Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ1. - Appendice D.

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Appendice D. — Les Fêtes de saison (Yâirya ou Gâhânbâr 1[1])

Maidhyôi-zaremaya, Maidhyôi-shema, Paitishhahya, Ayâthrima, Maidhyâirya, Hama-spathmaêdaya.


L’année était divisée en quatre saisons correspondant aux nôtres. Cette

division ne paraît guère que dans les textes post-avestéens 2[2] ; mais il y a dans l’Avesta même des traces de son existence ancienne 3[3]. La division normale de l’année est, dans l’Avesta, en deux saisons, été et hiver : l’été, hama 4[4], qui comprend les sept premiers mois (du 1er Farvardîn au 30 Mihr, soit du 21 mars au 16 octobre) ; et l’hiver, zayana 4[4], qui comprend les cinq autres mois et les cinq jours complémentaires (du 1er Âbân au jour Vahishtôisht, soit du 17 octobre au 20 mars). Cette division a une valeur religieuse, non seulement pour le rituel 5[5], mais aussi pour les pratiques, qui varient selon la saison 6[6].
À côté de cette division en douze mois et en quatre saisons, l’année est encore divisée en six périodes inégales par six fêtes dites en zend Yâirya ou fêtes d’année, plus tard Gâhânbâr 7[7]. Cette division et ces fêtes ont une double signification, mythologique et agricole, la première donnée par le témoignage de la tradition, la seconde par les noms, les dates et quelques indices directs.
D’après les textes religieux, les Gâhânbârs ont été établis par Ormazd même pour fêter les divers actes de la création. On supposait que l’œuvre de la création avait duré un an et s’était accomplie en six actes successifs : la création du ciel, des eaux, de la terre, des plantes, des animaux et de l’homme 8[8]. Chacun de ces actes avait occupé une certaine période, au terme de laquelle Ormazd avait célébré avec les Amshâspands une fête de cinq jours, dite Gâhânbâr. Les six Gâhânbârs sont :
1o Le Maidhyôi-zaremaya, Mêtôkzarmê ; commémoratif de la création du ciel ; célébré le 15 Ardibahisht 9[9] : soit le 45e jour de l’année.

2o Le Maidhyôi-shema, Mêtôkshem ; commémoratif de la création des eaux ; célébré le 15 Tîr, 60 jours après le précédent : soit le 105e jour de l’année.
3o Le Paitishhahya, Pêtishah ; commémoratif de la création de la terre ; célébré le 30 Shahrêvar, 75 jours après le précédent : soit le 180e jour de l’année.
4o L’Ayâthrima, Ayâsrim ; commémoratif de la création des plantes ; célébré le 30 Mihr, 30 jours après le précédent ; soit le 210e jour de l’année.
5o Le Maidhyâirya, Mêtyàriya ; commémoratif de la création des troupeaux ; célébré le 20 Dai, 80 jours après le précédent : soit le 290e jour de l’année.
6o Le Hamaspathmaêdaya, Hamaspatmêdim ; commémoratif de la création de l’homme ; célébré durant les cinq derniers jours d’Asfandârmat et durant les cinq jours complémentaires, et terminant 75 jours après le précédent ; soit le 365e et dernier jour de l’année.
Il est naturel de penser que cette conception mythologique et cosmogonique des fêtes annuelles est d’ordre secondaire : et en effet leurs noms, leurs dates et leurs épithètes prouvent que ce sont avant tout des fêtes agricoles.
Maidhyôi-zaremaya signifie « la mi-printemps », zaremaya signifiant « printemps » 10[10] ; il s’agit du printemps de trois mois dans la division de l’année en quatre saisons ; en effet la fête tombe le 45e jour de l’année, laquelle commence à l’équinoxe du printemps ; elle tombe donc bien au milieu du printemps (5 mai).
Maidhyôi-shema signifie « la mi-été » ; mais il ne peut s’agir ici de l’été au sens commun du mot, de l’été de trois mois, qui commence le 91e jour, finit le 180e et dont le milieu serait le 135e jour de l’année

(3 août) : il s’agit du grand été de sept mois ; en effet, le grand été durant 7 30 jours, soit 210 jours, la mi-été doit tomber le 105e jour (le 15 Tîr 4 juillet), qui est précisément la date du Maidhyôi-shema. Le Maidhyôi-shema est dit vâstrô-dâtainya « où l’on coupe les foins » 11[11] : c’est la fête qui clôt la saison où se fait la fenaison.
Paitishhahya signifie « qui apporte le blé » ; c’est la fête qui clôt la saison où se fait la moisson ; célébrée le 30 Shahrêvar, soit le 16 septembre.
L’Ayâthrima vient le 30 Mihr (16 octobre), 30 jours après le précédent, soit 75 + 30 ou 105 jours après la mi-été ; il marque donc la fin du grand été. Il est dit fraourvaêshtrima, littéralement « qui descend » c’est-à-dire « où le temps de la chaleur descend » 12[12] (adhasparivartitaushnnkâlâgâmmam 13[13]), et varshni-harshta « où sont lâchés les mâles 14[14] » , la saillie ayant lieu entre le 16 septembre et le 16 octobre.
Il nous reste à présent deux Gâhânbârs pour les cinq mois d’hiver et ses 155 jours.
Maidhyâirya doit marquer la mi-hiver ; mais l’hiver ayant un nombre de jours impair, la fête du Gâhânbâr devrait durer du 72e jour et demi au 77e et demi ; pour la symétrie et pour avoir un nombre rond on l’a reculé au 80e jour (20 Dai – 4 janvier). Il porte l’épithète de saredha « où règne le froid ».
Le dernier Gâhânbâr, le Hamaspathmaêdaya, est le seul qui,

semble-t-il, ne se rapporte pas à un fait naturel 15[15] ; il est dit aretô-karethna « où l’on célèbre sacrifice » (pun îzishn kartârîh) : il s’agit des fêtes célébrées durant les dix derniers jours de l’année en l’honneur des Fravashis des ancêtres (Yt. XIII, 49 sq.), qui, à ce moment de la création, acceptèrent de descendre sur terre (Grand Bundahish).

Le tableau suivant permet d’embrasser les rapports des Gâhânbârs avec l’année.

Mois. Gâhanbâr Jour

de l’année.

HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Printemps

Vahâr

1 Farvardîn
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Printemps

Vahâr

2 Ardibahisht
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Printemps

Vahâr

11-15 Ardibahisht
Maidhyôi-zaremaya

(mi-printemps)
1-5 mai

40e-45e
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Printemps

Vahâr

3 Khordâd
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Été

Hâmîn,

4 Tir
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Été

Hâmîn

11-15 Tir
Maidhyôi-shema

(mi-grand été)
31 juin — 4 juillet

100e-105e
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Été

Hâmîn

5 Murdâd
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Été

Hâmîn

6 Shahrêvar
HAMA

Grand été de 7
mois et 210 jours.

Été

Hâmîn

26-30 Shahrêvar
Paitishhahya

12-16 septembre

175e-180e
HAMA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Automne

Pâtis

7 Mihr
HAMA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Automne

Pâtis

26-30 Mihr
Ayâthrima

12-16 octobre

205e-210e


ZAYANA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Automne

Pâtis

8 Âbân
ZAYANA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Automne

Pâtis

9 Âdar
ZAYANA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Hiver

Zamistân

10 Dai
ZAYANA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Hiver

Zamistân

16-20 Dai
Maidhyâirya

(mi-grand hiver)
31 décembre — 4 janvier

285e-299e
ZAYANA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Hiver

Zamistân

11 Bahman
ZAYANA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Hiver

Zamistân

12 Asfandârmaî
ZAYANA

Grand hiver de 5
mois et 155 jours.

Hiver

Zamistân

26 Asfandârmaî-

Gâtha Vahishtôishti
Hamaspathmaêdaya

11-20, ou 16-20 (selon que l’on fait durer la fête cinq ou dix jours : cf. vol. II, 503, note 11).

355e-365e

troupes » (sarva sainyadâti), par allusion sans doute à la création des multitudes humaines ou des Fravashis. En effet, le Grand Bundahish, p. 23, l’explique comme « le temps où parut le mouvement de l’armée du monde, car les Frôhars des hommes partirent [alors] formant une armée (pun hamspâhih) » (cf. Bd. VI, 3). Il semble, au premier abord, que cette traduction soit purement étymologique, spathma ayant été traduit d’après l’assonance de spâda : mais l’origine de spâda est trop obscure pour qu’il soit prudent de nier tout rapport entre les deux mots.




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  1. 1. Sur les Gâhânbârs, voir Burnouf, Commentaire sur le Yasna, 302 suite ; Roth, Der Kalender des Avesta, ZDMG. 1880, 698, et Albìrûnì. Chronology, IX. Albìrûnì a consulté des sources contemporaines ou sassanides ; tenir compte, en se servant d’Albìrûnì, du fait qu’il avance les Gâhânbârs de quatre mois sur leur date naturelle : cela tient à ce que les intercalations nécessaires n’ont pas eu lieu durant 4 périodes de 120 ans : la dernière intercalation fut faite sous Yazdgard, fils de Sapor, par le Dastùr Yazdgard, de Hizàr, autrement dit entre 399 et 420 : Albìrùnì écrit vers l’an 1000 ; c’est-à-dire dans la 5e période de 120 ans, avec un retard de 4 intercalations.
  2. 2. Bundahish, XXV, 20 : les noms des quatre saisons sont en pehlvi vahâr, hâmin, pâtîz, zamistân.
  3. 3. Voir plus bas au second Gâhânbâr.
  4. a et b 4. Hapta henti hàminô mâonha, panca zayana [ashkare] ; « il y a sept mois d’été, cinq d’hiver » (citation dans le Commentaire pehlvi ad Vd. I, 4, 10).
  5. 5. Point de Gâh Rapitvîn en hiver ; voir page 26.
  6. 6. Pour les funérailles, Vd. VIII, 4 sq. ; pour les purifications, V, 42 ; IX, 6 ; cf. Bd. XXV, 8.
  7. 7. Pehlvi Gâsânbâr ; semble signifier « époque » (du gâs, gâh déjà connu, p. 25, n. 2).
  8. 8. Voir l’Âfrin Gâhânbâr ; cf. Grand Bundahish, p. 21 sq., et les définitions de Nériosengh, Yasna I, 26-31. cf. Yt. XIII, 86.
  9. 9. En réalité, du 10 au 15 Ardibahisht, les Gâhânbârs durant cinq jours ; mais c’est le cinquième jour qui est la grande fête.
  10. 10. Zaremaya, traduit en sanscrit vasantamâse « au mois (= aux mois ?) du printemps », en persan bazamâni bahâr « à l’époque du printemps » (Yt. Vit, 4). Le Dâdistân prend zaremaya pour le nom avestéen du mois d’Ardibahisht (zak badrâ dinôik Zarmâî karitûnîhît, XXXI, 14). Il est probable que ce n’est qu’une conclusion tirée du nom et de la date du Maidhyôi-zaremaya. Mais si même zaremaya n’est que le nom de l’avril avestéen, son sens primitif de printemps n’en subsiste pas moins.
  11. 11. Vâstar acdarünishnih (acdarùntan = durûdan). — Les noms des deux premiers Gâhânbârs prouvent que les Gâhânbârs ne sont pas d’anciens noms de saison, bien que les épithètes qui leur sont données se rapportent au travail des périodes qu’ils limitent.
  12. 12. C’est-à-dire sans doute où Rapitvîn descend sous terre ; voir page 26.
  13. 13. Pehlvi : frôt vasht hamînih yâtûnît ; la glose de Nériosengh semble confirmer la lecture du Vispéred I, 5, hamînih, contre mêhmânîh de Y. I, 29 et damânîh de Y. 11, 38). Albìrûnì (p. 208) a un passage qui rappelle curieusement le nôtre : « On the day of Mibrajân (qui tombe au milieu du mois de l’Ayâthrima) the sun rises in Hâmîn, in the midst between light and darkness » : mais le rapport est probablement accidentel et le Hâmîn d’Albìrûnì sera l’équinoxe d’automne (de hama égal » ).
  14. 14. varshni-harshta, gùshan shadkûnishnih patask dar yâtûnît. Ardâ Yirâf voit au ciel ceux qui sur terre ont élevé et soigné les bestiaux, leur ont donné quand il fallait de l’eau et de l’herbe, les ont gardés du froid et du chaud, et « ont lâché le mâle au temps qu’il faut et l’ont retenu quand il le fallait » gûshan pun gàsî nafshâ madam shadkûnt u dâtîhâ pâhrikht (Ardâ Vîraf, XV, 5). Nériosengh fait de varshni un neutre : vîrya-nixepanam. D’après Albîrûnî, le mois de l’Ayâthrima est le mois où « animals cease from sexual intercourse » (l. l.) ; et l’on serait tenté de traduire varshni-harshta « où cesse la saillie », harez « lâcher » signifiant aussi « abandonner ». Mais la saillie était sans doute rejetée intentionnellement par les éleveurs au dernier mois où elle fût possible.
  15. 15. Le sens du mot est obscur : Nériosengh le traduit « la création de toutes les