président Le Coigneux, l’un des plus aimables hommes de son temps. Chapelle était d’ailleurs un des meilleurs élèves de Gassendi. Au reste, il faut bien distinguer les éloges que tant de gens de lettres ont donnés à Chapelle et à des esprits de cette trempe, d’avec les éloges dus aux grands maîtres. Le caractère de Chapelle, de Bachaumont, du Broussin[58], et de toute cette société du Marais, était la facilité, la gaieté, la liberté. On peut juger de Chapelle par cet impromptu, que je n’ai point vu encore imprimé. Il le fit à table, après que Boileau eut récité une épigramme.

Qu’avec plaisir de ton haut style
Je te vois descendre au quatrain ;

Et que je t’épargnai de bile
Et d’injures au genre humain,
Quand, renversant ta cruche à l’huile,
Je te mis le verre à la main !

Mort en 1686.

Charas (Moyse), de l’Académie des sciences, le premier qui ait bien écrit sur la pharmacie ; tant il est vrai que sous Louis XIV tous les arts élargirent leur sphère. Ce pharmacien, voyageant à Madrid, fut mis dans les cachots de l’Inquisition parce qu’il était calviniste. Une prompte abjuration et les sollicitations de l’ambassadeur de France lui sauvèrent la vie et la liberté. Il s’occupa longtemps d’expériences sur les vipères, et des moyens d’empêcher les effets souvent mortels de leur morsure ; mais il se trompa en soutenant contre Redi[59] que le venin des vipères n’était pas contenu dans le suc jaune qui sort de deux vésicules placées derrière les crochets de leurs mâchoires. Dans le cours de ses expériences, il fut mordu plusieurs fois sans qu’il en résultât d’accidents très-graves. Mort en 1698.

Chardin (Jean), né à Paris en 1643. Nul voyageur n’a laissé des Mémoires plus curieux. Mort à Londres en 1713.

Charleval (Charles-Faucon de Ris), l’un de ceux qui acquirent de la célébrité par la délicatesse de leur esprit, sans se livrer trop au public. La fameuse Conversation du maréchal d’Hocquincourt et du P. Canaye, imprimée dans les Œuvres de Saint-Évremond, est de Charleval, jusqu’à la petite Dissertation sur le jansénisme et sur le moliniste que Saint-Évremond y a ajoutée. Le style de cette fin est très-différent de celui du commencement. Feu M. de Caumartin[60], le conseiller d’État, avait l’écrit de Charleval, de la main de l’auteur. On trouve dans le Moréri[61] que le président de Ris, neveu de Charleval, ne voulut pas faire imprimer les ouvrages de son oncle, de peur que le nom d’auteur peut-être ne fut une tache dans sa famille. Il faut être d’un état et d’un esprit bien abject pour avancer une telle idée dans le siècle où nous sommes ; et c’eût été dans un homme de robe un orgueil digne des temps militaires et barbares, où l’on abandonnait l’étude purement à la robe, par mépris pour la robe et pour l’étude. Mort en 1693[62].

Charpentier (François), né à Paris en 1620, académicien utile. On a de lui une traduction de la Cyropédie. Il soutint vivement l’opinion que les inscriptions des monuments publics de France doivent être en français. En effet, c’est dégrader une langue qu’on parle dans toute l’Europe que de ne pas oser s’en servir ; c’est aller contre son but que de parler à tout le public dans une langue que les trois quarts au moins de ce public n’entendent pas. Il y a une espèce de barbarie à latiniser des noms français que la postérité méconnaîtrait, et les noms de Rocroi et de Fontenoi font un plus grand effet que les noms de Rocrosium et Fonteniacum. Mort en 1702.

Chastre (Edme de La Chastre-Nançay, comte de La), a laissé des Mémoires. Mort en 1645.

Chaulieu (Guillaume Anfrye de), né en Normandie en 1639, connu par ses poésies négligées, et par les beautés hardies et voluptueuses qui s’y trouvent. La plupart respirent la liberté, le plaisir, et une philosophie au-dessus des préjugés ; tel était son caractère. Il vécut dans les délices, et mourut avec intrépidité en 1720.

Les vers qu’on cite le plus de lui sont la pièce intitulée la Goutte, qui commence ainsi :

Le destructeur impitoyable
Et des marbres et de l’airain ;

mais surtout l’Épître sur la Mort, au marquis de La Fare :

Plus j’approche du terme, et moins je le redoute ;
Sur des principes sûrs mon esprit affermi,
Content, persuadé, ne connaît plus le doute ;
Je ne suis libertin, ni dévot à demi.
Exempt des préjugés, j’affronte l’imposture
Des vaines superstitions,
Et me ris des préventions
De ces faibles esprits dont la triste censure
Fait un crime à la créature
De l’usage des biens que lui fit son auteur.

Une autre épître au même fit encore plus de bruit : elle commence

ainsi :

J’ai vu de près le Styx, j’ai vu les Euménides ;
Déjà venaient frapper mes oreilles timides
Les affreux cris du chien de l’empire des morts ;
Et les noires vapeurs, et les brûlants transports
Allaient de ma raison offusquer la lumière :
C’est lors que j’ai senti mon âme tout entière,
Se ramenant en soi, faire un dernier effort
Pour braver les erreurs que l’on joint à la mort.
Ma raison m’a montré, tant qu’elle a pu paraître,
Que rien n’est en effet de ce qui ne peut être ;
Que ces fantômes vains sont enfants de la peur
Qu’une faible nourrice imprime en notre cœur,
Lorsque de loups-garous, qu’elle-même elle pense,
De démons et d’enfers elle endort notre enfance.

Ces pièces ne sont pas châtiées ; ce sont des statues de Michel-Ange ébauchées. Le stoïcisme de ces sentiments ne lui attira point de persécution : car, quoique abbé, il était ignoré des théologiens, et ne vivait qu’avec ses amis. Il n’aurait tenu qu’à lui de mettre la dernière main à ses ouvrages, mais il ne savait pas corriger. On a imprimé de lui trop de bagatelles insipides de société ; c’est le mauvais goût et l’avarice des éditeurs qui en est cause. Les préfaces qui sont à la tête du recueil sont de ces gens obscurs qui croient être de bonne compagnie en imprimant toutes les fadaises d’un homme de bonne compagnie.

Cheminais, jésuite. On l’appelait le Racine des prédicateurs, et Bourdaloue le Corneille. Mort en 1689.

Cheron (Élisabeth-Sophie), née à Paris en 1648, célèbre par la musique, la peinture, et les vers, et plus connue sous son nom que sous celui de son mari, le sieur Le Hay. Morte en 1711.

Chevreau (Urbain), né à Loudun en 1613, savant et bel esprit qui eut beaucoup de réputation. Mort en 1701.

Chifflet (Jean-Jacques), né à Besançon en 1588. On a de lui plusieurs recherches. Mort en 1660. Il y a eu sept écrivains de ce nom.

Choisy (François-Timoléon de), de l’Académie, né à Paris en 1644, envoyé à Siam. On a sa relation. Il n’était que tonsuré à son départ ; mais à Siam il se fit ordonner prêtre en quatre jours. Il a composé plusieurs histoires, une Traduction de l’Imitation de Jésus-Christ, dédiée à Mme de Maintenon, avec cette épigraphe : Concupiscet rex decorem tuum[63] ; et des Mémoires de la comtesse des Barres. Cette comtesse des Barres, c’était lui-même. Il s’habilla et vécut en femme plusieurs années. Il acheta, sous le nom de la comtesse des Barres, une terre auprès de Tours. Ces Mémoires racontent avec naïveté comment il eut impunément des maîtresses sous ce déguisement. Mais quand le roi fut devenu dévot, il écrivit l’histoire de l’Église. Dans ses Mémoires[64] sur la cour on trouve des choses vraies, quelques-unes fausses, et beaucoup de hasardées ; ils sont écrits dans un style trop familier. Mort en 1724.

Claude (Jean), né en Agénois en 1619, ministre de Charenton, et l’oracle de son parti, émule digne des Bossuet, des Arnauld, et des Nicole. Il a composé quinze ouvrages, qu’on lut avec avidité dans le temps des disputes. Presque tous les livres polémiques n’ont qu’un temps. Les fables de La Fontaine, l’Arioste, passeront à la dernière postérité. Cinq ou six mille volumes de controverse sont déjà oubliés. Mort à la Haye en 1687.

Colbert (Jean-Baptiste), marquis de Torcy, neveu du grand Colbert, ministre d’État sous Louis XIV, a laissé des Mémoires depuis la paix de Risvick jusqu’à celle d’Utrecht : ils ont été imprimés pendant qu’on achevait l’édition de cet Essai sur le Siècle de Louis XIV[65]. Ils confirment tout ce qu’on y avance. Ces Mémoires renferment des détails qui ne conviennent qu’à ceux qui veulent s’instruire à fond : ils sont écrits plus purement que tous les Mémoires de ses prédécesseurs ; on y reconnaît le goût de la cour de Louis XIV. Mais leur plus grand prix est dans la sincérité de l’auteur : c’est la vérité, c’est la modération elle-même, qui ont conduit sa plume. Mort en 1746.

Collet (Philibert), né à Châtillon-les-Dombes en 1643, jurisconsulte et homme libre. Excommunié par l’archevêque de Lyon pour une querelle de paroisse, il écrivit contre excommunication, il combattit la clôture des religieuses ; et, dans son Traité de l’usure, il soutint vivement l’usage autorisé en Bresse de stipuler les intérêts avec le capital, usage approuvé dans plus de la moitié de l’Europe, et reçu dans l’autre par tous les négociants, malgré les lois qu’on élude. Il assura aussi que les dîmes qu’on paye aux ecclésiastiques ne sont pas de droit divin. Mort en 1718.

Colomiez (Paul). Le temps de sa naissance est inconnu[66] ; la plupart de ses ouvrages commencent à l’être ; mais ils sont utiles à ceux qui aiment les recherches littéraires. Mort à Londres en 1692.

Commire (Jean), jésuite. Il réussit parmi ceux qui croient qu’on peut faire de bons vers latins, et qui pensent que des étrangers peuvent ressusciter le siècle d’Auguste dans une langue qu’ils ne peuvent pas même prononcer. Mort en 1702.

In silvam non ligna feras.

Hor., sat. X, lib. I.

Conti (Armand de Bourbon, prince de), frère du grand Condé[67], destiné d’abord pour l’état ecclésiastique, dans un temps où le préjugé rendait encore la dignité de cardinal supérieure à celle d’un prince du sang de France. Ce fut lui qui eut le malheur d’être généralissime de la Fronde contre la cour et même contre son frère. Il fut depuis dévot et janséniste. Nous avons de lui le Devoir des grands. Il écrivit sur la grâce contre le jésuite de Champs, son ancien préfet[68]. Il écrivit aussi contre la comédie ; il eût peut-être mieux fait d’écrire contre la guerre civile. Cinna et Polyeucte étaient aussi utiles et aussi respectables que la guerre des portes cochères et des pots de chambre était injuste et ridicule.

Cordemoi (Géraud de), né à Paris. Il a le premier débrouillé le chaos des deux premières races des rois de France ; on doit cette utile entreprise au duc de Montausier, qui chargea Cordemoi de faire l’histoire de Charlemagne, pour l’éducation de Monseigneur. Il ne trouva guère dans les anciens auteurs que des absurdités et des contradictions. La difficulté l’encouragea, et il débrouilla les deux premières races. Mort en 1684.

Corneille (Pierre), né à Rouen en 1606. Quoiqu’on ne représente plus que six ou sept pièces de trente-trois qu’il a composées, il sera toujours le père du théâtre. Il est le premier qui ait élevé le génie de la nation, et cela demande grâce pour environ vingt de ses pièces qui sont, à quelques endroits près, ce que nous avons de plus mauvais par le style, par la froideur de l’intrigue, par les amours déplacés et insipides, et par un entassement de raisonnements alambiqués qui sont l’opposé du tragique. Mais on ne juge d’un grand homme que par ses chefs-d’œuvre, et non par ses fautes. On dit que sa traduction de l’Imitation de Jésus-Christ a été imprimée trente-deux fois : il est aussi difficile de le croire que de la lire une seule. Il reçut une gratification du roi dans sa dernière maladie. Mort en 1684.

On a imprimé dans plusieurs recueils d’anecdotes qu’il avait sa place marquée toutes les fois qu’il allait au spectacle, qu’on se levait pour lui, qu’on battait des mains. Malheureusement les hommes ne rendent pas tant de justice. Le fait est que les comédiens du roi refusèrent de jouer ses dernières pièces, et qu’il fut obligé de les donner à une autre troupe[69].

Corneille (Thomas), né à Rouen en 1625, homme qui aurait eu une grande réputation s’il n’avait point eu de frère. On a de lui trente-quatre pièces de théâtre. Mort pauvre, en 1709.

Courtilz de Sandras (Gatien de), né à Paris en 1644. On ne place ici son nom que pour avertir les Français, et surtout les étrangers, combien ils doivent se défier de tous ces faux Mémoires imprimés en Hollande. Courtilz fut un des plus coupables écrivains de ce genre. Il inonda l’Europe de fictions sous le nom d’histoires. Il était bien honteux qu’un capitaine du régiment de Champagne allât en Hollande vendre des mensonges aux libraires. Lui et ses imitateurs, qui ont écrit tant de libelles contre leur propre patrie, contre de bons princes qui dédaignent de se venger, et contre des citoyens qui ne le peuvent, ont mérité l’exécration publique. Il a composé la Conduite de la France depuis la paix de Nimègue, et la Réponse au même livre ; l’État de la France sous Louis XIII et sous Louis XIV ; la Conduite de Mars dans les guerres de Hollande ; les Conquêtes amoureuses du grand Alcandre ; les Intrigues amoureuses de la France ; la vie de Turenne ; celle de l’amiral Coligny ; les Mémoires de Rochefort, d’Artagnan, de Montbrun, de Vordac[70] de la marquise de Fresne ; le Testament politique de Colbert, et beaucoup d’autres ouvrages qui ont amusé et trompé les ignorants. Il a été imité par les auteurs de ces misérables brochures contre la France, le Glaneur[71], l’Épilogueur, et tant d’autres bêtises périodiques que la faim a inspirées, que la sottise et le mensonge ont dictées, à peine lues de la canaille. Mort à Paris en 1712.

Cousin (Louis), né à Paris en 1627, président à la cour des monnaies. Personne n’a plus ouvert que lui les sources de l’histoire. Ses traductions de la collection Bysantine et d’Eusèbe de Césarée ont mis tout le monde en état de juger du vrai et du faux, et de connaître avec quels préjugés et quel esprit de parti l’histoire a été presque toujours écrite. On lui doit beaucoup de traductions d’historiens grecs que lui seul a fait connaître. Mort en 1707.

Crébillon (Prosper Jolyot de), né à Dijon en 1674. Nous ignorons si un procureur, nommé Prieur, le fit poëte, comme il est dit dans le Dictionnaire historique portatif, en quatre volumes[72]. Nous croyons que le génie y eut plus de part que le procureur. Nous ne croyons pas que l’anecdote rapportée dans le même ouvrage contre son fils soit vraie. On ne peut trop se défier de tous ces petits contes. Il faut ranger Crébillon parmi les génies qui illustrèrent le siècle de Louis XIV, puisque sa tragédie de Rhadamiste, la meilleure de ses pièces, fut jouée en 1710[73]. Si Despréaux, qui se mourait alors, trouva cette tragédie plus mauvaise que celle de Pradon[74], c’est qu’il était dans un âge et dans un état où l’on n’est sensible qu’aux défauts, et insensible aux beautés. Mort à quatre-vingt-huit ans, en 1762[75].

Dacier (André), né à Castres en 1651, calviniste comme sa femme, et devenu catholique comme elle, garde des livres du cabinet du roi à Paris, charge qui ne subsiste plus. Homme plus savant qu’écrivain élégant, mais à jamais utile par ses traductions et par quelques-unes de ses notes. Mort au Louvre, en 1722. Nous devons à Mme Dacier la traduction d’Homère la plus fidèle par le style, quoiqu’elle manque de force, et la plus instructive par les notes, quoiqu’on y désire la finesse du goût. On remarque surtout qu’elle n’a jamais senti que ce qui devait plaire aux Grecs dans des temps grossiers, et ce qu’on respectait déjà comme ancien dans des temps postérieurs plus éclairés, aurait pu déplaire s’il avait été écrit du temps de Platon et de Démosthène ; mais enfin nulle femme n’a jamais rendu plus de services aux lettres. Mme Dacier est un des prodiges du siècle de Louis XIV.

Dacier (Anne Lefèvre, Mme), née calviniste à Saumur, en 1651, illustre par sa science. Le duc de Montausier la fit travailler à l’un de ces livres qu’on nomme Dauphins, pour l’éducation de Monseigneur. Le Florus avec des notes latines est d’elle. Ses traductions de Térence et d’Homère lui font un honneur immortel. On ne pouvait lui reprocher que trop d’admiration pour tout ce qu’elle avait traduit. Lamotte ne l’attaqua qu’avec de l’esprit, et elle ne combattit qu’avec de l’érudition[76]. Morte en 1720 au Louvre.

D’Aguesseau[77] (Henri-François), chancelier, le plus savant magistrat que jamais la France ait eu, possédant la moitié des langues modernes de l’Europe, outre le latin, le grec, et un peu d’hébreu ; très-instruit dans l’histoire, profond dans la jurisprudence, et, ce qui est plus rare, éloquent. Il fut le premier au barreau qui parla avec force et pureté à la fois ; avant lui on faisait des phrases. Il conçut le projet de réformer les lois, mais il ne put faire que quatre ou cinq ordonnances utiles. Un seul homme ne peut suffire à ce travail immense que Louis XIV avait entrepris avec le secours d’un grand nombre de magistrats. Mort en 1750.

Danchet (Antoine), né à Riom en 1671, a réussi à l’aide du musicien dans quelques opéras, qui sont moins mauvais que ses tragédies. Son prologue des Jeux séculaires au devant d’Hésione passe même pour un très-bon ouvrage, et peut être comparé à celui d’Amadis. On a retenu ces beaux vers imités d’Horace :

Père des saisons et des jours,

Fais naître en ces climats un siècle mémorable.
Puisse à ses ennemis ce peuple redoutable
Être à jamais heureux, et triompher toujours !
Nous avons à nos lois asservi la victoire ;
Aussi loin que tes feux nous portons notre gloire.
Fais dans tout l’univers craindre notre pouvoir.

Toi, qui vois tout ce qui respire,

Soleil, puisses-tu ne rien voir
De si puissant que cet empire !

C’est dans ce prologue qu’on trouve les ariettes qui servirent depuis de canevas au poëte Rousseau pour composer les couplets effrénés qui causèrent sa disgrâce. Les couplets originaux de Danchet valent peut-être mieux que les parodies de Rousseau. Voici surtout celui de Danchet qu’on a le plus retenu :

Que l’amant qui deient heureux
En devienne encor plus fidèle !
Que toujours dans les mêmes nœuds
Il trouve une douceur nouvelle !
Que les soupirs et les langueurs
Puissent seuls fléchir les rigueurs
De la beauté la plus sévère !
Que l’amant comblé de faveurs
Sache les goûter et les taire !

Mort en 1718.

Dancourt (Florent Carton), avocat, né à Fontainebleau en 1661, aima mieux se livrer au théâtre qu’au barreau. Ce que Regnard était à l’égard de Molière dans la haute comédie, le comédien Dancourt l’était dans la farce. Beaucoup de ses pièces attirent encore un assez grand concours : elles sont gaies ; le dialogue en est naïf. La quantité de pièces qu’on a faites dans ce genre facile est immense ; elles sont plus du goût du peuple que des esprits délicats ; mais l’amusement est un des besoins de l’homme, et cette espèce de comédie, aisée à représenter, plaît dans Paris et dans les provinces au grand nombre, qui n’est pas susceptible de plaisirs plus relevés. Mort en 1726.

Danet (Pierre), l’un de ces hommes qui ont été plus utiles qu’ils n’ont eu de réputation. Ses Dictionnaires de la langue latine et des antiquités furent au nombre de ces livres mémorables faits pour l’éducation du dauphin. Monseigneur, et qui, s’ils ne firent pas de ce prince un savant homme, contribuèrent beaucoup à éclairer la France. Mort en 1709.

Dangeau (Louis de Courcillon, abbé de), né en 1643, excellent académicien[78]. Mort en 1723.

Daniel (Gabriel), jésuite, historiographe de France, né à Rouen en 1649, a rectifié les fautes de Mézerai sur la première et seconde race. On lui a reproché que sa diction n’est pas toujours pure, que son style est trop faible, qu’il n’intéresse pas, qu’il n’est pas peintre, qu’il n’a pas assez fait connaître les usages, les mœurs, les lois ; que son histoire est un long détail d’opérations de guerre dans lesquelles un historien de son état se trompe presque toujours. Mort en 1728.

Le comte de Boulainvilliers dit, dans ses Mémoires sur le gouvernement de France, qu’on peut reprocher à Daniel dix mille erreurs, c’est beaucoup ; mais heureusement la plupart de ces erreurs sont aussi indifférentes que les vérités qu’il aurait mises à la place : car qu’importe que ce soit l’aile gauche ou l’aile droite qui ait plié à la bataille de Montlhéry ? Qu’importe par quel endroit Louis le Gros entra dans les masures du Puiset[79] ? Un citoyen veut savoir par quels degrés le gouvernement a changé de forme, quels ont été les droits et les usurpations des différents corps, ce qu’ont fait les états généraux, quel a été l’esprit de la nation. Le grand défaut de Daniel est de n’avoir pas été instruit des droits de la nation, ou de les avoir dissimulés. Il a omis entièrement les célèbres états de 1355. Il n’a parlé des papes, et surtout du grand et bon roi Henri IV, qu’en jésuite ; nulle connaissance des finances, nulle de l’intérieur du royaume, ni des mœurs.

Il prétend dans sa préface, et[80] le président Hénault a dit après lui, que les premiers temps de l’histoire de France sont plus intéressants que ceux de Rome, parce que Clovis et Dagobert avaient plus de terrain que Romulus et Tarquin. Il ne s’est pas aperçu que les faibles commencements de tout ce qui est grand intéressent toujours les hommes ; on aime à voir la petite origine d’un peuple dont la France n’était qu’une province, et qui étendit son empire jusqu’à l’Elbe, l’Euphrate et le Niger. Il faut avouer que notre histoire et celle des autres peuples, depuis le Ve siècle de l’ère vulgaire jusqu’au XVe n’est qu’un chaos d’aventures barbares, sous des noms barbares.

D’Argonne (Noël), né à Paris en 1634, chartreux à Gaillon. C’est le seul chartreux qui ait cultivé la littérature. Ses Mélanges, sous le nom de Vigneul de Marville, sont remplis d’anecdotes curieuses et hasardées. Mort en 1704.

Delisle (Guillaume), né à Paris en 1675, a réformé la géographie, qui aura longtemps besoin d’être perfectionnée. C’est lui qui a changé toute la position de notre hémisphère en longitude. Il a enseigné à Louis XV la géographie, et n’a point fait de meilleur élève. Ce monarque a composé[81], après la mort de son maître, un Traité du cours de tous les fleuves. Guillaume Delisle est le premier qui ait eu le titre de premier géographe du roi. Mort en 1726.

Descartes (René), né en Touraine en 1596, fils d’un conseiller au parlement de Bretagne, le plus grand mathématicien de son temps, mais le philosophe qui connut moins la nature, si on le compare à ceux qui l’ont suivi. Il passa presque toute sa vie hors de France, pour philosopher en liberté, à l’exemple de Saumaise qui avait pris ce parti. On a remarqué qu’il avait un frère aîné, conseiller au parlement de Bretagne, qui le méprisait beaucoup, et qui disait qu’il était indigne du frère d’un conseiller de s’abaisser à être mathématicien. Ayant cherché le repos dans des solitudes en Hollande, il ne l’y trouva pas. Un nommé Voet, et un nommé Shockius, deux professeurs du galimatias scolastique qu’on enseignait encore, intentèrent contre lui cette ridicule accusation d’athéisme dont les écrivains méprisés ont toujours chargé les philosophes. En vain Descartes avait épuisé son génie à rassembler les preuves de la Divinité, et à en chercher de nouvelles ; ses infâmes ennemis le comparèrent à Vanini dans un écrit public : ce n’est pas que Vanini eût été athée, le contraire est démontré[82] ; mais il avait été brûlé comme tel, et on ne pouvait faire une comparaison plus odieuse. Descartes eut beaucoup de peine à obtenir une très-légère satisfaction par sentence de l’Académie de Groningue. Ses Méditations, son Discours sur la méthode, sont encore estimés ; toute sa physique est tombée, parce qu’elle n’est fondée ni sur la géométrie, ni sur l’expérience. Ses Recherches sur la dioptrique, où l’on trouve la loi fondamentale de cette science soupçonnée par Snellius, et des applications de cette loi, qui ne pouvaient être que l’ouvrage d’un très-grand géomètre ; ses travaux sur les lois du choc des corps, objet dont il a eu le premier l’idée de s’occuper, seront toujours, malgré les erreurs qui lui sont échappées, des monuments d’un génie extraordinaire ; et le petit livre connu sous le nom de Géométrie de Descartes lui assure la supériorité sur tous les mathématiciens de son temps. Il a eu longtemps une si prodigieuse réputation que La Fontaine, ignorant à la vérité, mais écho de la voix publique, a dit de lui :

Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
Dans les siècles passés, et qui tient le milieu
Entre l’homme et l’esprit, comme entre l’huître et l’homme
Le tient tel de nos gens, franche bête de somme.

L’abbé Genest, dans le siècle présent, s’est donné la malheureuse peine de mettre en vers français la physique de Descartes[83].

Ce n’est guère que depuis l’année 1730 qu’on a commencé à revenir en France de toutes les erreurs de cette philosophie chimérique, quand la géométrie et la physique expérimentale ont été plus cultivées. Le sort de Descartes en physique a été celui de Ronsard en poésie. Mort à Stockholm, en 1650.

Des Barreaux (Jacques de La Vallée, seigneur) est connu des gens de lettres et de goût par plusieurs petites pièces de vers agréables dans le goût de Sarasin et de Chapelle. Il était conseiller au parlement. On sait qu’ennuyé d’un procès dont il était rapporteur, il paya de son argent ce que le demandeur exigeait, jeta le procès au feu, et se démit de sa charge. Ses petites pièces de poésie sont encore entre les mains des curieux ; elles sont toutes assez hardies. La voix publique lui attribua un sonnet aussi médiocre que fameux, qui finit par ces vers :

Tonne, frappe, il est temps, rends-moi guerre pour guerre :
J’adore en périssant la raison qui t’aigrit ;
Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre.
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ ?

Il est très-faux que ce sonnet soit de des Barreaux[84], il était très-fâché qu’on le lui imputât. Il est de l’abbé de Lavau, qui était alors jeune et inconsidéré ; j’en ai vu la preuve dans une lettre de Lavau à l’abbé Servien. Des Barreaux est mort en 1673.

Des Coutures (le baron) traduisit en prose et commenta Lucrèce, vers le milieu du règne de Louis XIV. Il pensait comme ce philosophe sur la plupart des premiers principes des choses[85] ; il croyait la matière éternelle, à l’exemple de tous les anciens. La religion chrétienne a seule combattu cette opinion.

Deshoulières (Antoinette du Ligier de La Garde). De toutes les dames françaises qui ont cultivé la poésie, c’est celle qui a le plus réussi, puisque c’est celle dont on a retenu le plus de vers. C’est dommage qu’elle soit l’auteur du mauvais sonnet contre l’admirable Phèdre de Racine. Ce sonnet ne fut bien reçu du public que parce qu’il était satirique. N’est-ce pas assez que les femmes soient jalouses en amour ? faut-il encore qu’elles le soient en belles-lettres ? Une femme satirique ressemble à Méduse et à Scylla, deux beautés changées en monstres. Morte en 1694.

Deslyons (Jean), né à Pontoise en 1616, docteur de Sorbonne, homme singulier, auteur de plusieurs ouvrages polémiques. Il voulut prouver que les réjouissances à la fête des rois sont des profanations, et que le monde allait bientôt finir. Mort en 1700.

Desmarets de Saint-Sorlin (Jean), né à Paris en 1595. Il travailla beaucoup à la tragédie de Mirame du cardinal de Richelieu. Sa comédie des Visionnaires passa pour un chef-d’œuvre, mais c’est que Molière n’avait pas encore paru. Il fut contrôleur général de l’extraordinaire des guerres et secrétaire de la marine du Levant. Sur la fin de sa vie, il fut plus connu par son fanatisme[86] que par ses ouvrages. Mort en 1676.

Destouches (Philippe Néricault), né à Tours en 1680, avait été comédien dans sa jeunesse. Après avoir fait plusieurs comédies, il fut chargé longtemps des affaires de France en Angleterre ; et ayant rempli ce ministère avec succès, il se remit à faire des comédies. On ne trouve pas dans ses pièces la force et la gaieté de Regnard, encore moins ces peintures du cœur humain, ce naturel, cette vraie plaisanterie, cet excellent comique, qui fait le mérite de l’inimitable Molière ; mais il n’a pas laissé de se faire de la réputation après eux. On a de lui quelques pièces qui ont eu du succès, quoique le comique en soit un peu forcé. Il a du moins évité le genre de la comédie qui n’est que langoureuse, de cette espèce de tragédie bourgeoise, qui n’est ni tragique ni comique, monstre né de l’impuissance des auteurs et de la satiété du public après les beaux jours du siècle de Louis XIV[87]. Sa comédie du Glorieux est son meilleur ouvrage, et probablement restera au théâtre, quoique le personnage du Glorieux soit, dit-on, manqué ; mais les autres caractères paraissent traités supérieurement. Mort en 1754.

D’Hosier (Pierre), né à Marseille en 1592, fils d’un avocat. Il fut le premier qui débrouilla les généalogies, et qui en fit une science. Louis XIII le fit gentilhomme servant, maître d’hôtel, et gentilhomme ordinaire de sa chambre. Louis XIV lui donna un brevet de conseiller d’État. De véritablement grands hommes ont été bien moins récompensés : leurs travaux n’étaient pas si nécessaires à la vanité humaine[88]. Mort en 1660.

D’Olivet (Joseph Thoulier), abbé, conseiller d’honneur de la chambre des comptes de Dôle, de l’Académie française, né à Salins en 1682 ; célèbre dans la littérature par son Histoire de l’Académie, lorsqu’on désespérait d’en avoir jamais une qui égalât celle de Pellisson. Nous lui devons les traductions les plus élégantes et les plus fidèles des ouvrages philosophiques de Cicéron, enrichies de remarques judicieuses. Toutes les œuvres de Cicéron, imprimées par ses soins et ornées de ses remarques, sont un beau monument qui prouve que la lecture des anciens n’est point abandonnée dans ce siècle. Il a parlé sa langue avec la même pureté que Cicéron parlait la sienne, et il a rendu service à la grammaire française par les observations les plus fines et les plus exactes. On lui doit aussi l’édition du livre de la Faiblesse de l’esprit humain, composé par l’évêque d’Avranches, Huet, lorsqu’une longue expérience l’eut fait enfin revenir des absurbes futilités de l’école, et du fatras des recherches des siècles barbares. Les jésuites, auteurs du Journal de Trévoux, se déchaînèrent contre l’abbé d’Olivet, et soutinrent que l’ouvrage n’était pas de l’évêque Huet, sur le seul prétexte qu’il ne convenait pas à un ancien prélat de Normandie d’avouer que la scolastique est ridicule, et que les légendes ressemblent aux quatre fils Aimon, comme s’il était nécessaire, pour l’édification publique, qu’un évêque normand fût imbécile. C’est ainsi à peu près qu’ils avaient soutenu que les Mémoires du cardinal de Retz n’étaient pas de ce cardinal. L’abbé d’Olivet leur répondit, et sa meilleure réponse fut de montrer à l’Académie l’ouvrage de l’ancien évêque d’Avranches, écrit de la main de l’auteur. Son âge et son mérite sont notre excuse de l’avoir placé, ainsi que le président Hénault, dans une liste où nous nous étions fait une loi de ne parler que des morts[89].

Domat (Jean), célèbre jurisconsulte. Son livre des Lois civiles a eu beaucoup d’approbation. Mort en 1696.

Dorléans (Pierre-Joseph), jésuite, le premier qui ait choisi dans l’histoire les révolutions pour son seul objet. Celles d’Angleterre qu’il écrivit sont d’un style éloquent ; mais depuis le règne de Henri VIII il est plus disert que fidèle. Mort en 1698.

Doujat (Jean), né à Toulouse en 1609, jurisconsulte et homme de lettres. Il faisait tous les ans un enfant à sa femme, et un livre. On en dit autant de Tiraqueau. Le Journal des savants l’appelle grand homme ; il ne faut pas prodiguer ce titre. Mort en 1688, à soixante-dix-neuf ans.

Dubois (Gérard), né à Orléans en 1629, de l’Oratoire. Il a fait l’Histoire de l’Église de Paris. Mort en 1696.

Dubos (l’abbé). Son Histoire de la ligue de Cambrai est profonde, politique, intéressante ; elle fait connaître les usages et les mœurs du temps, et est un modèle en ce genre. Tous les artistes lisent avec fruit ses Réflexions sur la poésie, la peinture et la musique. C’est le livre le plus utile qu’on ait jamais écrit sur ces matières chez aucune des nations de l’Europe. Ce qui fait la bonté de cet ouvrage, c’est qu’il n’y a que peu d’erreurs et beaucoup de réflexions vraies, nouvelles et profondes. Ce n’est pas un livre méthodique ; mais l’auteur pense, et fait penser. Il ne savait pourtant pas la musique ; il n’avait jamais pu faire de vers, et n’avait pas un tableau ; mais il avait beaucoup lu, vu, entendu et réfléchi[90]. Il publia, pendant la guerre de la succession, un ouvrage intitulé les Intérêts de l’Angleterre mal entendus dans la guerre présente[91]. Il y prédit la séparation des colonies anglaises, comme la suite nécessaire de la destruction de la puissance française dans l’Amérique septentrionale, du besoin qu’aurait l’Angleterre d’imposer des taxes sur ses colonies, et du refus qu’elles feraient de se soumettre à ces taxes. Mort en 1712.

Ducange (Charles Dufresne), né à Amiens en 1610. On sait combien ses deux Glossaires sont utiles pour l’intelligence de tous les usages du Bas-Empire et des siècles suivants. On est effrayé de l’immensité de ses connaissances et de ses travaux. De pareils hommes méritent notre éternelle reconnaissance, après ceux qui ont fait servir leur génie à nos plaisirs. Il fut un de ceux que Louis XIV récompensa. Mort en 1688.

Ducerceau (Jean-Antoine), né en 1670, jésuite. On trouve dans ses poésies françaises, qui sont du genre médiocre, quelques vers naïfs et heureux. Il a mêlé à la langue épurée de son siècle le langage marotique, qui énerve la poésie par sa malheureuse facilité, et qui gâte la langue de nos jours par des mots et des tours surannés. Mort en 1730.

Du Châtelet (Mme). Voyez Breteuil.

Duché de Vancy (Joseph-François), valet de chambre de Louis XIV, fit pour la cour quelques tragédies, tirées de l’Écriture, à l’exemple de Racine, non avec le même succès. L’opéra d’Iphigénie en Tauride est son meilleur ouvrage. Il est dans le grand goût ; et, quoique ce ne soit qu’un opéra, il retrace une grande idée de ce que les tragédies grecques avaient de meilleur. Ce goût n’a pas subsisté longtemps ; même bientôt après on s’est réduit aux simples ballets, composés d’actes détachés, faits uniquement pour amener des danses ; ainsi l’opéra même a dégénéré dans le temps que presque tout le reste tombait dans la décadence.

Mme de Maintenon fit la fortune de cet auteur : elle le recommanda si fortement à M. de Pontchartrain, secrétaire d’État, que ce ministre, prenant Duché pour un homme considérable, alla lui rendre visite. Duché, homme alors très-obscur, voyant entrer chez lui un secrétaire d’État, crut qu’on allait le conduire à la Bastille. Mort en 1704.

Duchesne (André), né en Touraine en 1584 ; historiographe du roi, auteur de beaucoup d’histoires et de recherches généalogiques. On l’appelait le Père de l’Histoire de France. Mort en 1640.

Dufresnoi (Charles-Alfonse), né à Paris en 1611, peintre et poëte. Son poëme de la Peinture a réussi auprès de ceux qui peuvent lire d’autres vers latins que ceux du siècle d’Auguste. Mort en 1665.

Dufresny (Charles Rivière), né à Paris en 1648. Il passait pour petit-fils de Henri IV, et lui ressemblait. Son père avait été valet de garde-robe de Louis XIII, et le fils l’était de Louis XIV, qui lui fit toujours du bien, malgré son dérangement, mais qui ne put l’empêcher de mourir pauvre. Avec beaucoup d’esprit et plus d’un talent, il ne put jamais rien faire de régulier. On a de lui beaucoup de comédies, et il n’y en a guère où l’on ne trouve des scènes jolies et singulières. Mort en 1724.

Du Guai-Trouin (René), né à Saint-Malo en 1673, d’armateur devenu lieutenant général des armées navales, l’un des plus grands hommes en son genre, a donné des Mémoires[92] écrits du style d’un soldat, et propres à exciter l’émulation chez ses compatriotes. Mort en 1736.

Duguet (Jacques-Joseph), né en Forez en 1649 ; l’une des meilleures plumes du parti janséniste. Son livre de l’Éducation d’un roi n’a point été fait pour le roi de Sardaigne, comme on l’a dit, et il a été achevé par une autre main[93]. Le style de Duguet est formé sur celui des bons écrivains de Port-Royal. Il aurait pu comme eux rendre de grands services aux lettres ; trois volumes sur vingt-cinq chapitres d’Isaïe prouvent qu’il n’était avare ni de son temps ni de sa plume. Mort en 1733.

Duhalde (Jean-Baptiste), jésuite, quoiqu’il ne soit point sorti de Paris, et qu’il n’ait point su le chinois, a donné sur les Mémoires de ses confrères la plus ample et la meilleure description de l’empire de la Chine[94] qu’on ait dans le monde. Mort en 1743.

L’insatiable curiosité que nous avons de connaître à fond la religion, les lois, les mœurs des Chinois, n’est point encore satisfaite : un bourgmestre de Middelbourg, nommé Hudde[95], homme très-riche, guidé par cette seule curiosité, alla à la Chine vers l’an 1700. Il employa une grande partie de son bien à s’instruire de tout. Il apprit si parfaitement la langue qu’on le prenait pour un Chinois. Heureusement pour lui la forme de son visage ne le trahissait pas. Enfin il sut parvenir au grade de mandarin ; il parcourut toutes les provinces en cette qualité, et revint ensuite en Europe avec un recueil de trente années d’observations ; elles ont été perdues dans un naufrage : c’est peut-être la plus grande perte qu’ait faite la république des lettres.

Duhamel (Jean-Baptiste), de Normandie, né en 1624, secrétaire de l’Académie des sciences. Quoique philosophe, il était théologien. La philosophie, qui s’est perfectionnée depuis lui, a nui à ses ouvrages, mais son nom a subsisté. Mort en 1706.

Dumarsais (César Chesneau), né à Marseille en 1676. Personne n’a connu mieux que lui la métaphysique de la grammaire ; personne n’a plus approfondi les principes des langues. Son livre des Tropes est devenu insensiblement nécessaire, et tout ce qu’il a écrit sur la grammaire mérite d’être étudié. Il y a dans le grand Dictionnaire encyclopédique beaucoup d’articles de lui, qui sont d’une grande utilité. Il était du nombre de ces philosophes obscurs dont Paris est plein, qui jugent sainement de tout, qui vivent entre eux dans la paix et dans la communication de la raison, ignorés des grands, et très-redoutés de ces charlatans en tout genre qui veulent dominer sur les esprits. La foule de ces hommes sages est une suite de l’esprit du siècle. Mort en 1756.

Dupin (Louis Ellies), né en 1657, docteur de Sorbonne. Sa Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques lui a fait beaucoup de réputation et quelques ennemis. Mort en 1719.

Dupleix (Scipion), de Condom, quoique né en 1569, peut être compté dans le siècle de Louis XIV, ayant encore vécu sous son règne. Il est le premier historien qui ait cité en marge ses autorités, précaution absolument nécessaire quand on n’écrit pas l’histoire de son temps, à moins qu’on ne s’en tienne aux faits connus. On ne lit plus son Histoire de France, parce que depuis lui on a mieux fait et mieux écrit. Mort en 1661.

Dupuy (Pierre), fils de Claude Dupuy, conseiller au parlement, très-savant homme, naquit en 1583. La science de Pierre Dupuy fut utile à l’État. Il travailla plus que personne à l’inventaire des chartes, et aux recherches des droits du roi sur plusieurs États. Il débrouilla, autant qu’on le peut, la loi salique, et défendit les libertés de l’Église gallicane, en prouvant qu’elles ne sont qu’une partie des anciens droits des anciennes Églises. Il résulte de son Histoire des Templiers qu’il y avait quelques coupables dans cet ordre, mais que la condamnation de l’ordre entier et le supplice de tant de chevaliers furent une des plus horribles injustices qu’on ait jamais commises. Mort en 1651.

Duryer (André), gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, longtemps employé à Constantinople et en Égypte. Nous avons de lui la traduction de l’Alcoran et de l’Histoire de Perse[96].

Duryer (Pierre), né à Paris en 1605, secrétaire du roi, historiographe de France, pauvre malgré ses charges. Il fit dix-neuf pièces de théâtre, et treize traductions, qui furent toutes bien reçues de son temps. Mort en 1658.

Esprit (Jacques), né à Béziers en 1611, auteur du livre de la fausseté des vertus humaines, qui n’est qu’un commentaire du duc de La Rochefoucauld. Le chancelier Séguier, qui goûta sa littérature, lui fit avoir un brevet de conseiller d’État. Mort en 1678.

Estrades (Godefroi, maréchal d’). Ses Lettres[97] sont aussi estimées que celles du cardinal d’Ossat ; et c’est une chose particulière aux Français que de simples dépêches aient été souvent d’excellents ouvrages. Mort en 1686.

Félibien (André), né à Chartres en 1619. Il est le premier qui, dans les inscriptions de l’hôtel de ville, ait donné à Louis XIV le nom de Grand. Ses Entretiens sur la vie des peintres sont l’ouvrage qui lui a fait le plus d’honneur. Il est élégant, profond, et il respire le goût ; mais il dit trop peu de choses en trop de paroles, et est absolument sans méthode. Mort en 1695.

Fénelon (François de Salignac de La Mothe), archevêque de Cambrai, né en Périgord en 1651. On a de lui cinquante-cinq ouvrages différents. Tous partent d’un cœur plein de vertu, mais son Télémaque l’inspire. Il a été vainement blâmé par Gueudeville, et par l’abbé Faydit[98]. Mort à Cambrai en 1715.

Après la mort de Fénelon, Louis XIV brûla lui-même tous les manuscrits que le duc de Bourgogne avait conservés de son précepteur. Ramsay, élève de ce célèbre archevêque, m’a écrit ces mots : « S’il était né en Angleterre, il aurait développé son génie et donné l’essor sans crainte à ses principes, que personne n’a connus. »

Ferrand (Antoine), conseiller de la cour des aides. On a de lui de très-jolis vers. Il joutait avec Rousseau dans l’épigramme et le madrigal. Voici dans quel goût Ferrand écrivait :

D’amour et de mélancolie
Célemnus enfin consumé,
En fontaine fut transformé ;
Et qui boit de ses eaux oublie
Jusqu’au nom de l’objet aimé.
Pour mieux oublier Égérie,
J’y courus hier vainement :
À force de changer d’amant,
L’infidèle l’avait tarie.

On voit que Ferrand mettait plus de naturel, de grâce, et de délicatesse, dans ses sujets galants, et Rousseau plus de force et de recherche dans des sujets de débauche. Mort en 1719.

Feuquières (Antoine de Pas, marquis de), né à Paris en 1648. Officier consommé dans l’art de la guerre, et excellent guide s’il est critique trop sévère. Mort en 1711.

Fléchier (Esprit), du comtat d’Avignon, né en 1632, évêque de Lavaur et puis de Nîmes ; poëte français et latin, historien, prédicateur, mais connu surtout par ses belles oraisons funèbres[99]. Son Histoire de Théodose a été faite pour l’éducation de Monseigneur. Le duc de Montausier avait engagé les meilleurs esprits de France à travailler, par de bons ouvrages, à cette éducation. Mort en 1710.

Fleury (Claude), né en 1640, sous-précepteur du duc de Bourgogne, et confesseur de Louis XV son fils, vécut à la cour dans la solitude et dans le travail. Son Histoire de l’Église est la meilleure qu’on ait jamais faite, et les discours préliminaires sont fort au-dessus de l’histoire. Ils sont presque d’un philosophe, mais l’histoire n’en est pas. Mort en 1723.

Fontaine (Jean de La). Voyez La Fontaine.

Fontenelle (Bernard Le Bovier[100] de), né à Rouen le 11 février 1657. On peut le regarder comme l’esprit le plus universel que le siècle de Louis XIV ait produit. Il a ressemblé à ces terres heureusement situées qui portent toutes les espèces de fruits. Il n’avait pas vingt ans lorsqu’il fit une grande partie de la tragédie opéra de Bellorophon, et depuis il donna l’opéra de Thétis et Pélée, dans lequel il imita beaucoup Quinault, et qui eut un grand succès. Celui d’Énée et Lavinie en eut moins. Il essaya ses forces au théâtre tragique ; il aida Mlle Bernard dans quelques pièces. Il en composa deux, dont une fut jouée en 1680, et jamais imprimée[101]. Elle lui attira trop longtemps de très-injustes reproches : car il avait eu le mérite de reconnaître que, bien que son esprit s’étendît à tout, il n’avait pas le talent de Pierre Corneille, son oncle, pour la tragédie[102].

En 1686, il fit l’allégorie de Méro et d’Énégu[103] : c’est Rome et Genève. Cette plaisanterie si connue, jointe à l’Histoire des oracles, excita depuis contre lui une persécution. Il en essuya une moins dangereuse, et qui n’était que littéraire, pour avoir soutenu qu’à plusieurs égards les modernes valaient bien les anciens. Racine et Boileau, qui avaient pourtant intérêt que Fontenelle eût raison, affectèrent de le mépriser, et lui fermèrent longtemps les portes de l’Académie. Ils firent contre lui des épigrammes ; il en fit contre eux, et ils furent toujours ses ennemis. Il fit beaucoup d’ouvrages légers, dans lesquels on remarquait déjà cette finesse et cette profondeur qui décèlent un homme supérieur à ses ouvrages mêmes. On remarqua dans ses vers et dans ses Dialogues des morts l’esprit de Voiture, mais plus étendu et plus philosophique. Sa Pluralité des mondes fut un ouvrage unique en son genre. Il sut faire, des Oracles de Van-Dale, un livre agréable. Les matières délicates auxquelles on touche dans ce livre lui attirèrent des ennemis violents, auxquels il eut le bonheur d’échapper. Il vit combien il est dangereux d’avoir raison dans des choses où des hommes accrédités ont tort. Il se tourna vers la géométrie et vers la physique avec autant de facilité qu’il avait cultivé les arts d’agrément. Nommé secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, il exerça cet emploi pendant plus de quarante ans avec un applaudissement universel. Son Histoire de l’Académie jette très-souvent une clarté lumineuse sur les mémoires les plus obscurs. Il fut le premier qui porta cette élégance dans les sciences. Si quelquefois il y répandit trop d’ornement, c’était de ces moissons abondantes dans lesquelles les fleurs croissent naturellement avec les épis.

Cette Histoire de l’Académie des sciences serait aussi utile qu’elle est bien faite s’il n’avait eu à rendre compte que de vérités découvertes ; mais il fallait souvent qu’il expliquât des opinions combattues les unes par les autres, et dont la plupart sont détruites.

Les éloges[104] qu’il prononça des académiciens morts ont le mérite singulier de rendre les sciences respectables, et ont rendu tel leur auteur. En vain l’abbé Desfontaines et d’autres gens de cette espèce ont voulu obscurcir sa réputation : c’est le propre des grands hommes d’avoir de méprisables ennemis. S’il fit imprimer depuis des comédies froides, peu théâtrales, et une apologie des tourbillons de Descartes, on a pardonné ces comédies en faveur de sa vieillesse, et son cartésianisme en faveur des anciennes opinions qui, dans sa jeunesse, avaient été celles de l’Europe.

Enfin on l’a regardé comme le premier des hommes dans l’art nouveau de répandre de la lumière et des grâces sur les sciences abstraites, et il a eu du mérite dans tous les autres genres qu’il a traités. Tant de talents ont été soutenus par la connaissance des langues et de l’histoire ; et il a été, sans contredit, au-dessus de tous les savants qui n’ont pas eu le don de l’invention.

Son Histoire des Oracles, qui n’est qu’un abrégé très-sage et très-modéré de la grande histoire de Van-Dale, lui fit une querelle assez violente avec quelques jésuites compilateurs de la Vie des Saints[105], qui avaient précisément l’esprit des compilateurs. Ils écrivirent à leur manière contre le sentiment raisonnable de Van-Dale et de Fontenelle. Le philosophe de Paris ne répondit point[106] ; mais son ami, le savant Basnage, philosophe de Hollande, répondit, et le livre des compilateurs ne fut pas lu. Plusieurs années après, le jésuite Le Tellier, confesseur de Louis XIV, ce malheureux auteur de toutes les querelles qui ont produit tant de mal et tant de ridicule en France, déféra Fontenelle à Louis XIV comme un athée, et rappela l’allégorie de Méro et d’Énégu. Marc-René de Paulmy, marquis d’Argenson, alors lieutenant de police, et depuis garde des sceaux, écarta la persécution qui allait éclater contre Fontenelle, et ce philosophe le fait assez entendre dans l’éloge du garde des sceaux d’Argenson, prononcé dans l’Académie des sciences. Cette anecdote est plus curieuse que tout ce qu’a dit l’abbé Trublet de Fontenelle. Mort le 9 janvier 1757, âgé de cent ans moins un mois et deux jours[107].

Forbin (Claude, chevalier de), chef d’escadre en France, grand amiral du roi de Siam. Il a laissé des Mémoires curieux qu’on a rédigés, et l’on peut juger entre lui et du Guai-Trouin. Mort en 1733.

Fraguier (Claude), né à Paris en 1666, bon littérateur et plein de goût. Il a mis la philosophie de Platon en bon vers latins. Il eût mieux valu faire de bons vers français. On a de lui d’excellentes dissertations dans le recueil utile de l’Académie des belles-lettres. Mort en 1728.

Furetière (Antoine), né en 1620, fameux par son Dictionnaire et par sa querelle. Mort en 1688.

Gacon (François), né à Lyon en 1667, mis par le P. Nicéron dans le catalogue des hommes illustres, et qui n’a été fameux que par de grossières plaisanteries, qu’on appelle brevets de la calotte. Ces turpitudes ont pris leur source dans je ne sais quelle association qu’on appelait le régiment des fous et de la calotte. Ce n’est pas là assurément du bon goût. Les honnêtes gens ne voient qu’avec mépris de tels ouvrages et leurs auteurs, qui ne peuvent être cités que pour faire abhorrer leur exemple. Gacon n’écrivit presque que de mauvaises satires en mauvais vers contre les auteurs les plus estimés de son temps. Ceux qui n’en écrivent aujourd’hui qu’en mauvaise prose sont encore plus méprisés que lui. On n’en parle ici que pour inspirer le même mépris envers ceux qui pourraient l’imiter. Mort en 1725.

Galland (Antoine), né en Picardie en 1646. Il apprit à Constantinople les langues orientales, et traduisit une partie des Contes arabes, qu’on connaît sous le titre de Mille et une Nuits ; il y mit beaucoup du sien : c’est un des livres les plus connus en Europe ; il est amusant pour toutes les nations. Mort en 1715.

Gallois (l’abbé Jean), né à Paris en 1632, savant universel, fut le premier qui travailla au Journal des savants avec le conseiller-clerc Sallo, qui avait conçu l’idée de ce travail. Il enseigna depuis un peu de latin au ministre d’État Colbert, qui, malgré ses occupations, crut avoir assez de temps pour apprendre cette langue ; il prenait surtout ses leçons en carrosse dans ses voyages de Versailles à Paris. On disait, avec vraisemblance, que c’était en vue d’être chancelier. On peut observer que les deux hommes qui ont le plus protégé les lettres ne savaient pas le latin, Louis XIV et M. Colbert. On prétend que l’abbé Gallois disait : M. Colbert veut quelquefois se familiariser avec moi, mais je le repousse par le respect. » On attribue ce même mot à Fontenelle à l’égard du régent : il est plus dans le caractère de Fontenelle, et le régent avait dans le sien plus de familiarité que Colbert. Mort en 1707.

Gassendi (Pierre Gassend, plus connu sous le nom de), né en Provence en 1592, restaurateur d’une partie de la physique d’Épicure. Il sentit la nécessité des atomes et du vide. Newton et d’autres ont démontré depuis ce que Gassendi avait affirmé. Il eut moins de réputation que Descartes, parce qu’il était plus raisonnable, et qu’il n’était pas inventeur ; mais on l’accusa, comme Descartes, d’athéisme. Quelques-uns crurent que celui qui admettait le vide, comme Épicure, niait un Dieu, comme lui. C’est ainsi que raisonnent les calomniateurs. Gassendi en Provence, où l’on n’était point jaloux de lui, était appelé le saint prêtre ; à Paris, quelques envieux l’appelaient l’athée. Il est vrai qu’il était sceptique, et que la philosophie lui avait appris à douter de tout, mais non pas de l’existence d’un Être suprême[108]. Il avait avancé longtemps avant Locke, dans une grande lettre à Descartes, qu’on ne connaît point du tout l’âme, que Dieu peut accorder la pensée à l’autre être inconnu qu’on nomme matière, et la lui conserver éternellement. Mort en octobre 1655.

Gédoin (Nicolas), chanoine de la Sainte-Chapelle à Paris, auteur d’une excellente traduction de Quintilien[109] et de Pausanias. Il était entré chez les jésuites à l’âge de quinze ans, et en sortit dans un âge mûr. Il était si passionné pour les bons auteurs de l’antiquité qu’il aurait voulu qu’on eût pardonné à leur religion en faveur des beautés de leurs ouvrages et de leur mythologie : il trouvait dans la fable une philosophie naturelle, admirable, et des emblèmes frappants de toutes les opérations de la Divinité. Il croyait que l’esprit de toutes les nations s’était rétréci, et que la grande poésie et la grande éloquence avaient disparu du monde avec la mythologie des Grecs. Le poëme de Milton lui paraissait un poëme barbare et d’un fanatisme sombre et dégoûtant, dans lequel le diable hurle sans cesse contre le Messie. Il écrivit sur ce sujet quatre dissertations très-curieuses : on croit qu’elles seront bientôt imprimées[110]. Mort en 1744.

N. B. On a imprimé dans quelques dictionnaires que Ninon lui accorda ses faveurs à quatre-vingts ans. En ce cas on aurait dû dire plutôt que l’abbé Gédoin lui accorda les siennes ; mais c’est un conte ridicule. Ce fut à l’abbé de Châteauneuf que Ninon donna un rendez-vous pour le jour auquel elle aurait soixante ans accomplis[111].

Genest (Charles-Claude), né en 1635[112], aumônier de la duchesse d’Orléans, philosophe et poëte. Sa tragédie de Pénélope a encore du succès sur le théâtre, et c’est la seule de ses pièces qui s’y soit conservée. Elle est au rang de ces pièces écrites d’un style lâche et prosaïque, que les situations font tolérer dans la représentation. Son laborieux ouvrage De la philosophie de Descartes, en rimes plutôt qu’en vers, signala plus sa patience que son génie, et il n’eut guère rien de commun avec Lucrèce que de versifier une philosophie erronée presque en tout : il eut part aux bienfaits de Louis XIV. Mort en 1719.

Girard (l’abbé Gabriel), de l’Académie. Son livre des Synonymes est très-utile ; il subsistera autant que la langue, et servira même à la faire subsister. Mort fort vieux, en 1748.

Godeau (Antoine), l’un de ceux qui servirent à l’établissement de l’Académie française, poëte, orateur, et historien. On sait que pour faire un jeu de mots le cardinal de Richelieu lui donna l’évêché de Grasse pour le Benidicite mis en vers. Son Histoire ecclésiastique en prose fut plus estimée que son poëme sur les Fastes de l’Église. Il se trompa en croyant égaler les Fastes d’Ovide ; ni son sujet ni son génie n’y pouvaient suffire. C’est une grande erreur de penser que les sujets chrétiens puissent convenir à la poésie comme ceux du paganisme, dont la mythologie aussi agréable que fausse animait toute la nature. Mort en 1672.

Godefroi (Théodore), fils de Denis Godefroi, Parisien ; homme savant, né à Genève en 1580, historiographe de France sous Louis XIII et Louis XIV. Il s’appliqua surtout aux titres et au cérémonial. Mort en 1648.

N. B. Son père, Denis, a rendu un service important à l’Europe par son travail immense sur le Corpus juris civilis.

Godefroi (Denis), son fils, né à Paris en 1615, historiographe de France comme son père. Mort en 1681. Toute cette famille a été illustre dans la littérature.

Gombauld (Jean-Ogier de), quoique né sous Charles IX[113], vécut longtemps sous Louis XIV. Il y a de lui quelques bonnes épigrammes, dont même on a retenu des vers. Mort en 1666.

Gomberville (Marin Le Roi de), né à Paris en 1600, l’un des premiers académiciens. Il écrivit de grands romans avant le temps du bon goût, et sa réputation mourut avec lui. Mort en 1674.

Gondi (Jean-François-Paul de), cardinal de Retz[114], né en 1613, qui vécut en Catilina dans sa jeunesse, et en Atticus dans sa vieillesse. Plusieurs endroits de ses Mémoires sont dignes de Salluste ; mais tout n’est pas égal. Mort en 1679.

Gourville, valet de chambre du duc de La Rochefoucauld, devenu son ami et même celui du grand Condé ; dans le même temps pendu à Paris en effigie, et envoyé du roi en Allemagne ; ensuite proposé pour succéder au grand Colbert dans le ministère. Nous avons de lui des Mémoires de sa vie, écrits avec naïveté, dans lesquels il parle de sa naissance et de sa fortune avec indifférence. Il y a des anecdotes vraies et curieuses. Né en 1625, mort en 1703.

Grécourt, chanoine de Tours. Son poëme de Philotanus eut un succès prodigieux. Le mérite de ces sortes d’ouvrages n’est d’ordinaire que dans le choix du sujet, et dans la malignité humaine. Ce n’est pas qu’il n’y ait quelques vers bien faits dans ce poëme. Le commencement en est très-heureux ; mais la suite n’y répond pas. Le diable n’y parle pas aussi plaisamment qu’il est amené. Le style est bas, uniforme, sans dialogue, sans grâces, sans finesse, sans pureté de style, sans imagination dans l’expression ; et ce n’est enfin qu’une histoire satirique de la bulle Unigenitus en vers burlesques, parmi lesquels il s’en trouve de très-plaisants. Mort en 1743.

Guéret (Gabriel), né à Paris en 1641, connu dans son temps par son Parnasse reformé, et par la Guerre des auteurs. Il avait du goût ; mais son discours Si l’empire de l’éloquence est plus grand que celui de l’amour ne prouverait pas qu’il en eût. Il a fait le Journal du palais, conjointement avec Blondeau : ce journal du palais est un recueil des arrêts des parlements de France, jugements souvent différents dans des causes semblables. Rien ne fait mieux voir combien la jurisprudence a besoin d’être réformée que cette nécessité où l’on est de recueillir des arrêts. Mort en 1688.

Hamilton (Antoine, comte d’), né à Caen[115]. On a de lui quelques jolies poésies, et il est le premier qui ait fait des romans dans un goût plaisant, qui n’est pas le burlesque de Scarron. Ses Mémoires du comte de Grammont, son beau-frère, sont de tous les livres celui où le fond le plus mince est paré du style le plus gai, le plus vif, et le plus agréable. C’est le modèle d’une conversation enjouée, plus que le modèle d’un livre. Son héros n’a guère d’autres rôles dans ses mémoires que celui de friponner ses amis au jeu, d’être volé par son valet de chambre, et de dire quelques prétendus bons mots sur les aventures des autres.

Hardouin (Jean), jésuite, né à Quimper en 1646, profond dans histoire et chimérique dans les sentiments. Il faut s’enquérir, dit Montaigne, non quel est le plus savant, mais le mieux savant. Hardouin poussa la bizarrerie jusqu’à prétendre que l’Énéide et les Odes d’Horace ont été composées par des moines du xiiie siècle : il veut qu’Énée soit Jésus-Christ, et Lalagé, la maîtresse d’Horace, la religion chrétienne. Le même discernement qui faisait voir au père Hardouin le Messie dans Énée, lui découvrait des athées dans les pères Thomassin, Quesnel, Malebranche, dans Arnauld, dans Nicole, et Pascal[116]. Sa folie ôta à sa calomnie toute son atrocité ; mais tous ceux qui renouvellent cette accusation d’athéisme contre des sages ne sont pas toujours reconnus pour fous, et sont souvent très-dangereux. On a vu des hommes abuser de leur ministère, en employant ces armes contre lesquelles il n’y a point de bouclier, pour perdre, sans ressource, des personnes respectables auprès des princes trop peu instruits. Mort en 1729.

Hecquet (Philippe), médecin, mit au jour, en 1722, le système raisonné de la Trituration, idée ingénieuse qui n’explique pas la manière dont se fait la digestion. Les autres médecins y ont joint le suc gastrique, et la chaleur des viscères ; mais nul n’a pu découvrir le secret de la nature, qui se cache dans toutes ses opérations.

Helvétius (Jean-Claude-Adrien), fameux médecin qui a très-bien écrit sur l’économie animale et sur la fièvre. Mort en 1755. Il était père d’un vrai philosophe, qui renonça à la place de fermier général pour cultiver les lettres, et qui a eu le sort de plusieurs philosophes : persécuté pour un livre et pour sa vertu[117].

Hénault (Charles-Jean-François), président aux enquêtes du parlement, surintendant de la maison de la reine, de l’Académie française, né à Paris le 8 février 1685. Nous avons déjà parlé de son livre utile de l’Abrégé de l’Histoire de la France. Les recherches pénibles qu’une telle étude doit avoir coûtées ne l’ont pas empêché de sacrifier aux Grâces, et il a été du très-petit nombre de savants qui ont joint aux travaux utiles les agréments de la société qui ne s’acquièrent point. Il a été dans l’histoire ce que Fontenelle a été dans la philosophie. Il l’a rendue familière ; aussi lui avons-nous rendu, comme à Fontenelle, justice de son vivant[118]. Mort en 1770.

Hesnault (Jean), connu par le sonnet de l’Avorton, par d’autres pièces, et qui aurait une très-grande réputation si les trois premiers chants de sa traduction de Lucrèce, qui furent perdus, avaient paru et avaient été écrits comme ce qui nous est resté du commencement de cet ouvrage. Mort en 1682. Au reste, la postérité ne le confondra pas avec un homme du même nom, et d’un mérite supérieur, à qui nous devons la plus courte et la meilleure histoire de France, et peut-être la seule manière dont il faudra désormais écrire toutes les grandes histoires ; car la multiplicité des faits et des écrits devient si grande qu’il faudra bientôt tout réduire aux extraits et aux dictionnaires ; mais il sera difficile d’imiter l’Auteur de l’Abrégé chronologique, d’approfondir tant de choses, en paraissant les effleurer.

Herbelot (Barthélémy d’), né à Paris en 1625, le premier parmi les Français qui connut bien les langues et les histoires orientales : peu célèbre d’abord dans sa patrie ; reçu par le grand-duc de Toscane, Ferdinand II, avec une distinction qui apprit à la France à connaître son mérite ; rappelé ensuite et encouragé par Colbert, qui encourageait tout. Sa Bibliothèque orientale est aussi curieuse que profonde. Mort en 1695.

Hermant (Godefroi), né à Beauvais en 1616. Il n’a fait que des ouvrages polémiques qui s’anéantissent avec la dispute. Mort en 1690.

Hermant (Jean), né à Caen en 1650, auteur de l’Histoire des conciles, des ordres religieux, des hérésies. Cette Histoire des hérésies ne vaut pas celle de M. Pluquet[119]. Mort en 1725.

Huet (Pierre-Daniel), né à Caen en 1630, savant universel, et qui conserva la même ardeur pour l’étude jusqu’à l’âge de quatre-vingt-onze ans. Appelé auprès de la reine Christine, à Stockholm, il fut ensuite un des hommes illustres qui contribuèrent à l’éducation du Dauphin. Jamais prince n’eut de pareils maîtres. Huet se fit prêtre à quarante ans ; il eut l’évêché d’Avranches, qu’il abdiqua ensuite pour se livrer tout entier à l’étude dans la retraite. De tous ses livres, le Commerce et la Navigation des anciens et l’Origine des Romans sont le plus d’usage. Son Traité sur la Faiblesse de l’esprit humain a fait beaucoup de bruit, et a paru démentir sa Démonstration évangélique. Mort en 1721.

Jacquelot (Isaac), né en Champagne en 1647, calviniste, pasteur à la Haye, et ensuite à Berlin. Il a fait quelques ouvrages sur la religion. Mort en 1708.

Joly (Guy), conseiller au Châtelet, secrétaire du cardinal de Retz, a laissé des Mémoires qui sont à ceux du cardinal ce qu’est le domestique au maître ; mais il y a des particularités curieuses.

Jouvency (Joseph), jésuite, né à Paris en 1643. C’est encore un homme qui a eu le mérite obscur d’écrire en latin aussi bien qu’on le puisse de nos jours. Son livre de Ratione discendi et docendi est un des meilleurs qu’on ait en ce genre, et des moins connus depuis Quintilien. Il publia en 1710, à Rome, une partie de l’histoire de son ordre. Il l’écrivit en jésuite, et en homme qui était à Rome. Le parlement de Paris, qui pense tout différemment de Rome et des jésuites, condamna ce livre, dans lequel on justifiait le P. Guignard, condamné à être pendu par ce même parlement pour l’assassinat commis sur la personne de Henri IV par l’écolier Châtel. Il est vrai que Guignard n’était nullement complice, et qu’on le jugea à la rigueur ; mais il n’est pas moins vrai que cette rigueur était nécessaire dans ces temps malheureux, où une partie de l’Europe, aveuglée par le plus horrible fanatisme, regardait comme un acte de religion de poignarder le meilleur des rois et le meilleur des hommes. Mort en 1719.

Labadie. Voyez Abadie.

Labbé (Philippe), né à Bourges en 1607, jésuite. Il a rendu de grands services à l’histoire. On a de lui soixante et seize ouvrages. Mort en 1667.

La Bruyère (Jean de), né à Dourdan en 1644. Il est certain qu’il peignit dans ses Caractères des personnes connues et considérables. Son livre a fait beaucoup de mauvais imitateurs. Ce qu’il dit à la fin contre les athées est estimé ; mais quand il se mêle de théologie, il est au-dessous même des théologiens. Mort en 1696.

La Chambre (Marin Cureau de), né au Mans en 1594. L’un des premiers membres de l’Académie française, et ensuite de celle des sciences. Mort en 1669. Lui, et son fils, curé de Saint-Barthélemy, et académicien, ont eu de la réputation.

La Chapelle (Jean de), receveur général des finances, auteur de quelques tragédies qui eurent du succès en leur temps. Il était un de ceux qui tâchaient d’imiter Racine : car Racine forma, sans le vouloir, une école comme les grands peintres. Ce fut un Raphaël qui ne fit point de Jules Romain ; mais au moins ses premiers disciples écrivirent avec quelque pureté de langage ; et, dans la décadence qui a suivi, on a vu de nos jours des tragédies entières où il n’y a pas douze vers de suite dans lesquels il n’y ait des fautes grossières. Voilà d’où l’on est tombé, et à quels excès on est parvenu après avoir eu de si grands modèles. Mort en 1723.

Lachaussée. Voyez Nivelle.

La Croze (Mathurin Veissière de), né à Nantes en 1661, bénédictin à Paris. Sa liberté de penser, et un prieur contraire à cette liberté, lui firent quitter son ordre et sa religion. C’était une bibliothèque vivante, et sa mémoire était un prodige. Outre les choses utiles et agréables qu’il savait, il en avait étudié d’autres qu’on ne peut savoir, comme l’ancienne langue égyptienne. Il y a de lui un ouvrage estimé, c’est le Christianisme des Indes. Ce qu’on y trouve de plus curieux, c’est que les bramins croient l’unité d’un Dieu, en laissant les idoles aux peuples. La fureur d’écrire est telle qu’on a écrit la vie de cet homme en un volume aussi gros que la Vie d’Alexandre. Ce petit extrait, encore trop long, aurait suffi[120]. Mort à Berlin en 1739.

La Fare (Charles-Auguste, marquis de), connu par ses Mémoires et par quelques vers agréables. Son talent pour la poésie ne se développa qu’à l’âge de près de soixante ans. Ce fut Mme de Caylus[121], l’une des plus aimables personnes de ce siècle par sa beauté et par son esprit, pour laquelle il fit ses premiers vers, et peut-être les plus délicats qu’on ait de lui :

M’abandonnant un jour à la tristesse,
Sans espérance et même sans désirs,
Je regrettais les sensibles plaisirs
Dont la douceur enchanta ma jeunesse.
Sont-ils perdus, disais-je, sans retour ?
Et n’es-tu pas cruel, Amour,

Toi que je fis dès mon enfance
Le maître de mes plus beaux jours,
D’en laisser terminer le cours
À l’ennuyeuse indifférence ?

Alors j’aperçus dans les airs
L’enfant maître de l’univers,
Qui, plein d’une joie inhumaine,
Me dit en souriant : « Tircis, ne te plains plus,
Je vais mettre fin à ta peine,
Je te promets un regard de Caylus. »

Né en 1644, mort le 22 mai 1712.

La Fayette (Marie-Magdeleine Pioche de La Vergne, comtesse de). Sa Princesse de Clèves et sa Zaïde furent les premiers romans où l’on vit les mœurs des honnêtes gens, et des aventures naturelles décrites avec grâce. Avant elle on écrivait d’un style ampoulé des choses peu vraisemblables. Morte en 1693.

La Fontaine (Jean), né à Château-Thierry en 1621 ; le plus simple des hommes, mais admirable dans son genre, quoique négligé et inégal. Il fut le seul des grands hommes de son temps qui n’eut point de part aux bienfaits de Louis XIV. Il y avait droit par son mérite et par sa pauvreté. Dans la plupart de ses fables, il est infiniment au-dessus de tous ceux qui ont écrit avant et après lui, en quelque langue que ce puisse être. Dans les contes qu’il a imités de l’Arioste, il n’a pas son élégance et sa pureté ; il n’est pas, à beaucoup près, si grand peintre, et c’est ce que Boileau n’a pas aperçu dans sa Dissertation sur Joconde, parce que Despréaux ne savait presque pas l’italien ; mais dans les contes puisés chez Boccace, La Fontaine lui est bien supérieur, parce qu’il a beaucoup plus d’esprit, de grâces, de finesse. Boccace n’a d’autre mérite que la naïveté, la clarté et l’exactitude dans le langage. Il a fixé sa langue, et La Fontaine a souvent corrompu la sienne. Mort en 1695.

Il faut que les jeunes gens, et surtout ceux qui dirigent leurs lectures, prennent bien garde à ne pas confondre avec son beau naturel, le familier, le bas, le négligé, le trivial : défauts dans lesquels il tombe trop souvent. Il commence par dire au Dauphin dans son prologue :

Et si de t’agréer je n’emporte le prix,
J’aurai du moins l’honneur de l’avoir entrepris.

On sent assez qu’il n’y aurait nul honneur à ne pas emporter le prix d’agréer. La pensée est aussi fausse que l’expression est mauvaise.

Vous chantiez ! j’en suis fort aise ;
Hé bien ! dansez maintenant.

Livre Ier, fable Ire.

Comment une fourmi peut-elle dire ce proverbe du peuple à une cigale ?

Si j’apprenais l’hébreu, les sciences, l’histoire !
Tout cela c’est la mer à boire.

Livre VIII, 25.

Il faut avouer que Phèdre écrit avec une pureté qui n’a rien de cette bassesse.

Le gibier du lion, ce ne sont pas moineaux,
Mais beaux et bons sangliers, daims et cerfs bons et beaux.

Livre II, 19.

Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où,
Le héron au long bec emmanché d’un long cou.

Livre VII, 4.

Et le renard qui a cent tours dans son sac ; et le chat qui n’en a qu’un dans son bissac[122].

Distinguons bien ces négligences, ces puérilités, qui sont en très-grand nombre, des traits admirables de ce charmant auteur, qui sont en plus grand nombre encore.

Quel est donc le pouvoir naturel des vers naturels, puisque, par ce seul charme, La Fontaine, avec de grandes négligences, a une réputation si universelle et si méritée, sans avoir jamais rien inventé ! Mais aussi quel mérite dans les anciens Asiatiques, inventeurs de ces fables connues dans toute la terre habitable !

La Fosse (Antoine de), né en 1653. Manlius est sa meilleure pièce de théâtre. Mort en 1708.

La Hire (Philippe de), né à Paris en 1640, fils d’un bon peintre. Il a été un savant mathématicien, et a beaucoup contribué à la fameuse Méridienne de France. Mort en 1718.

Lainé ou Lainez (Alexandre), né dans le Hainaut, en 1650, poëte singulier dont on a recueilli un petit nombre de vers heureux. Un homme[123] qui s’est donné la peine de faire élever à grands frais un Parnasse en bronze, couvert de figures en relief de tous les poëtes et musiciens dont il s’est avisé, a mis ce Lainez au rang des plus illustres. Les seuls vers délicats qu’on ait de lui sont ceux qu’il fit pour Mme Martel :

Le tendre Apelle un jour, dans ces jeux si vantés
Qu’Athènes sur ses bords consacrait à Neptune,
Vit au sortir de l’onde éclater cent beautés ;
Et, prenant un trait de chacune.
Il fit de sa Vénus le portrait immortel.
Hélas ! s’il avait vu l’adorable Martel,
Il n’en aurait employé qu’une.

On ne sait pas que ces vers sont une traduction un peu longue de ce beau morceau de l’Arioste :

Non avea da torre altra, che costei,
Che tutte le bellezze erano in lei.

C. XI, Ott. Lxxi.

Mort en 1710.

Lainet ou Lenet (Pierre), conseiller d’État, natif de Dijon, attaché au grand Condé, a laissé des Mémoires sur la guerre civile. Tous les Mémoires de ce temps sont éclaircis et justifiés les uns par les autres. Ils mettent la vérité de l’histoire dans le plus grand jour. Ceux de Lenet[124] ont une anecdote très-remarquable. Une dame de qualité, de Franche-Comté, se trouvant à Paris, grosse de huit mois, en 1664, son mari, absent depuis un an, arrive : elle craint qu’il ne la tue ; elle s’adresse à Lenet, sans le connaître. Celui-ci consulte l’ambassadeur d’Espagne ; tous deux imaginent de faire enfermer le mari, par lettre de cachet, à la Bastille, jusqu’à ce que la femme soit relevée de couche. Ils s’adressent à la reine. Le roi, en riant, fait et signe la lettre de cachet lui-même ; il sauve la vie de la femme et de l’enfant ; ensuite il demande pardon au mari, et lui fait un présent[125].

La Loubère (Simon de), né à Toulouse en 1642, et envoyé à Siam en 1687. On a de lui des Mémoires de ce pays, meilleurs que ses sonnets et ses odes. Mort en 1729.

Il y a un jésuite du même pays et du même nom[126], savant mathématicien, mais qui n’est plus connu que pour avoir voulu partager avec Pascal la gloire d’avoir résolu les problèmes sur la cicloïde.

La Mare (Nicolas de), né à Paris en 1641[127], commissaire au Châtelet. Il a fait un ouvrage qui était de son ressort, l’Histoire de la police. Il n’est bon que pour les Parisiens, et meilleur à consulter qu’à lire. Il eut pour récompense une part sur le produit de la Comédie, dont il ne jouit jamais ; il aurait autant valu assigner aux comédiens une pension sur les gages du guet.

Lambert (Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles, marquise de), née en 1647, dame de beaucoup d’esprit, a laissé quelques écrits d’une morale utile et d’un style agréable. Son traité De l’Amitié fait voir qu’elle méritait d’avoir des amis. Le nombre des dames qui ont illustré ce beau siècle est une des grandes preuves des progrès de l’esprit humain :

Le donne son venute in eccellenza
Di ciascun’arte ove hanno posto cura.

Orl. fur., c. XX, ott. ii.

Morte à Paris en 1733.

Lamy (Bernard), né au Mans en 1645, de l’Oratoire, savant dans plus d’un genre. Il composa ses Éléments de Mathématiques dans un voyage qu’il fit à pied de Grenoble à Paris. Mort en 1715.

La Monnoye (Bernard de), né à Dijon, en 1641, excellent littérateur. Il fut le premier qui remporta le prix de poésie à l’Académie française ; et même son poëme du Duel aboli, qui remporta ce prix, est à peu de chose près un des meilleurs ouvrages de poésie qu’on ait faits en France. Mort en 1728. Je ne sais pourquoi le docteur de Sorbonne Ladvocat, dans son Dictionnaire, dit que les Noëls de La Monnoye, en patois bourguignon, sont ce qu’il a fait de mieux ; est-ce parce que la Sorbonne, qui ne sait pas le patois bourguignon, a fait un décret contre ce livre sans l’entendre ?

La Mothe Le Vayer (François de), né à Paris[128] en 1588. Précepteur de Monsieur, frère de Louis XIV, et qui enseigna le roi un an ; historiographe de France, conseiller d’État, grand pyrrhonien, et connu pour tel. Son pyrrhonisme n’empêcha pas qu’on ne lui confiât une éducation si précieuse. On trouve beaucoup de science et de raison dans ses ouvrages trop diffus. Il combattit le premier avec succès cette opinion qui nous sied si mal, que notre morale vaut mieux que celle de l’antiquité.

Son traité de la Vertu des païens est estimé des sages. Sa devise était :

De las cosas mas seguras
La mas segura es dudar.

comme celle de Montaigne était : Que sais-je ? Mort en 1672.

Lamotte-Houdard[129] (Antoine de), né à Paris en 1672, célèbre par sa tragédie d’Inès de Castro, l’une des plus intéressantes qui soient restées au théâtre, par de très-jolis opéras, et surtout par quelques odes qui lui firent d’abord une grande réputation ; il y a presque autant de choses que de vers ; il est philosophe et poëte. Sa prose est encore très-estimée. Il fit les Discours du marquis de Mimeure et du cardinal Dubois, lorsqu’ils furent reçus à l’Académie française ; le Manifeste de la guerre de 1718 ; le Discours que prononça le cardinal de Tencin au petit concile d’Embrun. Ce fait est mémorable : un archevêque condamne un évêque[130] et c’est un auteur d’opéras et de comédies qui fait le sermon de l’archevêque. Il avait beaucoup d’amis, c’est-à-dire qu’il y avait beaucoup de gens qui se plaisaient dans sa société. Je l’ai vu mourir, sans qu’il eût personne auprès de son lit, en 1731[131]. L’abbé Trublet dit qu’il y avait du monde ; apparemment il y vint à d’autres heures que moi[132].

[133] L’intérêt seul de la vérité oblige à passer ici les bornes ordinaires de ces articles.

Cet homme de mœurs si douces, et de qui jamais personne n’eut à se plaindre, a été accusé après sa mort, presque juridiquement, d’un crime énorme, d’avoir composé les horribles couplets qui perdirent Rousseau en 1710, et d’avoir conduit plusieurs années toute la manœuvre qui fit condamner un innocent. Cette accusation a d’autant plus de poids qu’elle est faite par un homme très-instruit de cette affaire, et faite comme une espèce de testament de mort. Nicolas Boindin, procureur du roi des trésoriers de France, en mourant en 1751, laisse un Mémoire très-circonstancié, dans lequel il charge, après plus de quarante années, Lamotte-Houdard, de l’Académie française, Joseph Saurin, de l’Académie des sciences, et Malafer, marchand bijoutier, d’avoir ourdi toute cette trame ; et le Châtelet et le parlement d’avoir rendu consécutivement les jugements les plus injustes.

1º Si N. Boindin était en effet persuadé de l’innocence de Rousseau, pourquoi tant tarder à la faire connaître ? pourquoi ne pas la manifester après la mort de ses ennemis ? pourquoi ne pas donner ce Mémoire écrit il y a plus de vingt années ?

2º Qui ne voit clairement que le Mémoire de Boindin est un libelle diffamatoire, et que cet homme haïssait également tous ceux dont il parle dans cette dénonciation faite à la postérité ?

3º Il commence par des faits dont on connaît toute la fausseté. Il prétend que le comte de Nocé[134], et N. Melon[135], secrétaire du régent, étaient les associés de Malafer, petit marchand joaillier. Tous ceux qui les ont fréquentés savent que c’est une insigne calomnie. Ensuite il confond N. La Faye[136], secrétaire du cabinet du roi, avec son frère le capitaine aux gardes. Enfin comment peut-on imputer à un joaillier d’avoir eu part à toute cette manœuvre des couplets ?

4° Boindin[137] prétend que ce joaillier et Saurin le géomètre s’unirent avec Lamotte pour empêcher Rousseau d’obtenir la pension de Boileau, qui vivait encore en 1710. Serait-il possible que trois personnes de professions si différentes se fussent unies et eussent médité ensemble une manœuvre si réfléchie, si infâme et si difficile, pour priver un citoyen, alors obscur, d’une pension qui ne vaquait pas, que Rousseau n’aurait pas eue, et à laquelle aucun de ces trois associés ne pouvait prétendre ?

5° Après être convenu que Rousseau avait fait les cinq premiers couplets, suivis de ceux qui lui attirèrent sa disgrâce, il fait tomber sur Lamotte-Houdard le soupçon d’une douzaine d’autres dans le même goût ; et, pour unique preuve de cette accusation, il dit que ces douze couplets contre une douzaine de personnes qui devaient s’assembler chez N. de Villiers furent apportés par Lamotte-Houdard lui-même chez le sieur de Villiers, une heure après que Rousseau avait été informé que les intéressés devaient s’assembler dans cette maison. Or, dit-il, Rousseau n’avait pu en une heure de temps composer et transcrire ces vers diffamatoires. C’est Lamotte qui les apporta ; donc Lamotte en est l’auteur. Au contraire, c’est, ce me semble, parce qu’il à la bonne foi de les apporter qu’il ne doit pas être soupçonné de la scélératesse de les avoir faits. On les a jetés à sa porte, ainsi qu’à la porte de quelques autres particuliers. Il a ouvert le paquet ; il a trouvé des injures atroces contre tous ses amis et contre lui-même ; il vient en rendre compte : rien n’a plus l’air de l’innocence.

6° Ceux qui s’intéressent à l’histoire de ce mystère d’iniquité doivent savoir que l’on s’assemblait depuis un mois chez N. de Villiers, et que ceux qui s’y assemblaient étaient, pour la plupart, les mêmes que Rousseau avait déjà outragés dans cinq couplets qu’il avait imprudemment récités à quelques personnes. Le premier même de ces douze nouveaux couplets marquait assez que les intéressés s’assemblaient tantôt au café[138], tantôt chez Villiers.

Sots assemblés chez de Villiers,
Parmi les sots troupe d’élite,
D’un vil café dignes piliers.
Craignez la fureur qui m’irrite.
Je vais vous poursuivre en tous lieux,
Vous noircir, vous rendre odieux ;
Je veux que partout on vous chante ;

Vous percer et rire à vos yeux
Est une douceur qui m’enchante.

7° Il est très-faux que les cinq premiers couplets, reconnus pour être de Rousseau, ne fissent qu’effleurer le ridicule de cinq ou six particuliers, comme le dit le Mémoire ; on y voit les mêmes horreurs que dans les autres.

Que le bourreau, par son valet,
Fasse un jour serrer le sifflet
De Bérin et de sa séquelle ;
Que Pécourt[139], qui fait le ballet,
Ait le fouet au pied de l’échelle.

C’est là le style des cinq premiers couplets avoués par Rousseau. Certainement ce n’est pas là de la fine plaisanterie. C’est le même style que celui de tous les couplets qui suivirent.

8° Quant aux derniers couplets sur le même air, qui furent, en 1710, la matière du procès intenté à Saurin, de l’Académie des sciences, le Mémoire ne dit rien que ce que les pièces du procès ont appris depuis longtemps. Il prétend seulement que le malheureux[140] qui fut condamné au bannissement, pour avoir été suborné par Rousseau, devait être condamné aux galères, si en effet il avait été faux témoin. C’est en quoi le sieur Boindin se trompe ; car, en premier lieu, il eût été d’une injustice ridicule de condamner aux galères le suborné, quand on ne décernait que la peine du bannissement au suborneur ; en second lieu, ce malheureux ne s’était pas porté accusateur contre Saurin. Il n’avait pu être entièrement suborné. Il avait fait plusieurs déclarations contradictoires ; la nature de sa faute et la faiblesse de son esprit ne comportaient pas une peine exemplaire.

9° N. Boindin fait entendre expressément dans son Mémoire que la maison de Noailles et les jésuites servirent à perdre Rousseau dans cette affaire, et que Saurin fit agir le crédit et la faveur. Je sais avec certitude, et plusieurs personnes vivantes encore le savent comme moi, que ni la maison de Noailles ni les jésuites ne sollicitèrent. La faveur fut d’abord tout entière pour Rousseau : car, quoique le cri public s’élevât contre lui, il avait gagné deux secrétaires d’État, M. de Pontchartrain et M. Voisin, que ce cri public n’épouvantait pas. Ce fut sur leurs ordres, en forme de sollicitations, que le lieutenant criminel Lecomte décréta et emprisonna Saurin[141], l’interrogea, le confronta, le récola, le tout en moins de vingt-quatre heures, par une procédure précipitée. Le chancelier réprimanda le lieutenant criminel sur cette procédure violente et inusitée.

Quant aux jésuites, il est si faux qu’ils se fussent déclarés contre Rousseau qu’immédiatement après la sentence contradictoire du Châtelet, par laquelle il fut unanimement condamné, il fit une retraite au noviciat des jésuites, sous la direction du P. Sanadon, dans le temps qu’il appelait au parlement. Cette retraite chez les jésuites prouve deux choses : la première, qu’ils n’étaient pas ses ennemis ; la seconde, qu’il voulait opposer les pratiques de la religion aux accusations de libertinage que d’ailleurs on lui suscitait. Il avait déjà fait ses meilleurs psaumes, en même temps que ses épigrammes licencieuses, qu’il appelait les gloria patri de ses psaumes, et Danchet lui avait adressé ces vers :

À te masquer habile,
Traduis tour à tour
Pétrône à la ville,
David à la cour, etc.

Il ne serait donc pas étonnant qu’ayant pris le manteau de la religion, comme tant d’autres, tandis qu’il portait celui de cynique, il eût depuis conservé le premier, qui lui était devenu absolument nécessaire. On ne veut tirer aucune conséquence de cette induction ; il n’y a que Dieu qui connaisse le cœur de l’homme.

10° Il est important d’observer que, pendant plus de trente années que Lamotte-Houdard, Saurin, et Malafer, ont survécu à ce procès, aucun d’eux n’a été soupçonné ni de la moindre mauvaise manœuvre, ni de la plus légère satire. Lamotte-Houdard n’a jamais même répondu à ces invectives atroces, connues sous le nom de Calottes, et sous d’autres titres, dont un ou deux hommes, qui étaient en horreur à tout le monde, l’accablèrent si longtemps. Il ne déshonora jamais son talent par la satire, et même, lorsqu’en 1709, outragé continuellement par Rousseau, il fit cette belle ode :

On ne se choisit point son père ;
Par un reproche populaire

Le sage n’est point abattu.
Oui, quoi que le vulgaire pense,
Rousseau, la plus vile naissance
Donne du lustre à la vertu, etc. ;

quand, dis-je, il fit cet ouvrage, ce fut bien plutôt une leçon de morale et de philosophie qu’une satire. Il exhortait Rousseau, qui reniait son père, à ne point rougir de sa naissance. Il l’exhortait à dompter l’esprit d’envie et de satire. Rien ne ressemble moins à la rage qui respire dans les couplets dont on l’accuse.

Mais Rousseau, après une condamnation qui devait le rendre sage, soit qu’il fût innocent ou coupable, ne put dompter son penchant. Il outragea souvent, par des épigrammes, les mêmes personnes attaquées dans les couplets, La Faye, Danchet, Lamotte-Houdard, etc. Il fit des vers contre ses anciens et nouveaux protecteurs. On en retrouve quelques-uns dans des lettres, peu dignes d’être connues, qu’on a imprimées ; et la plupart de ces vers sont du style de ces couplets pour lesquels le parlement l’avait condamné, témoin ceux-ci contre l’illustre musicien Rameau :

Distillateurs d’accords baroques,
Dont tant d’idiots sont férus,
Chez les Thraces et les Iroques
Portez vos opéras bourrus, etc.

On en retrouve du même goût dans le recueil intitulé Portefeuille de Rousseau[142], contre l’abbé d’Olivet, qui avait formé un projet de le faire revenir en France. Enfin, lorsque, sur la fin de sa vie, il vint se cacher quelque temps à Paris, affichant la dévotion, il ne put s’empêcher de faire encore des épigrammes violentes. Il est vrai que l’âge avait gâté son style, mais il ne réforma point son caractère, soit que par un mélange bizarre, mais ordinaire chez les hommes, il joignît cette atrocité à la dévotion, soit que, par une méchanceté non moins ordinaire, cette dévotion fût hypocrisie.

11° Si Saurin, Lamotte, et Malafer, avaient comploté le crime dont on les accuse, ces trois hommes ayant été depuis assez mal ensemble, il est bien difficile qu’il n’eût rien transpiré de leur crime. Cette réflexion n’est pas une preuve ; mais, jointe aux autres, elle est d’un grand poids.

12° Si un garçon aussi simple et aussi grossier que le nommé Guillaume Arnoult, condamné comme témoin suborné par Rousseau, n’avait point été en effet coupable, il l’aurait dit, il l’aurait crié toute sa vie à tout le monde. Je l’ai connu. Sa mère aidait dans la cuisine de mon père, ainsi qu’il est dit dans le factum de Saurin ; et sa mère et lui ont dit plusieurs fois à ma famille, en ma présence, qu’il avait été justement condamné.

Pourquoi donc, au bout de quarante-deux ans, N. Boindin a-t-il voulu laisser, en mourant, cette accusation authentique contre trois hommes qui ne sont plus ? C’est que le Mémoire était composé il y a plus de vingt ans ; c’est que Boindin les haïssait tous trois ; c’est qu’il ne pouvait pardonner à Lamotte de n’avoir pas sollicité pour lui une place à l’Académie française, et de lui avoir avoué que ses ennemis, qui l’accusaient d’athéisme, lui donneraient l’exclusion. Il s’était brouillé avec Saurin, qui était, comme lui, un esprit altier et inflexible. Il s’était brouillé de même avec Malafer, homme dur et impoli. Il était devenu l’ennemi de Lériget de La Faye, qui avait fait contre lui cette épigramme :

Oui, Vadius, on connaît votre esprit ;
Savoir s’y joint ; et quand le cas arrive
Qu’œuvre paraît par quelque coin fautive,
Plus aigrement qui jamais la reprit ?
Mais on ne voit qu’en vous aussi se montre
L’art de louer le beau qui s’y rencontre,
Dont cependant maints beaux esprits font cas.
De vos pareils que voulez-vous qu’on pense ?
Eh quoi ! qu’ils sont connaisseurs délicats ?
Pas n’en voudrais tirer la conséquence ;
Mais bien qu’ils sont gens à fuir de cent pas.

C’était là en effet le caractère de Boindin, et c’est lui qui est peint dans le Temple du Goût, sous le nom de Bardou. Il fut dans son Mémoire la dupe de sa haine, incapable de dire ce qu’il ne croyait pas, et incapable de changer d’avis sur ce que son humeur lui inspirait. Ses mœurs étaient irréprochables ; il vécut toujours en philosophe rigide ; il fit des actions de générosité ; mais cette humeur dure et insociable lui donnait des préventions dont il ne revenait jamais.

Toute cette funeste affaire, qui a eu de si longues suites, et dont il n’y a guère d’hommes plus instruits que moi, dut son origine au plaisir innocent que prenaient plusieurs personnes de mérite de s’assembler dans un café. On n’y respectait pas assez la première loi de la société, de se ménager les uns les autres. On se critiquait durement, et de simples impolitesses donnèrent lieu à des haines durables et à des crimes. C’est au lecteur à juger si dans cette affaire il y a eu trois criminels ou un seul.

[143] On a dit qu’il se pourrait à toute force que Saurin eût été l’auteur des derniers couplets attribués à Rousseau. Il se pourrait que, Rousseau ayant été reconnu coupable des cinq premiers, qui étaient de la même atrocité, Saurin eût fait les derniers pour le perdre, quoiqu’il n’y eût aucune rivalité entre ces deux hommes, quoique Saurin fût alors plongé dans les calculs de l’algèbre, quoique lui-même fût cruellement outragé dans ces derniers couplets, quoique tous les offensés les imputassent unanimement à Rousseau, enfin quoiqu’un jugement solennel ait déclaré Saurin innocent. Mais, si la chose est physiquement dans l’ordre des possibles, elle n’est nullement vraisemblable. Rousseau l’en accusa toute sa vie : il le chargea de ce crime par son testament ; mais le professeur Rollin, auquel Rousseau montra ce testament quand il vint clandestinement à Paris, l’obligea de rayer cette accusation. Rousseau se contenta de protester de son innocence à l’article de la mort ; mais il n’osa jamais accuser Lamotte, ni pendant le cours du procès, ni durant le reste de sa vie, ni à ses derniers moments. Il se contenta de faire toujours des vers contre lui. (Voyez l’article Joseph Saurin[144].)

Lancelot (Claude), né à Paris en 1616. Il eut part à des ouvrages très-utiles, que firent les solitaires de Port-Royal pour l’éducation de la jeunesse. Mort en 1695.

Laplacette (Jean de), de Béarn, né en 1639, ministre protestant à Copenhague et en Hollande ; estimé pour ses divers ouvrages. Mort à Utrecht en 1718.

La Porte[145] (Pierre de), premier valet de chambre de la reine mère, et quelque temps de Louis XIV ; mis en prison par le cardinal de Richelieu, et menacé de la mort pour le forcer à trahir les secrets de sa maîtresse, qu’il ne trahit point. Dans la foule des Mémoires qui développent l’histoire de cet âge, ceux de La Porte ne sont pas à mépriser ; ils sont d’un honnête homme, ennemi de l’intrigue et de la flatterie, sévère jusqu’au pédantisme. Il avoue qu’il avertissait la reine que sa familiarité avec le cardinal Mazarin diminuait le respect des grands et des peuples pour elle. Il y a dans ses Mémoires une anecdote sur l’enfance de Louis XIV, qui rendrait la mémoire du cardinal Mazarin exécrable, s’il avait été coupable du crime honteux que La Porte semble lui imputer. Il paraît que La Porte fut trop scrupuleux et trop mauvais physicien ; il ne savait pas qu’il y a des tempéraments fort avancés. Il devait surtout se taire ; il se perdit pour avoir parlé, et pour avoir attribué à la débauche un accident fort naturel. Mort à Paris vers la fin de 1680.

La Quintinie (Jean de), né près de Poitiers en 1626[146]. Il a créé l’art de la culture des arbres, et celui de les transplanter. Ses préceptes ont été suivis de toute l’Europe, et ses talents récompensés magnifiquement par Louis XIV. Mort vers 1700.

Rochefoucauld (François, duc de La), né en 1613. Ses Mémoires sont lus, et on sait par cœur ses Pensées. Mort en 1680.

Larrey (Isaac de), né en Normandie en 1638. Son Histoire d’Angleterre fut estimée avant celle de Rapin de Thoiras, et son Histoire de Louis XIV ne le fut jamais. Mort à Berlin en 1719.

La Rue (Charles de), né en 1643, jésuite, poëte latin, poëte français, et prédicateur, l’un de ceux qui travaillèrent à ces livres nommés Dauphins, pour l’éducation de Monseigneur. Virgile lui tomba en partage. Il a fait plusieurs tragédies et comédies ; sa tragédie de Sylla fut présentée aux comédiens, et refusée. Il a fait encore celle de Lysimachus. On croit qu’il a beaucoup travaillé à l’Andrienne. Il était très-lié avec le comédien Baron, dont il apprit à déclamer. Il y avait deux sermons de lui qui étaient fort en vogue : l’un était le Pécheur mourant, et l’autre, le Pécheur mort ; on les affichait quand il devait les prononcer. Mort en 1725.

Launay (François de), né à Angers en 1612, jurisconsulte et homme de lettres. Il fut le premier qui enseigna le droit français à Paris. Mort en 1693.

Launoy (Jean de), né en Normandie en 1603, docteur en théologie, savant laborieux, et critique intrépide. Il détrompa de plusieurs erreurs, et surtout de l’existence de plusieurs saints. On sait qu’un curé de Saint-Eustache disait : « Je lui fais toujours de profondes révérences, de peur qu’il ne m’ôte mon saint Eustache. » Mort en 1678.

Laurière (Eusèbe-Jacob de), né à Paris en 1659, avocat. Personne n’a plus approfondi la jurisprudence et l’origine des lois. C’est lui qui dressa le plan du Recueil des ordonnances, ouvrage immense qui signale le règne de Louis XIV. C’est un monument de l’inconstance des choses humaines. Un recueil d’ordonnances n’est que l’histoire des variations. Mort en 1728.

Leboeuf (l’abbé), né en 1687, l’un des plus savants hommes dans les détails de l’histoire de France. Il aurait été employé par un Colbert, mais il vint trop tard. Mort en 1760.

Lebossu (René), né à Paris en 1631, chanoine régulier de Sainte-Geneviève. Il voulut concilier Aristote avec Descartes ; il ne savait pas qu’il fallait les abandonner l’un et l’autre. Son Traité sur le poème épique a beaucoup de réputation, mais il ne fera jamais de poëtes. Mort en 1680.

Lebrun (Pierre), né à Aix en 1661, de l’Oratoire. Son livre critique des Pratiques superstitieuses a été recherché ; mais c’est un médecin qui ne parle que de très-peu de maladies, et qui est lui-même malade. Mort en 1729.

Le Clerc (Jean), né à Genève en 1657, mais originaire de Beauvais. Il n’était pas le seul savant de sa famille, mais il était le plus savant. Sa Bibliothèque universelle, dans laquelle il imita la République des lettres de Bayle, est son meilleur ouvrage. Son plus grand mérite est d’avoir alors approché de Bayle, qu’il a combattu souvent. Il a beaucoup plus écrit que ce grand homme ; mais il n’a pas connu comme lui l’art de plaire et d’instruire, qui est si au-dessus de la science. Mort à Amsterdam en 1736.

Lecointe (Charles), né à Troyes en 1611 ; de l’Oratoire. Ses Annales ecclésiastiques, imprimées au Louvre par ordre du roi, sont un monument utile. Mort en 1681.

Lefèvre (Tanneguy), né à Caen en 1615, calviniste, professeur à Saumur, méprisant ceux de sa secte, et demeurant parmi eux ; plus philosophe que huguenot, écrivant aussi bien en latin qu’on puisse écrire dans une langue morte, faisant des vers grecs qui doivent avoir eu peu de lecteurs. La plus grande obligation que lui aient les lettres est d’avoir produit Mme Dacier. Mort en 1672.

Lefèvre (Anne). Voyez Mme Dacier.

Legendre (Louis), né à Rouen en 1659, a fait une Histoire de France. Pour bien faire cette histoire, il faudrait la plume et la liberté du président de Thou ; et il serait encore très-difficile de rendre les premiers siècles intéressants. Mort en 1733.

Legrand (Joachim), né en Normandie en 1653, élève du P. Lecointe. Il a été l’un des hommes les plus profonds dans l’histoire. Mort en 1733.

Le Laboureur (Jean), né à Montmorency en 1623, gentilhomme servant de Louis XIV, et ensuite son aumônier. Sa relation du voyage de Pologne, qu’il fit avec Mme la maréchale de Guébriant, la seule femme qui ait jamais eu le titre et fait les fonctions d’ambassadrice plénipotentiaire, est assez curieuse. Les commentaires historiques dont il a enrichi les Mémoires de Castelnau ont répandu beaucoup de jour sur l’histoire de France. Le mauvais poëme de Charlemagne n’est pas de lui, mais de son frère. Mort en 1675.

Le Long (Jacques), né à Paris en 1665 ; de l’Oratoire. Sa Bibliothèque historique de la France est d’une grande recherche et d’une grande utilité, à quelques fautes près. Mort en 1721.

Lémery (Nicolas), né à Rouen en 1645, fut le premier chimiste raisonnable, et le premier qui ait donné une Pharmacopée universelle. Mort en 1715.

Le Moine (Pierre), jésuite, né en 1602. Sa Dévotion aisée le rendit ridicule ; mais il eût pu se faire un grand nom par sa Louisiade[147]. Il avait une prodigieuse imagination. Pourquoi donc ne réussit-il pas ? C’est qu’il n’avait ni goût, ni connaissance du génie de sa langue, ni des amis sévères. Mort en 1671.

Lenain de Tillemont (Louis-Sébastien), fils de Jean Lenain, maître des requêtes, né à Paris en 1637, élève de Nicole, et l’un des plus savants écrivains de Port-Royal. Son Histoire des empereurs, et ses seize volumes de l’Histoire ecclésiastique, sont écrits avec autant de vérité que peuvent l’être des compilations d’anciens historiens : car l’histoire, avant l’invention de l’imprimerie, étant peu contredite, était peu exacte. Mort en 1698.

Lenfant (Jacques), né en Beauce en 1661, pasteur calviniste à Berlin. Il contribua plus que personne à répandre les grâces et la force de la langue française aux extrémités de l’Allemagne. Son Histoire du concile de Constance, bien faite et bien écrite, sera, jusqu’à la dernière postérité, un témoignage du bien et du mal qui peuvent résulter de ces grandes assemblées, et que du sein des passions, de l’intérêt, et de la cruauté même, il peut encore sortir de bonnes lois. Mort en 1728.

Le Quien (Michel), né en 1661, dominicain ; homme très-savant. Il a beaucoup travaillé sur les Églises d’Orient et sur celle d’Angleterre. Il a surtout écrit contre Le Courayer sur la validité des évêques anglicans ; mais les Anglais ne font pas plus de cas de ces disputes que les Turcs n’en font des dissertations sur l’Église grecque. Mort en 1733.

Le Sage, né à Vannes[148], en Basse-Bretagne, en 1667. Son roman de Gil Blas est demeuré, parce qu’il y a du naturel : il est entièrement pris[149] du roman espagnol intitulé la Vida del escudero don Marcos de Obrego. Mort en 1747.

Le Tourneux (Nicolas), né en 1640. Son Année chrétienne est dans beaucoup de mains, quoique mise à Rome à l’index des livres prohibés, ou plutôt parce qu’elle y est mise. Mort en 1686.

Levassor (Michel), de l’Oratoire, réfugié en Angleterre. Son Histoire de Louis XIII[150], diffuse, pesante, et satirique, a été recherchée pour beaucoup de faits singuliers qui s’y trouvent ; mais c’est un déclamateur odieux qui, dans l’Histoire de Louis XIII, ne cherche qu’à décrier Louis XIV, qui attaque les morts et les vivants ; il ne se trompe que sur peu de faits, et passe pour s’être trompé dans tous ses jugements. Mort en 1718.

L’Hospital (François, marquis de), né en 1661, le premier qui ait écrit en France sur le calcul inventé par Newton, qu’il appela les infiniment petits ; c’était alors un prodige. Mort en 1704.

Longepierre (Hilaire-Bernard de Requeleyne, baron de), né en Bourgogne en 1658. Il possédait toutes les beautés de la langue grecque, mérite très-rare en ce temps-là ; on a de lui des traductions en vers d’Anacréon, Sapho, Bion, et Moschus. Sa tragédie de Médée, quoique inégale et trop remplie de déclamations, est fort supérieure à celle de Pierre Corneille ; mais la Médée de Corneille n’était pas de son bon temps. Longepierre fit beaucoup d’autres tragédies d’après les poëtes grecs, et il les imita en ne mêlant point l’amour à ces sujets sévères et terribles ; mais aussi il les imita dans la prolixité des lieux communs, et dans le vide d’action et d’intrigue, et ne les égala point dans la beauté de l’élocution, qui fait le grand mérite des poëtes. Il n’a donné au théâtre que Médée et Électre[151]. Mort en 1721.

Longuerue (Louis Dufour de), né à Charleville en 1652. Abbé du Jard. Il savait, outre les langues savantes, toutes celles de l’Europe. Apprendre plusieurs langues médiocrement, c’est le fruit du travail de quelques années ; parler purement et éloquemment la sienne, le travail de toute la vie. Il savait l’histoire universelle, et on prétend qu’il composa de mémoire la description historique et géographique de la France ancienne et moderne. Mort vers l’an 1733.

Longueval (Jacques), né en 1680, jésuite. Il a fait huit volumes de l’Histoire de l’Église gallicane, continuée par le P. Fontenay[152]. Mort en 1735.

Mabillon (Jean), né en Champagne en 1632, bénédictin. C’est lui qui, étant chargé de montrer le trésor de Saint-Denis, demanda à quitter cet emploi, parce qu’il n’aimait pas à mêler la fable avec la vérité. Il a fait de profondes recherches. Colbert l’employa à rechercher les anciens titres.

Maignan (Emmanuel), né à Toulouse en 1601, minime. L’un de ceux qui ont appris les mathématiques sans maître. Professeur de mathématiques à Rome, où il y a toujours eu depuis un professeur minime français. Mort à Toulouse en 1676.

Maillet (Benoît de), consul au Grand-Caire. On a de lui des lettres instructives sur l’Égypte, et des ouvrages manuscrits d’une philosophie hardie. L’ouvrage intitulé Telliamed est de lui, ou du moins a été fait d’après ses idées. On y trouve l’opinion que la terre a été toute couverte d’eau, opinion adoptée par M. de Buffon, qui l’a fortifiée de preuves nouvelles ; mais ce n’est et ce ne sera longtemps qu’une opinion. Il est même certain qu’il existe de grands espaces où l’on ne trouve aucun vestige du séjour des eaux ; d’autres, où l’on n’aperçoit que des dépôts laissés par les eaux terrestres. Mort en 1738.

Maimbourg (Louis), jésuite, né en 1610. Il y a encore quelques unes de ses histoires qu’on ne lit pas sans plaisir. Il eut d’abord trop de vogue, et on l’a trop négligé ensuite. Ce qui est singulier, c’est qu’il fut obligé de quitter les jésuites pour avoir écrit en faveur du clergé de France. Mort à Saint-Victor en 1686.

Maintenon[153] (Françoise d’Aubigné Scarron, marquise de). Elle est auteur, comme Mme de Sévigné, parce qu’on a imprimé ses Lettres[154] après sa mort. Les unes et les autres sont écrites avec beaucoup d’esprit, mais avec un esprit différent. Le cœur et l’imagination ont dicté celles de Mme de Sévigné ; elles ont plus de gaieté, plus de liberté ; celles de Mme de Maintenon sont plus contraintes : il semble qu’elle ait toujours prévu qu’elles seraient un jour publiques. Mme de Sévigné, en écrivant à sa fille, n’écrivait que pour sa fille. On trouve quelques anecdotes dans les unes et dans les autres. On voit, par celles de Mme de Maintenon, qu’elle avait épousé Louis XIV, qu’elle influait dans les affaires d’État, mais qu’elle ne les gouvernait pas ; qu’elle ne pressa point la révocation de l’Édit de Nantes et ses suites, mais qu’elle ne s’y opposa point ; qu’elle prit le parti des molinistes parce que Louis XIV l’avait pris, et qu’en suite elle s’attacha à ce parti ; que Louis XIV, sur la fin de sa vie, portait des reliques ; et beaucoup d’autres particularités. Mais les connaissances qu’on peut puiser dans ce recueil sont trop achetées par la quantité de lettres inutiles qu’il renferme : défaut commun à tous ces recueils. Si l’on n’imprimait que l’utile, il y aurait cent fois moins de livres. Morte à Saint-Cyr, en 1719.

[155] Un nommé La Beaumelle, qui a été précepteur à Genève, a fait imprimer des Mémoires de Maintenon remplis de faussetés[156].

Malebranche (Nicolas), né à Paris en 1638, de l’Oratoire, l’un des plus profonds méditatifs qui aient jamais écrit. Animé de cette imagination forte qui fait plus de disciples que la vérité, il en eut : de son temps il y avait des malebranchistes. Il a montré admirablement les erreurs des sens et de l’imagination, et quand il a voulu sonder la nature de l’âme, il s’est perdu dans cet abîme comme les autres. Il est, ainsi que Descartes, un grand homme avec lequel on apprend bien peu de chose, et il n’était pas un grand géomètre comme Descartes. Mort en 1715.

Malezieu (Nicolas), né à Paris en 1650. Les Éléments de géométrie du duc de Bourgogne sont les leçons qu’il donna à ce prince. Il se fit une réputation par sa profonde littérature. Mme la duchesse du Maine fit sa fortune. Mort en 1727.

Malleville (Claude de), l’un des premiers académiciens. Le seul sonnet de la Belle Matineuse en fit un homme célèbre[157]. On ne parlerait pas aujourd’hui d’un tel ouvrage ; mais le bon en tout genre était alors aussi rare qu’il est devenu commun depuis. Mort en 1647.

Marca (Pierre de), né en 1594. Étant veuf et ayant plusieurs enfants, il entra dans l’Église, et fut nommé à l’archevêché de Paris. Son livre de la Concorde de l’empire et du sacerdoce est estimé. Mort en 1662.

Marolles (Michel de), né en Touraine en 1600, fils du célèbre Claude de Marolles, capitaine des cent-suisses, connu par son combat singulier, à la tête de l’armée de Henri IV, contre Marivault[158]. Michel, abbé de Villeloin, composa soixante-neuf ouvrages[159], dont plusieurs étaient des traductions très-utiles dans leur temps. Mort en 1681.

Marsollier (Jacques), né à Paris en 1647, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, connu par plusieurs histoires bien écrites. Mort en 1724.

Martignac (Étienne Algai de), né en 1628, le premier qui donna une traduction supportable en prose de Virgile, d’Horace, etc. Je doute qu’on les traduise jamais heureusement en vers. Ce ne serait pas assez d’avoir leur génie : la différence des langues est un obstacle presque invincible. Mort en 1698.

Mascaron (Jules), de Marseille, né en 1634, évêque de Tulles, et puis d’Agen. Ses Oraisons funèbres balancèrent d’abord celles de Bossuet ; mais aujourd’hui elles ne servent qu’à faire voir combien Bossuet était un grand homme. Mort en 1703.

Massillon (Jean-Baptiste), né à Hyères, en Provence, en 1633, de l’Oratoire, évêque de Clermont. Le prédicateur qui a le mieux connu le monde ; plus fleuri que Bourdaloue, plus agréable, et dont l’éloquence sent l’homme de cour, l’académicien, et l’homme d’esprit ; de plus, philosophe modéré et tolérant. Mort en 1742.

Maucroix (François de), né à Noyon en 1619, historien, poète, et littérateur. On a retenu quelques-uns de ses vers, tels que ceux-ci, qu’il fit à l’âge de plus de quatre-vingts ans :

Chaque jour est un bien que du ciel je reçoi ;
Jouissons aujourd’hui de celui qu’il nous donne.
Il n’appartient pas plus aux jeunes gens qu’à moi.
Et celui de demain n’appartient à personne.

Mort en 1708.

Maynard (François), président d’Aurillac, né à Toulouse vers 1582. On peut le compter parmi ceux qui ont annoncé le siècle de Louis XIV. Il reste de lui un assez grand nombre de vers heureux purement écrits. C’est un des auteurs qui s’est plaint le plus de la mauvaise fortune attachée aux talents. Il ignorait que le succès d’un bon ouvrage est la seule récompense digne d’un artiste ; que, si les princes et les ministres veulent se faire honneur en récompensant cette espèce de mérite, il y a plus d’honneur encore d’attendre ces faveurs sans les demander, et que, si un bon écrivain ambitionne la fortune, il doit la faire soi-même.

Rien n’est plus connu que son beau sonnet[160] pour le cardinal de Richelieu, et cette réponse dure du ministre, ce mot cruel : rien. Le président Maynard, retiré enfin à Aurillac, fit ces vers[161], qui méritent autant d’être connus que son sonnet :

Par votre humeur le monde est gouverné ;
Vos volontés font le calme et l’orage ;
Vous vous riez de me voir confiné
Loin de la cour dans mon petit ménage ;
Mais n’est-ce rien que d’être tout à soi,
De n’avoir point le fardeau d’un emploi,
D’avoir dompté la crainte et l’espérance ?
Ah ! si le ciel, qui me traite si bien,
Avait pitié de vous et de la France,
Votre bonheur serait égal au mien.

Depuis la mort du cardinal, il dit dans d’autres vers que le tyran est mort, et qu’il n’en est pas plus heureux. Si le cardinal lui avait fait du bien ce ministre eût été un dieu pour lui : il n’est un tyran que parce qu’il ne lui donna rien. C’est trop ressembler à ces mendiants qui appellent les passants monseigneur, et qui les maudissent s’ils n’en reçoivent point d’aumône. Les vers de Maynard étaient fort beaux. Il eût été plus beau de passer sa vie sans demander et sans murmurer. L’épitaphe qu’il lit pour lui-même est dans la bouche de tout le monde :

Las d’espérer et de me plaindre
Des muses, des grands, et du sort,
C’est ici que j’attends la mort,
Sans la désirer ni la craindre.

Les deux derniers vers sont la traduction de cet ancien vers latin :

Summum nec metuas diem, nec optes.

Mart., lib. X, ep. xlvii.

La plupart des beaux vers de morale sont des traductions. Il est bien commun de ne pas désirer la mort ; il est bien rare de ne pas la craindre, et il eût été grand de ne pas seulement songer s’il y a des grands au monde. Mort en 1646.

Ménage (Gilles), d’Angers, né en 1613. Il a prouvé qu’il est plus aisé de faire des vers en italien qu’en français. Ses vers italiens sont estimés, même en Italie ; et notre langue doit beaucoup à ses recherches. Il était savant en plus d’un genre. Sa Requête des dictionnaires l’empêcha d’entrer à l’Académie. Il adressa au cardinal Mazarin, sur son retour en France, une pièce latine où l’on trouve ce vers :

Et puto tam viles despicis ipse togas[162].

Le parlement, qui, après avoir mis à prix la tête du cardinal, l’avait complimenté, se crut désigné par ce vers, et voulait sévir contre l’auteur ; mais Ménage prouva au parlement que toga signifiait un habit de cour. Mort en 1692. La Monnoye a augmenté et rectifié le Menagiana.

Ménestrier (Claude-François), né en 1631, a beaucoup servi à la science du blason, des emblèmes, et des devises. Mort en 1705.

Méry (Jean), né en Berry en 1645, l’un de ceux qui ont le plus illustré la chirurgie. Il a laissé des observations utiles. Mort en 1722.

Mézerai (François-Eudes de), né à Argentan[163] en Normandie, en 1610. Son Histoire de France est très-connue ; ses autres écrits le sont moins. Il perdit ses pensions, pour avoir dit ce qu’il croyait la vérité. D’ailleurs plus hardi qu’exact, et inégal dans son style. Son nom de famille était Eudes ; il était frère du P. Eudes, fondateur de la congrégation très-répandue et très-peu connue des eudistes. Mort en 1683.

Mimeure[164] (le marquis de), menin de Monseigneur, fils de Louis XIV. On a de lui quelques morceaux de poésies qui ne sont pas inférieures à celles de Racan et de Maynard ; mais comme ils parurent dans un temps où le bon était très-rare, et le marquis de Mimeure dans un temps où l’art était perfectionné, ils eurent beaucoup de réputation, et à peine fut-il connu. Son Ode à Vénus, imitée d’Horace, n’est pas indigne de l’original[165].

Molière (Jean-Baptiste Poquelin de), né à Paris[166] en 1620, le meilleur des poëtes comiques de toutes les nations. Cet article a engagé à relire les poëtes comiques de l’antiquité. Il faut avouer que si l’on compare l’art et la régularité de notre théâtre avec ces scènes décousues des anciens, ces intrigues faibles, cet usage grossier de faire annoncer par des acteurs, dans des monologues froids et sans vraisemblance, ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils veulent faire ; il faut avouer, dis-je, que Molière a tiré la comédie du chaos, ainsi que Corneille en a tiré la tragédie ; et que les Français ont été supérieurs en ce point à tous les peuples de la terre. Molière avait d’ailleurs une autre sorte de mérite, que ni Corneille, ni Racine, ni Boileau, ni La Fontaine, n’avaient pas : il était philosophe, et il l’était dans la théorie et dans la pratique. C’est à ce philosophe que l’archevêque de Paris, Harlai, si décrié pour ses mœurs, refusa les vains honneurs de la sépulture : il fallut que le roi engageât ce prélat à souffrir que Molière fût enterré secrètement dans le cimetière de la petite chapelle de Saint-Joseph, rue Montmartre. Mort en 1673.

On s’est piqué à l’envi dans quelques dictionnaires nouveaux de décrier les vers de Molière, en faveur de sa prose, sur la parole de l’archevêque de Cambrai, Fénelon, qui semble en effet donner la préférence à la prose de ce grand comique, et qui avait ses raisons pour n’aimer que la prose poétique ; mais Boileau ne pensait pas ainsi. Il faut convenir qu’à quelques négligences près, négligences que la comédie tolère, Molière est plein de vers admirables, qui s’impriment facilement dans la mémoire. Le Misanthrope, les Femmes savantes, le Tartuffe, sont écrits comme les satires de Boileau. L’Amphitryon est un recueil d’épigrammes et de madrigaux, faits avec un art qu’on n’a point imité depuis. La bonne poésie est à la bonne prose ce que la danse est à une simple démarche noble, ce que la musique est au récit ordinaire, ce que les couleurs d’un tableau sont à des dessins au crayon. De là vient que les Grecs et les Romains n’ont jamais eu de comédie en prose.

Mongault[167] (l’abbé de). La meilleure traduction qu’on ait faite des lettres de Cicéron est de lui. Elle est enrichie de notes judicieuses et utiles. Il avait été précepteur du fils du duc d’Orléans, régent du royaume, et mourut, dit-on, de chagrin de n’avoir pu faire auprès de son élève la même fortune que l’abbé Dubois. Il ignorait apparemment que c’est par le caractère, et non par l’esprit, que l’on fait fortune.

Montesquieu (Charles de Secondat, baron de la Brède et de), président au parlement de Bordeaux, né en 1689, donna à l’âge de trente-deux ans les Lettres persanes, ouvrage de plaisanterie, plein de traits qui annoncent un esprit plus solide que son livre. C’est une imitation du Siamois de Dufresny et de l’Espion turc[168] ; mais imitation qui fait voir comment ces originaux devaient être écrits. Ces ouvrages d’ordinaire ne réussissent qu’à la faveur de l’air étranger ; on met avec succès dans le bouche d’un Asiatique la satire de notre pays, qui serait bien moins accueillie dans la bouche d’un compatriote ; ce qui est commun par soi-même devient alors singulier. Le génie qui règne dans les Lettres persanes ouvrit au président de Montesquieu les portes de l’Académie française, quoique l’Académie fût maltraitée dans son livre ; mais en même temps la liberté avec laquelle il parle du gouvernement, et des abus de la religion, lui attira une exclusion de la part du cardinal de Fleury. Il prit un tour très-adroit pour mettre le ministre dans ses intérêts ; il fit faire en peu de jours une nouvelle édition de son livre[169], dans laquelle on retrancha ou on adoucit tout ce qui pouvait être condamné par un cardinal et par un ministre. M. de Montesquieu porta lui-même l’ouvrage au cardinal, qui ne lisait guère, et qui en lut une partie. Cet air de confiance, soutenu par l’empressement de quelques personnes de crédit, ramena le cardinal, et Montesquieu entra dans l’Académie.

Il donna ensuite le traité sur la Grandeur et la Décadence des Romains, matière usée, qu’il rendit neuve par des réflexions très-fines et des peintures très-fortes : c’est une histoire politique de l’empire romain. Enfin on vit son Esprit des lois. On a trouvé dans ce livre beaucoup plus de génie que dans Grotius et dans Puffendorf. On se fait quelque violence pour lire ces auteurs ; on lit l’Esprit des lois autant pour son plaisir que pour son instruction. Ce livre est écrit avec autant de liberté que les Lettres persanes, et cette liberté n’a pas peu servi au succès ; elle lui attira des ennemis, qui augmentèrent sa réputation par la haine qu’ils inspiraient contre eux : ce sont ces hommes nourris dans les factions obscures des querelles ecclésiastiques, qui regardent leurs opinions comme sacrées, et ceux qui les méprisent comme sacriléges. Ils écrivirent violemment contre le président de Montesquieu ; ils engagèrent la Sorbonne à examiner son livre, mais le mépris dont il furent couverts arrêta la Sorbonne. Le principal mérite de l’Esprit des lois[170] est l’amour des lois qui règne dans cet ouvrage ; et cet amour des lois est fondé sur l’amour du genre humain. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que l’éloge qu’il fait du gouvernement anglais est ce qui a plu davantage en France. La vive et piquante ironie qu’on y trouve contre l’Inquisition a charmé tout le monde, hors les inquisiteurs. Ses réflexions, presque toujours profondes, sont appuyées d’exemples tirés de l’histoire de toutes les nations. Il est vrai qu’on lui a reproché de prendre trop souvent des exemples dans de petites nations sauvages et presque inconnues, sur les relations trop suspectes des voyageurs. Il ne cite pas toujours avec beaucoup d’exactitude ; il fait dire, par exemple, à l’auteur du Testament politique attribué au cardinal de Richelieu, que « s’il se trouve dans le peuple quelque malheureux honnête homme, il ne faut pas s’en servir ». Le Testament politique dit seulement, à l’endroit cité, qu’il vaut mieux se servir des hommes riches et bien élevés, parce qu’ils sont moins corruptibles. Montesquieu s’est trompé dans d’autres citations, jusqu’à dire que François Ier (qui n’était pas né lorsque Christophe Colomb découvrit l’Amérique) avait refusé les offres de Christophe Colomb[171]. Le défaut continuel de méthode dans cet ouvrage, la singulière affectation de ne mettre souvent que trois ou quatre lignes dans un chapitre, et encore de ne faire de ces quatre lignes qu’une plaisanterie, ont indisposé beaucoup de lecteurs : on s’est plaint de trouver trop souvent des saillies où l’on attendait des raisonnements ; on a reproché à l’auteur d’avoir trop donné d’idées douteuses pour des idées certaines ; mais, s’il n’instruit pas toujours son lecteur, il le fait toujours penser, et c’est là un très-grand mérite. Ses expressions vives et ingénieuses, dans lesquelles on trouve l’imagination de Montaigne, son compatriote, ont contribué surtout à la grande réputation de l’Esprit des lois ; les mêmes choses dites par un homme savant, et même plus savant que lui, n’auraient pas été lues. Enfin il n’y a guère d’ouvrages où il y ait plus d’esprit, plus d’idées profondes, plus de choses hardies, et où l’on trouve plus à s’instruire, soit en approuvant ses opinions, soit en les combattant. On doit le mettre au rang des livres originaux qui ont illustré le siècle de Louis XIV[172], et qui n’ont aucun modèle dans l’antiquité.

Il est mort en 1755, en philosophe[173] comme il avait vécu.

Montfaucon (Bernard de), né en 1655, bénédictin, l’un des plus savants antiquaires de l’Europe. Mort en 1741.

Montfaucon de Villars (l’abbé), né en 1635, célèbre par le Comte de Gabalis. C’est une partie de l’ancienne mythologie des Perses. L’auteur fut tué, en 1675, d’un coup de pistolet. On dit que les sylphes l’avaient assassiné pour avoir révélé leurs mystères.

Montpensier (Anne-Marie-Louise d’Orléans), connue sous le nom de Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans, née à Paris en 1627. Ses Mémoires sont plus d’une femme occupée d’elle que d’une princesse témoin de grands événements, mais il s’y trouve des choses très-curieuses ; on a aussi quelques petits romans d’elle, qu’on ne lit guère. Les princes, dans leurs écrits, sont au rang des autres hommes. Si Alexandre et Sémiramis avaient fait des ouvrages ennuyeux, ils seraient négligés. On trouve plus aisément des courtisans que des lecteurs. Morte en 1693.

Montreuil (Matthieu de), né à Paris en 1621, l’un de ces écrivains agréables et faciles dont le siècle de Louis XIV a produit un grand nombre, et qui n’ont pas laissé de réussir dans le genre médiocre. Il y a peu de vrais génies ; mais l’esprit du temps et l’imitation ont fait beaucoup d’auteurs agréables. Mort à Aix en 1692[174].

Moréri (Louis), né en Provence en 1643. On ne s’attendait pas que l’auteur du Pays d’amour, et le traducteur de Rodriguez, entreprit dans sa jeunesse le premier dictionnaire de faits qu’on eût encore vu[175]. Ce grand travail lui coûta la vie. L’ouvrage réformé et très-augmenté porte encore son nom, et n’est plus de lui. C’est une ville nouvelle bâtie sur le plan ancien. Trop de généalogies suspectes ont fait tort surtout à cet ouvrage si utile. Mort en 1680. On a fait des suppléments remplis d’erreurs.

Morin (Michel-Jean-Baptiste), né en Beaujolais en 1583, médecin, mathématicien, et, par les préjugés du temps, astrologue. Il tira l’horoscope de Louis XIV. Malgré cette charlatanerie, il était savant. Il proposa d’employer les observations de la lune à la détermination des longitudes en mer ; mais cette méthode exigeait dans les tables des mouvements de cette planète ce degré d’exactitude que les travaux réunis des premiers géomètres de ce siècle ont pu à peine leur donner. — Voyez l’article Cassini. Mort en 1656.

Morin (Jean), né à Blois, en 1591, très-savant dans les langues orientales et dans la critique. Mort à l’Oratoire en 1659.

Morin (Simon), né en Normandie en 1623. On ne parle ici de lui que pour déplorer sa fatale folie et celle de Desmarets Saint-Sorlin, son accusateur[176]. Saint-Sorlin fut un fanatique qui en dénonça un autre. Morin, qui ne méritait que les petites-maisons, fut brûlé vif en 1663, avant que la philosophie eût fait assez de progrès pour empêcher les savants de dogmatiser, et les juges d’être si cruels.

Motteville (Françoise Bertaut[177] de), née en 1615 en Normandie. Cette dame a écrit des Mémoires qui regardent particulièrement la reine Anne, mère de Louis XIV. On y trouve beaucoup de petits faits, avec un grand air de sincérité. Mort en 1689.

Naudé (Gabriel), né à Paris en 1600 ; médecin, et plus philosophe que médecin. Attaché d’abord au cardinal Barberin, à Rome, puis au cardinal de Richelieu, au cardinal Mazarin, et ensuite à la reine Christine, dont il alla quelque temps grossir la cour savante ; retiré enfin à Abbeville, où il mourut dès qu’il fut libre. De tous ses livres, son Apologie des grands hommes accusés de magie est presque le seul qui soit demeuré. On ferait un plus gros livre des grands hommes accusés d’impiété depuis Socrate.

. . . . . Populus nam solos credit habendos
Esse Deos quos ipse colit.

Juv., sat. xv, v. 37.

Mort en 1653.

Nemours (Marie de Longueville, duchesse de), née en 1625. On a d’elle des Mémoires où l’on trouve quelques particularités des temps malheureux de la Fronde. Morte en 1707.

Nevers (Philippe-Julien Mazarin Mancini, duc de). On a de lui des pièces de poésie d’un goût très-singulier. Il ne faut pas s’en rapporter au sonnet parodié par Racine et Despréaux :

Dans un palais doré, Nevers jaloux et blême
Fait des vers où jamais personne n’entend rien.

Il en faisait qu’on entendait très-aisément et avec grand plaisir, comme ceux-ci contre Rancé, le fameux réformateur de la Trappe, qui avait écrit contre l’archevêque Fénelon :

Cet abbé qu’on croyait pétri de sainteté,
Vieilli dans la retraite et dans l’humilité,
Orgueilleux de ses croix, bouffi de sa souffrance,
Rompt ses sacrés statuts en rompant le silence ;

Et, contre un saint prélat s’animant aujourd’hui,
Du fond de ses déserts déclame contre lui ;
Et moins humble de cœur que fier de sa doctrine,
Il ose décider ce que Rome examine.

Son esprit et ses talents se sont perfectionnés dans son petit-fils[178]. Mort en 1707.

Nicéron (Jean-Pierre), barnabite, né à Paris en 1685, auteur des Mémoires sur les hommes illustres dans les lettres. Tous ne sont pas illustres : mais il parle de chacun convenablement ; il n’appelle point un orfèvre grand homme. Il mérite d’avoir place parmi les savants utiles. Mort en 1738.

Nicole (Pierre), né à Chartres en 1625, un des meilleurs écrivains de Port-Royal. Ce qu’il a écrit contre les jésuites n’est guère lu aujourd’hui, et ses Essais de morale, qui sont utiles au genre humain, ne périront pas. Le chapitre, surtout, des moyens de conserver la paix dans la société est un chef-d’œuvre auquel on ne trouve rien d’égal en ce genre dans l’antiquité ; mais cette paix est peut-être aussi difficile à établir que celle de l’abbé de Saint-Pierre. Mort en 1695.

Nivelle de Lachaussée (Pierre-Claude). Il a fait quelques comédies dans un genre nouveau et attendrissant, qui ont eu du succès. Il est vrai que pour faire des comédies il lui manquait le génie comique. Beaucoup de personnes de goût ne peuvent souffrir des comédies où l’on ne trouve pas un trait de bonne plaisanterie ; mais il y a du mérite à savoir toucher, à bien traiter la morale, à faire des vers bien tournés et purement écrits : c’est le mérite de cet auteur. Il était né sous Louis XIV[179]. On lui a reproché que ce qui approche du tragique dans ses pièces n’est pas toujours assez intéressant, et que ce qui est du ton de la comédie n’est pas plaisant. L’alliage de ces deux métaux est difficile à trouver. On croit que Lachaussée est un des premiers après ceux qui ont eu du génie. Il est mort vers l’année 1750[180].

Nodot, n’est connu que par ses fragments de Pétrone, qu’il dit avoir trouvés à Belgrade, en 1688. Les lacunes qu’il a en effet remplies ne me paraissent pas d’un aussi mauvais latin que ses adversaires le disent. Il y a des expressions à la vérité, dont ni Cicéron, ni Virgile, ni Horace, ne se servent ; mais le vrai Pétrone est plein d’expressions pareilles, que de nouvelles mœurs et de nouveaux usages avaient mises à la mode. Au reste, je ne fais cet article touchant Nodot que pour faire voir que la satire de Pétrone n’est point du tout celle que le consul Pétrone envoya, dit-on, à Néron, avant de se faire ouvrir les veines : « Flagitia principis sub nominibus exoletorum feminarumque, et novitate cujusque stupri perscripsit, atque obsignata misit Neroni[181]. »

On a prétendu que le professeur Agamemnon est Sénèque ; mais le style de Sénèque est précisément le contraire de celui d’Agamemnon, turgida oratio ; Agamemnon est un plat déclamateur de collége.

On ose dire que Trimalcion est Néron. Comment un jeune empereur, qui après tout avait de l’esprit et des talents, peut-il être représenté par un vieux financier ridicule, qui donne à dîner à des parasites plus ridicules encore, et qui parle avec autant d’ignorance et de sottise que le Bourgeois gentilhomme de Molière ?

Comment la crasseuse et idiote Fortunata, qui est fort au-dessous de Mme Jourdain, pourrait-elle être la femme ou la maîtresse de Néron ? Quel rapport des polissons de collége, qui vivent de petits larcins dans des lieux de débauche obscurs, peuvent-ils avoir avec la cour magnifique et voluptueuse d’un empereur ? Quel homme sensé, en lisant cet ouvrage licencieux, ne jugera pas qu’il est d’un homme effréné, qui a de l’esprit, mais dont le goût n’est pas encore formé ; qui fait tantôt des vers très-agréables, et tantôt de très-mauvais ; qui mêle les plus basses plaisanteries aux plus délicates, et qui est lui-même un exemple de la décadence du goût dont il se plaint ?

La clef qu’on a donnée de Pétrone ressemble à celle des Caractères de La Bruyère ; elle est faite au hasard.

Ozanam (Jacques), juif d’origine, né près de Dombes en 1642. Il apprit la géométrie sans maître, dès l’âge de quinze ans. Il est le premier qui ait fait un dictionnaire de mathématiques. Ses Récréations mathématiques et physiques ont toujours un grand débit ; mais ce n’est plus l’ouvrage d’Ozanam ; comme les dernières éditions de Moréri ne sont plus son ouvrage. Mort en 1717.

Pagi (Antoine), Provençal, né en 1624, franciscain. Il a corrigé Baronius, et a eu pension du clergé pour cet ouvrage. Mort en 1699.

Papin (Isaac), né à Blois en 1657, calviniste. Ayant quitté sa religion, il écrivit contre elle. Mort en 1709.

Pardies (Ignace-Gaston), jésuite, né à Pau en 1636, connu par ses Éléments de géométrie, et par son livre sur l’Âme des bêtes[182]. Prétendre avec Descartes que les animaux sont de pures machines privées du sentiment dont ils ont les organes, c’est démentir l’expérience et insulter la nature. Avancer qu’un esprit pur les anime, c’est dire ce qu’on ne peut prouver. Reconnaître que les animaux sont doués de sensations et de mémoire, sans savoir comment cela s’opère, ce serait parler en sage qui sait que l’ignorance vaut mieux que l’erreur : car quel est l’ouvrage de la nature dont on connaisse les premiers principes ? Mort en 1673.

Parent (Antoine), né à Paris en 1666, bon mathématicien. Il est encore un de ceux qui apprirent la géométrie sans maître. Ce qu’il y a de plus singulier de lui, c’est qu’il vécut longtemps à Paris, libre et heureux, avec moins de deux cents livres de rente. Mort en 1716.

Pascal (Blaise), fils du premier intendant qu’il y eut à Rouen, né en 1623, génie prématuré. Il voulut se servir de la supériorité de ce génie comme les rois de leur puissance ; il crut tout soumettre et tout abaisser par la force. Ce qui a le plus révolté certains lecteurs dans ses Pensées[183], c’est l’air despotique et méprisant dont il débute. Il ne fallait commencer que par avoir raison. Au reste, la langue et l’éloquence lui doivent beaucoup. Les ennemis de Pascal et d’Arnauld firent supprimer leurs éloges dans le livre des Hommes illustres de Perrault. Sur quoi on cita ce passage de Tacite (Ann., III, 76) : « Præfulgebant Cassius atque Brutus eo ipso quod effigies eorum non visebantur. » Mort en 1662.

Patin (Guy), né à Houdan en 1601, médecin plus fameux par ses Lettres médisantes que par sa médecine. Son recueil de Lettres a été lu avec avidité, parce qu’elles contiennent des nouvelles et des anecdotes que tout le monde aime, et des satires qu’on aime davantage. Il sert à faire voir combien les auteurs contemporains qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour sont des guides infidèles pour l’histoire. Ces nouvelles se trouvent souvent fausses ou défigurées par la malignité ; d’ailleurs, cette multitude de petits faits n’est guère précieuse qu’aux petits esprits. Mort en 1672.

Patin (Charles), né à Paris en 1633, fils de Guy Patin. Ses ouvrages sont lus des savants, et les Lettres de son père le sont des gens oisifs. Charles Patin, très-savant antiquaire, quitta la France, et mourut professeur en médecine à Padoue en 1693.

Patru (Olivier), né à Paris en 1604, le premier qui ait introduit la pureté de la langue dans le barreau. Il reçut dans sa dernière maladie une gratification de Louis XIV, à qui l’on dit qu’il n’était pas riche. Mort en 1681.

Pavillon (Étienne), né à Paris en 1632, avocat général au parlement de Metz, connu par quelques poésies écrites naturellement. Mort en 1705.

Pellisson-Fontanier (Paul), né calviniste à Béziers en 1624 ; poëte médiocre à la vérité, mais homme très-savant et très-éloquent ; premier commis et confident du surintendant Fouquet ; mis à la Bastille en 1661. Il y resta quatre ans et demi, pour avoir été fidèle à son maître. Il passa le reste de sa vie à prodiguer des éloges au roi, qui lui avait ôté sa liberté : c’est une chose qu’on ne voit que dans les monarchies. Beaucoup plus courtisan que philosophe, il changea de religion, et fit sa fortune. Maître des comptes, maître des requêtes, et abbé, il fut chargé d’employer le revenu du tiers des économats à faire quitter aux huguenots leur religion, qu’il avait quittée. Son Histoire de l’Académie fut très-applaudie. On a de lui beaucoup d’ouvrages, des Prières pendant la messe, un Recueil de pièces galantes, un Traité sur l’Eucharistie, beaucoup de vers amoureux à Olympe. Cette Olympe était Mlle Desvieux, qu’on prétend avoir épousé le célèbre Bossuet avant qu’il entrât dans l’Église[184]. Mais ce qui a fait le plus d’honneur à Pellisson, ce sont ses excellents discours pour M. Fouquet, et son Histoire de la conquête de la Franche-Comté. Les protestants ont prétendu qu’il était mort avec indifférence ; les catholiques ont soutenu le contraire, et tous sont convenus qu’il mourut sans sacrements. Mort en 1693.

Perrault (Claude), né à Paris en 1613[185]. Il fut médecin, mais il n’exerça la médecine que pour ses amis. Il devint, sans aucun maître, habile dans tous les arts qui ont rapport au dessin, et dans les mécaniques. Bon physicien, grand architecte, il encouragea les arts sous la protection de Colbert, et eut de la réputation malgré Boileau. Il a publié plusieurs Mémoires sur l’anatomie comparée, dans les recueils de l’Académie des sciences, et une magnifique édition de Vitruve. La traduction et les dessins qui l’embellissent sont également ses ouvrages. Mort en 1688.

Perrault (Charles), né en 1633, frère de Claude. Contrôleur général des bâtiments sous Colbert, donna la forme aux Académies de peinture, de sculpture, et d’architecture. Utile aux gens de lettres, qui le recherchèrent pendant la vie de son protecteur, et qui l’abandonnèrent ensuite. On lui a reproché d’avoir trouvé trop de défauts dans les anciens ; mais sa grande faute est de les avoir critiqués maladroitement, et de s’être fait des ennemis de ceux même qu’il pouvait opposer aux anciens. Cette dispute a été et sera longtemps une affaire de parti, comme elle l’était du temps d’Horace. Que de gens encore en Italie qui, ne pouvant lire Homère qu’avec dégoût, et lisant tous les jours l’Arioste et le Tasse avec transport, appellent encore Homère incomparable ! Mort en 1703.

N. B. Il est dit dans les Anecdotes littéraires, tome II, page 27, qu’Addison ayant fait présent de ses ouvrages à Despréaux, celui-ci lui répondit qu’il n’aurait jamais écrit contre Perrault s’il eût vu de si excellentes pièces d’un moderne. Comment peut-on imprimer un tel mensonge ? Boileau ne savait pas un mot d’anglais, aucun Français n’étudiait alors cette langue. Ce n’est que vers l’an 1730 qu’on commença à se familiariser avec elle. Et d’ailleurs, quand même Addison, qui s’est moqué de Boileau, aurait été connu de lui, pourquoi Boileau n’aurait-il pas écrit contre Perrault, en faveur des anciens dont Addison fait l’éloge dans tous ses ouvrages ? Encore une fois[186], défions-nous de tous ces ana, de toutes ces petites anecdotes. Un sûr moyen de dire des sottises est de répéter au hasard ce qu’on a entendu dire.

Perrot d’Ablancourt (Nicolas), d’une ancienne famille du parlement de Paris, né à Vitry[187] en 1606, traducteur élégant, et dont on appela chaque traduction la belle infidèle. Mort pauvre en 1664.

Petau (Denis), né à Orléans en 1583, jésuite. Il a réformé la chronologie. On a de lui soixante et dix ouvrages. Mort en 1652.

Petis de La Croix (François), l’un de ceux dont le grand ministre Colbert encouragea et récompensa le mérite. Louis XIV l’envoya en Turquie et en Perse, à l’âge de seize ans, pour apprendre les langues orientales. Qui croirait qu’il a composé une partie de la vie de Louis XIV en arabe, et que ce livre est estimé dans l’Orient ? On a de lui l’Histoire de Gengis-Kan[188] et de Tamerlan, tirée des anciens auteurs arabes, et plusieurs livres utiles ; mais sa traduction des Mille et un Jours est ce qu’on lit le plus :

L’homme est de glace aux vérités,
Il est de feu pour les mensonges.

La Fontaine, IX, 6.

Mort en 1713.

Petit (Pierre), né à Paris en 1617, philosophe et savant. Il n’a écrit qu’en latin. Mort en 1687.

Pezron (Paul), de l’ordre de Cîteaux, né en Bretagne en 1639, grand antiquaire qui a travaillé sur l’origine de la langue des Celtes. Mort en 1706.

Polignac (Melchior de), cardinal, né au Puy, en Vélay, en 1661, aussi bon poëte latin qu’on peut l’être dans une langue morte ; très-éloquent dans la sienne ; l’un de ceux qui ont prouvé qu’il est plus aisé de faire des vers latins que des vers français. Malheureusement pour lui, en combattant Lucrèce il combat Newton. Mort en 1741[189].

Pontis (Louis de). Ses Mémoires ont été tellement en vogue qu’il est nécessaire de dire que cet homme, qui a fait tant de belles choses pour le service du roi, est le seul qui en ait jamais parlé. Aussi ses Mémoires ne sont pas de lui ; ils sont de Dufossé, écrivain de Port-Royal. Il feint que son héros portait le nom de sa terre en Dauphiné. Il n’y a point en Dauphiné de seigneurie de Pontis. Il est même fort douteux que Pontis ait existé[190]. Le Dictionnaire historique portatif[191], en quatre volumes, assure que ces Mémoires sont vrais. Ils sont cependant remplis de fables, comme l’a démontré le P. d’Avrigny, dans la préface de ses Mémoires historiques.

Porée (Charles), né en Normandie[192] en 1675, jésuite ; du petit nombre de professeurs qui ont eu de la célébrité chez les gens du monde ; éloquent dans le goût de Sénèque ; poëte, et très bel esprit. Son plus grand mérite fut de faire aimer les lettres et la vertu à ses disciples. Mort en 1741.

Puységur (Jacques de Chastenet, maréchal de). Il nous a laissé l’Art de la guerre, comme Boileau a donné l’Art poétique[193].

Quesnel (Pasquier), né en 1634, de l’Oratoire. Il a été malheureux, en ce qu’il s’est vu le sujet d’une grande division parmi ses compatriotes. D’ailleurs il a vécu pauvre, et dans l’exil. Ses mœurs étaient sévères comme celles de tous ceux qui ne sont occupés que de disputes. Trente pages changées et adoucies dans son livre auraient épargné des querelles à sa patrie ; mais il eût été moins célèbre. Mort en 1719.

Quinault (Philippe), né à Paris en 1636, auditeur des comptes, célèbre par ses belles poésies lyriques, et par la douceur qu’il opposa aux satires très-injustes de Boileau. Quinault était, dans son genre, très-supérieur à Lulli. On le lira toujours ; et Lulli, à son récitatif près, ne peut plus être chanté. Cependant on croyait, du temps de Quinault, qu’il devait à Lulli sa réputation. Le temps apprécie tout. Il eut part, comme les autres grands hommes, aux récompenses que donna Louis XIV, mais une part médiocre ; les grandes grâces furent pour Lulli. Mort en 1688.

N. B. Il est rapporté dans les Anecdotes littéraires[194] que Boileau, étant à la salle de l’Opéra de Versailles, dit à l’officier qui plaçait : Monsieur, mettez-moi dans un endroit où je n’entende point les paroles. J’estime fort la musique de Lulli, mais je méprise souverainement les vers de Quinault.

Il n’y a nulle apparence que Boileau ait dit cette grossièreté. S’il s’était borné à dire : « Mettez-moi dans un endroit où je n’entende que la musique, » cela n’eût été que plaisant, mais n’eût pas été moins injuste. On a surpassé prodigieusement Lulli dans tout ce qui n’est pas récitatif ; mais personne n’a jamais égalé Quinault.

Quincy (le marquis de), lieutenant général d’artillerie, auteur de l’Histoire militaire de Louis XIV. Il entre dans de grands détails, utiles pour ceux qui veulent suivre dans leur lecture les opérations d’une campagne. Ces détails pourraient fournir des exemples, s’il y avait des cas pareils ; mais il ne s’en trouve jamais, ni dans les affaires, ni dans la guerre. Les ressemblances sont toujours imparfaites, les différences toujours grandes. La conduite de la guerre est comme les jeux d’adresse, qu’on n’apprend que par l’usage ; et les jours d’action sont quelquefois des jeux de hasard.

Racine (Jean), né à la Ferté-Milon en 1639, élevé à Port-Royal. Il portait encore l’habit ecclésiastique quand il fit la tragédie de Théagène, qu’il présenta à Molière, et celle des Frères ennemis, dont Molière lui donna le sujet[195]. Il est intitulé prieur de l’Épinai dans le privilége de l’Andromaque. Louis XIV fut sensible à son extrême mérite. Il lui donna une charge de gentilhomme ordinaire, le nomma quelquefois des voyages de Marly, le fit coucher dans sa chambre, dans une de ses maladies, et le combla de gratifications. Cependant Racine mourut de chagrin ou de crainte de lui avoir déplu[196]. Il n’était pas aussi philosophe que grand poëte. On lui a rendu justice fort tard. « Nous avons été touchés, dit Saint-Évremond, de Mariamne, de Sophonisbe, d’Alcyonée, d’Andromaque, et de Britannicus. » C’est ainsi qu’on mettait non-seulement la mauvaise Sophonisbe de Corneille, mais encore les impertinentes pièces d’Alcyonée et de Mariamne[197], à côté de ces chefs-d’œuvre immortels. L’or est confondu avec la boue pendant la vie des artistes, et la mort les sépare.

Il est à remarquer que Racine ayant consulté Corneille sur sa tragédie d’Alexandre, Corneille lui conseilla de ne plus faire de tragédies, et lui dit qu’il n’avait nul talent pour ce genre d’écrire[198]. N’oublions pas qu’il écrivit contre les jansénistes, et qu’il se fit ensuite janséniste. Mort en 1699.

Racine[199] (Louis), fils de l’immortel Jean Racine, a marché sur les traces de son père, mais dans un sentier plus étroit et moins fait pour les muses. Il entendait la mécanique des vers aussi bien que son père, mais il n’en avait ni l’âme ni les grâces. Il manquait d’ailleurs d’invention et d’imagination. Janséniste comme son père, il ne fit des vers que pour le jansénisme. On en trouve de très-beaux dans le poème de la Grâce, et dans celui de la Religion, ouvrage trop didactique et trop monotone, copié des Pensées de Pascal, mais rempli de beaux détails, tels que ces vers du chant second, dans lequel il traduit Lucrèce pour le réfuter :

Cet esprit, ô mortels, qui vous rend si jaloux,
N’est qu’un feu qui s’allume et s’éteint avec nous.
Quand par d’affreux sillons l’implacable vieillesse
A sur un front hideux imprimé la tristesse ;
Que, dans un corps courbé sous un amas de jours,
Le sang, comme à regret, semble achever son cours ;
Lorsqu’en des yeux couverts d’un lugubre nuage
Il n’entre des objets qu’une infidèle image ;
Qu’en débris chaque jour le corps tombe et périt :
En ruines aussi je vois tomber l’esprit.
L’âme mourante alors, flambeau sans nourriture,
Jette par intervalle une lueur obscure.
Triste destin de l’homme ! il arrive au tombeau
Plus faible, plus enfant qu’il ne l’est au berceau.
La mort d’un coup fatal frappe enfin l’édifice ;
Dans un dernier soupir, achevant son supplice,
Lorsque, vide de sang, le cœur reste glacé,
Son âme s’évapore, et tout l’homme est passé.

Il s’élève quelquefois dans ce poëme contre le tout est bien des lords Shaftesbury et Bolingbroke, si bien mis en vers par Pope :

Sans doute qu’à ces mots, des bords de la Tamise,
Quelque abstrait raisonneur qui ne se plaint de rien,
Dans son flegme anglican répondra : Tout est bien.

Racine, en qualité de janséniste, croyait que presque tout est mal depuis longtemps ; il accuse Pope d’irréligion. Pope était fils d’un papiste, c’est ainsi qu’on appelle en Angleterre les catholiques romains. Pope, élevé dans cette religion qu’il tourne quelquefois en ridicule dans ses épîtres, ne voulut cependant pas la quitter quoiqu’il fût philosophe, ou plutôt parce qu’il était assez philosophe pour croire que ce n’était pas la peine de changer. Il fut très-piqué des accusations de Louis Racine. Ramsay entreprit de les concilier. C’était un Écossais du clan des Ramsay, et qui en avait pris le nom, suivant l’usage de ce pays. Il était venu en France après avoir essayé du presbytérianisme, de l’église anglicane, et du quakerisme, et s’était attaché à l’illustre Fénelon, dont il a depuis écrit la vie. C’est lui qui est l’auteur des Voyages de Cyrus, très-faible imitation du Télémaque. Il imagina d’écrire à Louis Racine une lettre sous le nom de Pope, dans laquelle celui-ci semble se justifier.

J’avais vécu une année entière avec Pope ; je savais qu’il était incapable d’écrire en français, qu’il ne parlait point du tout notre langue, et qu’à peine il pouvait lire nos auteurs ; c’était une chose publique en Angleterre. J’avertis Louis Racine que cette lettre était de Ramsay, et non de Pope. Je voulus lui faire sentir le ridicule de cette supercherie ; j’en instruisis même le public dans un chapitre sur Pope[200], qui a été imprimé plusieurs fois du vivant de Pope même. Cependant, après sa mort, l’abbé Ladvocat a imprimé cette lettre, forgée par Ramsay, et l’a imputée à Pope, dans son Dictionnaire historique portatif, où il copie plusieurs articles des premières éditions de cette liste des écrivains du siècle de Louis XIV, mais où il insère des anecdotes entièrement fausses. Il est juste de faire connaître au public la vérité.

Rancé (Armand-Jean Le Bouthillier de), né en 1626, commença par traduire Anacréon, et institua la réforme effrayante de la Trappe, en 1664. Il se dispensa, comme législateur, de la loi qui force ceux qui vivent dans ce tombeau à ignorer ce qui se passe sur la terre. Il écrivit avec éloquence. Quelle inconstance dans l’homme ! Après avoir fondé et gouverné son institut, il se démit de sa place, et voulut la reprendre. Mort en 1700[201].

Rapin (René), né à Tours en 1621, jésuite, connu par le Poëme des jardins en latin, et par beaucoup d’ouvrages de littérature. Mort en 1687.

Rapin de Thoiras (Paul), né à Castres en 1661, réfugié en Angleterre, et longtemps officier. L’Angleterre lui fut longtemps redevable de la seule bonne histoire complète qu’on eût faite de ce royaume, et de la seule impartiale qu’on eût d’un pays où l’on n’écrivait que par esprit de parti ; c’était même la seule histoire qu’on pût citer en Europe comme approchante de la perfection qu’on exige de ces ouvrages, jusqu’à ce qu’enfin on ait vu paraître celle du célèbre Hume, qui a su écrire l’histoire en philosophe. Mort à Vésel en 1725.

Régis (Pierre-Sylvain), né en Agenois en 1632. Ses livres de philosophie n’ont plus de cours depuis les grandes découvertes qu’on a faites. Mort en 1707.

Regnard (Jean-François), né à Paris en 1656[202]. Il eût été célèbre par ses seuls voyages. C’est le premier Français qui alla jusqu’en Laponie. Il grava sur un rocher ce vers :

Hic tandem stetimus, nobis ubi defuit orbis.

Pris sur la mer de Provence par des corsaires, esclave à Alger, racheté, établi en France dans les charges de trésorier de France et de lieutenant des eaux et forêts, il vécut en voluptueux et en philosophe. Né avec un génie vif, gai, et vraiment comique, sa comédie du Joueur est mise à côté de celles de Molière. Il faut se connaître peu aux talents et au génie des auteurs pour penser qu’il ait dérobé cette pièce à Dufresny. Il dédia la comédie des Mènechmes à Despréaux, et ensuite il écrivit contre lui[203] parce que Boileau ne lui rendit pas assez de justice. Cet homme si gai mourut de chagrin[204] à cinquante-quatre ans. On prétend même qu’il avança ses jours. Mort en 1710.

Regnier Desmarets (François-Séraphin), né à Paris en 1632. Il a rendu de grands services à la langue, et est auteur de quelques poésies françaises et italiennes. Il fit passer une de ses pièces italiennes pour être de Pétrarque. Il n’eût pas fait passer ses vers français sous le nom d’un grand poëte. Mort en 1713.

Renaudot (Théophraste), médecin, très-savant en plus d’un genre, le premier auteur des gazettes en France[205]. Mort en 1658.

Renaudot (Eusèbe), né en 1646, très-savant dans l’histoire et dans les langues de l’Orient. On peut lui reprocher d’avoir empêché que le dictionnaire de Bayle ne fût imprimé en France. Mort en 1720.

Retz. Voyez Gondi.

Reynau (Charles-René), de l’Oratoire, de l’Académie des sciences, né en 1656, auteur de l’Analyse démontrée, publiée en 1708. On l’appela l’Euclide de la haute géométrie. Mort en 1728.

Richelet (César-Pierre), né en 1631, le premier qui ait donné un dictionnaire presque tout satirique, exemple plus dangereux qu’utile. Il est aussi le premier auteur des dictionnaires de rimes, tristes ouvrages qui font voir combien il est peu de rimes nobles et riches dans notre poésie, et qui prouvent l’extrême difficulté de faire de bons vers dans notre langue. Mort en 1698. Richelieu[206] (Armand-Jean Duplessis, cardinal de), né à Paris en 1585. Puisque Louis XIV naquit pendant son ministère, on doit mettre parmi les écrivains de ce siècle illustre le fondateur de l’Académie française, auteur lui-même de plusieurs ouvrages. Il fit la Méthode des controverses[207], dans son exil à Avignon, après l’assassinat du maréchal d’Ancre, et de la Galigaï, ses protecteurs. Les Principaux Points de la Religion catholique défendus, l’Instruction du Chrétien, et la Perfection du Chrétien, sont à peu près de ce temps-là. Il est bien sûr qu’il ne composait pas la Perfection du Chrétien du temps qu’il faisait condamner à mort le maréchal de Marillac dans sa propre maison de Ruel, et qu’il était avec Marion Delorme dans un appartement lorsque les commissaires prononcèrent l’arrêt de mort dicté par lui. On sait aussi qu’il y a beaucoup de vers de sa façon dans la tragi-comédie allégorique intitulée Europe, et dans la tragédie de Mirame. On sait qu’il donnait à cinq auteurs les sujets des pièces représentées au palais-cardinal, et qu’il eût mieux fait de s’en tenir au seul Corneille, sans même lui fournir de sujet. Le plus beau de ses ouvrages est la digue de la Rochelle.

L’abbé Ladvocat, bibliothécaire de Sorbonne, prétend, dans son Dictionnaire historique, que le cardinal de Richelieu est l’auteur de ce testament[208] qui a fait tant de bruit, et qui est supposé. Il croit devoir ce respect à la mémoire du bienfaiteur de la Sorbonne ; mais c’est rendre un mauvais service à sa mémoire que de l’accuser d’avoir fait un livre où il n’y a que des erreurs et des fautes de toute espèce. Si malheureusement un ministre d’État avait pu composer un si mauvais ouvrage, tout ce qu’on en devrait conclure c’est qu’on pourrait être un grand ministre, ou plutôt un ministre heureux, avec une grande ignorance des faits les plus communs, des erreurs grossières, et des projets ridicules. C’est donc venger la mémoire du cardinal de Richelieu que de démontrer, comme on l’a fait, qu’il ne peut être l’auteur de ce testament qui, sans son nom, aurait été ignoré à jamais.

L’abbé Ladvocat, tout bibliothécaire qu’il était de la Sorbonne, s’est trompé en disant qu’on avait retrouvé dans cette bibliothèque un manuscrit de cet ouvrage apostille de la main du cardinal. Le seul manuscrit apostille ainsi est au dépôt des affaires étrangères ; il n’y fut porté qu’en 1705. Ce n’est point le testament qui est apostille, c’est une narration succincte composée par l’abbé de Bourzeis, à laquelle on avait, longtemps après, ajouté ce testament prétendu, et les notes marginales même, écrites de la main du cardinal, prouvent que cette narration succincte n’était pas de lui ; elles indiquent les omissions de l’abbé de Bourzeis, et ce qu’il devait résoudre. Voyez la réponse à M. de Foncemagne[209].

On attribue encore au cardinal de Richelieu une Histoire de la mère et du fils ; c’est un récit assez infidèle des malheureux démêlés de Louis XIII avec sa mère. Cette histoire, faible et tronquée, est probablement de Mézerai ; mais dans la multitude des livres dont nous sommes accablés aujourd’hui, qu’importe de quelle main soit un ouvrage médiocre[210]. Mort en 1642.

Rohault (Jacques), né à Amiens en 1620. Il abrégea et il exposa avec clarté et méthode la philosophie de Descartes ; mais aujourd’hui cette philosophie, erronée presque en tout, n’a d’autre mérite que celui d’avoir été opposée aux erreurs anciennes. Mort en 1675.

Rollin (Charles), né à Paris en 1661, recteur de l’Université. Le premier de ce corps qui a écrit en français avec pureté et noblesse. Quoique les derniers tomes de son Histoire ancienne, faits trop à la hâte, ne répondent pas aux premiers, c’est encore la meilleure compilation qu’on ait en aucune langue, parce que les compilateurs sont rarement éloquents, et que Rollin l’était. Son livre vaudrait beaucoup mieux si l’auteur avait été philosophe. Il y a beaucoup d’histoires anciennes ; il n’y en a aucune dans laquelle on aperçoive cet esprit philosophique qui distingue le faux du vrai, l’incroyable du vraisemblable, et qui sacrifie l’inutile. Mort en 1740.

Rotrou (Jean), né en 1609, le fondateur du théâtre. La première scène et une partie du quatrième acte de Venceslas sont des chefs-d’œuvre. Corneille l’appelait son père. On sait combien le père fut surpassé par le fils. Venceslas ne fut composé qu’après le Cid ; il est tiré entièrement, comme le Cid, d’une tragédie espagnole. Mort en 1650[211].

Rousseau (Jean-Baptiste), né à Paris en 1669[212]. De beaux vers, de grandes fautes et de longs malheurs le rendirent très-fameux. Il faut, ou lui imputer les couplets qui le firent bannir, couplets semblables à plusieurs qu’il avait avoués, ou flétrir deux tribunaux qui prononcèrent contre lui. Ce n’est pas que deux tribunaux, et même des corps plus nombreux, ne puissent commettre unanimement de très-violentes injustices, quand l’esprit de parti domine. Il y avait un parti furieux acharné contre Rousseau. Peu d’hommes ont autant excité et senti la haine. Tout le public fut soulevé contre lui jusqu’à son bannissement, et même encore quelques années après ; mais enfin les succès de Lamotte, son rival, l’accueil qu’on lui faisait, sa réputation qu’on croyait usurpée, l’art qu’il avait eu de s’établir une espèce d’empire dans la littérature, révoltèrent contre lui tous les gens de lettres, et les ramenèrent à Rousseau, qu’ils ne craignaient plus. Ils lui rendirent presque tout le public. Lamotte leur parut trop heureux, parce qu’il était riche et accueilli. Ils oubliaient que cet homme était aveugle et accablé de maladies. Ils voyaient dans Rousseau un banni infortuné, sans songer qu’il est plus triste d’être aveugle et malade que de vivre à Vienne et à Bruxelles. Tous deux étaient en effet très-malheureux ; l’un par la nature, l’autre par l’aventure funeste qui le fit condamner. Tous deux servent à faire voir combien les hommes sont injustes, combien ils varient dans leurs jugements, et qu’il y a de la folie à se tourmenter pour arracher leurs suffrages. Mort à Bruxelles en 1740[213].

Rousseau eut rarement dans ses ouvrages de l’aménité, des grâces, du sentiment, de l’invention ; il savait très-bien tourner une épigramme licencieuse et une stance. Ses épîtres sont écrites avec une plume de fer trempée dans le fiel le plus dégoûtant. Il appelle Mlles Louvancourt, qui étaient trois sœurs très-aimables, trio de louves acharnées[214] ; il appelle le conseiller d’État Rouillé tabarin mordant, caustique et rustre, après lui avoir prodigué des louanges dans une ode assez médiocre[215]. Les mots de maroufles, de bélîtres, salissent ses épîtres. Il faut, sans doute, opposer une noble fierté à ses ennemis ; mais ces basses injures sans gaieté, sans agréments, sont le contraire d’une âme noble.

Quant aux couplets qui le firent bannir, voyez les articles Lamotte et Saurin.

On se contentera de remarquer ici que, Rousseau ayant avoué qu’il avait fait cinq de ces malheureux couplets, il était coupable de tous les autres au tribunal de tous les juges et de tous les honnêtes gens. Sa conduite après sa condamnation n’est nullement une preuve en sa faveur ; on a entre les mains des lettres du sieur Médine[216] de Bruxelles, du 7 mai 1737, conçues en ces termes : « Rousseau n’avait d’autre table que la mienne, d’autre asile que chez moi ; il m’avait baisé et embrassé cent fois le jour qu’il força mes créanciers à me faire arrêter. »

Qu’on joigne à cela un pèlerinage fait par Rousseau à Notre-Dame de Hal, et qu’on juge s’il doit en être cru sur sa parole dans l’affaire des couplets[217].

Ruinart (Thierry), bénédictin, né en 1657, laborieux critique. Il a soutenu contre Dodwell[218] l’opinion que l’Église eut dans les premiers temps une foule prodigieuse de martyrs. Peut-être n’a-t-il pas assez distingué les martyrs et les morts ordinaires ; les persécutions pour cause de religion, et les persécutions politiques. Quoi qu’il en soit, il est au nombre des savants hommes du temps. C’est principalement dans ce siècle que les bénédictins ont fait les plus profondes recherches, comme Martène[219] sur les anciens rites de l’Église. Thuillier[220] et tant d’autres ont achevé de tirer de dessous terre les décombres du moyen âge. C’est encore un genre nouveau qui n’appartient qu’au siècle de Louis XIV ; et ce n’est qu’en France que les bénédictins y ont excellé. Mort en 1709.

Sablière (Antoine, Rambouillet de La). Ses madrigaux sont écrits avec une finesse qui n’exclut pas le naturel. Mort en 1680.

Sacy (Louis-Isaac Le Maistre de), né en 1613, l’un des bons écrivains de Port-Royal. C’est de lui qu’est la Bible de Royaumont[221], et une traduction des comédies de Térence. Mort en 1684. Son frère, Antoine Le Maistre[222], se retira comme lui à Port-Royal. Il avait été avocat ; on le croyait un homme très-éloquent, mais on ne le crut plus dès qu’il eut cédé à la vanité de faire imprimer ses plaidoyers. Un autre Sacy[223] avocat, et de l’Académie française, mais d’une autre famille, a donné une traduction estimée des Lettres de Pline, en 1701.

Saint-Aulaire (François-Joseph de Beaupoil, marquis de). C’est une chose très-singulière que les plus jolis vers qu’on ait de lui aient été faits lorsqu’il était plus que nonagénaire. Il ne cultiva guère le talent de la poésie qu’à l’âge de plus de soixante ans, comme le marquis de La Fare. Dans les premiers vers qu’on connut de lui, on trouve ceux-ci qu’on attribua à La Fare :

Ô muse légère et facile,
Qui, sur le coteau d’Hélicon,

Vîntes offrir au vieil Anacréon

Cet art charmant, cet art utile
Qui sait rendre douce et tranquille
La plus incommode saison ;

Vous qui de tant de fleurs, sur le Parnasse écloses,
Orniez à ses côtés les Grâces et les Ris,

Et qui cachiez ses cheveux gris
Sous tant de couronnes de roses, etc.

Ce fut sur cette pièce qu’il fut reçu à l’Académie, et Boileau alléguait cette même pièce pour lui refuser son suffrage. Il est mort en 1742, à près de cent ans, d’autres disent à cent deux. Un jour, à l’âge de plus de quatre-vingt-quinze ans, il soupait avec Mme la duchesse du Maine : elle l’appelait Apollon, et lui demandait je ne sais quel secret ; il lui répondit :

La divinité qui s’amuse
À me demander mon secret,

Si j’étais Apollon ne serait point ma muse,
Elle serait Thétis, et le jour finirait.

Anacréon moins vieux fit de bien moins jolies choses. Si les Grecs

avaient eu des écrivains tels que nos bons auteurs, ils auraient été encore plus vains ; nous leur applaudirions aujourd’hui avec encore plus de raison.

Sainte-Marthe (Gaucher de). Cette famille a été pendant plus de cent années féconde en savants. Le premier Gaucher de Sainte-Marthe fut Charles, qui fut éloquent pour son temps. Mort en 1555.

Scévole, neveu de Charles, se distingua dans les lettres et dans les affaires. Ce fut lui qui réduisit Poitiers sous l’obéissance de Henri IV. Il mourut à Loudun, en 1623, et le fameux Urbain Grandier prononça son oraison funèbre.

Abel de Sainte-Marthe, son fils, cultiva les lettres comme son père, et mourut en 1652. Son fils, nommé Abel comme lui, marcha sur ses traces ; mort en 1706.

Scévole et Louis de Sainte-Marthe, frères jumeaux, fils du premier Scévole, enterrés tous deux à Paris, dans le même tombeau, à Saint-Severin, furent illustres par leur savoir. Ils composèrent ensemble le Gallia christiania. Scévole, mort en 1650 ; Louis, mort en 1656.

Denis de Sainte-Marthe[224] leur cousin, acheva cet ouvrage[225]. Mort à Paris en 1725.

Pierre-Scévole de Sainte-Marthe, frère aîné[226] du dernier Scévole, fut historiographe de France. Mort en 1690.

Saint-Évremond (Charles de Saint-Denis, de), né en Normandie en 1613. Une morale voluptueuse, des lettres écrites à des gens de cour, dans un temps où ce mot de cour était prononcé avec emphase par tout le monde, des vers médiocres, qu’on appelle vers de société, faits dans des sociétés illustres, tout cela avec beaucoup d’esprit contribua à la réputation de ses ouvrages. Un nommé des Maizeaux les a fait imprimer, avec une vie de l’auteur, qui contient seule un gros volume ; et dans ce gros volume il n’y a pas quatre pages intéressantes. Il n’est grossi que des mêmes choses qu’on trouve dans les Œuvres de Saint-Évremond[227] : c’est un artifice du libraire, un abus du métier d’éditeur. C’est par de tels artifices qu’on a trouvé le secret de multiplier les livres à l’infini, sans multiplier les connaissances. On connaît son exil, sa philosophie, et ses ouvrages. Quand on lui demanda, à sa mort, s’il voulait se réconcilier, il répondit : « Je voudrais me réconcilier avec l’appétit. » Il est enterré à Westminster, avec les rois et les hommes illustres d’Angleterre. Mort en 1703.

Saint-Pavin (Denis Sanguin de). Il était au nombre des hommes de mérite que Despréaux confondit dans ses satires avec les mauvais écrivains[228]. Le peu qu’on a de lui passe pour être d’un goût délicat. On peut connaître son mérite personnel par cette épitaphe, que fit pour lui Fieubet[229] le maître des requêtes, l’un des esprits les plus polis de ce siècle :

Sous ce tombeau gît Saint-Pavin ;
Donne des larmes à sa fin.
Tu fus de ses amis peut-être ?
Pleure sur ton sort et le sien :
Tu n’en fus pas ? pleure le tien,
Passant, d’avoir manqué d’en être.

Mort en 1670.

Saint-Pierre (Charles-Irénée Castel, abbé de), né en 1658, gentilhomme de Normandie[230], n’ayant qu’une fortune médiocre, la partagea quelque temps avec les célèbres Varignon et Fontenelle. Il écrivit beaucoup sur la politique. La meilleure définition qu’on ait faite en général de ses ouvrages est ce qu’en disait le cardinal Dubois, que c’étaient les rêves d’un bon citoyen. Il avait la simplicité de rebattre, dans ses livres, les vérités les plus triviales de la morale, et par une autre simplicité il proposait presque toujours des choses impossibles comme praticables. Il ne cessa d’insister sur le projet d’une paix perpétuelle, et d’une espèce de parlement de l’Europe, qu’il appelle la diète europaine. On avait imputé une partie de ce projet chimérique au roi Henri IV, et l’abbé de Saint-Pierre, pour appuyer ses idées, prétendait que cette diète europaine avait été approuvée et rédigée par le dauphin, duc de Bourgogne, et qu’on en avait trouvé le plan dans les papiers de ce prince. Il se permettait cette fiction pour mieux faire goûter son projet. Il rapporte, avec bonne foi, la lettre par laquelle le cardinal de Fleury répondit à ses propositions : Vous avez oublié, monsieur, pour article préliminaire, de commencer par envoyer une troupe de missionnaires pour disposer le cœur et l’esprit des princes. » Cependant l’abbé de Saint-Pierre ne laissa pas enfin d’être très-utile. Il travailla beaucoup pour délivrer la France de la tyrannie de la taille arbitraire ; il écrivit et il agit en homme d’État sur cette seule matière. Il fut unanimement exclu de l’Académie française pour avoir, sous la régence du duc d’Orléans, préféré un peu durement, dans sa Polisynodie, l’établissement des conseils, à la manière de gouverner de Louis XIV, protecteur de l’Académie[231]. Ce fut le cardinal de Polignac qui fit une brigue pour l’exclure, et qui en vint à bout. Ce qu’il y a d’étrange, c’est que, dans ce temps-là même, le cardinal de Polignac conspirait contre le régent, et que ce prince, qui donnait un logement au Palais-Royal à Saint-Pierre, et qui avait toute sa famille à son service, souffrit cette exclusion. L’abbé de Saint-Pierre ne se plaignit point. Il continua de vivre en philosophe avec ceux mêmes qui l’avaient exclu. Boyer, ancien évêque de Mirepoix, son confrère, empêcha qu’à sa mort on ne prononçât son éloge à l’Académie, selon la coutume. Ces vaines fleurs qu’on jette sur le tombeau d’un académicien n’ajoutent rien ni à sa réputation ni à son mérite ; mais le refus fut un outrage, et les services que l’abbé de Saint-Pierre avait rendus, sa probité, et sa douceur, méritaient un autre traitement. Il mourut en 1743, âgé de quatre-vingt-six ans. Je lui demandai, quelques jours avant sa mort, comment il regardait ce passage ; il me répondit : « Comme un voyage à la campagne. »

Le traité le plus singulier qu’on trouve dans ses ouvrages est l’anéantissement futur du mahométisme. Il assure qu’un temps viendra où la raison l’emportera chez les hommes sur la superstition. Les hommes comprendront, dit-il, qu’il suffit de la patience, de la politesse, et de la bienfaisance, pour plaire à Dieu. Il est impossible, dit-il encore, qu’un livre où l’on trouve des propositions fausses données comme vraies, des choses absurdes opposées au sens commun, des louanges données à des actions injustes, ait été révélé par un être parfait. Il prétend que dans cinq cents ans tous les esprits, jusqu’aux plus grossiers, seront éclairés sur ce livre ; que le grand muphti même et les cadis verront qu’il est de leur intérêt de détromper la multitude, et de se rendre plus nécessaires et plus respectés en rendant la religion plus simple. Ce traité est curieux[232]. Dans ses Annales de Louis XIV, il dit que l’État devrait bâtir des loges aux petites-maisons pour les théologiens intolérants, et qu’il serait à propos de jouer ces espèces de fous sur le théâtre.

[233] C’est ici l’occasion d’observer que l’auteur du Siècle de Louis XIV n’a donné cette liste des écrivains et des artistes qui ont fleuri sous Louis XIV qu’après avoir vu leurs ouvrages, et souvent connu leurs personnes, recherchant tous les moyens de s’instruire sur ce siècle célèbre, depuis qu’il fut nommé historiographe de France. Il ne pouvait, dans cette liste, parler des Annales politiques[234] de l’abbé de Saint-Pierre sous Louis XIV, puisque le Siècle fut imprimé en 1752 pour la première fois, et que les Annales de l’abbé de Saint-Pierre ne parurent qu’en 1758, ayant été imprimées en 1757. Ces Annales, il le faut avouer, sont une satire continuelle du gouvernement de ce monarque, qui méritait plus d’estime ; et cette satire n’est pas assez bien écrite pour faire pardonner son injustice. La famille de l’abbé, sentant quel dangereux effet cet ouvrage pouvait produire, engagea son auteur à le dérober au public : il ne fut imprimé qu’après sa mort. Comment donc l’abbé Sabatier, natif de Castres, qui a donné depuis la liste des écrivains de Trois Siècles[235], a-t-il pu dire que « l’auteur du Siècle de Louis XIV en a puisé l’idée mal remplie dans ces Annales politiques qui offrent un tableau frappant des progrès de l’esprit chez notre nation » ?

Premièrement, il est impossible que l’auteur du Siècle ait pu rien prendre des Annales de l’abbé de Saint-Pierre, qu’il ne pouvait connaître[236] et desquelles il a vengé la mémoire de Louis XIV, dès qu’il les a connues. Secondement, il est très-faux que l’abbé de Saint-Pierre se soit étendu dans son livre sur les progrès de l’esprit humain chez notre nation. À peine en dit-il quelques mots ; et quand il parle des beaux-arts, c’est pour les avilir.

Voici comment il s’explique, page 155 : « La peinture, la sculpture, la musique, la poésie, la comédie, l’architecture, prouvent le nombre des fainéants, leur goût pour la fainéantise, qui suffit à nourrir et à entretenir d’autres espèces de fainéants, gens qui se piquent d’esprit agréable, mais non pas d’esprit utile, etc. »

Il est rare, sans doute, d’entendre un académicien dire que des arts qui exigent le travail le plus assidu sont des occupations de fainéants.

Quant à la personne de Louis XIV, il veut l’avilir aussi bien que les arts dont ce roi fut le protecteur. On ne peut rapporter qu’avec indignation ce qu’il en dit, page 265 : « Louis se gouvernait à l’égard de ses voisins et de ses sujets comme s’il eût adopté la maxime d’un célèbre tyran » ; qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent. « Il sacrifiait tout au plaisir de se venger, et de montrer au public qu’il était redoutable ; c’est le goût des âmes médiocres, de tous les enfants, et de tous les hommes du commun. »

Il traite enfin Louis XIV, en vingt endroits, de grand enfant. Et lui, qui était sans contredit un vieil enfant, finit son livre par cette formule : Paradis aux bienfaisants ; mais il n’ose pas dire : Paradis aux médisants.

À l’égard de l’abbé Sabatier, natif de Castres, qui est venu à Paris faire le métier de calomniateur pour quelque argent, il est difficile d’espérer pour lui le paradis. C’est même un grand effort que de le lui souhaiter[237].

Saint-Réal (César Vichard de), né à Chambéry, mais élevé en France. Son Histoire de la conjuration de Venise est un chef-d’œuvre. Sa Vie de Jésus-Christ est bien différente. Mort en 1692.

Sallo (Denis de), né en 1626, conseiller au parlement de Paris, inventeur des journaux[238]. Bayle perfectionna ce genre, déshonoré ensuite par quelques journaux que publièrent à l’envi des libraires avides, et que des écrivains obscurs remplirent d’extraits infidèles, d’inepties, et de mensonges. Enfin on est parvenu jusqu’à faire un trafic public d’éloges et de censures, surtout dans des feuilles périodiques ; et la littérature a éprouvé le plus grand avilissement par ces infâmes manèges. Mort en 1669.

Sandras. Voyez Courtilz.

Sanlecque (Louis), né à Paris en 1650[239], chanoine régulier, poëte qui a fait quelques jolis vers. C’est un des effets du siècle de Louis XIV que le nombre prodigieux de poëtes médiocres dans lesquels on trouve des vers heureux. La plupart de ces vers appartiennent au temps, et non au génie. Mort en 1714.

Sanson (Nicolas), né à Abbeville en 1600 ; le père de la géographie, avant Guillaume Delisle. Mort en 1667. Ses deux fils[240] héritèrent de son mérite.

Santeul (Jean-Baptiste), né à Paris en 1630. Il passe pour excellent poëte latin, si on peut l’être, et ne pouvait faire des vers français. Ses hymnes sont chantées dans l’Église. Comme je n’ai point vécu chez Mécène entre Horace et Virgile, j’ignore si ces hymnes sont aussi bonnes qu’on le dit ; si, par exemple, Orbis redemptor, nunc redemptus n’est pas un jeu de mots puéril. Je me défie beaucoup des vers modernes latins. Mort en 1697.

Sarasin (Jean-François), né près de Caen[241] en 1603, a écrit agréablement en prose et en vers. Mort en 1654.

Saumaise (Claude), né en Bourgogne en 1588, retiré à Leyde pour être plus libre, homme d’une érudition immense. On prétend que le cardinal de Richelieu lui offrit une pension de douze mille francs pour revenir en France, à condition qu’il écrirait à la gloire de ce ministre, et même qu’il écrirait sa vie ; mais Saumaise aimait trop la liberté, et haïssait trop celui qu’il regardait comme le plus grand ennemi de cette même liberté, pour accepter ses offres. Le roi d’Angleterre Charles II l’engagea à composer le Cri du sang royal contre les parricides de Charles Ier. Le livre[242] ne répondit pas à la réputation de l’auteur ; Milton, auteur d’un poëme barbare, quelquefois sublime, sur la pomme d’Adam, et le modèle de tous les poëmes barbares tirés de l’Ancien Testament, réfuta Saumaise ; mais le réfuta comme une bête féroce combat un sauvage. Ces deux ouvrages, d’un pédantisme dégoûtant, sont tombés dans l’oubli[243]. Les noms des auteurs n’ont pas péri. Mort en 1653.

Saurin (Jacques), né à Nîmes en 1677. Il passa pour le meilleur prédicateur des églises réformées. Cependant on lui reproche, comme à tous ses confrères, ce qu’on appelle le style réfugié. « Il est difficile, dit-il, que ceux qui ont sacrifié leur patrie à leur religion parlent leur langue avec pureté, etc. » De son temps, cependant, le français ne s’était pas corrompu en Hollande comme il l’est aujourd’hui. Bayle n’avait point le style réfugié ; il ne péchait que par une familiarité qui approche quelquefois de la bassesse. Les défauts du langage des pasteurs calvinistes venaient de ce qu’ils copiaient les phrases incorrectes des premiers réformateurs ; de plus, presque tous ayant été élevés à Saumur, en Poitou, en Dauphiné ou en Languedoc, ils conservaient les manières de parler vicieuses de la province. On créa pour Saurin une place de ministre de la noblesse à la Haye. Il était savant, et homme de plaisir. Mort en 1730.

Saurin (Joseph), né près d’Orange en 1659, de l’Académie des sciences. C’était un génie propre à tout ; mais on n’a de lui que des extraits du Journal des savants, quelques Mémoires de mathématiques, et son fameux Factum contre Rousseau. Ce procès, si malheureusement célèbre, fit rechercher toute sa vie, et servit à susciter contre lui les plus infâmes accusations. Rousseau, réfugié en Suisse, et sachant que son ennemi avait été pasteur de l’église réformée à Bercher, dans le bailliage d’Yverdun, remua tout pour avoir des témoignages contre lui. Il faut savoir que Joseph Saurin, dégoûté de son ministère, livré à la philosophie et aux mathématiques, avait préféré la France sa patrie, la ville de Paris, et l’Académie des sciences, au village de Bercher. Pour remplir ce dessein, il avait fallu rentrer dans le sein de l’Église romaine, et il y rentra dès l’année 1690. L’évêque de Meaux, Bossuet, crut avoir converti un ministre, et il ne fit que servir à la petite fortune d’un philosophe. Saurin retourna en Suisse plusieurs années après, pour y recueillir quelques biens de sa femme, qu’il avait persuadée de quitter aussi la religion réformée. Les magistrats le décrétèrent de prise de corps, comme un pasteur apostat qui avait fait apostasier sa femme. Cela se passait en 1712, après le fameux procès de Rousseau ; et Rousseau était à Soleure précisément dans ce temps-là. Ce fut alors que les accusations les plus flétrissantes éclatèrent contre Saurin. On lui imputa d’anciens délits qui auraient mérité la corde ; on produisit ensuite contre lui une ancienne lettre, dans laquelle il avait fait lui-même, disait-on, la confession de ses crimes à un pasteur de ses amis. Enfin, pour comble d’indignité, on eut la bassesse cruelle d’imprimer ces accusations et cette lettre dans plusieurs journaux, dans le supplément de Bayle[244], dans celui de Moréri ; nouveau moyen malheureusement inventé pour flétrir un homme dans l’Europe. C’est étrangement avilir la littérature que de faire d’un dictionnaire un greffe criminel, et de souiller d’opprobres scandaleux des ouvrages qui ne doivent être que le dépôt des sciences ; ce n’était pas, sans doute, l’intention des premiers auteurs de ces archives de la littérature, qu’on a depuis infectées de tant d’additions aussi erronées qu’odieuses. L’art d’écrire est devenu souvent un vil métier, dans lequel des libraires qui ne savent pas lire payent des mensonges et des futilités, à tant la feuille, à des écrivains mercenaires qui ont fait de la littérature la plus lâche des professions. Il n’est pas permis au moins de consigner dans un dictionnaire des accusations criminelles, et de s’ériger en délateur sans avoir des preuves juridiques. J’ai été à portée d’examiner ces accusations contre Joseph Saurin ; j’ai parlé au seigneur de la terre de Bercher, dans laquelle Saurin avait été pasteur ; je me suis adressé à toute la famille du seigneur de cette terre : lui et tous ses parents m’ont dit unanimement qu’ils n’avaient jamais vu l’original de la lettre imputée à Saurin ; ils m’ont tous marqué la plus vive indignation contre l’abus scandaleux dont on a chargé les suppléments aux dictionnaires de Bayle et de Moréri ; et cette juste indignation qu’ils m’ont témoignée doit passer dans le cœur de tous les honnêtes gens[245]. J’ai en main les attestations de trois pasteurs, qui avouent « qu’ils n’ont jamais vu l’original de cette prétendue lettre de Saurin, ni connu personne qui l’eût vue, ni ouï dire qu’elle eût été adressée à aucun pasteur du pays de Vaud, et qu’ils ne peuvent qu’improuver l’usage qu’on a fait de cette pièce[246] ».

Joseph Saurin mourut en 1737[247], en philosophe intrépide qui connaissait le néant de toutes les choses de ce monde, et plein du plus profond mépris pour tous ces vains préjugés, pour toutes ces disputes, pour ces opinions erronées qui surchargent d’un nouveau poids les malheurs innombrables de la vie humaine[248].

Joseph Saurin a laissé un fils d’un vrai mérite, auteur d’une tragédie de Spartacus[249], dans laquelle il y a des traits comparables à ceux de la plus grande force de Corneille.

Sauveur (Joseph), né à la Flèche en 1663. Il apprit sans maître les éléments de la géométrie. Il est un des premiers qui aient calculé les avantages et les désavantages des jeux de hasard. Il disait que tout ce que peut un homme en mathématique, un autre le peut aussi. Cela s’entend pour ceux qui se bornent à apprendre, mais non pour les inventeurs. Il avait été muet jusqu’à l’âge de sept ans. Mort en 1716.

Savary (Jacques), né en 1622, le premier qui ait écrit sur le commerce. Il avait été longtemps négociant. Le conseil le consulta sur l’ordonnance de 1673, dans tout ce qui regarde le négoce, et il en rédigea presque tous les articles. Le Dictionnaire de commerce, qui est de lui[250] et de Philémon, son frère, chanoine de Saint-Maur, fut une entreprise aussi utile que nouvelle ; mais il faut regarder ces livres à peu près comme les intérêts des princes, qui changent en moins de cinquante ans. Les objets et les canaux du commerce, les gains, les finesses, ne sont plus aujourd’hui ce qu’ils étaient du temps de Savary. Mort en 1690.

Scarron (Paul), fils d’un conseiller de la grand’chambre, né en 1610. Ses comédies sont plus burlesques que comiques. Son Virgile travesti n’est pardonnable qu’à un bouffon. Son Roman comique est presque le seul de ses ouvrages que les gens de goût aiment encore ; mais ils ne l’aiment que comme un ouvrage gai, amusant, et médiocre. C’est ce que Boileau avait prédit. Louis XIV épousa sa veuve en 1685. Mort en 1660.

Scudéry (Georges de), né au Havre-de-Grace en 1601. Favorisé du cardinal de Richelieu, il balança quelque temps la réputation de Corneille. Son nom est plus connu que ses ouvrages. Mort en 1667.

Scudéry (Magdeleine), sœur de Georges, née au Havre en 1607, plus connue aujourd’hui par quelques vers agréables qui restent d’elle que par les énormes romans de la Clélie et du Cyrus. Louis XIV lui donna une pension, et l’accueillit avec distinction. Ce fut elle qui remporta le premier prix d’éloquence fondé par l’Académie. Morte en 1701.

Segrais (Jean Regnault de), né à Caen en 1625. Mademoiselle l’appelle une manière de bel esprit ; mais c’était en effet un très-bel esprit et un véritable homme de lettres. Il fut obligé de quitter le service de cette princesse pour s’être opposé à son mariage avec le comte de Lauzun. Ses églogues et sa traduction de Virgile furent estimées ; mais aujourd’hui on ne les lit plus. Il est remarquable qu’on a retenu des vers de la Pharsale de Brébeuf, et aucun de l’Énéide de Segrais. Cependant Boileau loue Segrais et dénigre Brébeuf. Mort en 1701.

Senault (Jean-François), né en 1601, général de l’Oratoire. Prédicateur qui fut à l’égard du P. Bourdaloue ce que Rotrou est pour Corneille, son prédécesseur et rarement son égal. Il est compté parmi les premiers restaurateurs de l’éloquence, plutôt que dans le petit nombre des hommes véritablement éloquents. Mort en 1672.

Sénecé (Antoine Bauderon de), né en 1643, premier valet de chambre de Marie-Thérèse ; poëte d’une imagination singulière. Son conte du Kaïmac, à quelques endroits près, est un ouvrage distingué. C’est un exemple qui apprend qu’on peut très-bien conter d’une autre manière que La Fontaine. On peut observer que cette pièce, la meilleure qu’il ait faite, est la seule qui ne se trouve pas dans son recueil. Il y a aussi dans ses Travaux d’Apollon des beautés singulières et neuves. Mort en 1737.

Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de), femme du marquis de Sévigné, née en 1626[251]. Ses lettres, remplies d’anecdotes, écrites avec liberté, et d’un style qui peint et anime tout, sont la meilleure critique des lettres étudiées où l’on cherche l’esprit, et encore plus de ces lettres supposées dans lesquelles on veut imiter le style épistolaire en étalant de faux sentiments et de fausses aventures à des correspondants imaginaires[252]. C’est dommage qu’elle manque absolument de goût, qu’elle ne sache pas rendre justice à Racine, qu’elle égale l’Oraison funèbre de Turenne, prononcée par Mascaron, au grand chef-d’œuvre de Fléchier[253]. Morte en 1696.

Silva (Jean-Baptiste), né à Bordeaux, très-célèbre médecin à Paris, a fait un livre estimé sur la saignée ; il était fort au-dessus de son livre. C’était un de ces médecins que Molière n’eût pu ni osé rendre ridicules. Né en 1684. Mort vers l’an 1746[254].

Simon (Richard), né en 1638, de l’Oratoire ; excellent critique. Son Histoire de l’origine et du progrès des revenus ecclésiastiques et son Histoire critique du vieux Testament, etc., sont lues de tous les savants. Mort à Dieppe en 1712.

Sirmond (Jacques), jésuite, né vers l’an 1559. L’un des plus savants et des plus aimables hommes de son temps. On sait à peine qu’il fut confesseur de Louis XIII, parce qu’il fit à peine parler de lui dans ce poste délicat. Il fut préféré par le pape à tous les savants d’Italie pour faire la Préface de la collection des conciles. Ses nombreux ouvrages furent très-estimés, et sont très-peu lus. Mort en 1651.

Sirmond (Jean), neveu du précédent. Historiographe de France, avec le brevet de conseiller d’État, qui était d’ordinaire attaché à la charge d’historiographe. L’un de ses principaux ouvrages est la Vie du cardinal d’Amboise, qu’il ne composa que pour mettre ce ministre au-dessous du cardinal de Richelieu, son protecteur. Il fut un des premiers académiciens. Mort en 1649.

Sorbière (Samuel), né en Dauphiné en 1615. L’un de ceux qui ont porté le titre d’historiographe de France. Ami du pape Clément IX, avant son exaltation ; ne recevant que de faibles marques de la générosité de ce pontife, il lui écrivit : « Saint père, vous envoyez des manchettes à celui qui n’a point de chemise. » Il effleura beaucoup de genres de science. Mort en 1670.

Suze (Henriette de Coligny[255], comtesse de La), célèbre dans son temps par son esprit et par ses élégies. C’est elle qui se fit catholique parce que son mari était huguenot, et qui s’en sépara, afin, disait la reine Christine, de ne voir son mari dans ce monde-ci ni dans l’autre. Née à Paris en 1618. Morte dans la même ville en 1673.

Tallemant (François), né à la Rochelle en 1620 ; second traducteur[256] de Plutarque. Mort en 1693.

Tallemant (Paul), né à Paris en 1642. Quoiqu’il fût petit-fils du riche Montauron[257], et fils d’un maître des requêtes qui avait eu deux cent mille livres de rente de notre monnaie d’aujourd’hui, il se trouva presque sans fortune. Colbert lui fit du bien comme aux autres gens de lettres. Il a eu la principale part à l’Histoire du roi par médailles. Mort en 1712.

Talon (Omer), avocat général du parlement de Paris, a laissé des Mémoires utiles, dignes d’un bon magistrat et d’un bon citoyen ; mais son éloquence n’est pas encore celle du bon temps. Mort en 1652.

Tarteron (Jérôme), jésuite. Il a traduit les satires d’Horace, de Perse, et de Juvénal, et a supprimé les obscénités grossières dont il est étrange que Juvénal, et surtout Horace, aient souillé leurs ouvrages. Il a ménagé en cela la jeunesse, pour laquelle il croyait travailler ; mais sa traduction n’est pas assez littérale pour elle ; le sens est rendu, mais non pas la valeur des mots. Mort en 1720.

Terrasson (l’abbé Jean), né en 1669[258], philosophe pendant sa vie et à sa mort. Il y a de beaux morceaux dans son Séthos[259]. Sa traduction de Diodore est utile ; son examen d’Homère passe pour être sans goût. Mort en 1750.

Thiers (Jean-Baptiste), né à Chartres en 1641[260]. On a de lui beaucoup de dissertations. C’est lui qui écrivit contre l’inscription du couvent des cordeliers de Reims : À Dieu et à saint François, tous deux crucifiés. Mort en 1703.

Thomassin (Louis), de l’Oratoire, né en Provence en 1619, homme d’une érudition profonde. Il fit le premier des conférences sur les pères, sur les conciles, et sur l’histoire. Il oublia sur la fin de sa vie tout ce qu’il avait su, et ne se souvint plus d’avoir écrit. Mort en 1695.

Thoynard (Nicolas), né à Orléans en 1629. On prétend qu’il a eu grande part au traité du cardinal Noris sur les Époques syriennes. Sa Concordance des quatre Évangélistes, en grec, passe pour un ouvrage curieux. Il n’était que savant, mais il l’était profondément. Mort en 1706.

Torcy (Jean-Baptiste Colbert de). Voyez Colbert.

Tournefort (Joseph Pitton de), né en Provence en 1656, le plus grand botaniste de son temps. Il fut envoyé par Louis XIV en Espagne, en Angleterre, en Hollande, en Grèce, et en Asie, pour perfectionner l’histoire naturelle. Il rapporta treize cent trente-six nouvelles espèces de plantes, et il nous apprit à connaître les nôtres. Mort en 1708.

Tourreil (Jacques de), né à Toulouse en 1656, célèbre par sa traduction de Démosthène. Mort en 1715[261].

Tristan (François), surnommé l’Ermite, gentilhomme de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII. Le prodigieux et long succès qu’eut sa tragédie de Mariamne fut le fruit de ignorance où l’on était alors. On n’avait pas mieux ; et quand la réputation de cette pièce fut établie, il fallut plus d’une tragédie de Corneille pour la faire oublier. Il y a encore des nations chez qui des ouvrages très-médiocres passent pour des chefs-d’œuvre, parce qu’il ne s’est pas trouvé de génie qui les ait surpassés. On ignore communément que Tristan ait mis en vers l’office de la Vierge, et il n’est pas étrange qu’on l’ignore. Mort en 1655. Voici son épitaphe, qu’il composa :

Je fis le chien couchant auprès d’un grand seigneur ;
Je me vis toujours pauvre, et tâchai de paraître :
Je vécus dans la peine, espérant le bonheur,
Et mourus sur un coffre, en attendant mon maître.

Turenne. Ce grand homme nous a laissé aussi des Mémoires, qu’on trouve dans sa vie écrite par Ramsay[262]. Nous avons beaucoup de Mémoires de nos généraux ; mais ils n’ont pas écrit comme Xénophon et César.

Vaillant (Jean-Foy), né à Beauvais en 1632. Le public lui doit la science des médailles ; et le roi, la moitié de son cabinet. Le ministre Colbert le fit voyager en Italie, en Grèce, en Égypte, en Turquie, en Perse. Des corsaires d’Alger le prirent en 1674, avec l’architecte Desgodets. Le roi les racheta tous deux. Jamais savant n’essuya plus de dangers. Mort en 1706.

Vaillant (Jean-François-Foy), né à Rome en 1665, pendant les voyages de son père : antiquaire comme lui. Mort en 1708.

Valincourt (Jean-Baptiste-Henri du Trousset de), né en 1653. Une épître[263] que Despréaux lui a adressée fait sa plus grande réputation. On a de lui quelques petits ouvrages : il était bon littérateur. Il fit une assez grande fortune, qu’il n’eût pas faite s’il n’eût été qu’homme de lettres. Les lettres seules, dénuées de cette sagacité laborieuse qui rend un homme utile, ne procurent presque jamais qu’une vie malheureuse et méprisée. Un des meilleurs discours qu’on ait jamais prononcés à l’Académie est celui dans lequel M. de Valincourt tâche de guérir l’erreur de ce nombre prodigieux de jeunes gens qui, prenant leur fureur d’écrire pour du talent, vont présenter de mauvais vers à des princes, inondent le public de leurs brochures, et qui accusent l’ingratitude du siècle, parce qu’ils sont inutiles au monde et à eux-mêmes. Il les avertit que les professions qu’on croit les plus basses sont fort supérieures à celle qu’ils ont embrassée. Mort en 1730.

Valois (Adrien de), né à Paris en 1607, historiographe de France. Ses meilleurs ouvrages sont sa Notice des Gaules, et son Histoire de la première race[264]. Mort en 1692.

Valois (Henri de), frère du précédent, né en 1603. Ses ouvrages sont moins utiles à des Français que ceux de son frère. Mort en 1676.

Varignon (Pierre), né à Caen en 1654 : mathématicien célèbre. Mort en 1722.

Varillas (Antoine), né dans la Marche en 1624, historien plus agréable qu’exact. Mort en 1696.

Vavasseur (François), né dans le Charolais en 1605, jésuite, grand littérateur. Il fit voir le premier que les Grecs et les Romains n’ont jamais connu le style burlesque, qui n’est qu’un reste de barbarie. Mort en 1681.

Vauban (Sébastien Le Prestre, maréchal de), né en 1633. La Dîme royale qu’on lui a imputée n’est pas de lui, mais de Boisguillebert[265]. Elle n’a pu être exécutée, et est en effet impraticable. On a de lui plusieurs Mémoires dignes d’un bon citoyen. Il contribua beaucoup par ses conseils à la construction du canal de Languedoc. Observons qu’il était très-ignorant, qu’il l’avouait avec franchise, mais qu’il ne s’en vantait pas. Un grand courage, un zèle que rien ne rebutait, un talent naturel pour les sciences de combinaisons, de l’opiniâtreté dans le travail, le coup d’œil dans les occasions, qui ne se trouve pas toujours ni avec les connaissances ni avec le talent : telles furent les qualités auxquelles il dut sa réputation. Il a prouvé, par sa conduite, qu’il pouvait y avoir des citoyens dans un gouvernement absolu. Mort en 1707.

Vaugelas (Claude Favre de), né à Bourg-en-Bresse en 1585. C’est un des premiers qui ont épuré et réglé la langue, et de ceux qui pouvaient faire des vers italiens sans en pouvoir faire de français. Il retoucha pendant trente ans sa traduction de Quinte-Curce. Tout homme qui veut bien écrire doit corriger ses ouvrages toute sa vie. Mort en 1650.

Vergier (Jacques), né à Paris en 1657[266]. Il est, à l’égard de La Fontaine, ce que Campistron est à Racine : imitateur faible, mais naturel. Mort assassiné à Paris par des voleurs, en 1720. On laisse entendre, dans le Moréri, qu’il avait fait une parodie contre un prince puissant qui le fit tuer. Ce conte est faux[267].

Vertot (René Auber de), né en Normandie[268] en 1655. Historien agréable et élégant. Mort en 1735.

Villars (le maréchal, Louis-Claude duc de), né en 1652. Le premier tome des Mémoires qui portent son nom est entièrement de lui[269]. Il savait par cœur les beaux endroits de Corneille, de Racine, et de Molière. Je lui ai entendu dire un jour à un homme d’État fort célèbre, qui était étonné qu’il sût tant de vers de comédie : « J’en ai moins joué que vous, mais j’en sais davantage. Mort en 1731.

Villedieu[270] (Marie-Catherine Desjardins, plus connue sous le nom de Mme de). Ses romans lui firent de la réputation. Au reste, on est bien éloigné de vouloir donner ici quelque prix à tous ces romans dont la France a été et est encore inondée ; ils ont presque tous été, excepté Zaïde, des productions d’esprits faibles qui écrivent avec facilité des choses indignes d’être lues par les esprits solides ; ils sont même pour la plupart dénués d’imagination, et il y en a plus dans quatre pages de l’Arioste que dans tous ces insipides écrits qui gâtent le goût des jeunes gens. Née à Alençon vers 1640. Morte en 1683.

Villiers (Pierre de), né à Cognac en 1648, jésuite. Il cultiva les lettres, comme tous ceux qui sont sortis de cet ordre. Ses sermons, et son Poëme sur l’art de prêcher, eurent de son temps quelque réputation. Ses stances sur la solitude sont fort au-dessus de celles de Saint-Amant, qu’on avait tant vantées, mais ne sont pas encore tout à fait dignes d’un siècle si au-dessus de celui de Saint-Amant[271]. Mort en 1728.

Voiture (Vincent), né à Amiens en 1598. C’est le premier qui fut en France ce qu’on appelle un bel esprit. Il n’eut guère que ce mérite dans ses écrits, sur lesquels on ne peut se former le goût[272] ; mais ce mérite était alors très-rare. On a de lui de très-jolis vers, mais en petit nombre. Ceux qu’il fit pour la reine Anne d’Autriche, et qu’on n’imprima pas dans son recueil, sont un monument de cette liberté galante qui régnait à la cour de cette reine, dont les Frondeurs lassèrent la douceur et la bonté.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Je pensois si le cardinal,
J’entends celui de La Valette,
Pouvoit voir l’éclat sans égal
Dans lequel maintenant vous ête[273] ;
J’entends celui de la beauté :
Car auprès je n’estime guère,
Cela soit dit sans vous déplaire,
Tout l’éclat de la majesté[274].

Il fit aussi des vers italiens et espagnols avec succès. Mort en 1648.

Ce n’est pas la peine de pousser plus loin ce catalogue. On y voit une petit nombre de grands génies, un assez grand d’imitateurs, et on pourrait donner une liste beaucoup plus longue des savants. Il sera difficile désormais qu’il s’élève des génies nouveaux, à moins que d’autres mœurs, une autre sorte de gouvernement, ne donnent un tour nouveau aux esprits. Il sera impossible qu’il se forme des savants universels, parce que chaque science est devenue immense. Il faudra nécessairement que chacun se réduise à cultiver une petite partie du vaste champ que le siècle de Louis XIV a défriché.






  1. Son nom est Labadie.
  2. Voyez le chapitre xxxvii du Siècle.
  3. Dans l’article sur Labadie, inséré au dix-huitième volume des Mémoires de Nicéron on ne parle que de trente et un volumes ou ouvrages ; mais on donne les titres de cinq autres dans le vingtième volume de Nicéron.
  4. Mort à Sainte-Marie-le-Bone, aujourd’hui renfermé dans l’enceinte de Londres.
  5. Dans son Dictionnaire français, Richelet se moque à chaque page d’Amelot de la Houssaye. (G. A.)
  6. Pierre de Guibours, communément appelé le P. Anselme de Sainte-Marie.
  7. Le Véritable Portrait de Guillaume-Henri de Nassau, imprimé d’abord en 1689, in-4o, in-8o et in-12, fait aujourd’hui partie du tome XXXVI des Œuvres d’Arnauld. (B.)
  8. Voyez dans le Dictionnaire philosophique l’article Dictionnaire.
  9. Dans les Mémoires de d’Artigny, tome VII, page 21, on avait, en 1756, reproché à Voltaire de n’avoir pas parlé de d’Avrigny ni de Bougeant. L’omission sur d’Avrigny fut réparée en 1763, dans les termes qu’on lit aujourd’hui. Voltaire n’a point donné d’article au P. Bougeant. (B.)
  10. Les ouvrages de d’Avrigny sont intitulés : l’un, Mémoires chronologiques et dogmatiques pour servir à l’histoire ecclésiastique depuis 1600 jusqu’en 1716, quatre volumes ; l’autre, Mémoires pour servir à l’histoire universelle de l’Europe, depuis 1600 jusqu’en 1716, quatre volumes. Le P. Griffet a donné de ces derniers une édition en 1757, cinq volumes in-12, avec additions et corrections. (B.)
  11. Le 18 février 1654, suivant d’Olivet dans son Histoire de l’Académie française (B.)
  12. Né en 1721, plus de cinq ans après la mort de Louis XIV.
  13. Voyez, tome II du Théâtre, page 310, la Préface (de 1738) de la Mort de César.
  14. On les attribue au jésuite Larue et à d’Alègre. Baron, né en 1653, est mort en 1729.
  15. Les Mémoires de Bassompierre, avec une suite jusqu’alors inédite, sont imprimés aux tomes XIX-XXI de la deuxième série de la Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France, par Petitot et M. Monmerqué. (B.)

    — La plus récente édition est celle publiée pour la Société de l’Histoire de France par M. le marquis de Chantérac, 4 vol. in-8o, 1870-1877.

  16. Bayle a un autre article dans les Questions sur l’Encyclopédie, et dans la septième des Lettres à Son Altesse Sérénissime le prince de ***. Voltaire en reparle encore dans l’article Renaudot. (B.)
  17. Dans une Épitre à J.-B. Rousseau.
  18. Voyez plus loin l’article Gassendi.
  19. Elle est en deux petits volumes in-12. (B.)
  20. J.-G. de Chaufepié, dont Voltaire a parlé à l’article Dictionnaire dans le Dictionnaire philosophique est auteur du Nouveau Dictionnaire historique et critique, pour servir de supplément ou de continuation au Dictionnaire de M. P. Bayle, 1750, quatre volumes in-folio. (B.)
  21. Dans les Mémoires de l’abbé d’Artigny, tome VII, publié en 1756, on observe, page 22, qu’il fallait ici Louis XIII. La première édition de l’Histoire des grands chemins est de Paris, 1622, in-4o. (B.)
  22. Catherine Bernard, parente de Corneille, et conséquemment de Fontenelle, née à Rouen, est morte en 1712 ; voyez, ci-après, l’article Fontenelle.
  23. Dans l’édition de 1751 cet article avait quatre lignes, que voici : « Boileau Despréaux (Nicolas), né à Paris, en 1636, le plus correct de nos poëtes. On a tant commenté ses ouvrages qu’un éloge est ici superflu ; mort en 1711. » Voltaire a successivement augmenté son article ; le texte actuel est de 1768. (B.)
  24. La roue de la Fortune. (Note de Voltaire.)
  25. Voltaire désigne ainsi le Dictionnaire de Barral et Guibaud (voyez page 24, note 2).
  26. C’est le nombre donné dans les tomes II et X (première partie) des Mémoires de Nicéron ; mais, dans la seconde partie du tome X de ces Mémoires, publiée en 1731, on nomme deux ouvrages de plus. La Biographie universelle en énumère quatre-vingt-onze ou quatre-vingt-quinze.
  27. Hyacinthe Cordonnier, connu sous le nom de Thémiseul de Saint-Hyacinthe, né à Orléans le 24 septembre 1684, mort en 1746. Il fut l’un des ennemis de Voltaire, qui, de son côté, ne le ménagea pas ; voyez, dans les Mélanges, à la date de 1737, les Conseils à un journaliste ; et, dans la Correspondance, plusieurs lettres, entre autres celles à Berger, du 16 février 1739, et à Levesque de Pouilly, du 27 février 1739. On trouvera, dans les Pièces justificatives, à la suite de la Vie de Voltaire (voyez tome Ier), une lettre de Saint-Hyacinthe à M. de Bucigny.
  28. Voyez l’article Pellisson.
  29. Voyez chapitre xxxii.
  30. Né à Alençon en 1634, mort en 1723.
  31. Ce fut à lui que Voltaire succéda dans la place de membre de l’Académie française ; voyez son Discours de réception, dans les Mélanges, à la date de 1746.
  32. C’est d’après Nicéron que Voltaire appelle ainsi cet auteur, dont le vrai nom est Boulliau ; voyez la Bibliothèque du Poitou, par Dreux du Radier, tome IV, pages 275-276.
  33. Voltaire veut probablement parler des Mémoires présentés au duc d’Orléans, régent de France, contenant les moyens de rendre ce royaume très-puissant. La Haye, 1727, deux volumes in-12.
  34. Il est mort le 23 janvier 1722.
  35. 1711, in-folio, réimprimés après avoir été revus par A. Lancelot, sous le titre de : Histoire de Dauphiné, 1722, deux volumes in-folio.
  36. Boursault a fait un Ésope à la ville et un Ésope à la cour. Cette dernière comédie est restée au théâtre plus longtemps que l’autre.
  37. Voyez les notes des pages 24 et 42.
  38. Jean Silhon, conseiller d’État, l’un des premiers membres de l’Académie française, est mort en 1667.
  39. Voyez l’article Richelieu.
  40. Il n’en a fait que le premier livre.
  41. Voyez son Éloge par Voltaire dans les Mélanges à la date de 1752.
  42. Toutes les éditions, depuis 1751 jusqu’à la présente, portent mais tels ; j’ai mis mais non tels, parce que le sens de la phrase l’indique, et parce que cela est d’accord avec une note de Voltaire dans son Histoire du parlement. (Avril 1830.) (B.)
  43. Voltaire écrivait cela en 1751. Les Mémoires de Sully, rédigés par Lécluse, sont de 1745. (B.)
  44. David-Augustin de Brueys est né à Aix, en Provence, en 1640.
  45. Par l’abbé Raynal. Une édition de 1752 à trois volumes in-12.
  46. Le 16 avril. Voyez, ci-après, l’article Longueval.
  47. Voltaire ajouta l’article de Cailly en 1752. Le Moréri de 1759 ne donne pas la date de sa naissance, et dit qu’il mourut avant 1674. De Cailly était né à Orléans en 1604.
  48. C’est-à-dire dans le diocèse de Cahors.
  49. Au sujet de Crébillon, voyez, ci-après, son article, page 58 ; tome Ier du Théâtre, pages 3 et 301 ; et Vers et Poésie dans le Dictionnaire philosophique.
  50. Michel-Jean Baptiste ; voyez, ci-après, son article.
  51. Jacques Cassini, né en 1677, mort en 1756. Ce qui concerne lui et ses descendants est posthume. (B.)
  52. César-François Cassini, né en 1714, mort en 1784.
  53. M. Jacques-Dominique Cassini, aujourd’hui (mai 1830) membre de l’Institut, est né en 1740. (B.)
  54. C’est la date donnée par d’Olivet.
  55. Né en 1626.
  56. Né en 1604, mort vers 1679.
  57. Né en 1624, mort en 1702.
  58. Voyez l’article Symbole ou Credo dans le Dictionnaire philosophique.
  59. Depuis Redi (François), né à Arezzo, en 1626, mort en 1694, un autre Italien, Félix Fontana, né en 1730, mort le 9 mars 1805, a multiplié les expériences sur le venin de la vipère. (B.)
  60. Il s’agit d’Antoine-Louis-François Lefèvre de Caumartin, né le 6 septembre 1696, conseiller d’État en juillet 1745, mort le 14 avril 1748. Voltaire publia son article Charleval en 1751. (B.)
  61. Édition de 1740. Le passage rapporté par Voltaire est une réflexion de l’abbé Goujet, et non du président de Ris, et n’est plus dans le Moréri de 1759.
  62. En 1688, suivant le Moréri de 1759.
  63. Ce n’est pas à Mme de Maintenon, c’est à Louis XIV que Choisy dédia sa Traduction de l’Imitation. La première édition de 1692 est la seule qui contienne la dédicace. Elle a aussi (ainsi que les deuxième et troisième, qui sont de 1692 et 1694), en tête du second livre, une figure dans laquelle on peut reconnaître Mme de Maintenon ; mais au bas on ne lit que ces deux mots : Audi, filia. Amelot de la Houssaye, dans ses Mémoires historiques, au lieu de citer ces deux mots du verset 2 du psaume xliv, cite le verset entier et les mots du verset 12 : Concupiscet rex decorem tuum, qu’on a ensuite seuls cités. La figure ne se trouve plus dans la quatrième édition. (B.)
  64. 1727, trois volumes in- 12, publiés par Camusat.
  65. Cet article est de 1756. Le Catalogue des écrivains était alors à la fin de l’ouvrage de Voltaire. Les Mémoires de Torcy ont paru en 1756, trois volumes in-12. (B.)
  66. Il est né à la Rochelle en 1638.
  67. Voyez page 6.
  68. Les Lettres sur la grâce, par Étienne-Agard de Champs (né à Bourges, en 1613, mort le 31 juillet 1701), forment un volume, 1689, in-12, qui contient les réponses du prince.
  69. Voyez ce que Voltaire dit encore de Corneille dans le chapitre xxxii.
  70. Voyez les Mensonges imprimés dans les Mélanges à la date de 1749-1750.
  71. Le Glaneur historique, moral, littéraire, et galant était un journal qui paraissait en Hollande les lundi et jeudi, en 1731 et années suivantes. Il contient plusieurs morceaux contre Voltaire et ses ouvrages. Voyez, tome Ier du Théâtre, la note de la page 309.
  72. Voyez les notes des pages 24 et 42.
  73. En janvier 1711.
  74. Voyez la note de la page 49.
  75. Voltaire a composé, en 1762, un Éloge de Crébillon, qui n’est pas un panégyrique.
  76. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article Épopée.
  77. C’est ainsi qu’a écrit Voltaire, qui avait placé cet article à la lettre D. Il l’avait ajouté en 1768. Mais il s’exprime bien autrement sur le chancelier, dans sa Correspondance ; voyez la lettre à Damilaville, du 24 mai 1761, et à d’Alembert, des 7 ou 8 mai 1761, et 30 janvier 1764. Le chancelier signait Daguesseau. (B.)
  78. Il était frère du marquis de Dangeau, dont les Mémoires sont souvent cités et réfutés par Voltaire, qui, le premier, en fit imprimer un extrait avec des notes ; voyez dans les Mélanges à la date de 1769. (B.)
  79. Le Puiset est un bourg entre Orléans et Chartres.
  80. Les éditions données du vivant de Voltaire portent : et on a dit après lui, etc. (B.)
  81. Cette flatterie à Louis XV existe dès 1751. Le Cours des principaux fleuves et rivières de l’Europe, imprimé dès 1718, c’est-à-dire du vivant de Delisle, paraît, dit M. Renouard, n’être que la copie des leçons du maître. (B.)
  82. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article Dictionnaire, et la troisième des Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***.
  83. Voyez, ci-après, l’article Genest.
  84. Dreux du Radier, dans ses Récréations historiques, I, 89, remarque que le dernier tercet du sonnet de des Barreaux est une imitation du dernier tercet d’un sonnet de l’abbé des Portes (édition de 1508 de ses Poésies chrétiennes) :

    Ne tourne point les yeux sur mes actes pervers ;
    Ou, si tu les veux voir, vois-les teints et couverts
    Du beau sang de ton fils, ma grâce et ma justice.

    Voltaire, dans la septième de ses Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***, reparle de des Barreaux et de son sonnet.

  85. L’article Des Coutures fut ajouté dans l’édition de 1752, et tel qu’il est ici. Au lieu de ce qui le termine, on lit ces mots dans un manuscrit que je possède de la main de Voltaire : « Le nombre de ceux qui, à l’exemple des anciens, ont cru la matière éternelle, est étonnant. » Jacques Parrain, baron des Coutures, né à Avranches, est mort en 1702. Sa traduction de Lucrèce, qui avait paru en 1685, deux volumes in-12, a été effacée par celle de Lagrange. (B.)
  86. Voyez, ci-après, l’article Morin (Simon).
  87. Tout ce qui précède est de 1757 ; ce qui suit est de 1763. (B.)
  88. Voyez l’article Th. Renaudot.
  89. Les éditions de Kehl terminaient cet article par ces mots, qui étaient entre parenthèses : « Mort depuis l’impression de cet article, en 1768. » Ils ne sont point dans l’édition de 1775, donnée du vivant de Voltaire. D’Olivet est mort le 8 octobre 1768. C’était dans l’édition du Siècle de Louis XIV, donnée cette année, que Voltaire avait ajouté son article, ainsi que celui de Hénault. Jusque-là Fontenelle était le seul auteur admis de son vivant dans le Catalogue. (B.) — Voltaire paye ici sa dette de reconnaissance à l’un de ses maîtres. (G. A.)
  90. Cette phrase et celle qui suit sont posthumes ; elles ne sont pas dans l’édition de 1775.
  91. 1703, in-12. Sur la guerre de la succession, voyez les chapitres xviii et suivants.
  92. 1740, in-4o, réimprimés en divers formats.
  93. L’Institution d’un prince n’a été publiée qu’après la mort de Duguet, Londres, 1739, in-4o, ou quatre volumes in-12. Si, malgré ce que dit Voltaire, ce traité a été composé pour l’éducation d’un prince de Savoie, ce doit avoir été pour Charles-Emmanuel, né en 1701, plutôt que Victor-Amédée, né en 1726. (B.)
  94. L’abbé Grosier a donné une Description de la Chine, qui forme le treizième volume de l’Histoire générale de la Chine, 1777-85, treize volumes in-4o, et a été réimprimée séparément en deux volumes in-8o, puis, en 1818-1820, sept volumes in-8o.
  95. Voltaire a composé une Lettre de M. Hudde, échevin d’Amsterdam. Il n’en reste qu’un fragment publié pour la première fois par Beuchot, et que nous donnerons dans le tome dernier des Mélanges.
  96. On ignore la date de la naissance de Duryer, qui était revenu en France vers 1630 ; né à Semur en Brionais, il est mort en 1688. Sa traduction de l’Alcoran parut en 1647, in-4o. Quant à son Histoire de Perse, elle est tout à fait inconnue. Voltaire a peut-être voulu parler de la traduction qu’a donnée Duryer de Gulistan ou l’Empire des roses, composé par Saadi, prince des poëtes turcs et persans, 1634, in-8º ». (B.)
  97. 1709, cinq volumes in-12 ; 1719, six volumes in-12 ; 1743, neuf volumes in-12.
  98. L’abbé Faydit est l’auteur de la Télémacomanie, 1700, in-12 ; Gueudeville a composé une Critique générale de Télémaque, 1700, deux volumes in-12. Voltaire reparle de Fénelon dans le chapitre xxxviii.
  99. Et aujourd’hui par sa relation des Grands Jours d’Auvergne. — Voyez ce que Voltaire dit de Fléchier dans le chapitre xxxii.
  100. « Originairement Le Bouyer (dit l’abbé Trublet) ; dans la suite l’u voyelle s’est changé en v consonne, et l’y grec en i français, comme dans beaucoup d’autres noms. »
  101. C’est Aspar, connu par l’épigramme de Racine. « J’ignore l’autre, dit l’abbé Trublet (qui connaissait si bien son Fontenelle), à moins que Voltaire n’ait voulu parler du Brutus » ; voyez, ci-dessus, page 40.
  102. Après ce mot, on lisait en 1752 : Il fit beaucoup d’ouvrages légers, etc. Dans l’édition de 1763, Voltaire avait ajouté : « Il essuya même une espèce de persécution littéraire pour avoir soutenu qu’à plusieurs égards les modernes valaient bien les anciens. Racine et Boileau, qui avaient pourtant intérêt que Fontenelle eût raison, affectèrent de le mépriser, et lui fermèrent longtemps les portes de l’Académie. Ils firent contre lui des épigrammes ; il en fit contre eux, et ils furent toujours ses ennemis. Il fit beaucoup, etc. » Ce fut en 1768 que Voltaire remplaça ce passage de 1763 par ce qu’on lit aujourd’hui.
  103. Voltaire parle plus au long de tout ceci dans la septième de ses Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***.

    — Aucun opuscule ne porte le nom de Méro et Énégu. Laharpe a commis la même erreur dans le Cours de littérature. Ces deux mots désignant Rome et Genève se trouvent dans la Relation de l’île de Bornéo, petit ouvrage longtemps attribué à Fontenelle sur la foi de Bayle, et qui peut-être n’est pas de lui.

  104. Voyez ce que Voltaire a dit de ces Éloges des académiciens dans le Préservatif. (Mélanges, à la date de 1738.)
  105. Le jésuite Baltus, adversaire de Fontenelle, n’a point fait de Vies des Saints, mais il a donné, entre autres ouvrages, les Actes de saint Barlaam, 1720, in-12. Sur Baltus, voyez les articles Oracles, section i, et Philosophie, section i, dans le Dictionnaire philosophique.
  106. Basnage pressa longtemps Fontenelle de répondre à Baltus. « Mon parti est pris, répondit Fontenelle, je ne répondrai point au livre du jésuite ; je consens que le diable ait été prophète, puisque Baltus le veut, et qu’il trouve cela plus orthodoxe. »
  107. Lorsque la première édition du Siècle de Louis XIV devint publique, Fontenelle vivait encore. On avait cherché à l’irriter contre M. de Voltaire. « Comment suis-je traité dans cet ouvrage ? demanda Fontenelle à un de ses amis. — Monsieur, répondit-il, M. de Voltaire commence par dire que vous êtes le seul homme vivant pour lequel il se soit écarté de la loi qu’il s’est faite de ne parler que des morts. — Je n’en veux pas savoir davantage, reprit Fontenelle ; quelque chose qu’il ait pu ajouter, je dois être content. »

    Ce qu’on trouve ici sur l’Histoire des Oracles et sur Méro et Énégu a été ajouté depuis la mort de Fontenelle. (K.) — L’article Fontenelle ne parut que dans la seconde édition du Siècle de Louis XIV, donnée à Leipsick en 1752, deux volumes in-12 ; il commençait ainsi : « Fontenelle (B. de), quoique vivant encore en l’année 1752, fera une exception à la loi qu’on s’est faite de ne mettre aucun homme vivant dans ce catalogue. Son âge de près de cent années semble demander cette distinction. Il est à présent au-dessus de l’éloge et de la critique. On peut le regarder, etc. » jusqu’à l’alinéa qui finit par ces mots : le don de l’invention. (Sauf toutefois les trois phrases que j’ai indiquées.) (B.)

  108. Les déclamations contre le scepticisme sont l’ouvrage de la sottise ou de la charlatanerie. Un sceptique qui n’admettrait pas les différents degrés de probabilité serait un fou ; un sceptique qui les admet ne diffère des dogmatiques qu’en ce qu’il cherche à démêler ces différents degrés avec plus de subtilité. (K.)
  109. Ce qui précède est de 1751 ; ce qui suit, de 1763, le N. B. est de 1768. (B.)
  110. Elles ne le sont pas encore. (B.)
  111. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article Dictionnaire, et Sur Mlle de Lenclos dans les Mélanges, à la date de 1751.
  112. Le 17 octobre 1639, suivant d’Olivet et d’Alembert.
  113. Gombauld est né en 1576, sous le règne de Henri III.
  114. Né à Montmirel, en Brie, au mois d’octobre 1614 ; voyez les Recherches historiques sur le cardinal de Retz, par V.-D. Musset-Pathay, 1807, in-8o.
  115. Hamilton est né en Irlande vers 1646. Il fut élevé en France, et mourut à Saint-Germain-en-Laye en 1720.
  116. Le P. Hardouin cherchait à prouver qu’un dieu tel que les cartésiens le concevaient ne pouvait ressembler au véritable Dieu tel que l’admettent les chrétiens, puisque ce dieu des philosophes devait gouverner le monde par des lois générales et invariables ; ce qui, selon le P. Hardouin, détruisait toute espèce de révélation particulière, et toute religion, même la religion naturelle. Il prouvait que ces philosophes étaient athées par les mêmes arguments que les déistes emploient pour prouver que les théologiens sont absurdes. (K.)
  117. Tout cet article Helvétius est de 1768. Voyez l’article Homme dans le Dictionnaire philosophique.
  118. Ce qui précède est de 1768, ce qui suit est posthume. Dès 1763 Voltaire avait rendu justice au président Hénault : voyez, page 35, la fin de l’article Avrigny. Dès 1751 existait la fin de l’article J. Hesnault, qui suit. (B.)
  119. Ce qui précède de cet article fut ajouté en 1768. Les Mémoires pour servir à l’histoire des égarements de l’esprit humain, par l’abbé Pluquet, né à Bayeux en 1716, mort en 1790, avaient paru en 1762, deux volumes in-8o.
  120. Cet article est de 1752. L’Histoire de la vie et des ouvrages de M. La Croze, par C.-E. Jordan, est de 1741, deux parties in-8o.
  121. Voltaire a publié des Remarques sur les souvenirs de Mme de Caylus.
  122. Livre IX, fable xiv, vers 15 et 16.
  123. Titon du Tillet, dont Voltaire parle dans son Commentaire historique, à l’année 1760. Le Parnasse français, de Titon du Tillet, est dans une des salles de la Bibliothèque du roi. (B.)
  124. Plus curieux que connus, dit Voltaire, ci-après, dans le chapitre iv.
  125. Lenet est mort en 1671.
  126. Antoine de La Loubère, né en 1600, mort en 1664, était oncle de Simon.
  127. Né à Noisy-le-Grand le 23 juin 1639, mort à Paris le 25 avril 1723. La Mare publia, en 1705, les deux premiers volumes de son Traité de la police, qui devait avoir douze livres ; la dernière édition, 1722-1738, quatre volumes in-folio, n’en contient que six. (B.)
  128. Voltaire reparle de La Mothe Le Vayer dans la septième de ses Lettres de Son Altesse Monseigneur le prince de ***.
  129. Voltaire écrivait La Motte-Houdart ; d’autres écrivent Houdard de Lamotte. L’auteur d’Inès signait Houdar de La Motte. Voyez son approbation transcrite dans la note, tome Ier du Théâtre, page 47.
  130. Soanen, évêque de Senez, fut déposé par le concile d’Embrun, que présidait Tencin ; voyez le chapitre xxxvii.
  131. Dans l’édition de 1751 du Siècle de Louis XIV, l’article Lamotte était conçu en ces termes : « La Motte-Houdart (Antoine), né à Paris en 1672, célèbre par ses ouvrages, et aimable par ses mœurs. Il avait beaucoup d’amis, c’est-à-dire qu’il y avait beaucoup de gens qui se plaisaient dans sa société. Je l’ai vu mourir sans qu’il y eût personne auprès de son lit, en 1731. » Le texte de ce qui précède est de 1768, ainsi que la phrase qui termine ce premier alinéa. C’était en 1759, dans ses Mémoires pour servir à l’histoire de Fontenelle (et de Lamotte), que Trublet, page 340, combattait ce que dit Voltaire sur la mort de Lamotte. (B)
  132. M. de Lamotte avait une famille nombreuse dont il était aimé, et qui lui rendait beaucoup de soins par devoir et par goût. Ses infirmités ne lui avaient rien ôté de sa gaieté et de son amabilité naturelles. Mais M. de Voltaire ne parle ici que des amis de M. de Lamotte. (K.)
  133. La fin de cet article, sauf quelques corrections et additions, est de 1752. Au moment où l’on imprimait l’édition de 1752, « on publiait, dit M. Clogenson, le Mémoire pour servir à l*histoire des couplets de 1710, attribués faussement à Rousseau. Voilà pourquoi l’article de Lamotte-Houdard est plus long que la plupart des autres. » (B.)
  134. Ou Nocei, gendre de Mme de La Sablière.
  135. Voyez tome X, page 89.
  136. Jean-François-Leriget de La Faye, mort en 1731, est l’auteur des vers cités par Voltaire, tome ler du Théâtre, page 57 ; c’est pour son portrait que Voltaire fit les vers qui sont dans les Poésies mêlées, tome X, page 486. Il était frère cadet de Jean-Élie, capitaine aux gardes, mort en 1718.
  137. Cet alinéa fut ajouté en 1768. Le précédent fut alors retouché. (B.)
  138. Le café tenu par la veuve Laurent, au coin des rues Dauphine et Christine.
  139. Pécour, danseur et maître de ballets à l’Opéra, mort en 1729.
  140. Guillaume Arnoult ; voyez la Vie de M. J.-B. Rousseau, dans les Mélanges, à la date de 1738.
  141. Voyez la Vie de J.-B. Rousseau, dans les Mélanges.
  142. 1751, deux volumes in-12, recueil de mauvaises pièces, dont la plupart ne sont point de Rousseau, dit Voltaire lui-même, dans le fragment conservé de sa lettre du 15 avril 1752 ; voyez la Correspondance.
  143. En 1756, l’article se terminait ainsi : « Il se pourrait que Saurin eût été l’auteur des derniers couplets attribués à Rousseau. Il se pourrait que Rousseau, ayant été reconnu coupable des cinq premiers, Saurin eût fait les autres pour le perdre, quoiqu’il n’y eût point de rivalité entre ces deux hommes ; mais il n’y a aucune raison d’en accuser Lamotte. Le but de cet article est seulement de justifier Lamotte, que je crois innocent. Il sera difficile, après tout, de savoir qui de Joseph Saurin ou de Rousseau était le coupable ; mais Lamotte ne l’était pas. »

    Lorsqu’en 1757 Voltaire fit les cartons dont il est parlé dans l’Avertissement de Beuchot, il avait changé la rédaction de ce passage, qu’on lisait ainsi : « Il se pourrait, à toute force, que Saurin eût été l’auteur des derniers couplets attribués à Rousseau. Il se pourrait que, Rousseau ayant été reconnu coupable des cinq premiers, Saurin eût fait les autres pour le perdre, quoiqu’il n’y eût point de rivalité entre ces deux hommes. Rousseau l’en accusa toute sa vie ; il l’avait même chargé encore de ce crime par son testament ; mais le professeur Rollin l’engagea à rayer cette dernière imputation. Rousseau n’osa jamais accuser Lamotte pendant le cours du procès, ni pendant le reste de sa vie, ni à la mort ; voyez l’article Saurin. »

    B.-J. Saurin, fils de Joseph, réclama contre cette version, que Voltaire modifia en 1763 et en 1768. (B.)

  144. Et aussi l’article J.-B. Rousseau.
  145. Né en 1603, mort en 1680.
  146. La Quintinie, né à Chabanais, petite ville de l’Angoumois, en 1626, est mort à Versailles, en 1688.
  147. Saint Louis, ou la Sainte Couronne reconquise, 1658, in-8o ; et dans les Œuvres poétiques du P. Pierre Le Moyne, 1672, in-folio.
  148. À Sarzeau, à quatre lieues de Vannes, le 8 mai 1668.
  149. Cette opinion est combattue et détruite par François de Neufchâteau dans son Examen de la question de savoir si Le Sage est l’auteur de Gil Blas, ou s’il l’a pris de l’espagnol, (B.)
  150. 1710-11, dix tomes reliés en vingt volumes in-12 ; 1757, sept volumes in-4o.
  151. Médée est de 1694 ; Électre, de 1703. Entre ces deux pièces, Longepierre, né à Dijon le 18 octobre 1659, avait donné, en 1695, Sésostris, connu par l’épigramme de Racine.
  152. Cet article est de 1751. Le P. Fontenay, mort le 15 octobre 1742, a fait les tomes IX, X, et une partie du XIe ; Brumoy acheva le XIe et fit le XIIe. Berthier a fait et publié les tomes XIII à XVIII, 1745-49, in-4o. (B.)
  153. Née en 1635 ; femme de Scarron en 1652, et de Louis XIV en 1685 ; voyez le Dialogue entre Mme de Maintenon et Mlle de Lenclos, dans les Mélanges, à la date de 1751.
  154. 1752, deux volumes petit in-12 ; 1755, huit volumes in-12 ; 1756, neuf volumes in-12. L’éditeur fut La Beaumelle. L’article de Voltaire est de 1756. (B.)
  155. Cet alinéa fut ajouté en 1768. (B.)
  156. Voyez la Lettre à l’auteur des Honnêtetés littéraires (à la fin de ces Honnêtetés). (B.)
  157. Malleville eut la gloire d’effacer Voiture dans l’éclatant tournoi des sonnets de la Belle Matineuse, dont Ménage a nombre les combattants et raconté les péripéties. (Lettre à V. Conrart, dans les Œuvres diverses de Ménage.) Voici le sonnet dont parle Voltaire :

    Le silence régnait sur la terre et sur l’onde ;
    L’air devenait serein, et l’Olympe vermeil ;
    Et l’amoureux Zéphyr, affranchi du sommeil,
    Ressuscitait les fleurs d’une haleine féconde ;

    L’Aurore déployait l’or de sa tresse blonde,
    Et semait de rubis le chemin du soleil ;
    Enfin ce dieu venait, au plus grand appareil
    Qu’il soit jamais venu pour éclairer le monde :

    Quand la jeune Philis, au visage riant,
    Sortant de son palais plus clair que l’Orient,
    Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

    Sacré flambeau du jour, n’en soyez pas jaloux :
    Vous parûtes alors aussi peu devant elle
    Que les feux de la nuit avaient fait devant vous.

  158. Voyez, tome VIII, une note du chant X de la Henriade.
  159. C’est le nombre donné dans le tome XXXII des Mémoires de Nicéron.
  160. Ce n’est point un sonnet ; la pièce a vingt vers, et est intitulée Épigramme à la page 204 de l’édition des Œuvres de Maynard, 1646, in-4o. — La pièce commence par ce vers :

    Armand, l’âge affaiblit mes yeux.

    Le poëte feint de rencontrer dans les Champs-Élysées le roi Louis XIII, et termine en disant :

    Mais s’il demande à quel emploi
    Tu m’as occupé dans le monde,
    Et quels biens j’ai reçus de toi,
    Que veux-tu que je lui réponde ?

  161. Ces vers sont intitulés Sonnet, page 31 de l’édition des Œuvres, citée dans la note précédente ; mais c’est un sonnet irrégulier. En voici le texte, qui est bien différent de celui que donne Voltaire :

    Par vos humeurs le monde est gouverné ;
    Vos volontés font le calme et l’orage ;
    Et vous riez de me voir confiné,
    Loin de la cour, dans mon petit village.

    Cléomédon, mes désirs sont contents :
    Je trouve beau le désert où j’habite.
    Et connais bien qu’il faut céder au temps,
    Fuir l’éclat, et devenir ermite.

    Je suis heureux de vivre sans emploi,
    De me cacher, de vivre tout à moi,
    D’avoir dompté la crainte et l’espérance.

    Et si le ciel, qui me traite si bien,
    Avait pitié de vous et de la France,
    Votre bonheur serait égal au mien.

    Il paraît que cette pièce de Maynard circula en 1756, sous le titre de Compliment à la chèvre, et qu’on l’attribua à Voltaire ; voyez sa lettre à Mme de Lutzelbourg, du 13 août 1756. (B.)

  162. Voltaire cite et traduit ce vers dans le chapitre LVII de son Histoire du Parlement.
  163. À Ry ou Rye, près d’Argentan.
  164. Jacques-Louis Valon, marquis de Mimeure, né à Dijon le 19 novembre 1659, est mort à Auxonne le 3 mars 1719. (B.)
  165. D’Alembert a imprimé l’Ode à Vénus à la suite de l’éloge qu’il a fait de Mimeure ; voyez aussi page 87, l’article Lamotte-Houdard. (B.)
  166. Voyez, dans les Mélanges, la Vie de Molière, par Voltaire. La date de la naissance ou, pour parler plus exactement, du baptême de J.-B. Poquelin est le 15 Janvier 1622.
  167. Nicolas-Habert Mongault, fils naturel de Colbert-Pouanges, naquit en 1674, et mourut le 15 août 1746.
  168. Par Marana. Voyez les notes sur la seconde des Honnêtetés littéraires. (Mélanges, à la date de 1767.)
  169. Voltaire est le seul auteur qui parle de cette édition, faite spécialement pour le cardinal, et que personne encore n’a pu se procurer. Mais il ne faut pas se hâter d’en conclure que l’anecdote soit fausse. Voltaire a eu, sur beaucoup de faits contemporains, des renseignements particuliers. (B.) — Voyez, sur cette question, Œuvres complètes de Montesquieu, édit. Éd. Laboulaye, 1875, tome Ier, pages 38-40.
  170. Voyez le Dictionnaire philosophique, article Lois.
  171. Voyez le Commentaire sur l’Esprit des lois, dans les Mélanges, à la date de 1777.
  172. Le premier ouvrage imprimé de Montesquieu est de 1721 : ce sont les Lettres persanes ; Louis XIV était mort en 1715. Montesquieu, Voltaire, J.-J. Rousseau, et Buffon, sont les quatre grands hommes du xviiie siècle.
  173. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article Jésuites ; et la septième des Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***.
  174. Son vrai nom est Montereul ; mais celui de Montreuil, que Boileau lui donna (dans sa satire vii) pour la mesure d’un vers, et pour mieux rimer avec recueil, lui est resté. Né en 1620 ; mort à Valence. (Cl.)
  175. Juigné-Broissinière, sieur de Molière, avait fait imprimer dès 1627 son Dictionnaire théologique, historique, poétique, cosmographique et chronologique, in-4o. La première édition du Dictionnaire de Moréri est de 1673, un volume in-folio. La dernière édition, en dix volumes in-folio, est de 1759. (B.)
  176. Voyez l’Histoire de Simon Morin, qui forme le paragraphe viii du Commentaire sur le livre des Délits et des Peines, (Mélanges, à la date de 1766.)
  177. Nièce de Jean Bertaut, évêque de Scez ; elle signait Hauteville. (Cl.)
  178. Tout cet article est de 1756. Louis-Jules-Barbon Mancini-Mazarini, duc de Nivernais, petit-fils du duc de Nevers, mort le 25 février 1798, a survécu quarante-deux ans à son éloge par Voltaire.
  179. En 1692.
  180. Lachaussée est mort le 14 mai 1754. C’est en 1757 que Voltaire lui donna place dans le Siècle de Louis XIV, Voltaire a depuis revu son article. La première pièce de Lachaussée est de 1733.
  181. Tacite, Annales xvi, 19. Voltaire revient sur le Pétrone de Nodot, dans le quatorzième chapitre de son Pyrrhonisme de l’histoire.
  182. L’ouvrage de Pardies parut à Paris en 1672, in-12, sous le titre de Discours sur la connaissance des bêtes. Le petit volume intitulé de l’Âme des bêtes, Lyon, 1766, est de A. Dilli, prêtre d’Embrun. (Cl.)
  183. Voyez, dans les Mélanges, les Remarques et les Dernières Remarques de Voltaire sur les Pensées de Pascal.
  184. Voyez page 43.
  185. Le 12 janvier 1628, suivant ses Mémoires, publiés par Patte, 1769, in-12.
  186. Voyez page 47.
  187. À Châlons-sur-Marne.
  188. Cet ouvrage est de son père, François Petis, mort en 1695, et il n’en fut que l’éditeur au commencement du xviiie siècle. (Cl.)
  189. Voyez Saint-Pierre.
  190. Pontis n’est point un personnage imaginaire. Né en 1583, il est mort en 1670. P. Thomas Dufossé fut le rédacteur de ses Mémoires.
  191. C’est le Dictionnaire de Barral et Guibaud ; voyez les notes des pages 24 et 42.
  192. À Vendes, près de Caen.
  193. Cet article est dans l’édition de 1751. Le roi de Prusse n’a publié qu’en 1760 son Art de la guerre, poëme en six chants. Puységur, né à Paris en 1655, est mort en 1743. (B.)
  194. Par Raynal ; voyez page 47.
  195. Rien n’est moins prouvé.
  196. Il y a ici beaucoup d’exagération.
  197. L’Alcyonée de du Ryer est de 1630 ; la Mariamne de Tristan est de 1636 ; c’était le Cléomédon de du Ryer qu’on opposait au Cid.
  198. Fontenelle donna le même conseil à M. de Voltaire, après la tragédie de Brutus. Tous deux étaient de bonne foi. Corneille trouvait Racine trop simple, et Fontenelle trouvait Voltaire trop brillant. (K.)
  199. Cet article est de 1768. Louis Racine, né le 6 novembre 1692, est mort le 29 Janvier 1763.
  200. Voyez la vingt-deuxième des Lettres philosophiques, dans les Mélanges, à la date de 1734.
  201. Le 27 octobre, selon la plupart des biographes ; mais le 31, selon une note apposée par un trappiste sur un manuscrit autographe de Rancé, intitulé de Trinitate, que possède la bibliothèque publique d’Alençon. (Cl.)
  202. Né à Paris le 8 février 1655, Regnard fut inhumé à Dourdan le 5 septembre 1709.
  203. Il avait écrit contre Boileau en 1694. La dédicace des Mènechmes, en 1705, est la preuve de leur raccommodement.
  204. Ou des suites d’une imprudence.
  205. La Gazette de France, créée par Renaudot et d’Hosier, commença à paraître en mai 1631. Les cinq premières feuilles sont sans date ; la sixième est du 4 juillet 1631. L’article de T. Renaudot existe dès 1751. (B.)
  206. Cet article fut ajouté en 1768. (B.)
  207. Traité qui contient la méthode la plus facile et la plus assurée pour convertir ceux qui se sont séparés de l’Église, 1651, in-folio.
  208. Voyez dans le Dictionnaire philosophique aux mots Ana, Anecdote ; voyez dans les Mélanges les Conseils à un journaliste, 1737, les Mensonges imprimés, 1749-1750, les Doutes nouveaux, 1764, et l’Arbitrage, 1765.
  209. C’est-à-dire les Doutes nouveaux sur le testament attribué au cardinal de Richelieu (dans les Mélanges, à la date de 1764).
  210. Il est difficile de ne pas regarder cette histoire comme un ouvrage du cardinal de Richelieu. Elle renferme des anecdotes curieuses sur les premières années de Louis XIII, des détails particuliers au cardinal, écrits avec un air de naïveté et de franchise que Mézerai n’aurait pas saisi, et des opinions absolument opposées à celles de cet historien. Il n’en a paru que deux volumes ; le reste est demeuré entre les mains du gouvernement, ou chez les héritiers du cardinal. (K.)

    — Voyez sur l’Histoire de la mère et du fils, une note du chapitre xlvii de l’Histoire du parlement. (B.) — On peut consulter sur ces questions les articles de Sainte-Beuve au tome VII des Causeries du lundi.

  211. Voltaire aurait dû signaler l’héroïsme de sa mort. (G. A.)
  212. J.-B. Rousseau est né à Paris le 6 avril 1671 ; voyez la Vie de J.-B. Rousseau dans les Mélanges, à la date de 1738.
  213. Le 17 mars 1741.
  214. Voyez la Vie de J.-B. Rousseau, § ii, in fine.
  215. C’est l’ode iii du livre II, en tête de laquelle on lit : À M. de Caumartin, mais que Rousseau avait d’abord adressée à M. Rouillé du Coudray.
  216. Voyez la conclusion de la Vie de J.-B. Rousseau dans les Mélanges ; et, dans la Correspondance, la lettre à Rousset de Missy, du 9 février 1751.
  217. On pourrait ajouter que Rousseau, ayant été maltraité en public par La Faye, insulté dans les couplets, consentit à recevoir de l’argent, et renonça aux poursuites qu’il avait commencées ; cet excès de bassesse le rend indigne de toute croyance. (K.) — Voyez la Vie de J.-B. Rousseau, § iv. (B.)
  218. C’est dans la préface des Acta primorum martyrum sincera et selecta, 1689, in-4o ; 1713, in-folio ; 1731, in-folio. Les Actes sincères, que Voltaire cite fréquemment dans plusieurs de ses ouvrages, ont été traduits en français par Drouet de Maupertuy, et plusieurs fois imprimés. (B.)
  219. Edmond Martène, bénédictin, né en 1654, mort le 20 juin 1739, est auteur du traité de Antiquis Ecclesiœ Ritibus libri tres, 1700-1702, trois volumes in-4o, et de beaucoup d’autres écrits.
  220. Dom Vincent Thuillier, né en 1685, mort le 12 janvier 1736, traducteur de Polybe.
  221. Le Maistre de Sacy aida seulement Fontaine dans la composition connue sous le nom de Bible de Royaumont.
  222. Né en 1608, mort en 1658.
  223. Louis de Sacy, né à Paris en 1651, mort le 26 octobre 1727.
  224. Né le 24 mai 1650.
  225. C’est-à-dire qu’il en commença une nouvelle édition refondue, dont il publia les trois premiers volumes de 1715 à 1725. On a mis au jour, en 1785, le treizième volume de cette nouvelle édition, qui ne se trouve pas terminée. (B.)
  226. Né en 1618, il était, non le frère, mais le fils aîné du Scévole mort en 1650.
  227. Voyez, page 52, l’article Charleval. Voltaire parle de Saint-Évremond dans la septième de ses Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de***.
  228. Boileau a fait contre lui une épigramme, et lui a consacré un hémistiche du vers 128 de la satire première. Mais il ne parle que de son irréligion, et nullement de son talent poétique, que Voltaire vante peut-être trop. (B.)
  229. Gaspard de Fieubet, né à Toulouse en 1626, mort au couvent des camaldules, à Grosbois, le 10 septembre 1694.
  230. Dans l’édition de 1751, cet article n’avait que quatre lignes : « Saint-Pierre (l’abbé de) a contribué, par ses écrits, à faire établir la taille proportionnelle ; ses idées politiques n’ont pas toujours été des rêves. » Le texte actuel du premier alinéa formait, à quelques mots près, tout l’article en 1752. Le second alinéa fut, comme on le verra, ajouté en 1763 et 1768. (B.)
  231. L’exclusion fut unanime, à une voix près, celle de Fontenelle. Il raconta depuis qu’il avait entendu plus d’une fois un homme de la cour, membre de l’Académie, s’attribuer, devant l’abbé de Saint-Pierre, et devant lui-même, le mérite de cette action de justice.

    L’exemple de l’abbé de Saint-Pierre prouve qu’en France il est également dangereux pour un homme de lettres, qui ne veut que dire la vérité, de soutenir les opinions du gouvernement, ou de les combattre. (K.)

  232. Ce qui précède est de 1763. La phrase dernière de l’alinéa fut ajoutée en 1768. (B.)
  233. Toute la fin de l’article fut ajoutée en 1775. (B.)
  234. Voyez, dans les Mélanges, le treizième des Fragments sur l’histoire, intitulé Défense de Louis XIV contre les Annales politiques de l’abbé de Saint-Pierre.
  235. La première édition des Trois Siècles de la littérature française, par Sabatier de Castres, est de 1772, trois volumes in-8o.
  236. Dans sa lettre à Thieriot, du 31 octobre 1738, Voltaire lui recommande de tâcher d’obtenir de l’abbé de Saint-Pierre communication de son manuscrit. Il paraît que, entre la première édition du Siècle de Louis XIV (1751) et l’édition de 1756, Voltaire eut communication du manuscrit de l’abbé de Saint-Pierre ; car il le cite plusieurs fois dans des notes imprimées cette année. Voyez les chapitres xxviii, xxix, xxx. (B.)
  237. Voltaire parle encore de l’abbé de Saint-Pierre dans la septième de ses Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***.
  238. L’article Sallo est de 1751. Voltaire avait déjà nommé Th. Renaudot (voyez son article) premier auteur des gazettes en France. Le Journal des savants, commencé par Sallo, ne date que de 1665. (B.)
  239. En 1652.
  240. Guillaume, mort le 15 mai 1703 ; Adrien, mort le 7 septembre 1718.
  241. À Hermanville.
  242. L’ouvrage de Saumaise est intitulé Defensio regia, pro Carolo primo 1649, in-4o.
  243. Il en est de même de la réplique de Saumaise, qui ne fut imprimée qu’après sa mort, sous ce titre : Ad Joannem Miltonum Responsio, Dijon, in-4o ; Londres, 1660, in-8o.
  244. Voyez la note, page 39.
  245. La fin de cet alinéa fut ajoutée lorsqu’en 1763 Voltaire supprima le morceau que je donne ci-après en note. (B.)
  246. Il est bon de remarquer que ce certificat est de 1757, vingt ans après la mort de Saurin ; cependant les prédicants suisses voulurent déposer les trois dignes pasteurs qui avaient signé suivant leur conscience : tant la haine théologique est implacable, et tant l’hypocrite intolérance de Calvin a jeté de profondes racines dans les pays qu’il a infectés de son esprit. (K.)
  247. Le 29 décembre.
  248. Dans l’édition de 1757, l’article se terminait ainsi :

    « Depuis que cet article a été composé, j’ai en main la déclaration suivante ; elle doit fermer la bouche à ceux qui ont voulu décrier un philosophe :

    « Nous, les pasteurs de l’église de Lausanne, canton de Berne, en Suisse, déclarons que, requis de dire ce que nous pouvons savoir d’une accusation intentée contre feu H. Joseph Saurin, ci-devant pasteur de la baronnie de Bercher, au bailliage d’Yverdun, et touchant une lettre imputée audit sieur Saurin, dans laquelle il paraît s’accuser d’actions criminelles et honteuses ; ladite lettre et ladite imputation étant imprimées dans les Suppléments aux Dictionnaires de Bayle et de Moréri, nous déclarons n’avoir jamais vu l’origine de cette prétendue lettre, ni connu personne qui l’ait vue, ni ouï dire qu’elle ait été adressée à aucun pasteur de ce pays ; en sorte que nous ne pouvons qu’improuver l’usage qu’on a fait de ladite pièce. En foi de quoi nous nous sommes signés. Ce 30 mars 1757, à Lausanne.

    Signé : Abraham de Crousaz, premier pasteur de l’église de Lausanne, et doyen.

    N. Polier de Bottens, premier pasteur de l’église de Lausanne.

    Daniel Povillard, pasteur. »

    Ce certificat fut attaqué dans le Journal helvétique et Voltaire publia la Réfutation d’un écrit anonyme, etc., qui est dans les Mélanges. Voltaire ne reproduisit pas le certificat en 1763 ; ce fut alors qu’il ajouta l’alinéa sur l’auteur de Spartacus. (B.)

  249. Bernard-Joseph Saurin, auteur de Spartacus, né en 1706, est mort le 17 novembre 1781.
  250. Le Dictionnaire de commerce n’est pas de Jacques Savary, mort en 1690, mais de Jacques Savary, son fils, mort en 1710, et connu sous le nom de Savary des Brûlons. Ce ne fut qu’en 1723 que parut la première édition, par les soins de l’abbé Savary, qui avait été le collaborateur de son frère, et qui, lors de sa mort, en 1727, laissa un volume de supplément, qui fut publié en 1730. (B.)
  251. C’était l’opinion générale du temps de Voltaire ; mais Mme de Sévigné est née le 5 février 1627.
  252. Ce qui précède est de 1756, et conséquemment antérieur à la Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau ; Voltaire a eu en vue les Lettres diverses du chevalier d’Herm... (par Fontenelle). Ce qui suit est de 1768. (B.)
  253. Mme de Sévigné, dans sa lettre du 6 novembre 1675, dit que Mascaron a surpassé tout ce qu’on attendait de lui. Dans sa lettre du 10 novembre, elle appelle l’oraison funèbre admirable ; mais dans la lettre du 28 mars 1676, elle met l’oraison funèbre de Turenne, par Fléchier, au-dessus de celle par Mascaron.
  254. Silva, dont le nom se trouve dans des vers des second et quatrième Discours sur l’homme (voyez tome IX), est mort le 19 août 1742.
  255. Fille du maréchal de Coligny, tué à la Marfée en 1646, et par conséquent arrière-petite-fille de l’amiral.
  256. Boileau (vers 90 de son épître VII) avait appelé Tallemant

    . . . le sec traducteur du français d’Amyot.

  257. Voyez les Commentaires sur Corneille, remarques sur Cinna.
  258. Jean Terrasson est né à Lyon en 1670. Matthieu Terrasson, son cousin, avocat à Paris, né à Lyon le 13 août 1669, est mort en 1734.
  259. Voyez, tome X, dans les Poésies mêlées (année 1731), une épigramme de Voltaire sur Séthos.
  260. Le 11 novembre 1636, auteur de l’Histoire des perruques, de la Sauce Robert, de la Dissertation sur la sainte larme de Vendôme, etc.
  261. Le 11 octobre 1714. Son successeur à l’Académie française fut Malet, dont la réception est du 29 décembre 1714.
  262. Voltaire a déjà parlé de Ramsay, pages 119 et 120 ; voyez aussi, dans la lettre à Formont, du 25 juin 1735, ce que Voltaire dit de la Vie de Turenne, par Ramsay.
  263. C’est la satire XI, Sur l’honneur ; elle a forme d’épître.
  264. Gesta Francorum, 1646-58, trois volumes in-folio.
  265. Vauban est l’auteur du Projet de dixme royale ; cela ne fait plus doute aujourd’hui.
  266. Vergier est né à Lyon, le 3 janvier 1655.
  267. Vergier n’est pas l’auteur de la parodie d’une scène de Mithridate, dirigée contre le prince de Condé, que la calomnie accusa d’avoir fait assassiner Vergier. Ce furent des voleurs de la bande de Cartouche qui assassinèrent Vergier, dans l’intention de le voler.
  268. Au château de Bernetot, arrondissement d’Yvetot.
  269. Les Mémoires du duc de Villars, maréchal de France, 1734, trois volumes in-12, ont été publiés par l’abbé Margon, qui fabriqua les deux derniers volumes ; c’est le même qui, trois ans après, donna les faux Mémoires de Berwick ; voyez p. 14.
  270. Née en 1632, à Alençon.
  271. Marc-Antoine-Gérard, sieur de Saint-Amant, né à Rouen en 1594, ne mourut qu’en 1660, la dix-septième année du règne de Louis XIV, alors âgé de vingt-deux ans.
  272. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article Lettres familières.
  273. Alors on était dans l’usage de retrancher, dans les vers, les lettres finales qui incommodaient : vous ête pour vous êtes. C’est ainsi qu’en usent les Italiens et les Anglais. La poésie française est trop gênée, et très-souvent trop prosaïque. (Note de Voltaire.)
  274. Voiture, valet de chambre de la reine mère, rêvant à la fontaine de Belle-eau, la reine vint par derrière, lui donna un coup sur l’épaule, et lui demanda le sujet de sa rêverie. Sur quoi il lui répondit qu’il aurait l’honneur de le lui donner par écrit à son coucher ; et voici les vers qu’il fit :

    Je pensois que la destinée,
    Après tant d’injustes rigueurs,
    Vous a justement couronnée
    D’éclat, de gloire, et de grandeurs ;
    Mais que vous étiez plus heureuse
    Lorsque vous étiez autrefois,
    Je ne veux pas dire amoureuse,
    La rime le veut toutefois ;
    Je pensois (car nous autres poëtes
    Nous pensons extravagamment)
    Ce que, dans l’état où vous êtes,
    Vous penseriez en ce moment
    Si vous voyiez dans cette place
    Venir le duc de Buckingham,
    Et lequel seroit en disgrâce
    De lui ou du père Vincent.
    Je pensois que le cardinal,
    J’entends celui de La Valette,
    Auroit un plaisir sans égal
    En voyant l’éclat où vous ête :
    Je dis celui de la beauté,
    Car sans lui je n’estime guère,
    Cela soit dit sans vous déplaire.
    Tout celui de la majesté ;
    Que tant de charmes, de jeunesse,
    Pour vous le feroit soupirer,
    Et que madame la princesse
    Auroit beau s’en désespérer.
    Je pensois à la plus aimable
    Qui fut jadis dessous les cieux ;
    À l’âme la plus admirable
    Que formèrent jamais les dieux ;
    À la ravissante merveille
    De cette taille sans pareille,
    À la bouche la plus vermeille ;
    La plus belle qu’on ait jamais ;
    À deux pieds gentils et bien faits
    Où le temple d’amour se fonde ;
    À deux incomparables mains,
    À qui le ciel et les destins
    Ont promis le sceptre du monde ;
    À mille grâces, mille attraits,
    À cent mille charmes secrets,
    À deux beaux yeux remplis de flamme
    Qui rangent tout dessous leurs lois :
    Devinez sur cela, madame,
    Et dites à quoi je pensois.

    Voltaire, dans ses Remarques sur l’épître dédicatoire de Polyeucte (Commentaires sur Corneille) cite quatre vers de cette pièce, qu’il dit et que je crois inédite. Cependant vingt-quatre vers, dont huit ne sont pas dans la copie que j’ai suivie, avaient été imprimés dans les Mémoires de Mme de Motteville. (B.)