Le Tour de la France par deux enfants/062

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LXII. — Lyon vu le soir. — Le Rhône, son cours et sa source.

Les fleuves sont comme de grandes routes creusées des montagnes à la mer.

C’était déjà le soir quand nos voyageurs arrivèrent près de Lyon. Devant eux se dressaient les hautes collines couronnées par les dix-sept forts de Lyon et par l’église de Fourvières, qui dominent la grande cité. Ces collines étaient encore éclairées par les derniers rayons du crépuscule tandis que la ville se couvrait de la brume du soir. Mais bientôt tous les becs de gaz s’allumèrent comme autant d’étoiles qui, perçant la brume de leur blanche lueur, illuminaient la ville tout entière et renvoyaient des reflets jusque sur les campagnes environnantes.

— Que c’est joli ! disait Julien ; je n’avais jamais vu pareille illumination.

Bientôt nos amis arrivèrent sur les magnifiques quais du Rhône qui, avec ceux de la Saône, se développent sur une longueur de 40 kilomètres. À leurs pieds coulait en grondant le fleuve, que remontaient et descendaient des bateaux à vapeur.

— Oh ! le grand fleuve ! disait Julien. J’avais bien vu dans ma géographie que le Rhône est l’un des plus beaux fleuves de France, mais je ne me le figurais point comme cela.

SOURCE DU RHÔNE DANS UN GLACIER DES ALPES. — Les grands fleuves prennent souvent naissance dans les glaciers. Ces amas de glaces, en effet, fondent lentement par en-dessous à la chaleur de la terre. Ainsi se forment, sous les glaciers, des torrents, des ponts de glace, des cavernes. La gravure représente une caverne de ce genre, d’où sort le torrent qui deviendra plus tard le Rhône.


— J’ai lu aussi, monsieur Gertal, dit André, que le Rhône est sujet à des débordements terribles. Il est pourtant bien bas en ce moment, et au milieu s’étendent de grandes îles de sable.

— Oui, mon ami, il est bas ; mais ce qui le fait grossir si rapidement au printemps, c’est la fonte des neiges. Vous savez qu’il prend sa source au milieu des montagnes neigeuses de la Suisse, dans un vaste glacier, d’où il s’échappe par une grotte de glace. De là, il descend vers Genève. Vous rappelez-vous ce beau lac de Genève que nous avons vu ensemble du haut du Jura ?

— Oh ! oui, monsieur Gertal, je me le rappelle, dit Julien ; les Alpes l’entourent comme de grandes forteresses, et tout au loin on aperçoit le haut du mont Blanc.

— Eh bien, le Rhône entre par un bout du lac et le traverse tout entier ; mais le Rhône a un cours si rapide qu’il ne mêle point ses eaux à celles du lac. On le voit qui dessine au travers un large ruban de seize lieues de long. Puis il sort du lac, entre en France par le département de l’Ain et arrive jusqu’ici sans s’attarder en route, car c’est le plus impétueux de nos fleuves. Seulement, aux premières journées du printemps, quand les neiges fondent sur toutes les montagnes à la fois et que les torrents se précipitent de toutes parts, il reçoit tant d’eau que son vaste lit ne peut plus la contenir. Aussi la ville de Lyon a-t-elle été bien souvent ravagée par les inondations ; d’autant plus que la Saône se met souvent aussi à déborder. En 1856, tous les quartiers qui avoisinent le Rhône ont été couverts d’eau et dévastés. Des maisons pauvres et mal bâties étaient emportées par le fleuve, et leurs habitants périssaient dans les eaux, ou, si l’on parvenait à les sauver, ils se trouvaient sans abri et réduits à la dernière misère.

— Oh ! dit Julien, ceux qui habitent près de ce fleuve doivent avoir peur quand ils le voient grossir. À Phalsbourg, c’est bien plus commode : on n’a point du tout à craindre d’inondation, car on est sur une colline, bien loin de la rivière.

On sourit de la réflexion du petit Julien.

Bientôt on arriva à la maison où l’on devait passer la nuit, et Julien s’endormit en voyant encore en rêve la grande ville, ses longs quais, ses ponts et son fleuve bruyant.