Les Gaietés/Le petit Oiseau

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Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 54-55).


LE PETIT OISEAU.



Quoi ! vraiment, belle, vous reprochez
À l’amant le plus tendre
Certain oiseau que, pour mes péchés,
J’ai bien voulu vous prendre.
De mes efforts pour vous le ravir
Votre honneur fut content, je m’en flatte !
Je l’ai pris pour vous faire plaisir…
Vous n’êtes qu’une ingrate !

À le prendre ai-je eu peine, grands dieux !
Ô vertu que j’adore !
Vous juriez de m’arracher les yeux
Et quelque chose encore.
En effet, me sentant réussir,
Vous m’avez arraché ma cravate.
Je l’ai pris, etc.

Vous disiez qu’il inspirait la peur
Et qu’un missionnaire,
Un cent-suisse, un cosaque, un sapeur
N’en avaient pu rien faire ;
Qu’un prélat, sans pouvoir le saisir,
Avait mis bas sa robe écarlate
Je l’ai pris, etc.


Ma belle, disais-je, regardez
L’épaisseur du plumage
De l’oiseau que trop bien vous gardez
Et qui s’ennuie en cage.
Jour et nuit, pour se faire élargir,
À la porte le prisonnier gratte ;
Je l’ai pris, etc.

De votre barbe vous juriez bien
Que j’avais eu l’étrenne.
Je l’ai cru, car je n’y connais rien
Et j’étais hors d’haleine.
Mais cet oiseau qui meurt de désir,
A la peau diablement délicate !
Je l’ai cru pour vous faire plaisir…
Vous n’êtes qu’une ingrate.