Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abdere

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ABDERE, compagnon d’Hercule, qui lui donna à garder les cavales de Diomédes qu’il avoit enlevées, pour aller contre les Bistons, qui avoient pris les armes. A son retour, il trouva que les cavales avoient mis Abdere en piéces. Pour se consoler, il bâtit une ville auprès du tombeau de ce jeune homme, & lui donna le nom d’Abdere. * Bayle, dict. crit.

ABDERE, ville maritime de Thrace, située près de l’embouchure du fleuve Nestus. Quelques-uns veulent qu’elle ait été bâtie par Abdera sœur de Dioméde, ancien roi de Thrace, qui nourrissoit, dit-on, ses chevaux de chaire humaine. D’autres croient qu’elle devoit son origine à Hercule, qui, selon eux, la surnomma Abdere, en faveur d’Abdere, l’un de ses compagnons, qui avoit été dévoré par les jumens de Dioméde. Quoi qu’il en soit, elle fut rebâtie par Timesius, chef d’une colonie de Clazomeniens, habitans d’une ville d’Ionie, la seconde année de la XXXI olympiade, 655 ans avant J.C. Les Clazomeniens ne purent néanmoins jouir de leur nouvelle fondation ; car avant mêne que de l’avoir achevée, ils furent chassés par les Thraces. Ainsi ce ne fut que 112 ans après, qu’Abdere fut véritablement rétablie. Ses nouveaux fondateurs furent les Téïens, qui voyant leur ville sur le point d’être prise par Harpagus, lieutenant du jeune Cyrus, abandonnerent tous l’Ionie, & passerent dans la Thrace, où ils choisirent Abdere pour séjour, la seconde année de la LLX olympiade, 543 ans avant J.C. Cette ville est célébre dans l’histoire pour les plaies dont elle a été frapée en différens temps. L’air en étoit contagieux, & communiquoit aux hommes une espece de folie extraordinaire : les bêtes même qui goutoient les pâturages des environs, & les eaux du fleuve Cossinite, entroient dans une espece de rage ; fléaux qui peut-être donnerent lieu au proverbe ironique des Grecs sur le nouvel établissement des Teiens : Ἄϐδηρα, καλὴ Τηίων ἀποικία, Abdere la belle colonie des Teïens, quoique Strabon semble néanmoins citer cet éloge très-sérieusement. On remarque encore que sous le regne de Cassander, roi de Macédoine, les Abderitains furent inondés d’un déluge de grenouilles & de rats, qui les contraignit de déserter pour un temps ; mais rien n’est plus étonnant que la maladie dont ils furent affligés sous le regne de Lysimachus dans la Thrace. Un certain Archélaüs, excellent acteur, avoit représenté à Abdere l’Andromede d’Euripide. Ce spectacle qui se donna dans l’été, remua tellement l’imagination des Abderitains, qui pendant sa durée avoient été exposés à de violentes chaleurs, qu’au sortir du théâtre la plupart furent saisis d’une fiévre ardente. Les symptômes en étoient extraordinaires ; car ceux qui en étoient saisis couroient les rues, en déclamant des morceaux entiers d’Euripide à l’imitation d’Archélaüs. Cette maladie, qui ne cessoit qu’au bout de sept jours par une espece de crise, passa des uns aux autres, & régna dans cette ville jusqu’à l’hyver suivant. Si l’on en croît Ovide, les habitans de cette ville avoient coutume de dévouer à certain jour, pour le salut de tous les autres, quelques malheureux citoyens qu’on assommoit à coups de pierre. On fait le jugement peu favorable que plusieurs anciens ont porté des Abderitains, qui passoient pour des gens grossiers & sans génie, à cause, sans doute, de la grossiereté de l’air qu’ils respiroient : d’où est venu cette expression de Martial :

Abderitanæ pectora plebis habes.
pour dire, vous êtes un stupide, Leur ville a néanmoins donné naissance à de grands hommes, tels que Démocrite, Anaxarque, Hecatée, le poëte Nicænetus, &c. * Herodot. l. 1, c. 2, 168, l. 7, c. 109 & 126. Solin, c. 10. Pompon. Mela, l. 2, c. 2 & 6. Strabon, l. 14. Apollodor. Justin. l. 15, c. 2. Plin. Lucian. in tractatu quomodo historia fit scribenda. Cicero, de natura deorum, in epist. ad Attic, l. 4, epist. 16 & l. 7, epist. 7. Juvénal, satir. 10. M. Bayle, dict. crit.


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