Le Voyage artistique à Bayreuth / V- Analyse musicale – (1/14) Introduction

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Le Voyage artistique à Bayreuth (1897)
Librairie Ch. Delagrave (p. 259-260).

CHAPITRE V

ANALYSE MUSICALE

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« Le musicien nous révèle l’essence intime du monde, il se fait l’interprète de la sagesse la plus profonde, tout en parlant une langue que la raison ne comprend pas. »
Schopenhauer.



Ce chapitre est le complément du précédent, avec lequel originairement il ne devait faire qu’un. De même qu’en étudiant les poèmes il m’a été impossible d’éviter totalement de parler de la musique, il arrivera souvent ici que, pour mieux faire pénétrer le sens intime de l’action musicale, je serai entraîné à des retours sur l’action dramatique. Peu importe, si c’est plus clair ainsi.

Et déjà, avant de commencer, je rappelle que le rôle spécial de la musique, tel que le conçoit Wagner, est de mettre directement le spectateur en communion avec l’esprit même du personnage, d’éclairer les dessous de sa pensée, de le rendre comme transparent pour nous auditeurs, qui arrivons ainsi à le connaître souvent mieux qu’il ne se connaît lui-même.

La musique peut donc être en contradiction avec la parole, mais non avec l’action ; si nous sommes, par exemple, en présence d’un être retors, faux ou subtil, elle nous révèle son mensonge et nous permet de saisir le mobile véritable de ses actes, fussent-ils inconscients.

Ajoutons que, par une convention inévitable, les personnages en scène sont seuls censés ne pas entendre le perpétuel commentaire orchestral.

À présent entrons dans le domaine musical, et examinons séparément chacun de ses éléments constitutifs.