Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ54.

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Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. 349-351).



HÂ 54 (SP. 53). — AIRYAMA ISHYÔ




D’après l’analyse du Bak Nask (Dînkart, IX, 68), ce morceau est une annexe au dernier vers de la dernière Gâtha : « Cette royauté est tienne, ô Mazda, qui améliore le sort du pauvre honnête 1[1]. » L’Airyama ishyô aurait donc à la Gàtha Vahishtôishti le même rapport que le Hâ LI à la Gàtha Yohukhshathra. Il annonce à celui qui aide ainsi le pauvre « la délivrance du Démon et la consommation de tout bonheur » (bùkhtishni mîn khayabit hamgartîkihi kold îiivakih).

L’Airyama ishyô est une des prières les plus puissantes de l’Avesta. Il est surtout employé contre les maladies : c’est à lui qu’Ahura envoie demander secours pour repousser les 99, 999 maladies créées par Angra Mainyu (Vd. XXII). On retrouvera son éloge à côté de celui de l’Ashem vohû au Yasht d’Ardibahisht, § 5, et dans un fragment zend qui en fait l’instrument de la résurrection (vol. II, Fragments) 2[2].

Cette prière est nommée, d’après les deux premiers termes, Airyama ishyô, que nous traduisons « Airyaman qui comble les vœux » 3[3]. Le mot airyaman signifie « le serviteur » (p. 236, note 3) et, comme nom propre, il désigne un Yazata qui, selon le Parsisme moderne, est « l’Ized du ciel 4[4] » (Frâmaj, ad Vd. XXI). Cette interprétation repose sans doute sur le passage du Vd. XXI, 7, où Ahura envoie son messager Nairyô-saňha, à la « maison d’Airyaman », implorer son secours contre les maladies créées par Ahriman. Airyaman semble être une incarnation de la piété soumise, une contre-partie masculine d’Armaiti (arya-man yé arém manyâtà « celui qui pense comme il convient », par opposition à celui yé taré manyàtà « qui pense insolemment » ; v. XLV, 11, note 35).

L’Airyama ishyô n’est pas une Gâtha, mais il fait partie, comme le Yasna haptaňhâiti, de la littérature gâthique et, comme lui, il est commenté dans les trois Nasks spécialement consacrés au commentaire des Gâthas (Dînkart, IX ; Sûtkar, 23 ; Varshtmânsar, 46 ; Bak, 68). Le Bak Nask l’appelle « le dernier frashn en dehors des cinq Gâthas, afdùm frashn tarêst 5 gâsân » ; le mot frashn, frashna, litt. « question », qui désigne d’une façon générale les révélations d’Ahura, faites dans ses entretiens avec Zoroastre et en réponse à ses questions, étant ici employé, par opposition au terme Gâtha, pour désigner les parties non métriques ou d’un mètre moins exact 5[5].

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1. A Airyama ishyô. — Qu’Airyaman qui comble les vœux vienne ici pour la joie des hommes et des femmes de Zarathushtra 6[6] ! Pour la joie de Vohu Manô 7[7] ! Avec la récompense désirée que la Religion mérite 8[8] !

Je demande pour la sainteté la faveur convoitée” qu’Ahura Mazda accorde grandement. (A répéter 4 /bis'”.)

Ashem vohû. La Sainteté est le bien suprême, etc... (3 fois).

2. Nous sacrifions à l’Airyama ishyô, le fort, le victorieux, qui écarte le mal, la plus grande des formules de sainteté “.

Noussacrifions aux bienfaisantes Gâthas, souveraines surles Maîtres saintes.

Nous sacrifions aux Staota yêsnya créés au début du monde.

Yêrihê hâtâm.

0. Je prends asliîm (/.anagâlh) au sens de upaknti (p. 85, n. 8). Il semble que le pehlvi entende ici la « dévotion, la soumission » du fidèle, Zoroastre demandant « bons disciples » [hâoisliti nlvak). Selon d’autres, dit la glose, il demande « la dignité de Maubadân Maubad « [magûpntàn magûpaüh)  : c’est dans ce dernier ordre d’idées que nous traduisons.

10. L’Airyama isliyô est un des CallirusLàmrùta (Vd. X, 12).

11. Cf. au vol. 11, Fragment IV de AVestergaard.

12. ralu-khsliatbrâo  : ral-khûtâi, cil ral-khûlâl hanâaïgh apârîkic pun danâ shàyat yashtan « souveraines desliat ; leur souveraineté sur les Rat consiste en ceci  : que c’est par ellesqu’on peut sacrifier aux autres» (Vd. XIX, 38, 127 ; traduction mutilée dans le Yasna pehlvi). .Autrement dit, les Gâthas sont au-dessus des autres lîatu en ce que c’est en les récitant qu’on honore les Ratu et qu’elles sont nécessaires à leur culte, à la Ratu-frili. — Pour un autre emploi de ratu-klishathra, y.Vispéred, 111, 4, 20.


  1. 1. Voir le texte plus haut, p. 163.
  2. 2. Fragment IV de Westergaard ; traduit et commenté en pehlvi dans le Varshtmânsar (Dînkart, IX, 46).
  3. 3. ishya est traduit comme « maître de ish, des désirs ».
  4. 4. Dans les Védas, aryaman signifie l’ « ami » comme Mitra et c’est le nom d’un Aditya invoqué avec Mitra et Varuna. C’est un vague dédoublement de Mitra.
  5. 5. Dans la technique védique praçna désigne une division du texte de trois vers. L’Airyaman a trois lignes, et de même le Yasna Haptaňhàiti, selon le Cîm î Gâsân, § 51, est composé de stances de trois lignes. On pourrait donc penser que frashn est un terme technique emprunté, par voie savante, à l’Inde. Mais je doute qu’il y ait là plus qu’une rencontre accidentelle, car on ne peut séparer frashn du zend frashna qui appartient à un tout autre ordre d’idées que praçna, ce dernier étant né dans le cercle limité de l’école et étant un terme d’enseignement (la leçon que récite un élève). Cf Hâvan Gâh, 6 (vol. II, 712), n. 7.
  6. 6. Vienne combler les vœux des fidèles.
  7. 7. Pour la joie des honnêtes gens.
  8. 8. La récompense céleste (mizdî nînôi). Le fidèle, homme ou femme, dit Fràmji, obtiendra la coupe où l’on boit la liqueur de Maidyôzarm » (l’ambroisie : Yasht XXII, 18).