Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/CHAPITRE II/II. Secours pour l’interprétation de l’Avesta.

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Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. xli-xliii).

II

Les secours dont nous disposons pour l’intelligence de l’Avesta sont les uns directs, les autres indirects.

Les secours directs sont les traductions émanant des Parsis, les plus anciennes étant les plus sûres et les plus efficaces. Les traductions les plus anciennes sont celles qui ont été faites en pehlvi, c’est-à-dire dans la langue des Sassanides, soit sous les Sassanides, soit peu après les Sassanides. Le pehlvi est resté longtemps en usage comme langue savante chez les Parsis. Aujourd’hui encore on écrit en pehlvi et toutes les traductions pehlvies ne sont pas anciennes par cela même. Mais on a des versions anciennes du Vendidad[1], du Yasna, du Vispéred et de quelques Yashts.

Vers le xiie ou le xiiie siècle, l’étude du pehlvi étant négligée chez les Parsis de l’Inde et le sens compromis, on traduisit en sanscrit une partie de ces traductions (à savoir la plus grande partie du Yasna et le Khorda-Avesta). Ces traductions ou du moins la partie la plus considérable d’entre elles furent l’œuvre d’un Dastùr nommé Nériosengh, fils de Dhaval (voir chapitre viii, section II).
Vers le xve siècle, l’usage du sanscrit étant abandonné par les Dastùrs, on traduisit ces versions pehlvies dans le dialecte local, le gujrati. Ces traductions gujraties, très nombreuses, ont abouti en 1842-1843 à la grande traduction gujratie du Vendidad, du Yasna et du Vispéred, publiée à Bombay sous les auspices de la Société asiatique et connue sous le nom de traduction des Dastùrs ou de Fràmjî Aspandyârjì.
Enfin les traductions pehlvies furent aussi transcrites et traduites en persan[2].
Ces traductions sanscrites, gujraties, persanes, sont faites, non sur l’original zend, mais sur le commentaire pehlvi qu’elles traduisent littéralement, de sorte qu’elles sont un secours précieux pour déchiffrer la traduction de l’époque des Sassanides : car, malgré leurs erreurs de lecture qui ne sont pas rares, elles ont néanmoins conservé l’intelligence du pehlvi original avec une fidélité que l’on n’aurait pas soupçonné a priori.


À ces secours directs on peut ajouter une série de lexiques :
Le lexique zend-pehlvi, publié par Anquetil et par Haug[3].

Le lexique pehlvi-parsi, publié par Anquetil et par Haug[4].

Le lexique zend-sanscrit (inédit)[5].

Le lexique pehlvi-gujrati et gujrati-pehlvi, lithographiés à Bombay, par Dastûr Eracjî Sohràbjì Mihirjìrànâ (1238 Yezd.).

Le lexique parsi, publié par M. Sachau d’après un manuscrit de la Bodléienne[6].

Les secours indirects sont en nombre indéfini, de forme, de source et de valeur très variables. Ils comprennent toute la littérature pehlvie et parsie, car cette littérature presque tout entière, au moins telle que nous la connaissons, s’est développée autour de l’Avesta. Ils comprennent le Shâh Nâma et les anciennes chroniques arabes qui nous livrent l’histoire légendaire de la Perse ancienne, laquelle s’est alimentée aux sources mêmes de l’Avesta. Ils comprennent les renseignements fournis sur la Perse à ses diverses époques par les historiens de la Grèce et de Rome, depuis les origines jusqu’à la conquête arabe ; et les renseignements fournis depuis sur les Parsis et leur religion par les écrivains musulmans et par les voyageurs européens. Ajoutons enfin les renseignements linguistiques fournis par les dialectes et les langues apparentés, à savoir par les divers dialectes de la famille iranienne (vieux perse, pehlvi, persan, kurde, afghan) et par le sanscrit, principalement le sanscrit védique qui est plus proche du zend que le sanscrit classique. Nous donnerons plus en détail, pour chaque livre zend en particulier, les secours directs et indirects que nous avons pu utiliser.


  1. Le plus ancien manuscrit connu du Vendidad pehlvi est antérieur à l’an 1185 ; car on sait qu’en 1185 Ardashir Bahman copia dans le Saistan un Vendidad pehlvi de Hêrbad Hômâst : de cette copie descendent tous les manuscrits connus à présent : le plus ancien conservé date de l’an 1324.
    Le manuscrit connu le plus ancien du Yasna pehlvi est antéreur à 1323, car de cette année date le plus ancien manuscrit encore existant ; il fut copié à Cambaye sur
    un manuscrit copié par Rustam Mihiràpàn, lequel vivait probablement vers 1250.
    Le plus ancien manuscrit du Vispéred pehlvi a été copié en 1257.
    Mais l’analyse de I'Avesta dans le Dinkart, qui est du ixesiècle, est faite sur le Zend, c’est-à-dire sur une traduction pehlvie des Nasks d’origine sassanide, et la concordance de notre traduction du Bak Yasht et des Gâthas avec l’analyse du Bak Yasht et du Varshtmànsar dans le Dinkart montre que pour le fond nos traductions représentent exactement celles de la période sassanide.
  2. Manuscrit de Munich rapporté par Haug (M6). — Je laisse de côté les traductions gujraties individuelles, telles que celle de M. Kavasji Kangaqui reproduit, très intelligemment d’ailleurs, l’enseignement européen. Le Khorda-Avesta de Tahmuras ou Tir Andàz (Bombay, 1242 Yezd.) est intermédiaire : c’est l’œuvre d’un homme qui connaît très bien la tradition et en conserve l’esprit, même dans les cas où il n’y a pas de Zend authentique.
  3. Voir plus haut, page xxxiii, note 2.
  4. Voir plus haut, p. xxxiii, note 2.
  5. D’après un manuscrit que je possède, ce lexique semble tiré des traductions sanscrites que nous connaissons déjà et par suite ne forme pas une source nouvelle, quoiqu’il soit utile d’ailleurs pour la critique de ces traductions.
  6. Neue Beiträge zur Kenntniss der Zoroastrischer Litteratur, Wien, 1871.