Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ8.

La bibliothèque libre.
Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. 75-78).




HÂ 8 [SRÔSH DARUN]


Ce Hâ est essentiellement consacré à la consommation de l’offrande solide, le Myazda, représenté par les gâteaux de pain appelés darùn et plus spécialement frasasti.

Il débute par une formule identique à celle qui termine le Hâ précédent et qui laisse attendre un Hâ construit sur le même type, mais où l’offrande, au lieu d’être « pour réjouissance » khshnûmainê, serait « en glorification » frasasti. Mais cette nouvelle litanie n’est qu’indiquée et l’on passe à la consommation du Myazda. Les indications liturgiques ne parlent que du Zaotar comme consommant le darûn ; mais le texte prouve clairement que tous les fidèles y sont admis. Cette communion est une sorte d’épreuve religieuse. Il faut que le fidèle se sente en état de grâce pour y toucher et il semble, d’après l’adjuration solennelle faite par le Zaotar (§§ 3-4), que les effets du Myazda trahissent celui qui le consomme en état de péché.

____________


Le Zôt et le Râspî ensemble :

Ashem vohû (3 fois).

1. Je donne pieusement l’aliment du Myazda, Haurvatât et Amerelât, le bœuf bienfaisant, le Haoma et le Parahaoma, le bois et l’encens ;

Mettre sur le feu du bois et de l’encens 1[1].
pour glorifier 2[2] Ahura Mazda, l’Ahuna Vairya, la Parole droite 3[3] ; la bonne Bénédiction du juste, la redoutable Pensée de malédiction du sage ; Haoma, la Parole Divine, et le saint Zarathushtra.
En retour de notre piété qu’il vienne à nous 4[4] !

Le Râspî, debout, tourné vers le couchant, met sur le feu le troisième Esm bôï ; puis, se tenant debout à la gauche du Zôt 5[5], il dit :

2 (4). Mangez ce Myazda, ô hommes, si vous vous en êtes rendus dignes par votre vertu et votre piété.
Le Zôt :
3 (5). O Amesha-Speñtas, ô Religion de Mazda, Dieux bons et Déesses bonnes, et vous, Libations !

Celui qui, parmi ces adorateurs de Mazda, se disant adorateur de Mazda 6[6] et jouissant de la part réservée au Bien 7[7], n'est qu’un Yâtu 8[8]destructeur des mondes du Bien, démasquez-le 9[9], ô vous, Eaux, Plantes et Libations !

4 (9). Et celui qui, parmi ces adorateurs de Mazda, étant en âge et capable de répéter 10[10], ne reçoit pas, ne prononce pas ces paroles 11[11] [après moi], celui-là est convaincu d'être un Yàtu 12[12].

Ashem vohû vahishtem astî (3 fois).


Le Zôt retire la main gauche du barsom, brise avec la main droite un petit bout du darûn, le prend avec le gôshôdd, lève le padân avec la main gauche et avale. Puis il se lave et s’essuie la bouche, se lave la main et la repose sur le barsom, dit quatre Ashem vohù et deux Yathà ahu vairyô 13[13].


5 (10) 14[14]. Et puisses-tu, ô Ahura Mazda, régner heureusement et comme tu veux 3 sur tes créations  ! Comme tu veux sur les eaux, comme tu veux sur les plantes, comme tu veux sur toutes les bonnes choses, qui ont leur germe dans le Bien  !

6 (12). Donnez puissance au bon, impuissance au méchant  !

Que le bon puisse ce qu’il veut et le méchant rien de ce qu’il veut  !

Qu’il s’en aille ! qu’il soit détruit 15[15] emporté de la création de l’Esprit Bienfaisant ! contrarié 16[16] ne pouvant rien de ce qu’il veut  !

7 (15). Moi, Zarathushtra, je veux pousser les premiers 17[17] de ces maisons, de ces bourgs, de ces districts, de ces pays à penser, à parler, à agir conformément à celle religion, qui est celle d’Ahura, celle de Zarathushtra.


Zôt et Ràspî ensemble :


8. J’appelle de mes vœux expansion et bien-être 18[18] sur tout le monde du bien.

J’appelle de mes vœux angoisse et mal aise 18 sur tout le monde du mal.

9 19[19]. Ashem vohû. La Sainteté est le bien suprême, etc… (3 fois).

Réjouissance à Haoma, saint de naissance ;

pour sacrifice, prière, réjouissance et glorification !

Yathâ ahû vairyô 20[20].



___________________________



a


  1. 1. Esm û bôî ol âtash yadrùnishn (dans Pt4 seul).
  2. 2. frasasti ; de là le nom de frasast donné au darûn qui va être consommé.
  3. 3. arsbukhdhem vacô ; voir Yasna XVI, 1, note.
  4. 4. Qu’Ormazd vienne nous payer de retour : voir Y. VII, 24, 58, note 1.


    Dans l’office célébré pour les morts, la quatrième nuit qui suit la mort, c’est au moment où le prêtre prononce les mots frasasti ahurahê mazdào, etc., que l’àme du mort passe au pont Cinvat (Saddar 77).
  5. 5. C’est-à-dire à la place du Frabaretar, le prêtre qui apporte au Zaotar les objets du sacrifice : ici, c’est le Darûn qu’il lui apporte. Le manuscrit J2 indique expressément qu’il passe à la place du Frabaretar. Les mss. K5, K4, Mt1 le mettent à la place du Hâvanan (éd. Geldner, 12, note 1) ; indication prématurée ; ce n’est qu’au Hâ suivant, consacré à Haoma, que le Hâvanan entre en scène.
  6. 6. Mazdayasnô aojanô ; « parle Mazdéisme, c’est-à-dire dit ; je suis homme de bien » (Comm. P.).
  7. 7. C’est-à-dire « qui jouit des biens réservés aux fidèles » le Myazda réservé aux fidèles, ou peut-être « qui veut jouir » : jishtay est un dénominatif de jishti, qui est lui-même un dérivé, peut-être désidératif, de ji « vivre ».
  8. 8. Le yâtu, sorcier, magicien, jâdù, est l’homme qui suit la religion d’Ahriman ; voir Y. XLV [XLIV], 2, note 6.
  9. 9. aîgh dakhshak i tâshtig patash padtâk barâ obdùnand « c’est-à-dire qu’ils font paraître sur lui un signe évident » (tâshti = suniçcita dans le Shikan Gumânî).
  10. 10. aiwi zuzuyanàm, madam guftârân ; de zu « prononcer » d’où le nom du zaotar même.
  11. 11. Les paroles « O Amesha-Speñtas, etc. » (Comm. P.). En refusant de les répéter, il montre que sa conscience l’accuse et il se confesse yàtu. — Ces deux paragraphes, 3-4, font partie du Bâj récité avant manger (Bâj Nân khordan)  ; cf. note 14.
  12. 12. aêtàm â yàtumanahè jasaiti : pour la construction impersonnelle, cf. Y. XLIII, note 21. — yâtumana est un abstrait de yâtu, le yâtuisme. — L’accusatif féminin êatàm est inattendu  ; peut-être désigne-t-il non une personne, mais une chose, et est-il employé au sens neutre  : cette conduite.
  13. 13. Pt4 a  : « lever (lire yakhsanûntan) la main du barsôm, couvrir le zôhr, manger le Srôsh darûn, se laver la bouche, se laver la main, la remettre sur le barsôm, dire quatre Ashem vohù, deux Yathâ ahû vairyo, yadâ min barsôm lâlâ yakhshanishtan u rôishâ î zôhr nuhûftan, srôshdarûn vashtamûntan, pûmâ pâk kartan uyadâ pun pâtyâp kartan, ol barsôm anakhtûntan. Ashem Vohûk vakhdûnishn (?) casrûshâmrûtîg gavishn. Yathâ ahû vairyôk bishâmrûtîg.
  14. 14. Ce qui suit forme le Bâj récité après manger (cf. note 11). En dehors de cela, les §§ 5 et 6 forment une prière souvent répétée dans l’Avesta, le Vasasca (Y. XI, 12 sq., LII [LI], 5 sq.  ; LX, 8 [LIX, 16]  ; LXVIII, 16 [LXVII, 51] ; LXXI [LXXII], 26.
  15. 15. hamistô, mrityas, cf. Y. XLVI [XLV], 4 c.
  16. 16. varatô, viparyatâ.
  17. 17. Les chefs, les notables.
  18. 18. ravasca hvâthremca (hv-àthrem), firâhhïk u khvàrîh : — àzasca duzhâthremca (duzh-âthrein), tangih u dush-khvârih. Cf. Études iraniennes, II, 191.
  19. 19. Introduction au Yasht de Haoma qui va suivre.
  20. 20. Sous forme dialoguée : Zôt, Ràspî, Zôt ; voir p. 4.