Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/Vispéred/Karda 1.

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Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. 443-448).

KARDA 1


Ce Karda, dont la formule reproduit celle du Hâ I, remplace dans le Vendidad Sadé le § 9 de ce Hâ, dont il est le développement.

Il comprend l’invitation au sacrifice des Ratus des diverses classes d’êtres (§ 1), des six Gâhânbârs (§§ 2-3) ; des textes liturgiques ou Staota yêsnya (§ 3), comprenant les trois prières essentielles Ahuna vairya, Ashem vohû, Yênhê hâtâm (§4 ; Hâ XXVII) ; les cinq Gâthas (§§ 5-7 ; Hâs XXVIII-LIII) ; l’Airyama ishyô (§ 8 ; Hâ LIV) ; le Fshûsha-mâthra (Hâ LVIH).

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1. J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Maître des êtres célestes 1[1], au Maître des êtres terrestres 2[2] ;

au Maître des animaux qui vivent dans les eaux 3[3] ;

au Maître de ceux qui vivent sous terre 4[4] ; au Maître de ceux qui volent dans les airs 5[5] ; au Maître de ceux qui courent dans la plaine 6[6] ;

au Maître de ceux qui vont dans les pâturages 7[7] ; saints, maîtres de sainteté.


2. J’annonce et j’offre [ce sacritice] aux Génies des fêtes de saison 8[8], saints, maîtres de sainteté :

au Maidhyôi-zaremaya 9[9] qui donne le lait 10[10] ; saint, maître de sainteté ;
j’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Maidhyôi-shema 11[11], où l’on fauche les foins 12[12] ; saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Paitish-hahya 13[13], qui donne le blé 14[14] ; saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à l’Ayâthrima 15[15] où la chaleur tombe et où se fait la saillie des troupeaux 16[16] ; saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Maidhyâirya 17[17], où le froid règne 18[18] ; saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Hamaspathmaêdaya 19[19], consacré aux œuvres de religion 20[20] ; saint, maître de sainteté.


3 (8). J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Production des êtres 21[21] ; sainte, maître de sainteté ; afin qu’ils aillent se reproduisant 22[22].
J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à l’ensemble des Staota yêsnya 23[23], qui accompagnent tout bon sacrifice 24[24].

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à l’ensemble des Staota yêsnya, qui accompagnent tout bon sacrifice et qui sont [comme] des Myazdas de sainteté pour les saints et les saintes 25[25].


4 (11). J’annonce et j’offre [ce sacrifice] aux Années, maîtres de sainteté 26[26].

A la prière chantée de l’Ahuna vairya 27[27], sainte, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Louange del’Asha vahishta 28[28].

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Yênhê hâtâm, qui accompagne tout bon sacrifice 29[29] ; saint, maître de sainteté.


5 (14). J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Gâtha Ahunavaiti 30[30], sainte, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] aux femmes [divines], avec leurs nombreuses 31[31] troupes d’hommes 32[32] ; créées par Mazda, saintes, maîtres de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Génie de l’Ahu et du Ratu 33[33], saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Yasna Haptanhâiti 34[34] ; saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à l’Eau Ardvi Anàhita 35[35] ; sainte, maître de sainteté.


6 (19). J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Gâtha Ushtavaiti 36[36] ; sainte, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] aux montagnes de sainte félicité, de pleine félicité 37[37], créées par Mazda, saintes, maîtres de sainteté.


J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Gâtha Spehtâ-Mainyû 38[38] sainte, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à Verethraghna 39[39], créé par Ahura, et à l’Ascendant 40[40] destructeur, saint, maître de sainteté.


7 (23). J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Gâtha Vohukhsthra 41[41], sainte, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à Mithra, maître des vastes campagnes 42[42], et à Râma Hvâstra 43[43], saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Gâtha Vahishtôishti 44[44] sainte, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la vertueuse et bonne Bénédiction 45[45],


et à l’homme vertueux et saint, et à la Pensée de malédiction du sage, Divinité redoutable et puissante.


8 (27). J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à l’Airyama ishyô 46[46], saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Fshûsha-mathra 47[47], saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au grand Maître, le Hadhaokhta 48[48], saint, maître de sainteté.


9 (30). J’annonce et j’offre [ce sacrifice] à la Révélation d’Ahura, à la Loi d’Ahura 49[49] au chef religieux du pays 50[50], sectateur d’Ahura ; au Zarathushtrôtema 51[51], sectateur d’Ahura ; saint, maître de sainteté.

J’annonce et j’offre [ce sacrifice] au Génie de la Maison 52[52], riche en fourrage 53[53] ; à Celui qui apporte du fourrage au bon bœuf 54[54] ; à Celui qui donne des bœufs 55[55] à l’homme du bien.
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  1. 1. « Auhrmazd ». — On attendrait ratùm au lieu de ratavô qui a l'air d’être abusivement transporté des formules de pluriel comme vîspê tê ratavô (Vp. II, 3) : ratavô se rapporte à tous les ratus énumérés et non à chacun d’eux en particulier.
  2. 2. « Zartûsht ». — Gayômart, le premier homme, n’est pas le Ratu des hommes : « il était grand, mais non pas le Maître (des hommes) ; car c’est Zoroastre qui est le Maître » (Grand Bundahish).
  3. 3. « Le Kar mâhîk » ou Poisson kar (Bund. XXIV, 13), le kara masya de l’Avesta, qui protège le Hôm blanc, dans la mer Vourukasha, contre la dent des bêtes ahrimaniennes (Bd. XVIII, 3 ; voir Yt. XIV, 29 ; XVI, 7 ; Vd. XIX, 42).
  4. 4. upasmanâm ; la traduction pehlvie est perdue dans notre passage ; mais dans le passage parallèle LXXI, 9 (Sp. LXX, 46), le mot est rendu ûnig « qui vit dans des trous » (cf. una « trou », Vd. XVII, 3, 5 ; et plus haut, Hâ X, n. 46) : upasma * upaz(e)ma. Le chef des animaux souterrains est l’hermine, kâkûmak. L’hermine habite en effet dans de longues galeries creusées sous le sol, d’où elle ne sort que rarement, pour faire la chasse à sa proie. Dans le Bundahish, XXIV, 12, l’hermine blanche est le chef seulement des animaux à fourrure (varsûkân ; il existait une légende qui la faisait admettre aux assemblées des Amshaspands, probablement à cause de sa pureté immaculée).
  5. 5. frapterejàtâm, vâyîndakân « ceux qui volent » (glose de M6 : parandagân « les oiseaux » ). Le mot semble signifier littéralement « qui bat de l’aile » : fraptere * προ-πτερον ; jàtâm, d’un thème participial jant [de ja jan] ; pour l’â du participe oblique, cf. ravas-caràtâm (note suivante) et carâîtika « jeune fille ». Le chef des oiseaux est le « karshipt » (Bd. XXIV, 11) : il a porté la loi de Mazda dans le Var de Yima (Vd. II, 42, 139), où il récite l’Avesta dans la langue des oiseaux (Bd. XIX, 16) ; assimilé par le Mînôkhard, LXI, 9, au cakravâka (l’Anas casarca).
  6. 6. ravas-carâtâm, frâkh raftârân « qui vont au large ». Leur chef est le lièvre (Bd. XXIV, 9).
  7. 7. canranhâcàm, carak arzânîgân « faits pour paître », dont le chef est la chèvre (khar bôz bakrî, Frâmjî). canraňhâc est formé de canra « pâturage » et hac « accompagner, aller avec « (cf. gairishâc, de gairi-hac ; Yt. VIII, 6) : le persan carîdan « paître », carâ (ph. carâk) « pâturage », ne vient donc pas du zend car « aller », mais de canra. — Une confusion étrange de la tradition médiévale, suivie par Anquetil, a vu dans le canranhac de notre passage le Brahmâne Çankara âcârya, converti par Zoroastre, et transformé en Tchengréghatchah (Anquetil, I, ii, 51, 84 ; cf. Bréal, Mélanges de mythologie et de linguistique, 201 et suite).
  8. 8. yâiryaêibyô, les Gâhânbârs ; voir Yasna I, Appendice D.
  9. 9. Maidhyoi-zaremaya, fête du mi-printemps, commémorative de la création du ciel, célébrée du 1 au 5 mai ; voir p. 38.
  10. 10. Ou bien : « et à son lait » ; « le lait vient mieux dans le Mîtôkzarmê ». D’après le Hâdhôkht Nask (Yt. XXII, 18), la nourriture des bienheureux est « le beurre du Maidhyôi-zaremaya », ainsi nommé, dit le Dàdistàn (XXXI, 14), « parce que le beurre fait du lait de la vache dans le second mois de l’année, qui dans l’Avesta s’appelle zarmâi, est renommé pour son excellence, et c’est pourquoi on a pris son nom pour désigner la nourriture céleste ».
  11. 11. La fête du mi-grand été (31 juin-4 juillet), commémorative de la création des eaux ; voir p. 39.
  12. 12. vàstro-dàtainya ; v. p. 39, note 31.
  13. 13. Paitish-hahya, fête de la fin de la moisson, commémorative de la création de la terre ; du 12 au 16 septembre ; p. 39.
  14. 14. Litt. « et au blé », habyèhè.
  15. 15. Ayâthrima ; fin du grand été ; fête commémorative de la création des plantes ; du 12 au 16 octobre.
  16. 16. Voir page 39, notes 13 et 14.
  17. 17. Maidhyàirya ; fête du mi-grand hiver, commémorative de la création des animaux ; du 31 décembre au 4 janvier ; p. 39.
  18. 18. saredhahê, sartik.
  19. 19. Hamaspathmaèdaya, fête commémorative de la création de l’homme, du 11 au 20 mars : voir p. 40.
  20. 20. aretô-karethnahè ; traduit « où l’on célèbre sacrifice, pun îzishn kartârîh », par allusion sans doute aux fêtes en l’honneur des Fravashis, qui remplissent ce Gâhânbâr et les cinq jours Gâthas qui suivent : voir p. 40.
  21. 21. gaèthanàm àonhairyèhê, gêhânàn yahvûnishnîli : à la Perpétuité de l’espèce.
  22. 22. yat âoùbairyô zizanen, man zak yahvûnishnîh zarahûnishn ; le ms. M6 au lieu de yahüùnishnih, a skadkànishnîh, c’est-à-dire que la vulgate voit dans ; âonhaîryô l’idée de devenir, de naître, comme dans àonhairy éhê, le mot étant ramené à ab « être », tandis que y voit « l’émission [du sperme] », le varshni-barshta (voir p. 39, n. 14), et ramène le mot à ab « lancer » : la glose est conçue dans le même sens : mâ gûshan gûsnîhic zarahûnishn râi dar apâyat « car il faut, pour engendrer, mâle et virilité ». Frâmjî entend dans le même sens ; il rend âonhairyô par nànkhe « il lance », ce qui suppose qu’il lit aussi shadkûnishnîh  : il traduit  : « j’invite au sacrifice le devenir du monde, qui fait engendrer les jeunes gens dans leur jeunesse, c’est-à-dire quand ils sont capables d’engendrer ; c’est-à-dire que les jeunes gens doivent chercher femme dans leur jeunesse ». Il est difficile de séparer àonhairyêhé de âonhairyô, et il faut faire de l’un et de l’autre un dérivé soit de ah « être », soit de ah « lancer » ; dans un cas àonhairya sera la production, la naissance, dans l’autre l’acte de génération ; et âonhairyô (pluriel de âonhairi  ?) signifiera soit « les producteurs », soit « les mâles ».
  23. 23. Voir LV, Introduction, et à l’Introduction générale, Analyse du Yasna.
  24. 24. Voir page 117, note 10.
  25. 25. Ces saints et ces saintes sont les Amesha-Speñtas, mâles et femelles (p. 115, n. 1). Les Staota yêsnya leur servent idéalement d’aliment, de Myazda.
  26. 26. Il semble qu’il y ait un déplacement de texte : cette formule viendrait mieux après l’invocation des Gâhânbârs, et les Staota viendraient ainsi immédiatement avant les prières.
  27. 27. Ahuna vairya ; voir Hâ XIX. — frasraothrahê, frâj srâyisha : peut-être fra indique-t-il la répétition, l’Ahuna étant répété quatre fois à la file à la fin des Hâs gâthiques (mâ min raglâ apâyat gûftan zak Yatâ âhû vêryôk 4 pun frôt ; cf. IX, 14).
  28. 28. Staothwahê ; nom de l’Ashem vohù (Hâ XX) qui est consacré à l’éloge [stùiti de l’Asha : cf. p. 118, note 6.
  29. 29. L’achevant, puisqu’il termine les Hâs : cf. Introduction au Hâ XXI.
  30. 30. Hâs XXVIII-XXXIV.
  31. 31. pouru-saredhô : ou « de toute espèce ».
  32. 32. Les Fravashis des justes qui donnent des troupes d’hommes (c’est-à-dire nombre d’enfants mâles) à ceux qui leur offrent le sacrifice : cf. I, 6, 18, note 26.
  33. 33. « Le génie par la vertu duquel on a un ahu et un ratu » (un chef temporel, khûtâk, et un chef spirituel, dastôbar) ; à savoir Ahura ; v. le passage parallèle II, 7, 18.
  34. 34. Hâs XXXV-XLI.
  35. 35. Voir Yt. V et Hâ LXV.
  36. 36. Hâs XLIII-XLVI.
  37. 37. Cf. Hâ I, 14.
  38. 38. Hâs XLVII-L.
  39. 39. Voir Yasht XIV, Introduction.
  40. 40. Cf. Hâ I, 6, note 28.
  41. 41. Hâ LI.
  42. 42. Cf. Hâ I, 3, note 17.
  43. 43. Cf. Hâ I, 3, note 19.
  44. 44. Hâ LIII.
  45. 45. Cf. Hâ I, 15. Il s’agit probablement de la Divinité de ce nom et non de la Prière correspondante, l’Afrîngân Dahmân, les formules qui suivent l’invocation des Gâthas dans les formules précédentes ayant rapport à des divinités, non à des textes.
  46. 46. Hâ LIV.
  47. 47. Hâ LVIII.
  48. 48. Peut-être une simple épithète du Fshûsha-màthra, comme étant pris du Hâdhôkht Nask (cf. Yasna LVIII, Introd.) ; cependant l’analogie des passages précédents et le titre de ralu berez « le Grand Ratu », qui est un des noms d’Ahura (Yasna I, n. 64), feraient croire que Hadhaokhta est ici une désignation d’Ahura et non d’un texte. Le ratu berez badhaokhta serait peut-être « le Grand Ratu de la révélation » (badhaukhta « qui apporte avec lui la parole »).
  49. 49. frashna et tkaêsha, la révélation religieuse et la loi civile : frashna, pûrsishn, Apastàk u zand ; tkaêsba, dâtistân, pêshîmâlîh upasimâlîh, « frashna, les questions (cf. p. 432, n. 24), c’est-à-dire l’Avesta et le Zend ; tkaêsha, la loi civile, les rapports de plaignant et de défenseur ».
  50. 50. Le dahyuma ; ne pas confondre avec le dahyupaiti ; v. page 31.
  51. 51. Le chef suprême de la religion, le Maubadân Maubad ; v. page 30.
  52. 52. badhishahê, mînôi khânak ; le Pénate. — Cf. Vp. IX, 5 (Sp. X, 24).
  53. 53. vàstravato, vâstarômand aîghash anbâr dur sâzinad « qui a le fourrage ; c’est-à-dire qu’il fait faire des provisions ». C’est presque la définition du Pén&te : Penates… a penu.
  54. 54. vàstrô-beretahè ; glose : « le Génie par le fait de qui l’homme fait des provisions pour le bétail ».
  55. 55. Ou plus généralement a du bétail ». Glose : Pasûshùrûn ; Pasàsh-ûrûn n’est qu’un doublet de Gôsh-ûrûn, la divinité protectrice des animaux (Yasna XXIX, Introd. et Yt. IX) ; « l’âme du bétail » au lieu de « l’âme du bœuf ». — Sur ces trois derniers génies, voir Etudes iraniennes, II, 201-203.