Le Socialisme XI à XVII. Le Socialisme scientifique./XII. La philosophie et la sociologie marxistes
XII. — LA PHILOSOPHIE
ET LA SOCIOLOGIE MARXISTES
L’ensemble des idées de Karl Marx peut être divisé en quatre parties : la philosophie marxiste, la sociologie marxiste, l’économie marxiste, la politique marxiste.
A la base de la philosophie marxiste se trouve la méthode dialectique, qui aboutit à ce qu’on peut appeler l’évolution révolutionnaire.
A la base de la sociologie marxiste, se trouve l’idée de la lutte des classes.
A la base de l’économie marxiste — ou au sommet, si vous voulez — se trouve le fait de la concentration capitaliste, basé sur la théorie de la valeur.
A la base de la politique marxiste, se trouve l’idée de la dictature de classe — la dictature du prolétariat, pour préciser.
La philosophie marxiste se base, comme je l’ai expliqué dans ma dernière leçon, sur l’idée de la transformation perpétuelle, sur l’idée de l’évolution. Je viens de parler de la méthode dialectique. Qu’est-ce que la méthode dialectique ? Cette méthode approfondit l’idée de transformation, l’idée de l’évolution, en la précisant, en découvrant sa loi ou ses lois fondamentales. Marx et Engels opposent leur méthode dialectique à la métaphysique. Le mot « dialectique » vient d^in verbe grec qui a la même racine que le mot dialogue, qui veut dire conversation. Je vous ai déjà parlé de Platon, Platon exposait sa philosophie sous la forme de dialogues entre Socrate et ses amis. Grâce à cette forme de discussion amicale, tous les côtes des problèmes sont mis à jour, sont éclairés. C’est l’idée élémentaire de la dialectique. Ce n’est pas le fond de la chose. Le fond, le sens de la méthode dialectique est le « devenir », cette idée que les choses doivent être considérées non dans leur stabilité, dans leur fixité ; à l’état mort, à l’état figé, à l’état invariable, mais à l’état vivant, à l’état de mouvement, non à l’état de l’ « être », mais à l’état de « devenir ».
Comme je vous l’ai expliqué à la dernière leçon, les choses sont à la fois et ne sont pas. On peut dire que l’homme vivant se meurt pendant toute sa vie. Pendant toute sa vie, sa substance, ses muscles, ses nerfs, tout ce qui forme et constitue son corps est toujours à l’état de transformation, c’est-à-dire de disparition et de renouvellement, de disparition et de renaissance. Voilà pourquoi Hegel a pu dire que l’être et le non-être c’est la même chose. C’est une forme paradoxale de cette vérité que le devenir — c’est-à-dire croissance, décomposition, développement — se compose de trois éléments : d’un état ancien ou d’un état présent, et d’un état nouveau. Quand l’eau bout, c’est-à-dire se transforme peu à peu en vapeur, en gaz, elle est à la fois eau en ébullition et gaz, vapeur. Un être vivant, où la vie paraît une notion très simple. Mais il y avait, et il y a encore des procès à n’en plus finir dans le cas de l’avortement et qui ont pour objet la question : « Quand peut-on considérer que la vie a commencé ? » ou « qu’un être vivant a été tué ou non ? » On ne sait jamais à quel moment commence la vie de l’enfant, parce que l’embryon se trouve à l’état de transformation, de devenir. Tandis que la métaphysique considère les objets, des choses figées, invariables, la dialectique ne considère pas des objets, mais des processus — on dit aussi des procès, — c’est-à-dire des choses qui sont à l’état d’agitation, à l’état vivant, à l’état de transformation.
Je vous ai déjà dit les conséquences considérables, immenses, pratiques de cette simple thèse, de cette simple proposition philosophique. Si rien n’est stable, si rien n’est invariable, si tout se trouve à l’état d’ébullition, de transformation, la propriété, la famille, la société, l’Etat, tout cela se trouve à l’état de transformation perpétuelle. Vous voyez les conséquences de cette idée, de cette loi, si vraiment on est intéressé, comme le prolétariat, qui est aussi une classe à l’état de « devenir », de transformation perpétuelle, si, dis-je, on est intéressé à regarder la réalité en face, à dire ce qui existe. Et voilà comment le grand Ferdinand Lassalle, l’organisateur de la classe ouvrière allemande en parti de classe pouvait dire ce mot, à la fois simple et profond : « Dire ce qui est, est révolutionnaire ». Constater la réalité, dire la vérité est un fait révolutionnaire, parce que constater la réalité, dire ce qui est, c’est constater que tout se transforme, que tout change, que tout se trouve à l’état révolutionnaire. Voilà pourquoi le prolétariat, la classe révolutionnaire a intérêt à connaître la réalité, toute la réalité, la vérité, toute la vérité, la vie, toute la vie, parce que la réalité est d’accord avec son intérêt révolutionnaire, avec sa situation révolutionnaire, avec son but final révolutionnaire.
Je dis que la dialectique aboutit à cette idée qu’on peut appeler — avec Jaurès et tant d’autres, avec Marx lui-même — l’ « évolution révolutionnaire ». Qu’est-ce que cela veut dire, l’évolution révolutionnaire ? Ordinairement, dans la banalité des discussions quotidiennes, des conversations, on oppose l’évolution à la révolution. Les réformistes, les légalistes disent : Nous ne sommes pas des révolutionnaires : nous sommes pour la légalité, pour l’évolution graduée, pacifique. Or, ils ne connaissent pas, ces légalistes, ces réformistes, ces évolutionnistes, les premiers éléments de la science moderne, les bases même de la réalité. Dans la réalité, la révolution ne s’oppose jamais à l’évolution. L’enfant se développe dans les entrailles de sa mère, pacifiquement, imperceptiblement — on peut dire légalement. Il vient au monde révolutionnairement, par déchirement, par le sang. Sa naissance, c’est une sorte de scandale. Tandis que la gestation, c’est un processus légal et, pour ainsi dire, pacifique. La terre sur laquelle nous sommes, qui a l’air très sage maintenant, très tranquille, mène une existence pacifique, « légale », évolutionniste. Mais de temps en temps, à la suite d’un long processus, de changements imperceptibles, « légaux », moléculaires — c’est-à-dire par changement des petites parcelles de sa composition intime, intérieure, il arrive, après que ces petits changements, ces petites transformations se sont accumulés, que tout à coup un scandale éclate. C’est une éruption volcanique, c’est un tremblement de terre. Ces révolutions ne sont que l’aboutissement d’un long processus de changements « légaux », pacifiques ; c’est le dernier mot, la conclusion d’une longue transformation graduelle. Dans l’histoire, c’est la même chose. Quand une classe arrive au pouvoir, c’est ordinairement avec un grand « scandale », avec ce qu’on appelle une révolution, qui est déchirements, luttes sanglantes, barricades, coups de fusil, coups de canon. Mais cette classe, avant d’arriver à ce coup d’éclat, a réuni, ramassé une immense force, est devenue un élément nécessaire dans la production, dans la vie sociale, s’est appropriée peu à peu toutes les forces vitales, toutes les forces dominantes de la société. Quand elle joue déjà dans la vie quotidienne un rôle formidable, alors elle veut et elle peut sanctionner son avènement. Elle met scandaleusement, tapageusement, révolutionnairement — ou pour employer un mot à la mode — elle « met la main au collet » de l’histoire.
Il est vraiment superficiel, antiscientifique, antiphilosophique, de considérer comme choses opposées l’évolution et la révolution. C’est tout simplement la crainte des philistins, la lâcheté intellectuelle ou physique qui provoque l’opposition des deux choses qui se complètent et qui se conditionnent mutuellement.
Je ne veux pas entrer dans d’autres détails de la philosophie marxiste. Je vous recommande la brochure d’Engels. C’est la petite brochure sur la philosophie de Feuerbach. Vous y trouverez les développements nécessaires de cette idée fondamentale de la méthode dialectique. Vous trouverez également dans le livre écrit par Marx et Engels sur Dürhing, l’Anti-Dürhing. C’est un livre plus considérable déjà, qui a été traduit par Laskine, première manière.
A la base de la sociologie marxiste, c’est-à-dire de la philosophie de l’histoire marxiste, se trouve l’idée de la lutte des classes. Qu’est-ce qu’une classe ? Une classe, c’est un groupement d’hommes qui ont des intérêts communs, qui jouent un rôle déterminé et organique dans la production sociale. Une classe peut exister dans la société comme fait, sans avoir conscience de son existence. Les classes sont de deux catégories. Il y a des classes opprimées et des classes dominantes, des exploitées et des classes qui vivent de cette exploitation. Pour que cette exploitation ne provoque pas de mécontentement, de révolution, les classes dominantes sont toujours intéressées à représenter la société comme une unité absolue. Les classes dominantes sont toujours unitaires. L’union sacrée n’est pas seulement de temps de guerre ; elle est aussi de temps de paix. Dans les ténèbres de la confusion, les classes dominantes peuvent exercer plus facilement leur métier d’exploiteurs. Comme les voleurs ont besoin de ténèbres pour faire les poches de leurs victimes, les classes dominantes ont besoin des ténèbres théoriques, de la confusion des classes, de la confusion des idées pour faire les poches de leur victime, la classe exploitée.
Les classes existent depuis le début de la société, depuis le commencement de l’histoire écrite — je ne parle pas des tribus primitives, pour lesquelles, il n’existe pas d’histoire écrite — mais depuis qu’il y a une histoire plus ou moins connue, depuis que ce qu’on appelle la civilisation a commencé à se développer, nous pouvons constater partout la division de tout organisme social, de toute unité sociale en classes aux intérêts opposés. Mais cette existence des classes ne se transforme pas, dès le commencement, en conscience. Il faut une certaine période historique pour que la classe qui existe comme fait social devienne en même temps une conscience. Comme disait Marx, une classe en soi n’est pas toujours, une classe pour soi. Autrement dit, il peut exister une classe ouvrière, sans que les ouvriers aient la conscience de leur existence comme classe, de leur situation comme classe et de leur opposition aux autres classes. Le rôle du propagandiste — votre rôle — sera de donner à la classe ouvrière la conscience de sa situation de classe, la conscience de l’opposition de ses intérêts primordiaux, de ses intérêts vitaux, aux intérêts de la classe dominante.
L’histoire de toutes les sociétés, disait Marx au début du Manifeste Communiste — c’est surtout le Manifeste Communiste qui expose la sociologie marxiste — l’histoire de toutes les sociétés est l’histoire de la lutte des classes. Quand nous parlons de la lutte des classes il faut s’entendre. Il ne faut pas croire que les classes sont toujours en position de combat, en état de guerre déclarée. C’est ce que souvent on nous objecte. Comment, dit-on, vous parlez de la lutte de classes ! Voilà des siècles entiers où on ne voit aucune révolte des exploités contre les exploiteurs. Donc, la lutte de classes n’existe pas. Il y a soumission de classe, résignation de classe, mais il n’y a pas de lutte des classes. A quoi il faut répondre : S’il n’y a pas de lutte ouverte, il y a toujours lutte latente. Pour qu’il y ait lutte de classes, il ne faut pas que la révolution soit en permanence. Il suffit que les intérêts soient opposés, antagoniques, comme on dit. Il suffit que l’intérêt de la classe ouvrière ne soit pas le même, ou plutôt soit à l’opposé de l’intérêt de la classe capitaliste pour qu’il y ait lutte latente des classes. Comme la guerre n’existe pas toujours, puisqu’il faut se recueillir, retrouver des forces pour recommencer la guerre (il y a un temps de répit entre deux guerres), entre deux actes de lutte de classes il y a aussi de longues périodes de silence, de résignation, de soumission. N’empêche qu’il y a toujours, à la barricade sociale, deux côtés opposés, et qu’il faut être de l’un ou de l’autre côté.
Les classes dominantes ne peuvent exister, ne peuvent jouir de leurs privilèges qu’en lésant à chaque instant, en violant à chaque instant les intérêts, de la classe exploitée. Après la lutte, après la défaite — car le plus souvent la lutte se termine par la défaite des classes opprimées, parce que les classes opprimées n’ont pas les armes nécessaires, les moyens nécessaires pour triompher, pour vaincre, après la défaite, après l’écrasement, il doit se passer une longue période d’attente. Après les représailles de la classe dominante, il doit se passer une longue période de crainte et de soumission. Mais cela ne veut pas dire qu’il y a conciliation solide, sérieuse. Il ne peut pas y avoir conciliation où il n’y a pas solidarité. Or, les oppresseurs et les opprimés, les exploiteurs et les exploités, les massacreurs et les massacrés, les assassins et les assassinés ne peuvent avoir de solidarité, unité de vie, de conception, d’intérêt. A chaque instant, en commençant par les faits les plus banals, on aperçoit la division en classes séparées : la division de chaque ville en quartiers riches et en quartiers pauvres, l’habit, l’aspect des hommes. Il y a même des enterrements de classe. Il y a différents quartiers à Paris. Vous n’avez qu’à faire une promenade du quartier de l’Etoile jusqu’à Ménilmontant, Belleville ou au Faubourg Saint-Antoine. Alors vous verrez, par la différence des quartiers, des maisons, des aspects des habits, des coutumes, des mœurs, l’image de la division de notre société en classes. Comme je le dis souvent dans mes réunions publiques, celui qui nie l’existence des classes n’a jamais voyagé. On peut même dire qu’il ne s’est pas promené à Paris, ou s’il s’est promené il n’a rien vu, ou que s’il a vu il n’a rien compris. Si on ne s’arrête pas à la surface, si on prend les statistiques, si on étudie les conditions de vie, on voit quel abîme sépare les classes. Vous verrez que la moyenne de la vie est presque double pour le capitaliste que pour l’ouvrier. Dans les sociétés, les uns ne peuvent vivre qu’à l’état de dépendance. A l’époque de l’esclavage, ils appartenaient corps et âme à leur maître. A l’époque du servage, les classes exploitées ne s’appartenaient qu’en partie. Elles devaient accomplir certaines corvées, s’acquitter de certaines redevances, payer — pour ainsi dire — afin d’avoir la permission de travailler sur un champ, payer pour avoir la permission de vivre. Pendant notre période capitaliste, l’ouvrier n’appartient pas corps et âme, d’une façon permanente à la classe dominante, à tel ou tel patron. Mais comme il ne peut exister qu’en vendant son temps, sa force de travail à ceux qui possèdent les instruments de travail, il appartient, dans les limites de certaines périodes, plus ou moins longues, selon le degré du développement de la lutte des classes, comme nous le verrons dans la suite, il appartient, sinon d’une façon absolue comme pendant la période de l’esclavage, sinon d’une façon intermittente comme dans la période du servage, mais tout de même d’une façon sérieuse à la classe patronale. L’ouvrier n’appartient pas à tel ou tel patron parce qu’il est libre de le quitter, mais il appartient, s’il veut vivre, s’il ne veut pas se suicider, au patronat, à la classe des patrons.
Le Manifeste Communiste contient toute la théorie de la lutte de classes prolétarienne. Le Manifeste Communiste était une œuvre politique. Il devait servir de programme. Il faut absolument que chacun de vous se le procure. Sur une trentaine de pages, vous trouverez plus d’idées que vous n’en trouverez dans des douzaines de volumes ordinaires. Le Manifeste Communiste a été écrit pendant l’année 1847. Il devait servir de programme l’Union Communiste qui se trouvait à Londres. (A cette époque, Marx et Engels étaient à Londres). Il est sorti d’une réunion de réfugiés des principaux pays capitalistes. Seulement, après quelques réunions, on chargea Marx et Engels de formuler le programme commun. Le Manifeste Communiste ne contient pas les théories économiques de Karl Marx telles qu’il les a formulées plus tard dans le Capital. Mais il contient déjà tout le programme d’action, et toute la philosophie de cotte action.
Le Manifeste Communiste débute par l’affirmation de cette idée fondamentale que nous venons d’analyser, la lutte de classe. Le Manifeste résume le rôle de la Société capitaliste. La Société capitaliste n’est pas condamnée au point de vue moral par Karl Marx comme dans la littérature utopiste précédente. Marx ne dit pas que la société capitaliste est simplement criminelle, scélérate. Cela va de soi. Ce que Marx cherche à faire comprendre, c’est le rôle historique de la société capitaliste. Le capitalisme, qu’il le veuille ou non, est obligé, pour se développer, pour vivre, de faire développer « son fossoyeur », les prolétaires. Le capital ne peut s’accumuler qu’en employant la force de travail, en expropriant les petits propriétaires et en les transformant en prolétaires. Aucun régime n’a créé tant de richesses. Le capitalisme a fait surgir de gigantesques villes, de grandes usines, des fabriques. Il a développé le marché mondial. Il a transformé le monde entier. Il a créé, pour ainsi dire, une unité économique, qui s’appelle le marché mondial. Le capitalisme, selon la méthode dialectique, a accompli à la fois une œuvre positive et une œuvre négative. C’est à la fois un bien et un mal. Le capitalisme est un bien dans ce sens qu’il organise la grande production, qu’il utilise les inventions scientifiques, qu’il développe les forces productives. Il est un mal, parce qu’en même temps, il développe la misère, l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais dans ce mal même, nous trouvons un élément positif, un bien si vous voulez. C’est la naissance, le développement du prolétariat qui devient un outil révolutionnaire, une force révolutionnaire. Quand les utopistes parlaient du capitalisme, ils ne voyaient dans le capitaliste que l’injustice, l’iniquité, l’oppression de l’homme par l’homme, tandis que Marx, selon la méthode dialectique, fait le tour du problème, ne voit pas seulement un seul côté de la question, mais cherche à embrasser toute la question. Il voit le développement, l’immense développement des forces productives qui préparent de nouvelles conditions techniques pour la nouvelle société. Pour qu’une nouvelle société communiste puisse se réaliser, il ne suffit pas de notre bonne volonté révolutionnaire, pas plus que de la volonté révolutionnaire individuelle que la volonté révolutionnaire collective. L’énergie révolutionnaire individuelle ou collective n’est pas suffisante pour rendre la cité communiste réalisable, possible, inévitable. Pour cela, il faut deux facteurs. Il faut d’abord un facteur matériel, économique, objectif. Qu’est-ce que ce facteur objectif, matériel, économique ? C’est le développement des forces productives. C’est le machinisme, c’est la possibilité d’accumuler d’une façon rapide, facile, d’immenses richesses pour que notre communisme ne soit pas le communisme primitif, un communisme de misère, d’indigence, de pauvreté. Il faut, si nous voulons que ce communisme soit un communisme d’abondance, que les forces productives, les forces économiques, l’exploitation de la nature par l’homme, l’exploitation de toutes les richesses naturelles soit développée au plus haut degré. Mais cela n’est pas suffisant. Le capitalisme normal développe aussi dans des proportions inouïes les richesses, mais il les développe dans l’intérêt d’une seule classe, dans l’intérêt de la classe capitaliste, de la classe de ceux qui possèdent les instruments de travail, machines, sol, sous-sol, chemins de fer, usines, hauts fourneaux, etc… Donc, ce facteur économique, ce facteur technique, matériel, objectif n’est pas suffisant pour que ces richesses deviennent les richesses sociales. Il faut un facteur humain, un facteur social, un facteur révolutionnaire. Qu’est-ce que ce facteur révolutionnaire ? C’est le prolétariat. Pourquoi le prolétariat est-il un facteur historiquement, fatalement révolutionnaire ? Pourquoi son intérêt de classe exige-t-il la révolution ? Le prolétariat, comme le dit, dans sa phrase finale, le Manifeste Communiste, n’a rien à perdre, ou plutôt que ses chaînes à perdre dans la révolution, mais il a tout un monde à gagner. Ce n’est pas au bons sens, aux sentiments de justice, à la raison de Messieurs les possédants qui peuvent vivre sans justice, sans bon sens, sans raison (ils peuvent s’en passer puisqu’ils ont beaucoup d’argent ; puisqu'ils ont toutes les conditions, matérielles de bonheur, ils peuvent se passer de conscience), ce n’est pas aux sentiments élevés que nous nous adressons. Nous nous adressons aux facteurs éminemment révolutionnaires, à la classe spécifiquement révolutionnaire, au prolétariat, dont l’intérêt vital est de s’emparer de toutes les forces productives, de tous les instruments de travail dont il est privé. Le prolétariat ne peut avoir la véritable liberté, la véritable indépendance, le véritable bien-être que lorsqu’il sera non l'instrument vivant pour ainsi dire de la production, annexe de la machine, l’esclave des usines, mais lorsqu’il sera maître des moyens de production, maître des machines, et par cela même cessera d’être une machine vivante. Il deviendra homme intégral, homme tout court. Voilà l’idée fondamentale du Manifeste Communiste. Pour les détails, vous l’étudierez vous-mêmes.
La prochaine fois, nous passerons à l’économie marxiste, à la politique marxiste.