Les Œuvres de François Rabelais (Éditions Marty-Laveaux)/LeTiersLivre/40

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Alphonse Lemerre (Tome IIp. 190-193).

Comment Bridoye expose les causes pourquoy
il visitoit les procés qu’il decidoit
par le fort des dez.


Chapitre XL.


Voyre mais (demandoit Trinquamelle) mon amy, puis que par sort & iect des dez vous faictez vos iugemens, pourquoy ne liurez vous ceste chanse le iour & heure propre que les parties controuerses comparent par dauant vous, sans aultre delay ? De quoy vous seruent les escriptures & aultres procedures contenues dedans les sacs ? Comme à vous aultres messieurs (respondit Bridoye) elles me seruent de trois choses exquises, requises, & autenticques. Premierement pour la forme, en omission de laquelle ce qu’on a faict n’estre valable prouue tresbien Spec. tit. de instr. edi. & tit. de rescrip. præsent. D’aduantaige vous sçauez trop mieux que souuent en procedures iudiciaires les formalitez destruisent les materialitez & substances. Car forma mutata mutatur substantia.[1] ff. ad exhib. l. Iulianus ff. ad leg. falcid. l. Si is qui quadringenta. Et extra, de deci. c. ad audientiam, & de celebra, miff. c. in quadam.

Secondement comme à vous aultres messieurs, me seruent d’exercice honeste & salutaire. Feu M. Othoman Vadare grand Medicin, comme vous diriez. C. de comit. & archi. lib. xij. m’a dict maintes foys que faulte d’exercitation corporelle est cause vnicque de peu de santé & briefueté de vie de vous aultres messieurs, & tous officiers de iustice. Ce que tresbien auant luy estoit noté par Bart. in l. j. C. de senten. quæ pro eo quod. Pourtant sont comme à vous aultres messieurs, à nous consecutiuement, quia accessorium naturam sequitur principalis[2], de reg. iur. lib. vj. & l. cum principalis. & l. nihil dolo. ff. eod. titu. ff. de fideiusso. l. fideiussor. & extra de offi. de leg. c. j. concedez certains ieuz d’exercice honeste & recreatif, ff. de al. lus. & aleat. l. solent. & autent. vt omnes obediant, in princ coll. vij. & ff. de præscript. verb. l. si gratuitam. & l. j. C. de spect. lib. xj. Et telle est l’opinion D. Thomæ in secunda secundæ quæst. clxviij bien à propous alleguée per D. Alber. de Rof. lequel suit magnus practicus & docteur solennel, comme atteste Barbatia in prin. consil. La raison est exposée per gl. in proœmio. ff. §. ne autem tertij.

Interpone tuis interdum gaudia curis.[3]

De faict vn iour en l’an. 1489. ayant quelque affaire bursal en la chambre de messieurs les Generaulx, & y entrant par permission pecuniaire de l’huissier, comme vous aultres messieurs sçauez que pecuniæ obediunt omnia[4], & l’a dict Bald. in l. Singularia. ff. si certum pet. & Salic, in l. recepticia. C. de constit, pecun. & Card. in Cle. j. de baptis. Ie les trouuay tous iouans à la mousche par exercice salubre auant le past, ou apres : il m’est indifferent pourueu que hic no.[5] que le ieu de la mousche est honeste, salubre, antique, & legal à Musco[6] inuentore. de quo. C. de petit, hæred. l. si post motam : & Muscarii[7] i. ceulx qui iouent à la mousche sont excusables de droict l. j. C. de excus. artif. lib. x. Et pour lors estoit de mousche M. Tielman Picquet, il m’en soubuient : & rioyt de ce que messieurs de la dicte chambre guastoient tous leurs bonnetz à force de luy dauber ses espaules : les disoit ce nonobstant n’estre de ce deguast de bonnetz excusables au retour du palais enuers leurs femmes par c. i. extra de præsump. & ibi gl. Or resolutoriè loquendo[8] ie diroys comme vous aultres meilleurs, qu’il n’est exercice tel, ne plus aromatisant en ce monde Palatin, que vuider sacs, feueilleter papiers, quotter cayers, emplir paniers, & visiter procés, ex Bart. & Io. de pra. in l. falsa. de condit. & demon, ff.

Tiercement, comme vous aultres messieurs, ie consydere que le temps meurist toutes choses : par temps toutes choses viennent en euidence : le temp est pere de Verité, gl. in l. j. C. de seruit. Autent. de restit. & ea quæ pa. & Spec. tit. de requis. cons. C’est pourquoy, comme vous aultres messieurs ie sursoye, delaye, & differe le iugement : affin que le procés bien ventilé, grabelé, & debatu vieigne par succession de temps à sa marurité : & le sort par apres aduenent soit plus doulcettement porté des parties condemnées, comme no. glo. ff. de excu. tut. l. Tria onera. Portatur leuiter quod porcat quisque libenter.[9] Le iugeant crud, verd, & au commencement, dangier seroit de l’inconuenient que disent les Medicins aduenir, quand on perse vn aposteme auant qu’il soit meur, quand on purge du corps humain quelque humeur nuysant auant sa concoction. Car comme est escript in Autent. Hæc constit, in inno. const. prin. & le repete gl. in c. Cæterum. extra de iura. calum. Quod medicamenta morbis exhibent, hoc iura negotiis.[10] Nature d’aduentaige nous instruict cuillir & manger les fruictz quand ilz sont meurs. Instit. de re. di. §. is ad quem. &. ff. de acti. empt. l. Iulianus. Marier les filles, quand elles sont meures, ff. de donat. int. vir. & vxo. l. cùm hic status. §. si quia sponsa. & 27. q. j. c. Sicut dict gl. Iam matura thoris plenis adoleuerat annis Virginitas[11], Rien ne faire qu’en toute maturité, xxiij. q. ij. §. vlt. & xxxiij. d. c. vlt.


  1. « La forme changée, la substance est changée. » On voit que Bridoye a donné à son successeur Bridoison l’exemple du respect pour « la fo… orme. »
  2. « Parce que l’accessoire suit la nature du principal. »
  3. « Mêle parfois quelques joies à tes soucis. »
  4. « Tout obéit à l’argent. »
  5. Hic notetis, « vous remarquiez ici. »
  6. Il y a dans la loi si post motam a Musœo, nom du plaideur Musæus dont il est question dans cette constitution impériale. Rabelais met plaisamment Musco afin de faire concorder ce texte avec son sujet.
  7. Lisez Muscarii. L’abréviation i. est pour id est, « c’est-à-dire. »
  8. « En parlant résolutivement. »
  9. « Ce qu’on porte volontiers, est porté légèrement. »
  10. « Ce que les médicaments effectuent pour les maladies, les jugements le font pour les affaires. »
  11. « Déjà la virginité, mûre pour le lit nuptial, avait pris son développement par le nombre d’années voulu. »