Le Trébuchement de l’ivrongne

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Le Trebuchement de l’Ivrongne.
À Paris.
M.D.C.XXVII1. In-8.

Ô vous de qui la gloire, à nulle autre seconde,
Sur l’aisle des beaux vers vole par tout le monde,
Qui, n’aspirans à rien qu’à l’immortalité,
Ne languissez jamais dedans l’oisiveté,
Quittez un peu ce soin de vouloir tousjours vivre
Qui vous tient jour et nuit collez dessus un livre.
Bacchus veut des honneurs aussi bien qu’Apollon,
Une table vault mieux que le sacré vallon,
Et les charmes d’un luth, ou bien d’une guiterre,
N’ont rien de comparable aux delices d’un verre,
De qui la melodie et le doux cliquetis
Sçavent l’art d’attirer Juppiter chez Thetis,
Lors que, sollicité de son humeur plus douce,
Avecque tous les dieux il veut faire carousse2.
Amis, soyons touchez d’un semblable desir ;
Ne mesurons le temps qu’aux règles du plaisir,
Et, ne nous plongeans point dans ces vaines pensées
Des choses advenir ny des choses passées,
Sans que pas un de nous face le suffisant,
Arrêtons nos esprits aux choses du present.
Jouissons du bon-heur que le ciel nous octroye ;
Sacrifions au dieu qui preside à la joye,
Et, sans parler des roys ou bien des potentats,
Ny du dereiglement qu’on voit dans leurs estats,
Ny des divers advis du conseil des notables3,
Ne nous entretenons que de mots delectables,
Et tous expedions en nos particuliers
Plus de verres de vin qu’ils ne font de cahiers.
Les sages anciens, dont les academies
Ont souvent resveillé nos ames endormies,
Ont dit que nous sentions quatre sainctes fureurs
Agiter nos esprits de leurs douces erreurs :
Les Muses, Apollon, l’enfant que Cypre adore
Et le dieu qui dompta les peuples de l’Aurore.
Qu’aujourd’huy, chers amis, l’amoureuse liqueur
De ce divin nectar agite nostre cœur !
Que ce puissant demon qui preside aux bouteilles
Soit l’unique sujet de nos plus longues veilles !
Et, quand la soif viendra troubler nostre repos,
Courons alaigrement l’esteindre dans ces pots
Plus viste que tous ceux de nostre voisinage
Ne coururent à l’eau pour appaiser la rage
De l’infame Vulcan, dont le traistre element
Embraza de Themis l’orgueilleux bastiment4.
Si ces vieux chevaliers qui couroient par le monde
Ont esté renommez pour une table ronde,
Nous qui suivons l’amour et reverons ses loix,
Faisons tous aujourd’huy de si vaillans exploits
Qu’on appelle en tous lieux ceste trouppe honorée
Les braves champions de la table quarrée5.
Mais c’est trop discourir sur le point d’un assaut ;
Amis, advancez-vous tandis que tout est chaud.
Voyez-vous point ces plats d’une odeur parfumée
Espandre autour de nous une douce fumée,
Que l’air de nostre haleine eslève dans les cieux
En guise d’un encens que nous offrons aux dieux ?
Pour moy, qui suis contraire à ceste tirannie
Qui seconde les loix de la ceremonie,
Je me sieds le premier en ceste place icy ;
Despeschez, mes amis, asseiez-vous aussi,
Ou vous irriterez le feu de ma colère,
Qui ne s’appaisera que dans la bonne chère.
Que ces mets delicats sont bien assaisonnez !
Que ce vin est friant ! qu’il va peindre de nez
D’une plus vive ardeur que la plus belle dame
N’en alluma jamais dans le fond de nostre ame.
Inspiré de Bacchus, qui preside en ce lieu,
Je vuide ceste tasse en l’honneur de ce dieu.
Quoy ! pour avoir tant beu, ma soif n’est appaisée !
Je la veux rendre encor quatre fois espuisée.
Amis, c’est assez beu pour la necessité :
Ne beuvons desormais que pour la volupté.
Que chacun, à ce coup, ses temples environne
Des replis verdoyans d’une belle couronne
De pampre, de lierre et de myrthes aussi :
Il n’est rien de plus propre à charmer le soucy ;
Et, si, malgré l’hyver, qui ravit toutes choses,
On peut trouver encor des œillets et des roses,
Semons-en ceste place, ornons-en ce repas ;
Non pour ce que l’odeur en est plaine d’appas,
Mais pour ce que ces fleurs n’ont rien de dissemblable
À la vive couleur de ce vin tant aimable,
Qui resjouit nos yeux de son pourpre vermeil,
Et jette plus d’esclat que les rais du soleil.
Profanes, loing d’icy ! que pas un homme n’entre
S’il est du rang de ceux qui n’ont soin de leur ventre,
Qui fraudent leur genie, et, d’un cœur inhumain,
Remettent tous les jours à vivre au lendemain !
Mal-heureux, en effect, celuy-là qui possède
Des biens et des thresors, et jamais ne s’en ayde !
Tandis qu’on a le temps avecque le moyen,
Il faut avec raison se servir de son bien,
Et, suivant les plaisirs où l’age nous convie,
Gouster autant qu’on peut les douceurs de la vie.
Quand nous aurons faict joug à la loy du trespas,
Nous ne jouirons plus d’aucun plaisir là-bas ;
Nous n’aurons plus besoin de celliers ny de granges
Pour enfermer nos bleds et serrer nos vendanges ;
Mais, tristes et pensifs, accablez de douleurs,
Nous ne vivrons plus lors que de l’eau de nos pleurs.
Chers amis, laissons là ceste philosophie ;
Que chacun à l’envy l’un l’autre se deffie
À qui rendra plus tost tous ces vaisseaux taris !
Six fois je m’en vas boire au beau nom de Cloris6,
Cloris, le seul desir de ma chaste pensée,
Et l’unique suject dont mon ame est blessée.
Lydas, verse tout pur, puisque la pureté
A tant de sympathie avec ceste beauté ;
Et puis, ne sçais-tu pas que l’element de l’onde
Est la marque tousjours d’une humeur vagabonde ?
Si je bois jamais d’eau, qu’on m’estime un oyson ;
Que personne, en beuvant, ne me face raison ;
Que tout autant que l’eau mon vers devienne fade ;
Que mon goust depravé rende mon corps malade ;
Que jamais de beauté ne me face faveur ;
Que l’on me monstre au doigt comme un pauvre beuveur ;
Enfin qu’aux cabarets, pour ma honte dernière,
On escrive mon nom soubs celuy de Chaudière7.
Certes, je hais ces mots qui finissent en eau :
Si j’eusse esté Ronsard, j’eusse berné Belleau8,
Quand, sobre, il entreprit ceste belle besongne
D’interpreter le vers de ce gentil yvrongne
Qui, dans les mouvemens d’un esprit tout divin,
Honora la vandange et celebra le vin.
Mais, à propos de vin, Lydas, reverse à boire :
Aussi bien ce piot rafraischit la memoire ;
Il faict rire et chanter les plus sages vieillars ;
Il leur met en l’esprit mille contes gaillards,
Et, quoy que l’on ait dit de la faveur des Muses,
Il inspire le don des sciences infuses,
Si bien que tout à coup il arrive souvent
Que l’ignorant par luy devient homme sçavant :
Nostre Arcandre le sçait, qui, pour aymer la vigne,
Passe desjà partout pour un poète insigne ;
Arcandre, qui jamais ne fait rien de divin
S’il n’a dedans le corps quatre pintes de vin.
Ah ! que j’estime heureux l’amoureux d’Isabelle !
Non pour ce qu’il adore une fille si belle,
Non pour ce que les rais qui partent de ses yeux
Rendent plus de clarté que le flambeau des cieux,
Non pour ce que dans l’or de sa perruque blonde
Elle tient enchaisné le cœur de tout le monde,
Non pour ce qu’à Paris elle a tant de renom,
Mais pour ce qu’elle a tant de lettres en son nom,
Et que l’affection que cet amant luy porte
A tant de mouvemens, est si vive et si forte,
Qu’il ne peut faire moins que de boire huit fois
Au nom de cet object qui le tient soubs ses loix.
Pour moy, soit qu’on me blasme, ou bien que l’on me prise,
Je veux changer le nom de Cloris en Clorise,
Ou bien prendre Clorinde ou d’autres mots choisis.
Fais-en, mon cher Aminte, autant de ton Isis :
Cela luy tiendra lieu d’une nouvelle offrande.
Ce nom est trop petit et ta soif est trop grande.
Mais insensiblement je ne m’advise pas
Que la force du vin debilite mes pas :
Je sens mon estomac plus chaud que de coustume ;
Je ne sçay quel brasier dans mes veines s’alume ;
Je commence à doubter de tout ce que je voy ;
La teste me tournoye et tout tourne avec moy ;
Ma raison s’esblouit, ma parolle se trouble ;
Comme un nouveau Penthé je vois un soleil double ;
J’entens dedans la nue un tonnerre esclatant ;
Je regarde le ciel et n’y vois rien pourtant ;
Tout tremble soubs mes pieds ; une sombre poussière
Comme un nuage espais offusque ma lumière,
Et l’ardante fureur m’agite tellement,
Qu’avecque la raison je perds le sentiment.
Evoé ! je fremis ; Evoé ! je frissonne :
Un vent dessus mon chef esbranle ma couronne,
Et je me trouve icy tellement combattu,
Que je tombe par terre et n’ay plus de vertu.

Puissante deité, mon vainqueur et mon maistre,
Si tu m’as autrefois advoué pour ton prestre,
Si jamais tu m’as veu, plus qu’aucun des mortels,
Espandre, au lieu d’encens, du vin sur tes autels,
Race de Juppiter, digne enfant de Semèle,
Appaise la fureur qui m’accable soubs elle,
Dissipe les vapeurs de ce bon vin nouveau
Qui tempeste, qui boult au creux de mon cerveau ;
Rends plus fermes mes pas, modère ta furie ;
Donne-moy du repos, ô père ! je t’en prie
Par ton thyrse, couvert de pampres tousjours vers ;
Par les heureux succès de tes travaux divers,
Par l’effroiable bruit de tes sainctes orgies,
Par le trepignement des Menades rougies,
Par le chef herissé de tes fiers leopars,
Par l’honneur de ton nom, qui vole en toutes parts ;
Par la solemnité de tes sacrez mystères,
Par les cris redoublez des festes trietères9,
Par ta femme qui luit dans l’Olympe estoillé,
Par le bouc qui te fut autres fois immolé,
Par les pieds chancelans du vieux père Siléne ;
Bref, par tous les appas de ce vin de Surêne10.

Ainsi dit Cerilas d’un geste furieux,
Roüant dedans la teste incessamment les yeux.
Bacchus, qui l’entendit, d’un bruit espouvantable
Fit trembler à l’instant les treteaux et la table,
Sans que les vases pleins de la liqueur du dieu
Fussent aucunement esbranlez en ce lieu :
Tesmoignage certain qu’il ne mit en arrière
De son humble subject la devote prière ;
Et de faict, luy sillant la paupière des yeux,
Il gousta le repos d’un sommeil gratieux.

G. Colletet.

Autres gayetez de Caresme prenant, par le mesme autheur11.

Sarabande.

Les parolles ont esté accommodées à l’air, qui estoit fait.

Dialogue d’un Amant et d’un Yvrongne. L’un parle
à sa maistresse, et l’autre à sa bouteille
.

L’Amant.

Rien ne contente si fort ma vie
Que le bonheur de voir Silvie.

L’Yvrongne.

Rien ne chatouille mon oreille
Comme le son de ma bouteille.

L’Amant.

Chère Silvie, quand je t’accolle,
L’aise m’estouffe la parole.

L’Yvrongne.

Quand je t’embrasse, l’on m’entend dire
Tousjours mille bons mots pour rire.

L’Amant.

Plus je t’adore, ma chère dame,
Plus j’ay de feu dedans mon ame.

L’Yvrongne.

Plus je caresse ton doux breuvage,
Plus j’ay de feux sur le visage.

L’Amant.

Chère Silvie, quoy qu’on dise,
Aymer tousjours, c’est ma devise.

L’Yvrongne.

Chère bouteille, ma douce guide12,
Ma devise est : Plus plein que vuide.

L’Amant.

Afin, ma belle, que je te berse,
Laisse-toy choir à la renverse.

L’Yvrongne.

Tien-toy, bouteille, tousjours dressée,
Sinon ma joye est renversée.

L’Amant.

Ainsi, sans cesse, ma chère dame,
Ton beau pourtrait vive en mon ame !

L’Yvrongne.

Ainsi sans cesse, qu’autre n’y touche,
Ta liqueur soit dedans ma bouche !

Adieu aux Muses.

Sonnet.

Certes, il faut avoir l’esprit bien de travers
Pour suivre en ce temps-cy les Muses à la trace ;
Les gueuses qu’elles sont mettent à la besace
Ceux à qui leurs secrets ont esté descouverts.

Depuis que j’ay trouvé la fontaine des vers,
Le bien s’enfuit de moy, le malheur me pourchasse ;
Je n’ay pour aliment que les eaux de Parnasse,
Et n’ay pour tout couvert que des feuillages vers.

Ingrates deitez, cause de mon dommage,
Le temps et la raison me font devenir sage :
Je retire aujourd’huy mon espingle du jeu.

Je prefère à vos eaux un traict de malvoisie ;
Je mets, pour me chauffer, tous vos lauriers au feu,
Et me torche le cu de vostre poesie.

Remonstrance à un Poëte buveur d’eau.

Sonnet.

En vain, pauvre Tircis, tu te romps le cerveau
Pour parvenir au point des choses plus parfaictes :
Tu ne seras jamais au rang des bons poëtes,
Si, comme les oysons, tu ne bois que de l’eau.

Pren-moy, je t’en conjure, un trait du vin nouveau
Que le Cormié recelle en ses caves secrettes13,
Tu passeras bien-tost ces antiques prophètes
Qui sauvèrent leur nom de la nuit du tombeau.

Bien que dessus les bords d’une vive fontaine
Les Muses ay’nt choisi leur demeure certaine,
Les fines qu’elles sont pourtant n’y boivent pas.

Là, soubs des lauriers verds, ou plutost soubs des treilles,
Le vin le plus friant preside en leur repas,
Et l’eau n’y rafraischit jamais que les bouteilles.

Fantasie sur des diverses peintures de Priape.

Sonnet.

Sur les rives de Seine une jeune Dryade,
Lasse d’avoir reduit un sanglier aux abois,
Se reposoit un jour à l’ombrage d’un bois,
Sans craindre le peril d’une fine embuscade.

Priape, qui la vid, fut pris de son œillade,
L’arreste et veult sur elle attenter ceste fois ;
Mais elle, qui resiste aux amoureuses loix,
Desdaigne cet amant si laid et si maussade.

Lors, pensant amolir ceste divinité,
Il change sa laideur et sa diformité,
Et prend nouvelle forme, ainsi que fit Protée ;

Mais la nature, en luy plus puissante que l’art,
Ne se put pas cacher soubs la forme empruntée,
Car tousjours à la queue on cognut le regnart.

Sur une Cheute causée par un bellier.

Sonnet.

Transporté de plaisir comme un valet de feste,
Ou comme un qui s’employe à forger un cocu,
Je pensois à Cloris, de qui l’œil m’a vaincu,
M’estimant trop heureux de vivre en sa conqueste,

Lorsque dans l’Arcenal une puissante beste,
Qui n’a pour mon malheur que trop long-temps vescu,
Me vint publiquement planter dedans le cu
Ce qu’en secret je plante aux autres sur la teste.

Lycandre, que devins-je à ce puissant effort !
Soudain je tombe à terre estourdy, demy-mort,
Ruminant en mon cœur mes sainctes patenostres.

Alors dit un passant, riant de mon ennuy :
Faut-il qu’un coup de corne ait fait mourir celuy
Qui par des coups de corne en fit naistre tant d’autres !




1. Cette pièce, de Guillaume Colletet, se trouve dans les Poésies diverses…, que son fils publia en 1656, Paris, in-12, p. 60–67. Elle y est intitulée le Banquet des poètes, titre que l’auteur lui avoit déjà donné quand il l’avoit réimprimée à Paris en 1646, chez Nicolas Boisset, in-8. L’édition que nous reproduisons ici est de la plus grande rareté. Le texte y est tout à fait différent de celui des autres, à ce point que, désespérant de pouvoir relever toutes les variantes, nous avons pris le parti de n’en donner aucune. Le plus court eût été non pas de remarquer les différences, mais les très rares similitudes de texte. Nous tenons là, en pleine verve de jeunesse, la première pensée d’un poëte qui ne se permit pas souvent, et surtout avec autant de bonheur, de pareilles fougues et fantaisies bachiques. Quand il fit ce morceau, il étoit de la coterie littéraire de Salomon Certon, du sieur de la Charnaye, etc. (voy. Viollet-Leduc, Biblioth. poétique, p. 452), et ce dut être le contingent poétique auquel il étoit tenu comme membre de cette assemblée.

2. Faire débauche. Rabelais écrit faire carous. C’est une expression qui vient de l’allemand gar-auss, tout vidé, que le Celtophile d’Henry Estienne (Dial. du nouv. lang. franç. italian.) nous reproche d’avoir introduit dans notre langue à une époque où l’on se plaisoit non seulement à italianiser, mais aussi à « hespagnolizer, voire germaniser, ou, si vous aimez mieux un autre mot, alemanizer. » V. aussi Régnier, édit. elzevir., satire 2, vers 174.

3. Allusion à l’assemblée des notables qui s’étoit tenue à Fontainebleau à la fin du mois de septembre 1625.

4. Le poète veut parler de l’incendie du Palais en 1618. V. notre tome 2, p. 159.

5. Par opposition à la fameuse table ronde, qu’à cette époque même un cabaretier de Paris prétendoit encore posséder. Il avoit appelé pour cela son cabaret la Table du valeureux Roland (voy. notre tome 1er, p. 195), et il montroit avec orgueil, parmi les titres de noblesse de sa taverne, le dernier écot des douze pairs de Charlemagne. V. les Visions admirables du pèlerin du Parnasse…, Paris, 1635, in-12.

6. C’étoit l’usage antique de boire à la santé d’une maîtresse autant de fois qu’il y avoit de lettres dans son nom. Ronsard et toute la Pléiade, dont Colletet suivoit la tradition, avoient repris cette galante coutume :

Neuf fois, au nom de Cassandre,
——-Je vois prendre
Neuf fois du vin du flacon.
Affîn de neuf fois le boire
——-En memoire
Des neuf lettres de son nom.

(Ronsard, les Bacchanales, ou le folatrissime voyage d’Hercueil, strophe 89e.)

7. On lui avoit fait la réputation de buveur d’eau ; mais, dans sa préface des Œuvres de M. de Saint-Amant (édit. elzevirienne, t. 1er, p. 10), Faret prétend que c’est un tort, aussi bien que de le faire passer, lui, pour un ivrogne : « Et combien, dit-il de Saint-Amant, qu’il m’ait fait passer pour vieux et grand beuveur dans ses vers, avec la mesme injustice qu’on a escrit dans tous les cabarets le nom de Chaudière, qu’on dit qui ne beut jamais que de l’eau. »

8. Belleau avoit donné en 1556 une traduction en vers d’Anacréon. Ronsard le berna quelque peu à ce sujet :

Tu es trop sec biberon
Pour un tourneur d’Anacréon.
Belleau…

« Belleau, comme qui diroit Boileau, par opposition au chantre divin, ainsi que l’a remarqué spirituellement M. Sainte-Beuve, ce n’est qu’un jeu de mots ; mais à la manière dont Ronsard refit plus d’une de ces petites traductions, on peut croire qu’il ne jugeoit pas celles de son ami définitives. » (Tableau historique et critique de la poésie françoise… au XVIe siècle, Paris, Charpentier, 1843, in-18, p. 444.)

9. Les Triétérides étoient les fêtes licencieuses qui se célébroient tous les ans dans la Béotie et dans la Thrace en souvenir de l’expédition de Bacchus dans les Indes.

10. Il faut dire, à la gloire de ces buveurs, qu’il ne s’agit point ici du vin de Suresnes près Paris, mais d’un autre, à peu près du même nom, dont le Vendômois Musset-Patay a expliqué ainsi la faveur assez passagère dans une note de sa Bibliographie agronomique, 1810, in-8 : « Il y a, dit-il, aux environs de Vendôme, dans l’ancien patrimoine de Henri IV, une espèce de raisin que, dans le pays, on nomme suren. Il produit un vin blanc très agréable à boire, et que les gourmets conservent avec soin, parcequ’il devient meilleur en vieillissant. Henri IV faisoit venir de ce vin à sa cour, et le trouvoit très bon. C’en fut assez pour qu’il parût excellent aux courtisans, et l’on but, pendant son règne, du vin de suren. Il existe encore, près de Vendôme, un clos de vigne qu’on appelle la Closerie de Henri IV. Louis XIII n’ayant pas pour ce vin la prédilection de son père, ce vin passa de mode… » Un des Annuaires statistiques du département de Loir-et-Cher a confirmé le fait. Ronsard, en bon Vendômois, avoit sans doute aidé à la renommée de ce vin de suren, lui qui, dans l’ode 21e de son livre 3, a chanté ainsi le vin de Prépatour, qui se récolte à peu près dans les mêmes vignobles :

Que celui dans une coupe
Toute d’or boive à la troupe
De son vin de Prépatour,
À qui la vigne succède,
Et près Vendôme en possède
Cinquante arpents en un tour.

Il convenoit bien à Colletet, cet idolâtre de Ronsard, de vanter comme il le fait ici un vin de son pays, et qu’il avoit aimé.

11. Ces Gayetez se trouvent aussi dans l’édition des Poésies de Colletet donnée par son fils.

12. Guide étoit alors du féminin. Théophile a dit, adressant sa Requeste à Monsieur le premier président :

Saincte guide de tant de Dieux,
Qui sur le modèle des cieux
Donnez des règles à la terre.

13. Fameux cabaretier dont Saint-Amant a dit, dans sa pièce des Cabarets :

Paris, qui possède un cormier
Qui des arbres est le premier.

Sa maison, qui avoit pour enseigne parlante l’arbre dont il portoit le nom, se trouvoit près de Saint-Eustache. V. notre Histoire des hôtelleries et cabarets, t. 2, p. 322–324.