Le chrétien et les dettes

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Alphonse Recordon (p. 1-24).

LE CHRÉTIEN ET LES DETTES.




Il n’est pas, dans les Écritures, un précepte plus clair et plus positif, que celui qui se trouve au verset 8 du chapitre XIIIe de l’Épître aux Romains : Μηδενὶ μηδὲν ὀφείλετε. Il n’y a point de variante ; ces trois mots ne sont pas susceptibles de deux ou plusieurs sens[1]. Aussi, à ma connaissance, toutes nos versions, sauf Osterwald qui dit : « Ne soyez redevables à personne, » sont d’accord pour les traduire ainsi : « Ne devez rien à personne, » Le verbe grec, rendu par devez, signifie bien cela, et rien que cela, ou : être « débiteur, avoir une dette ; » on trouve dans des auteurs grecs profanes la même phrase avec la même acception. Ainsi, par exemple, dans Lucien : « ὀφείλειν μηδὲνί ; ne devoir [rien] à personne. » — Ce passage est donc tout aussi simple et ce précepte tout aussi catégorique, que celui-ci que nous trouvons au verset qui suit : « tu ne tueras point. » Tout lecteur qui respecte la Parole écrite, sans avoir la prétention de l’interpréter au gré de ses opinions ou de ses désirs, comprendra donc qu’ici il lui est formellement défendu de contracter des dettes.

Si l’on dit que la fin du passage modifie le sens que nous donnons au commencement, j’en conviendrai, si l’on veut, mais en ajoutant que c’est pour le renforcer encore davantage. Voici le verset dans son entier : « Ne devez rien à personne, sinon de vous aimer les uns les autres, car celui qui aime les autres a accompli la loi. » — Qu’est-ce à dire si ce n’est ceci : toute dette vous est interdite, à l’exception d’une seule, dont vous ne sauriez jamais vous libérer, savoir l’amour pour vos frères et les obligations qui en découlent ? Il est clair que, tant que nous serons ici-bas, jamais nous ne pourrons dire que nous ne devons plus rien à nos frères, qu’il n’est plus pour nous de devoir résultant de l’affection fraternelle. À cette seule exception près, toute autre dette nous est formellement défendue : nous ne pouvons en contracter sans transgresser un des commandements les plus positifs de la Parole et, par conséquent, toute dette est un péché pour le chrétien.

Il y a pourtant quelques réserves à faire ou quelques explications à donner sur ce que nous entendons par des dettes.

Un chrétien, même fidèle, peut se voir dans les dettes, par une suite de circonstances malheureuses – qui, sans doute, ne sont pas arrivées sans la volonté de Dieu, mais qui ne dépendaient nullement de la volonté de celui qui en souffre. Tel était, par exemple, le cas de cette veuve d’un des fils des prophètes qui, quoique craignant Dieu, était mort, laissant sa pauvre femme exposée à se voir tout enlever, jusqu’à ses deux enfants, par un créancier avide et cruel. — Que faire alors ? précisément ce que fit cette femme qui a recours à Dieu en s’adressant à l’homme de Dieu et qui est ainsi admirablement délivrée. Dans une semblable position, où nous voyons la main du Seigneur, nous pouvons nous confier pleinement en Lui et réclamer avec foi la délivrance qu’il peut et veut toujours donner ; car alors cette position est pour nous une épreuve et non pas un état de péché.

Ensuite, lorsqu’un chrétien a par devers lui des valeurs quelconques qui font plus que représenter le montant de ce qu’il doit, on ne peut pas dire qu’il se soit mis dans les dettes ; puisque, au pis aller, il ne ferait ainsi que vendre au-dessous de leur prix ce qui lui appartient. Le meilleur et le plus sûr pour lui serait néanmoins de se libérer le plus tôt possible.

En dehors de ces cas et, peut-être, d’autres analogues, un chrétien ne peut contracter des dettes sans pécher, car, encore une fois, le commandement de Dieu est des plus formels. Et comme le mal qui se trouve dans une telle marche apparaîtra mieux encore, si nous en recherchons le principe et si nous en rappelons les conséquences.

Le principe ou le motif qui engage l’enfant de Dieu dans cette voie est opposé à ceux qui devraient le diriger. Au fond, ce motif revient presque toujours à ceci : orgueil, ambition, avarice, mondanité. En effet, comment concilier les dettes chez les chrétiens avec ces déclarations de la Parole : « Que votre conduite soit sans avarice, étant contents de ce que vous avez présentement, car Lui-même a dit : Je ne te laisserai point, et je ne t’abandonnerai point ; de sorte que nous pouvons dire avec hardiesse : Le Seigneur est mon aide… » (Hébr. XIII, 5, 6) ? Si vous faites une dette en empruntant, par exemple, montrez-vous que vous êtes content de ce que vous avez présentement, que vous croyez à la promesse de Dieu : « Je ne te laisserai point, » que vous pouvez dire avec hardiesse qu’Il est votre aide, et que c’est pour vous une précieuse vérité ? — N’est-ce pas, au contraire, la preuve que vous vous défiez de Dieu, que votre cœur se détourne de Lui à proportion qu’il s’appuie sur le bras de la chair et qu’il se confie en l’homme ?

Pourquoi, souvent, fait-on des emprunts ou des dettes ? Parce qu’on n’est pas content de l’état dans lequel on se trouve, parce qu’on veut en sortir pour s’élever plus haut, parce que, au lieu de s’accommoder aux choses humbles, on estime et l’on recherche les choses élevées. Sont-ce là les sentiments qui conviennent au disciple de Celui qui s’est anéanti lui-même et abaissé jusqu’à la mort de la croix, de Celui qui était doux et humble de cœur ? Est-ce là suivre les traces de ce Jésus qui a été pauvre et méprisé sur la terre, qui n’y a trouvé qu’une crèche et une croix, et qui nous invite à marcher comme Il a marché lui-même, à vivre comme Il a vécu ? À combien de chrétiens s’appliquerait encore ce que disait l’Éternel à Baruc (Jérém. XLV, 5) : « Et toi, te chercherais-tu des grandeurs ? Ne les cherche point ; car voici, je vais faire venir du mal sur toute chair, dit l’Éternel ; mais je te donnerai ta vie pour butin dans tous les lieux où tu iras. » Et encore ce que Élisée disait à l’ambitieux et cupide Guéhazi : « Est-ce le temps de prendre de l’argent, et de prendre des vêtements, des oliviers, des vignes, du menu et du gros bétail, des serviteurs et des servantes » (2 Rois V, 26) ? Comme quelqu’un l’a si bien dit : « J’aimerais mieux être une statue de marbre dans le chemin de l’obéissance, que de faire les plus grandes choses aux dépens de la moindre portion de la parole de Dieu. »

Et si vous alléguez qu’il faut pourtant bien que vous entrepreniez quelque chose pour subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille, je réponds : Sans aucun doute, car Dieu nous ordonne à tous de travailler, en faisant de nos mains ce qui est bon — et cela non-seulement afin de pourvoir à nos besoins, mais encore afin qu’avec le surplus nous ayons de quoi donner à celui qui est dans l’indigence (Éphés. IV, 28). Quant aux entreprises, soit qu’il s’agisse d’œuvres collectives ou privées, pour répandre l’évangile ou dans un but philanthropique, soit qu’il ne s’agisse que de plans individuels ayant seulement en vue l’avantage temporel de ceux qui les forment, souvenons-nous que, si nous devons en faire, Dieu nous fournira les moyens pour cela[2]. À cet égard, Il nous dit comme à Gédéon (Jug. VI, 14) : « Va avec cette force que tu as. » — Avec cette force, ces ressources qu’il a données — mais pas au delà. Aller au delà, c’est entrer sur le terrain des dettes et, par conséquent, du péché ; c’est chercher la prospérité dans un chemin où Dieu ne peut être avec nous et où nous ne pouvons pas réclamer et attendre sa bénédiction, — cette bénédiction qui seule enrichit, même sans aucun travail de notre part (Prov. X, 22).

Ainsi donc, avant d’acheter une maison ou des terres, avant de fonder un établissement quelconque, grand ou petit, frères, nous vous en supplions, « asseyez-vous premièrement et calculez devant Dieu la dépense pour voir si vous avez de quoi la faire, » et si, par conséquent, Dieu vous y autorise.

Que l’enfant du siècle réussisse par fois ou même fasse fortune dans cette voie, nous le comprenons, il ne connaît pas Dieu, il a ses biens en ce monde et il agit dans l’ignorance et dans l’incrédulité à l’égard de la volonté du Seigneur : il n’est pas, à cet endroit, sous la même responsabilité que l’enfant de lumière. Combien de ceux-ci qui, en suivant ce chemin d’infidélité, ont vu se réaliser pour eux ce que l’Écriture dit de ceux qui veulent devenir riches : ils sont tombés dans la tentation et dans le piége et dans plusieurs désirs insensés et pernicieux ! Combien qui, ayant ambitionné des richesses, se sont égarés de la foi et se sont transpercés eux-mêmes de beaucoup de douleurs !

Bien aimés frères, qu’il vous soit donné d’éviter ces piéges, qui aboutissent trop fréquemment à une ruine désastreuse, par laquelle le beau nom du Seigneur est exposé à l’opprobre, l’évangile est blasphémé par plusieurs que de tels scandales éloignent ou détournent de la vérité, en leur faisant subir des pertes plus ou moins considérables, tandis qu’une marche intègre et fidèle aurait rendu honorable à leurs yeux la doctrine de notre Dieu Sauveur.

Demeurez donc dans la position, tout humble qu’elle soit, — ouvrier, serviteur, employé subalterne — où Dieu vous a placés, si Dieu lui-même ne vous ouvre pas la porte pour en sortir. D’un autre côté, si l’état où vous êtes vous obligeait à faire des dettes, que ce soit pour vous un indice évident que cet état n’est pas selon Dieu et qu’il faut au plus tôt y renoncer : car Dieu ne peut pas vouloir que vous demeuriez dans une position qui serait pour vous une occasion de péché, et c’est, pour autant qu’il y est avec Dieu, que chacun doit demeurer dans l’état dans lequel il a été appelé (1 Cor. VII, 24). Il faut en sortir, dès que votre conscience en comprendra le danger, de même que Pierre sortit en pleurant de la cour du souverain sacrificateur. Et si même vous aimiez votre position ou votre profession, si votre cœur y était attaché à un haut degré, ce serait une raison de plus de fuir un piége d’autant plus périlleux pour votre âme et d’obéir sans réserve à ce commandement du Seigneur : « Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le, et jette-le loin de toi, car il est avantageux pour toi qu’un de tes membres périsse, et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne. » Et si vous disiez : « Je dois attendre que Dieu me montre ce que j’ai à faire » — je réponds : « Vous êtes dans un train de péché, » vous n’avez pas besoin que Dieu vous donne quelque signe de sa volonté, puisque sa volonté, vous devez le savoir, c’est que vous ne péchiez plus. — Mais si j’abandonne ma position, je ne sais pas que faire, — Commencez par cesser de mal faire. Voilà à quoi le Seigneur vous appelle tout d’abord. Quand vous aurez fait ce premier pas indispensable, il vous fera faire le suivant. Confiez-vous en Lui ; marchez par la foi, c’est-à-dire sans savoir où vous allez. Ainsi vous serez délivré, conduit et dirigé d’en haut.

Puis, quelle que soit votre condition temporelle, contentez-vous-en si elle vous met à même de vivre, de nouer les deux bouts, comme on dit vulgairement. Peut-être que, au moyen de l’achat d’une maison, d’un fonds de terre, de quelques améliorations, réparations, agrandissements, de quelque instrument perfectionné ou machine, votre condition deviendrait plus favorable et vous permettrait de réaliser des bénéfices. Si vous avez de quoi vous procurer ce mieux-être, vous êtes libre de le faire ; mais si, pour cela, vous êtes dans le cas d’emprunter, c’est-à-dire de contracter une dette, soyez sûr que Dieu ne le veut pas ; sachez donc vous en passer et attendre en demeurant en repos. Laissez-vous diriger et soutenir par ces vérités si consolantes : « Assure-toi en l’Éternel et fais ce qui est bon ; habite la terre et te nourris de vérité. Prends ton plaisir en l’Éternel, et il t’accordera les demandes de ton cœur. Remets ta voie sur l’Éternel et te confie en lui, et il agira. Mieux vaut au juste le peu qu’il a, que l’abondance à beaucoup de méchants… J’ai été jeune et j’ai atteint la vieillesse ; mais je n’ai jamais vu le juste abandonné, ni sa postérité mendiant son pain… Prends garde à l’homme intègre, et considère l’homme droit ; car la fin d’un tel homme est la prospérité » (Ps. XXXVII). « La piété avec le contentement d’esprit est un grand gain ; car nous n’avons rien apporté dans ce monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter ; mais ayant la nourriture et de quoi nous couvrir, que cela nous suffise. » « La piété est utile à toutes choses, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir » (1 Tim. VI, 6–8 ; IV, 8). Et ailleurs : « Confie-toi de tout ton cœur en l’Éternel, et ne t’appuie point sur ta prudence. Considère-le en toutes tes voies, et il dirigera tes sentiers. Ne sois point sage à tes yeux ; crains l’Éternel, et détourne-toi du mal » (Prov. III, 5–7).

Oh ! qu’heureux est celui qui se confie ainsi en son Dieu et Père et qui a, avant tout, à cœur de lui être agréable et de faire sa volonté. Que de peines, que d’inquiétudes, que d’épreuves, que de douleurs il s’épargne en marchant avec Dieu, selon Dieu et près de Dieu ; en ne s’appuyant que sur Lui dans les difficultés, en ne recourant qu’à Lui dans la détresse ! Il peut être pauvre, dénué, malade, affligé : — sans doute, cela fait partie du lot sur la terre, que le Seigneur Jésus a promis au fidèle ; mais avec et malgré tout cela, il peut être heureux dans le Seigneur, jouir de son ineffable paix, ne s’inquiéter de rien, se rappelant que son Père céleste connaît mieux que lui tous ses besoins et qu’Il est puissant et miséricordieux pour y satisfaire selon les richesses de sa grâce. Celui qui lui a donné son propre Fils, ne lui donnerait-il pas aussi et à plus forte raison tout ce qui peut lui être nécessaire dans ce désert ? Il se soumet donc sans difficulté à cet ordre du Maître : « Ne soyez point en souci, disant : Que mangerons-nous, que boirons-nous ou de quoi serons-nous vêtus ? « Laissez aux païens à s’inquiéter de toutes ces choses. Vous qui avez cherché premièrement le royaume de Dieu et sa justice, soyez assuré que toutes les autres choses vous seront données par-dessus. Il n’est rien, dans les circonstances les plus pénibles que le chrétien vraiment fidèle peut traverser, qui trouble ou interrompe sa communion avec le Père et avec le Fils, rien qui l’empêche de s’adresser à Dieu avec une entière assurance, en rejetant sur Lui tout souci, car Il a soin de nous. Quel bonheur quand cette autre parole devient, en pratique, une vérité pour nous : « Que ceux donc qui souffrent selon la volonté de Dieu, lui remettent leurs âmes, comme à un fidèle Créateur, en faisant le bien » (1 Pierre IV, 19) !

Et grâces au Seigneur, il en est de tels ; il est des frères et des sœurs qui, en particulier, relativement au sujet qui nous occupe, ont compris qu’ils ne pouvaient faire des dettes sans transgresser un précepte positif des Écritures, et qui, par conséquent, ont pris devant Dieu la résolution de n’en plus faire. Et nous en connaissons qui ne s’en sont jamais repentis, qui, au contraire, sont dès lors beaucoup plus tranquilles et heureux dans ce chemin de la foi et de l’obéissance, lequel, quoi qu’il en soit d’ailleurs, est et sera toujours celui de la bénédiction. Quelle joie ils éprouvent quand, après avoir exposé leurs requêtes à leur Père, ils voient les délivrances arriver de sa part au moment du besoin ! ils apprennent toujours mieux que l’extrémité de l’homme est l’opportunité de Dieu, et peuvent dire, eux aussi, après et comme leur Sauveur : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien » (Ps. XXIII, 1) !

Il n’en est certes pas ainsi de celui qui, par incrédulité, par ambition, par mondanité, se laisse entraîner au péché de faire des dettes, de trafiquer ou de bien vivre selon le monde avec l’argent d’autrui. Il est sorti du sentier de la foi et de l’obéissance ; il ne peut donc pas compter sur Dieu ni se confier en Lui pour sortir d’un état de détresse, où il s’est placé en faisant sa propre volonté, sans consulter le Seigneur et en opposition avec la volonté du Seigneur.

Oui, coûte que coûte, quelque humiliant que cela puisse être, quelles que soient les pertes qu’entraîne avec elle la liquidation d’un établissement ou d’un commerce, tout chrétien consciencieux s’y résoudra pourtant, dès que sa conscience réveillée lui fera voir qu’il est dans un train de péché, où il ne peut marcher dans la lumière et avec Dieu. S’il ne prend pas et n’exécute pas promptement cette décision, il est d’autres conséquences funestes, auxquelles il s’expose et qui ne se manifestent que trop souvent dans de telles circonstances. En y persévérant malgré sa conscience, celle-ci s’émousse se cautérise et s’endurcit, au point que l’on voit parfois des chrétiens, — dans le vain espoir de sortir d’embarras — et en réalité parce qu’ils ne veulent pas renoncer à leur mauvaise voie — en venir à des expédients peu honnêtes, même à des fourberies, auxquelles des mondains mêmes auraient honte de recourir. Ainsi, si l’on a des frères pour créanciers, on s’imagine qu’il n’est pas nécessaire de les rembourser, on fait des promesses et on ne les tient pas, on cherche à faire illusion à soi et aux autres sur son état, en ne retranchant rien à ses dépenses, si ce n’est en les augmentant ; à la veille même d’une faillite forcée, on fait encore des achats ou des emprunts en s’engageant à les solder dans peu. Ainsi un abîme appelle un autre abîme. Quelle vie d’ignominie et d’angoisses que celle-là — hélas ! et parfois ce n’est que la justice humaine qui vient y mettre un terme !

Voilà — et trop de faits lamentables prouvent que nous n’exagérons pas — voilà jusqu’où un croyant peut tomber peu à peu sur cette pente glissante, dès l’instant qu’il se permet de contracter sans scrupule des dettes et de vouloir faire des choses plus grandes que celles auxquelles Dieu l’appelle. — Plusieurs diront peut-être : « Ces paroles sont dures ; » nous les plaindrions d’autant plus. Dieu nous est témoin que c’est dans un esprit de sincère affection pour nos frères, que nous les avons tracées. Oh ! si elles pouvaient porter la conviction dans quelques consciences et faire disparaître, du milieu de nous, ces tendances ambitieuses à s’élever dans le monde, ces aspirations à s’enrichir, cet esprit de mécontentement d’un humble sort, cette facilité à franchir les limites de la droiture, de la probité et de la dépendance de Dieu seul, pour mieux réussir dans ses affaires, — nous serions heureux de les avoir écrites. Oh ! si elles pouvaient arrêter, ne fût-ce qu’un frère ou une sœur, entré, peut-être par ignorance et sans mauvaise intention, dans cette voie fatale — et lui faire rebrousser chemin avant que le mal fût devenu, en quelque sorte, irrémédiable, nous en bénirions le Seigneur dont nous réclamons la bénédiction sur ces avertissements.

Il est des chrétiens à leur aise ou même riches qui, soit par insouciance, soit par oubli, négligent fréquemment d’acquitter sur-le-champ leur petites dettes à leurs fournisseurs et ouvriers. À moins, comme c’est quelquefois le cas, de conventions contraires préférées par les créanciers, nous ne saurions trop blâmer ce mode d’agir. Il est tout ce qu’il y a de plus opposé à la vraie charité et dénote un manque de sympathie pour les classes appelées à vivre de leur travail. Cet usage, que je ne crains pas d’appeler barbare, peut se rencontrer chez des personnes d’ailleurs fort généreuses et sachant ouvrir largement leurs bourses pour des œuvres de bienfaisance. Nous leur dirions : « Il fallait faire ces choses-ci et ne pas négliger celles-là, » ou plutôt : Avant de donner, il fallait payer ce que vous deviez. — Vous ne savez pas, ne vous étant jamais identifiés avec leurs circonstances, combien de peines, d’angoisses, de murmures apporte peut-être dans la maison du pauvre ouvrier votre négligence à le satisfaire. S’il avait compté là-dessus pour le pain de sa famille ; si vous l’aviez ainsi mis dans le cas de faire lui-même une dette… n’est-ce pas cruel ? N’est-il pas naturel que son cœur soit aigri contre celui qui n’aurait eu qu’à puiser dans sa poche ou à signer un billet pour lui procurer ce qui lui est légitimement dû ? S’il y avait parmi nos lecteurs, ne fût-ce qu’un seul frère qui eût conservé cette impie habitude de quelques-uns des riches de ce monde, nous lui rappellerions que Dieu, qui prend, en amour, connaissance des circonstances des pauvres, avait donné cet ordre à son ancien peuple : « Tu ne feras point de tort au mercenaire pauvre et indigent d’entre tes frères, ou d’entre les étrangers qui demeurent en ton pays… Tu lui donneras son salaire le jour même qu’il aura travaillé, avant que le soleil se couche ; car il est pauvre, et c’est à quoi son âme s’attend, afin qu’il ne crie point contre toi à l’Éternel, et que tu ne pèches point en cela » (Deut. XXIV, 14, 15). Souvenons-nous aussi de cette autre écriture : « Ne dis point à ton prochain : Va, et retourne, et je te le donnerai demain, quand tu l’as par devers toi » (Prov. III, 28). Or, les disciples, les affranchis de Jésus-Christ devraient-ils être moins miséricordieux que les esclaves de la loi ?

Qu’on nous permette d’ajouter ici les réponses données par un bien cher frère anglais, C.-H. M., dans une feuille mensuelle, du genre de la nôtre, à deux frères qui, en divers temps, l’avaient consulté sur la question des dettes.

Mais, avant cela, encore un mot qui s’adresse à une tout autre classe de chrétiens. On dira et l’on m’a déjà dit : « Mais s’il est interdit à un frère d’emprunter, ne sera-t-il pas, par conséquent, interdit à d’autres frères de prêter ? » Cette objection, conforme à la logique humaine, n’en est pas moins en opposition avec les enseignements les plus clairs de la Parole de notre Dieu. Et cela découle du passage même qui, après avoir dit : « Ne devez rien à personne, » ajoute, comme nous l’avons vu : « sinon de vous aimer les uns les autres. » Or cette dette de l’amour, dont nous ne pourrons jamais nous affranchir, consiste aussi évidemment à faire part de nos biens, soit par prêts[3], soit surtout par dons, comme nous le verrons bientôt, à nos frères dans le besoin. C’est ce que viennent confirmer un grand nombre de recommandations bibliques, dont nous citerons quelques-unes. Au Psaume XXXVII, 24 et 26, nous lisons : « Le méchant emprunte et ne rend point, mais le juste a compassion et donne… Toujours il est compatissant, et il prête, et la bénédiction repose sur sa postérité. » — Ps. CXII, 5 : « Heureux l’homme qui est compatissant et qui prête ; il règle ses affaires selon la justice. »

Écoutons encore le Seigneur Jésus-Christ lui-même sur ce point particulier de l’amour fraternel. Matth. V, 42 : « Donne à celui qui te demande, et ne te détourne point de celui qui veut emprunter de toi. » Luc VI, 34–36 : « Si vous ne prêtez qu’à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? car les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin qu’ils reçoivent la pareille. Mais aimez vos ennemis, et faites du bien, et prêtez sans en rien espérer ; et votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car Il est bon envers les ingrats et les méchants. Soyez donc miséricordieux, comme aussi votre Père est miséricordieux. » — Voilà qui n’a pas besoin de commentaire pour s’imposer à la conscience de tout disciple de Christ.

Enfin, quel plus puissant motif à la libéralité chrétienne peut-on présenter que celui que Paul offrait aux fidèles de Corinthe, à l’occasion d’une collecte pour les saints de Jérusalem, dans laquelle ils avaient donné selon leur pouvoir et même au delà de leur pouvoir : « Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ qui, étant riche, a vécu dans la pauvreté pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis » (2 Cor. VIII, 9) ! Laissons maintenant parler notre frère C. H. M.

« Vous demandez : « Est-il convenable et droit que des chrétiens qui ont des dettes donnent de l’argent dans un but charitable ? » Très-certainement non. Nous devons être justes avant d’être généreux. Si j’ai des dettes, je n’ai pas le droit de donner de l’argent pour une œuvre de charité. Si je le faisais, il y aurait, au moins, une certaine mesure d’honnêteté à ce que, sur le dos du papier renfermant ce que je donne, j’écrivisse ces mots : « Emprunté à mes créanciers sans leur consentement. » Mais, cher ami, nous devrions aller beaucoup plus loin encore : Nous croyons que, dans la règle, les chrétiens ne doivent jamais faire de dettes du tout. « Ne devez rien à personne, » c’est là un précepte tellement clair et simple, que celui qui va son chemin, fût-il un insensé, ne pourra s’y égarer. Nous ne traiterons pas ici la question de savoir jusqu’à quel point ceux qui sont dans les affaires commerciales peuvent observer cette heureuse et sainte règle. Il y a des termes, auxquels le manufacturier vend an marchand en gros, et celui-ci au détaillant, comme, par exemple, à un mois, trois ou six mois ; tant que ces termes sont scrupuleusement observés, on peut mettre en question si et jusqu’à quel point quelqu’un est actuellement endetté. Nous pensons qu’il serait beaucoup meilleur et plus sûr, à tous égards, pour les commerçants, de payer comptant et de jouir ainsi de l’escompte. Mais il nous paraît incontestable qu’un homme est endetté, si son fonds de commerce et ce qui lui est dû ne sont pas amplement suffisants pour faire face à tous ses engagements. C’est une chose misérable, fausse, immorale et méprisable de faire un négoce avec un capital factice, de vivre au moyen d’un système d’expédients, de mener grand train aux dépens de ses créanciers. Nous craignons que ce ne soit là, à un déplorable degré, le cas même de plusieurs de ceux qui sont au premier rang de la profession de christianisme. Quant aux personnes qui ne sont pas dans les affaires, elles n’ont aucune excuse quelconque pour justifier leurs dettes. Ai-je, devant Dieu ou devant les hommes, le droit de porter un vêtement ou un chapeau que je n’ai pas payé ? Ai-je le droit de commander une toise de bois, une mesure de charbon, une livre de café ou de thé ou un morceau de viande, si je n’ai pas de quoi les payer ? On dira peut-être : que faire alors ? La réponse est simple pour un esprit droit et une conscience délicate : nous devons nous en passer plutôt que de contracter une dette. Il vaut infiniment mieux, et il est infiniment plus profitable et plus saint de n’avoir pour son repas qu’une croûte de pain et un verre d’eau bien à nous, que d’avoir un rôti que l’on doit. Mais, hélas ! cher ami, il y a, relativement à cette importante question, un triste manque de conscience et de sains principes. Que de gens qui vont leur train, de semaine en semaine, prenant place à la table du Seigneur, faisant hautement profession de christianisme, se targuant de principes élevés et saints, tout en étant dans les dettes par-dessus les oreilles, en faisant des dépenses fort au-dessus de leurs revenus, en prenant leur nourriture et leurs vêtements à crédit de tous ceux qui ont encore confiance en eux, et cela tout en sachant bien qu’ils n’ont aucune raisonnable espérance d’être plus tard en état de les payer. Assurément, une telle vie est aussi honteuse que coupable. Aussi n’hésitons-nous pas à déclarer que c’est là une iniquité pratique, et nous ne saurions trop sérieusement prémunir nos lecteurs chrétiens contre une conduite aussi relâchée et infidèle. Nous n’en avons, dans ces derniers temps, que trop vu d’exemples, dont les conséquences ont déversé beaucoup d’opprobre sur l’évangile, et nous ne pouvons les considérer que comme l’un des fruits amers de l’esprit d’antinomianisme, si abondant et si mûr de nos jours. Oh ! que Dieu nous donne à tous une conscience délicate et un esprit droit ! »


« Nous partageons entièrement vos sentiments quant aux chrétiens qui font des dettes. Nous considérons cela comme extrêmement choquant. Dès longtemps nous sommes d’avis qu’un chrétien endetté n’a nul droit, devant Dieu et devant les hommes, d’exercer l’hospitalité, de donner un sou en aumônes, ou d’acheter un traité de cinq centimes : nous envisagerions cela comme une positive injustice. Nous avons refusé d’aller dîner chez un frère endetté, en lui expliquant franchement les motifs de ce refus, en lui disant qu’il n’avait pas le droit d’inviter quelqu’un à sa table, aussi longtemps qu’il avait des dettes. Le manque total de conscience sur ce sujet est réellement épouvantable : cela doit gravement contrister l’Esprit de Dieu et produire de la faiblesse, de la stérilité et de la langueur dans l’âme. Nous ne croyons pas que la parole de Christ habite dans un individu qui n’a point de conscience quant aux dettes, et nous nous sentirions appelé à signaler ceux qui sont tels et à ne plus avoir de rapports avec eux. Nous sommes disposé à penser que, dans de tels cas, une fidèle discipline personnelle pourrait avoir de bons effets. Quant à ceux qui ont fait faillite et obtenu une composition, ou un arrangement de leurs créanciers, nous les regardons comme moralement tenus de rembourser la somme totale de leur dettes ; selon nous ils sont endettés jusqu’à ce que ce total soit acquitté. Aucune exemption légale ne pourra jamais libérer un homme réellement droit de la juste obligation de payer ce qu’il doit. Nous nous sentons poussé à nous prononcer aussi fortement sur ce sujet à cause du déplorable relâchement qui ne règne que trop, sous ce rapport, chez beaucoup de chrétiens professants. Ce que nous désirerions, ce serait de voir quelque travail de conscience — quelque mesure d’efforts, tout faibles fussent-ils, pour sortir d’une position aussi complétement fausse. Un homme peut se trouver, sans qu’il y ait de sa faute, chargé de dettes ; mais s’il a un esprit droit et une conscience sainement exercée, il fera tous ses efforts, il réduira ses dépenses le plus possible, il se soumettra à toute espèce de renoncements, afin de pouvoir s’acquitter jusqu’au dernier centime, en mettant à part pour cela tout ce qu’il pourra épargner, ne fût-ce qu’un franc par semaine. Que le Seigneur nous fasse la grâce de considérer cette importante question pratique avec tout le sérieux qu’elle réclame. Nous craignons que la cause de Christ ne soit malheureusement compromise et le témoignage des chrétiens souvent paralysé, par un manque trop commun de délicatesse et de droiture sur les dettes que plusieurs se permettent de faire et dans lesquelles plusieurs demeurent. Oh ! qu’une bonne conscience est à désirer en nous tous ! »

Nous avons reçu quelques lettres encourageantes au sujet de cet article. Il en est deux qui renferment quelques pensées nouvelles sur le même sujet, et nous croyons de voir en extraire les fragments qu’on va lire.

(I) Un frère nous écrit :

« En demandant à notre Dieu de bénir pour les frères les solennelles et opportunes exhortations contenues dans l’article « le chrétien et les dettes, » j’aurais à cœur d’y ajouter les remarques suivantes, comme appuyant les principes chrétiens qui y sont émis, sur lesquels les saints ont tant besoin d’être rendus attentifs pour ne pas se conformer à ce siècle, mais être transformés par le renouvellement de leur entendement pour éprouver quelle est la volonté de Dieu, bonne, agréable et parfaite (Rom. XII, 2).

» 1° Ne pouvons-nous pas nous appuyer sur la Parole pour démontrer qu’il y a des dettes hypothécaires illégitimes ? Comment ! je dirais, par exemple, à mon Dieu et Père : Tu ne m’as donné que 10 mille francs, je ne puis pas me tirer d’affaire avec cela ; je m’en vais en demander 20 mille à Mammon ? — « Soyez contents de ce que vous avez présentement, car Lui-même a dit : Je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point. » Oh ! oui, faites usage de ce que vous avez, et puis après, Dieu reste, et si vous n’avez rien, votre Dieu et Père se trouve être votre fortune et Il appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient, Il trouve son plaisir à nous faire don, librement, de toutes choses avec Jésus.

» 2° Quant aux prêts et aux dons, je vois à cet égard dans la Parole deux lignes de conduite pour le chrétien, une générale et une particulière : la première à l’égard de tous les hommes, la seconde à l’égard de la famille de Dieu. Je suis frappé depuis longtemps de trouver qu’aucun des préceptes de la Parole, nous ordonnant de prêter, ne se trouve dans les Épîtres, ni dans les Actes, et j’attire l’attention des frères sur ce point. Dès le début, il a été pourvu aux nécessités des saints par des dons et non par des prêts. Voyez Actes IV, 34–35. — Plus tard, après la formation des assemblées parmi les Gentils, nous trouvons des collectes faites dans un pays pour les saints d’un autre pays (voyez Rom. XV, 25–27 ; 1 Corinth. XVI, 1–3 ; et le beau chap. IX de la 2me aux Corinth.). En Actes XX, 35, Paul nous dit, en se donnant pour exemple, qu’en travaillant il faut non-seulement avoir en vue ses propres besoins, mais aussi ceux des autres et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus qui a dit : « C’est plus heureux de donner que de recevoir. » — Même principe en Éphés. IV, 27–28. — En 1 Tim. VI, 18, l’apôtre recommande aux frères riches d’être prompts à donner, — 1 Jean III, 17, montre l’absence complète de l’amour du Père en celui qui ferme ses entrailles à son frère dans le besoin. — Enfin Hébr. XIII, 16, exhorte à ne pas oublier la bienfaisance, et à faire part de ses biens, car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices. — Voilà donc la ligne de conduite des chrétiens entr’eux, c’est de donner plutôt que de prêter. Au lieu que ce que j’appelle la ligne de conduite générale à l’égard des hommes selon Matth. V, 42 et Luc VI, 34–36, a pour principe d’imiter notre Père qui est bon même envers les ingrats et les méchants.

« Si je cherche à trouver un cas où je serais libre d’emprunter, je n’en trouve aucun. Exposer en toutes choses mes requêtes à Dieu (et non aux frères), voilà un chemin tracé d’une manière bien claire. — Décharger sur lui tout mon souci, car Il a soin de moi, — me rappeler que mon Père sait que j’ai besoin du nécessaire, — attendre sa délivrance en me tenant en repos : voilà qui produit le repos de l’âme, la tranquillité et le contentement d’esprit ; et alors combien sont ineffablement douces les réponses et les délivrances de la bonté de mon Dieu et Père, qui emploiera les corbeaux, — si ses enfants ne veulent pas s’y prêter, plutôt que de manquer à sa Parole fidèle ! Oh ! si c’était le temps de raconter ces délivrances, quels beaux traités, quels beaux rapports ne feraient pas ceux qui savent s’attendre à Dieu ! Lui-même montrera ces choses en leur temps. — Enfin si l’attente du Seigneur était un fait pratique pour nos cœurs, contracterions-nous des emprunts et des dettes ? Non, nous ne voudrions pas qu’Il nous trouvât débiteurs à quelque autre qu’à notre Dieu.

» 3° Si la confiance en Dieu et la dépendance de sa bonté gardent le chrétien de faire des dettes, la même confiance le dirige à ne pas se conformer à ce siècle en employant la voie de la justice humaine pour se faire payer ; il saura trouver dans la Parole de douces consolations à cet égard. Sa douceur (ou plutôt, selon le vrai sens du mot, le caractère d’un homme qui n’insiste pas sur ses droits) sera connue de tous les hommes (Philip. IV, 5) ; il donnera la tunique à celui qui lui prend son manteau (Luc VI, 29–30) ; il saura supporter des injustices et des pertes (1 Cor. VI, 7, 8) ; il supportera avec joie l’enlèvement de ses biens (Hébr. X, 34) ; il se souviendra que souffrir pour la justice est un bonheur (1 Pierre III, 14) ; et ainsi il suivra les traces du Seigneur Jésus, qui n’a jamais fait valoir ses droits personnels, mais qui s’en remettait à celui qui juge justement (1 Pierre II, 19–24). — Sans doute qu’il est pénible d’être la dupe de la mauvaise foi du monde, qui profite de la débonnaireté des chrétiens. Mais le Seigneur, qui est honoré par là, nous a promis le centuple présentement de tout ce que nous laisserons pour Lui (Marc X, 29–30). Que c’est humiliant de trouver des chrétiens qui, tout en prêchant la grâce, remettent leurs débiteurs entre les moins des procureurs ou des huissiers et entrent en procès pour se faire rendre justice.

» Qu’il nous soit donné de savoir davantage faire usage de Dieu dans toutes nos affaires et d’éprouver la bénédiction de ces paroles de Jérémie XVII, 7, 8 : « Béni soit l’homme qui se confie en l’Éternel et duquel l’Éternel est la confiance ! Car il sera comme un arbre planté près des eaux, et qui étend ses racines le long d’une eau courante : quand la chaleur viendra, il ne s’en apercevra point, et sa feuille sera verdoyante ; il ne sera point en peine en l’année de la sécheresse, et ne cessera point de porter du fruit. »

(II) Un autre frère nous écrit :

« Dans bien des occasions, j’avais présenté des remarques semblables aux frères ; mais on voit des impossibilités à réaliser Rom. XIII, 8, tant est invétérée dans nos mœurs l’inclination à avoir recours au crédit, et cela, le plus souvent, auprès des gens du monde, au lieu d’attendre avec patience la délivrance du Seigneur. Il y a, je n’en doute nullement, dans les voies de Dieu à l’égard des siens, un but particulier, et ces exercices variés du cœur et de la foi ont certainement pour but de nous amener à avoir affaire avec Dieu dans toutes nos circonstances. Si donc l’enfant de Dieu a recours au crédit qu’on lui accorde, cet exercice manque et le but que Dieu se proposait à l’égard de son enfant n’est pas atteint. De cette manière (honnête en apparence) de se passer de Dieu dans l’épreuve, il résulte qu’Il nous devient étranger. Quel résultat ! — Être obligé à l’homme et non à Dieu, n’est pas une chose heureuse, car, au point de vue de notre profession de la vérité, il est facile de voir qu’on est comparativement faible pour parler de la vérité à ceux auxquels on doit. C’est un mal, évidemment, et une telle expérience devrait, ce semble, en faire rechercher la cause et la confesser, dès qu’on l’a trouvée.

» Je voudrais aussi, que l’attention des chrétiens aisés ou riches fût attirée davantage sur la jouissance qu’il y a pour le cœur « à prendre part aux nécessités des saints, » — sur la responsabilité qui leur incombe d’avoir à cœur les intérêts de ces membres souffrants de Christ, afin que, par une épreuve trop longue, ils ne soient pas exposés à se laisser entraîner dans la voie de l’iniquité. »


On nous écrit de divers côtés, de loin et de près, que cet article a produit de l’impression sur des frères qui, jusqu’ici, avaient cru pouvoir entrer sans scrupules dans la voie des dettes. Gloire à Dieu qui seul bénit !

D’autres, en revanche, ont vu de grandes difficultés, des impossibilités même à l’observation de ce devoir. Nous ne croirons jamais qu’il soit impossible d’obéir à Dieu. Tout est possible à celui qui croit. Les difficultés viennent souvent de ce que l’on fait abstraction de Dieu, de son amour pour nous, de sa proximité et de sa puissance pour délivrer. Oui, tout devoir est difficile, impossible même, quand on exclut Dieu de ce qui s’y rapporte ; quand on croit pouvoir diriger un commerce, faire des achats et des ventes comme le monde et mettre le christianisme en dehors ; quand on est dans son magasin, dans son atelier, dans son échoppe, en laissant Dieu et la volonté de Dieu à la porte. Veuille le Seigneur qu’il n’en soit jamais ainsi d’aucun de ceux qui lisent ces lignes ! « Chargez mon joug sur vous (celui de la soumission absolue à la volonté du Père), nous dit le Sauveur, et apprenez de moi, parce que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau léger. »

  1. Nous savons bien pourtant que le verbe grec est le même à la seconde personne du pluriel de l’indicatif présent, et qu’ainsi, grammaticalement, on pourrait traduire : « Vous ne devez rien à personne, » mais logiquement ce n’est pas possible, puisque l’apôtre vient de dire : « Rendez à tous ce qui leur est dû. »
  2. Le chrétien devrait toujours comprendre que, dans ce qui a rapport à cette vie, tout ce qui n’est pas possible n’est pas nécessaire.
  3. Lesquels ne devraient jamais constituer le chrétien emprunteur en débiteur légal.