Les Principaux Mêlanges ordinaires des Jeux de l’Orgue

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Les Principaux Mêlanges ordinaires des Jeux de l’Orgue
Académie Royale des Sciences (p. 523-536).


CHAPITRE QUATRIÈME.

Les principaux mêlanges ordinaires des Jeux de l’Orgue[1]

Lus, examinés, corrigés & approuvés par les plus habiles & les plus célébres Organiſtes de Paris, tels que Meſſieurs Calviere,[2] Fouquet, Couperin, Balbâtre, & autres.

I.

Pour le Plein-Jeu.

1292On y mettra toutes les Montres, tous les 8 pieds ouverts, tous les Bourdons, tous les Preſtants, toutes les Doublettes, toutes les Fournitures, toutes les Cymbales, tant au grand Orgue qu’au Poſitif, & on mettra les Claviers enſemble. Si l’on ſe ſert des Pédales, on y mettra la Trompette & le Clairon. S’il y a pluſieurs Trompettes & pluſieurs Clairons à la Pédale, on les y mettra également. On ne mêle jamais aucune Pédale de Flûte avec celles de Trompette & de Clairon. On peut ſe ſervir quelquefois au Plein-Jeu, des Pédales de Flûte, au lieu des Pédales de Trompette & de Clairon, ſur-tout s’il y a des 16 pieds.

Le grand Plein-Jeu doit ſe traiter gravement & majeſtueuſement : l’on doit y frapper de grands traits d’harmonie, entrelaſſés de ſyncopes, d’accords diſſonants, de ſuſpenſions & ſurpriſes d’harmonie frappantes ; & que tout cela cependant puiſſe former une modulation réguliere. Le Plein-Jeu du Poſitif doit être touché plus légérement : l’on peut y exécuter du brillant, des roulades, &c ; le tout aboutiſſant à une harmonie ſuivie.

II.

Pour le Grand-Jeu.

On mettra au grand Orgue le grand Cornet, le Preſtant, toutes les Trompettes & les Clairons, s’il y en a pluſieurs. On mettra également au Poſitif le Cornet, le Preſtant, la Trompette, le Clairon & le Cromorne : (on retranchera ce dernier Jeu, s’il n’y a dans le grand Orgue qu’une Trompette & un Clairon.) On mettra les Claviers enſemble : les Pédales ſeront comme au Plein-Jeu. Si on a beſoin du Récit, on ouvrira le Cornet, ainſi qu’à l’Echo.

Il y a pluſieurs Organiſtes, qui ne touchent preſque jamais le Grand Jeu, ſans y faire jouer le Tremblant-fort. Il eſt remarquable que ce ne ſont jamais les plus habiles, & qui ont le plus de goût ; ceux-ci ſentent trop bien que cette modification du vent barbouille & gâte la belle harmonie : les Tuyaux n’en parlent pas ſi bien, ni ſi nettement. Ce Tremblant leur ôte tout le tendre, le velouté de leur ſon : ils perdent cette harmonie pleine & mâle qu’un bon Facteur expert en ſon art, a tant pris de peine à leur faire rendre. Le Cromorne ſur-tout en eſt le plus mal affecté ; le Tremblant défigure tout ce qu’il a d’agréable dans ſon harmonie ; ce Jeu ne fait alors que naſarder : on fera donc très-bien de ne s’en ſervir preſque jamais au Grand Jeu, à l’exemple des plus grands Organiſtes, qui naturellement doivent être le modèle des autres.

III.

Pour le Duo.

Il y a différents mêlanges qui peuvent convenir au Duo, ſelon la maniere dont on veut le traiter.

1o . On mettra au grand Orgue tous les Jeux de fond, même le 32 pieds, s’il y en a, comme au Plein-Jeu. On y ajoutera les deux Naſards, les deux Tierces & la Quarte, ſans Doublette, à moins qu’il n’y eut pas de Quarte : c’eſt ce qu’on appelle le Grand Jeu de Tierce.

Au Poſitif on mettra le 8 pieds ouvert, le Bourdon de 8 pieds, le Preſtant, le Naſard, la Quarte & la Tierce. S’il n’y a pas de Quarte, on mettra la Doublette : ce mêlange s’appelle le Jeu de Tierce du Poſitif. Les Claviers ſeront ſéparés.

On touchera le deſſus ſur le Poſitif, & la baſſe ſur le grand Orgue.

Il faut remarquer que ſi l’on fait de grandes vîteſſes à la Baſſe, elles ne feront aucun effet. Leur mouvement doit être tout au plus en croches d’un battement modéré. On ne fera monter les Baſſes que juſqu’à la clef de G re ſol ; les deſſus dans ce mêlange n’étant pas agréables.

2o . On touchera le deſſus ſur le Cornet de Récit, & la Baſſe ſur le Preſtant & le Cromorne du Poſitif. S’il n’y a pas de Cornet de Récit, on ſe ſervira du grand Cornet tout ſeul, ou bien du petit Jeu de Tierce du grand Orgue, où il n’entre que le 8 pieds ouvert, & le petit Bourdon, (autrement appellé le Bourdon de 8 pieds ou de 4 pieds,) le Preſtant, le petit Naſard, la Quarte & la Tierce.

Les deux mêlanges précédents pour le Duo ſont les plus uſités, & qui conviennent davantage au caractere de la piece : le premier pour le grave & le noble ; le ſecond pour la grande exécution.

3o . On touchera le deſſus ſur le Cornet de Récit, & la baſſe ſur la Trompette ſeule du Poſitif.

4o . On fera le deſſus ſur la Trompette de Récit, & la baſſe ſur tout le Jeu de Tierce du Poſitif.

5o . On fera le deſſus ſur le Cromorne & le Preſtant du Poſitif, & la Baſſe ſur tout le grand Jeu de Tierce du grand Orgue, en obſervant de ne pas faire de grandes vîteſſes ſur la baſſe.

Ce mêlange eſt encore plus propre pour toucher un Trio, dont les deux deſſus ſe feront ſur le Poſitif, & la baſſe ſur le grand Orgue.

6o . Faire les deux parties du Duo ſur les tailles des Trompettes & Clairons, avec le Preſtant du grand Orgue.

Ce mêlange eſt moins propre pour toucher un Duo régulier, qu’un caprice irrégulier, où quelquefois il n’entre que deux parties, d’autres fois trois & même quatre, ſelon l’imagination de l’Organiſte.

7o . Faire le deſſus ſur les deux 8 pieds, la Flûte de 4 pieds & le Naſard du Poſitif, ou encore mieux ſur le ſeul Cromorne avec le Preſtant, & la baſſe ſur les deux 16 pieds & le Clairon du grand Orgue.

Comme ce mêlange dans le grand Orgue eſt irrégulier, attendu qu’on mêle un Jeu d’Anche avec de grands fonds, il ne faut faire deſcendre la baſſe que juſqu’à la clef d’F ut fa tout au plus : elle fera plus d’effet vers la troiſieme octave. On y peut toucher en harpégements, batteries, &c, le tout lié. On touche encore plus ſouvent un Trio qu’un Duo ſur ce mêlange.

8o . On fera le deſſus ſur le Cornet de Récit, & la baſſe ſur tous les fonds du grand Orgue, avec le Cromorne & le Preſtant du Poſitif, les Claviers enſemble. On obſervera de ne pas faire de grandes vîteſſes à la baſſe, afin que les fonds du grand Orgue faſſent bien leur effet.

IV.

Pour la Fugue grave.

On mettra au grand Orgue le Preſtant, toutes les Trompettes & les Clairons. Au Poſitif, on mettra la Trompette, le Clairon & le Cromorne : (on met toujours ce dernier Jeu dans ce mêlange, quoiqu’il n’y ait qu’une Trompette & un Clairon au grand Orgue ;) les Claviers ſeront enſemble. Si l’on ſe ſert des Pédales, ce ſeront les mêmes qu’au Grand Jeu & au Plein-Jeu.

Un nombre d’Organiſtes ajoute à ce mêlange le grand Cornet, ſans s’appercevoir que ce Jeu ôte tout le tranchant & la douceur dans les deſſus des Jeux d’Anche. C’eſt preſque la ſeule occaſion de les faire paroître dans tout leur brillant & leur beauté : on en eſt privé par l’éclat du Cornet, qui les abſorbe & les émouſſe. D’autres font encore pis ; ils y joignent le Tremblant-fort. Ceux qui ont le plus de goût ſont bien plus attentifs à tirer de leur Inſtrument toute l’harmonie dont il eſt ſuſceptible ; auſſi ils ne tombent point dans ces inconvénients, qui marquent peu de diſcernement.

On peut encore toucher quelquefois une Fugue grave ſur le mêlange ſuivant, qui eſt fort harmonieux : on mettra tous les fonds au grand Orgue ; & au Poſitif, on mettra le Cromorne avec le Preſtant ſeulement ; les Claviers ſeront enſemble.

Ce mêlange eſt propre à toucher auſſi un caprice rempli d’accords dans les baſſes, en batteries modérées ſi l’on veut, & faire chanter les deſſus en une ou deux parties.

V.

Pour la Fugue de mouvement.

On la touche ordinairement ſur le Grand Jeu : on peut encore l’exécuter ſur tout le grand Jeu de Tierce, joint avec celui du Poſitif, les Claviers enſemble. Quelques Organiſtes y ajoutent le Clairon au grand Orgue ; d’autres le Cromorne au Poſitif ; mais ce mêlange eſt alors irrégulier, attendu qu’un Jeu d’Anche ne peut parler dans ſa véritable harmonie, & dans ſon accord avec tout le Jeu de Tierce.

VI.

Pour la Tierce en Taille.

On mettra au grand Orgue pour l’accompagnement les deux 8 pieds, ou trois s’il y en a : au Poſitif, les deux 8 pieds, le Preſtant, (ou encore mieux, la Flûte de 4 pieds, s’il y en a, au lieu du Preſtant ;) le Naſard, la Quarte, (ou au défaut de la Quarte, la Doublette) la Tierce & le Larigot. On mettra à la Pédale pour faire la Baſſe, tous les Jeux de fond de la Pédale, comme les 16 pieds, s’il y en a, les 8 pieds & les 4 pieds.

Il y a beaucoup d’Organiſtes qui font l’accompagnement trop près du Récit en Taille : il ne fait alors preſqu’aucun effet, il ſe confond avec le Récit. On doit le faire toujours le plus haut que l’on peut, par exemple, ſur la quatrieme octave ; l’accompagnement alors ſort bien, & orne mieux le Récit : il eſt d’ailleurs plus brillant, & imite mieux la Flûte Allemande.

Le Récit qu’on joue ſur les tailles dans cette maniere de toucher, doit être bien chantant & orné avec beaucoup de goût. Il y a des Organiſtes qui ne font que des roulades d’un bout de Clavier à l’autre, beaucoup de rapidités, de paſſages & de cadences, le tout ſans preſqu’aucun chant : ce n’eſt pas-là un véritable Récit ; il faut eſſentiellement du chant pour la mélodie.

VII.

Pour le Cromorne en Taille.

On mettra au grand Orgue pour l’accompagnement les mêmes Jeux qu’à l’article VI précédent : au Poſitif, le Cromorne avec le Preſtant : à la Pédale, les Jeux de fond. S’il y a un Jeu de Tierce à la Pédale, il ſera encore mieux de s’en ſervir pour la baſſe, qui fera un plus bel effet.

Voyez la remarque de l’article VI précédent au ſujet de l’accompagnement. On touchera le Récit plutôt bas que haut, tant qu’on pourra, c’eſt-à-dire, que le chant doit dominer ſur la ſeconde octave, qui a toujours plus d’harmonie.

VIII.

Pour toucher la Trompette en Taille.

On mettra au grand Orgue les deux 8 pieds, ou trois, s’il y en a, pour les accompagnements ; & au Poſitif, la Trompette ſeule, ſi elle eſt bien harmonieuſe ; ou on y joindra le Preſtant, ſi elle n’eſt pas aſſez parfaite. On mettra à la Pédale les Jeux de fond, ou encore mieux le Jeu de Tierce, s’il y en a. On touchera le Récit ſur les ſeconde & troiſieme octaves de la Trompette.

IX.

Pour le Trio à trois Claviers.

Il y a pluſieurs mêlanges qui y ſont propres ; voici les principaux :

1o . On touchera le premier deſſus ſur le Cornet de Récit ; le ſecond deſſus ſur le Cromorne du Poſitif avec le Preſtant ; & la baſſe ſur les fonds de la Pédale, ou encore mieux ſur le Jeu de Tierce, s’il y en a à la Pédale.

Un nombre d’Organiſtes mettent trop d’intervalle entre la baſſe & les deſſus dans toutes les eſpeces de Trio. Lorſque l’harmonie eſt ſi éloignée, elle ne ſe lie, point avec les deux deſſus, puiſqu’on y met quelquefois juſqu’à trois octaves d’intervalle. C’eſt un défaut que les habiles Organiſtes évitent toujours : ils ne mettent pas plus d’une octave d’intervalle entre la baſſe & les deux deſſus.

2o . On fera le premier deſſus ſur tout le Jeu de Tierce du Poſitif, ſans Larigot ; le ſecond deſſus ſur la Trompette de Récit ; ou s’il n’y en a point au Récit, ſur la Trompette du grand Orgue avec le Preſtant ; la Baſſe ſur les Pédales de Flûte ou du Jeu de Tierce.

3o . Le premier deſſus ſur le Cornet de Récit ; le ſecond deſſus ſur le Jeu de Tierce du Poſitif ; & la baſſe ſur les Pédales de Flûte ou du Jeu de Tierce.

Quoique ces deux deſſus dans ce mêlange, ſoient d’une harmonie aſſez approchante l’une de l’autre, ils ſont cependant d’un bon goût. Ils laiſſent la liberté de parcourir le Clavier avec une certaine étendue : on n’y eſt pas auſſi gêné que ſi les deux mains travailloient ſur le même Clavier, dans le cas où l’on veut que les deux deſſus ſoient de la même harmonie.

4o . Le premier deſſus ſur tous les 8 pieds, tant du grand Orgue que du Poſitif, les Claviers enſemble ; & le ſecond deſſus ſur la Trompette de Récit, ou le Cornet de Récit, s’il n’y a pas de Trompette ; la Baſſe ſur les Pédales de Flûte, ou du Jeu de Tierce.

5o . Le premier deſſus ſur les deux 8 pieds du grand Orgue, ou trois s’il y en a ; & le ſecond deſſus ſur le Cromorne & le Preſtant du Poſitif : la Baſſe ſur les Pédales de Flûte, ou du Jeu de Tierce.

6o . Un deſſus ſur les deux 8 pieds & le petit Naſard du grand Orgue ; on peut y joindre la Flûte de 4 pieds, s’il y en a ; & l’autre deſſus ſur le Cromorne & le Preſtant du Poſitif ; la Baſſe ſur les Pédales de Flûte, ou du Jeu de Tierce.

7o . Un deſſus ſur la Trompette de Récit ; & l’autre deſſus, ſur les deux 8 pieds, Flûte & Naſard du Poſitif. S’il n’y a pas de Trompette au Récit, on ſe ſervira de celle du grand Orgue : la Baſſe ſur la Pédale de Flûte, ou du Jeu de Tierce.

8o . Un deſſus ſur le Jeu de Tierce du Poſitif ; & l’autre deſſus ſur tous les 8 pieds du grand Orgue ; la Baſſe ſur les Pédales de Flûte, ou du Jeu de Tierce.

9o . Le premier deſſus ſur le Cornet de Récit, ou ſur deux 8 pieds ſeulement, ou ſur deux 8 pieds & le Naſard avec la Flûte, s’il y en a : le ſecond deſſus ſur la Voix-humaine, le petit Bourdon & la Flûte de 4 pieds, ou s’il n’y a pas de Flûte, on ſe ſervira du Preſtant ; la Baſſe ſur les Pédales de Flûte ; on y mettra le Tremblant-doux.

10o . Les deux deſſus ſur tous les 8 pieds, tant du grand Orgue que du Poſitif, les Claviers enſemble ; & la Baſſe ſur les Pédales de Flûte.

X.

Pour le Quatuor à quatre Claviers.

1o . On fera le premier deſſus ſur la Trompette de Récit, ou ſur deux 8 pieds (s’ils y ſont ſéparés ;) le ſecond deſſus ſur le petit Jeu de Tierce du grand Orgue ; la troiſieme partie ſur le Cromorne du Poſitif avec le Preſtant ; la Baſſe ſur la Pédale de Flûte, ou du Jeu de Tierce ; ou bien,

2o . On fera le premier deſſus ſur le Cornet de Récit, le ſecond ſur la Trompette & le Preſtant du grand Orgue, la troiſieme partie ſur le Jeu de Tierce du Poſitif, & la Baſſe ſur la Pédale de Flûte.

Cette maniere de faire le Quatuor ſur quatre Claviers eſt difficile pour l’exécution : on ne peut guere faire chanter les deux deſſus, parce qu’on eſt obligé de les toucher de la ſeule main droite ſur deux Claviers différents ; ou ſelon la ſeconde maniere, l’on eſt obligé de faire les deux parties moyennes de la ſeule main gauche ſur deux Claviers différents ; mais voici un autre mêlange ſur lequel on pourra exécuter plus aiſément le Quatuor de deux manieres, en le faiſant ſur trois Claviers ſeulement.

XI.

Pour le Quatuor à trois Claviers.

On fera les premier & ſecond deſſus ſur le Cornet de Récit ; la troiſieme partie ſur le Cromorne & le Preſtant du Poſitif ; & la Baſſe ſur les Pédales de Flûte, ou du Jeu de Tierce.

Ou bien avec le même mêlange, on touchera le premier deſſus ſur le Cornet de Récit ; les deux moyennes parties ſur les tailles du Cromorne ; & la Baſſe ſur les Pédales de Flûte ou du Jeu de Tierce ; cette ſeconde maniere aura plus de brillant & d’harmonie, ſans plus de difficulté pour l’exécution.

XII.

Pour toucher un Fond d’Orgue.

On y mettra les Montres, les Bourdons, les 8 pieds ouverts, les Flûtes de 4 pieds & les Preſtants, tant au grand Orgue qu’au Poſitif, les Claviers enſemble, avec tous les fonds de la Pédale. On n’y fera jamais jouer le Tremblant-doux, comme le pratiquent certains Organiſtes ſans goût.

XIII.

Pour toucher une Baſſe de Trompette.

1o . On mettra au grand Orgue le Preſtant, les Trompettes & les Clairons, s’il y en a pluſieurs ; & au Poſitif, les deux 8 pieds, la Doublette & le Larigot. Si l’on veut faire un dialogue de deſſus & de baſſe, on ſe ſervira du Cornet de Récit pour les deſſus. Les Organiſtes les plus minces y mêlent toujours le Tremblant-fort, mais ceux qui ſont habiles & connoiſſeurs en harmonie ne s’en ſervent jamais, parce qu’il fait diſparoître la beauté des Jeux d’Anche, dont le ſon eſt alors défiguré ou altéré.

Ce mêlange eſt le plus uſité pour le caractere de cette maniere de toucher la Baſſe de Trompette : le mêlange ſuivant ſera encore plus harmonieux, mais il demande d’être traité avec goût.

2o . On mettra au grand Orgue les mêmes Jeux que ci-deſſus ; & au Poſitif, les deux 8 pieds, le Preſtant & le Cromorne, ſuppoſé que ces deux 8 pieds ne ralentiſſent point le Cromorne.

On touchera un Dialogue en maniere de Duo, imitant le Baſſon ſur les tailles du Cromorne, & imitant le Cor de chaſſe, & un chant de Trompette ou de triomphe ſur la Trompette.

XIV.

Pour toucher une Baſſe de Cromorne.

On mettra au grand Orgue tous les 8 pieds pour l’accompagnement ; & au Poſitif, le Preſtant & le Cromorne.

On touchera le Cromorne en imitant le Baſſon, ou la Baſſe de viole.

XV.

Pour toucher des ſimples Récits de deſſus.

Tous les Récits de deſſus s’accompagneront toujours avec deux 8 pieds, pour en faire la baſſe. Si l’on veut toucher un deſſus de Cromorne, on le tirera avec le Preſtant, & on fera la baſſe avec les deux 8 pieds du grand Orgue, ou trois s’il y en a. Si c’eſt la Trompette de Récit, on la tirera ſeule, & on l’accompagnera de même. Si c’eſt le Cornet, on ſe ſervira de celui du Récit ; ou s’il n’y en a pas, on touchera le grand Cornet tout ſeul, & on l’accompagnera de même. Si ce ſont les deſſus du Jeu de Tierce du Poſitif, on le tirera tout entier, & on l’accompagnera de même. Si ce ſont deux Trompettes enſemble, pour rendre le Récit plus tranchant & plus éclatant, on y joindra le Preſtant, & on l’accompagnera de même. Si c’eſt la Trompette du Poſitif & le Cromorne enſemble, on y joindra le Preſtant, & on l’accompagnera de même.

Chacun de ces Récits doit être traité dans le goût qui lui convient. Il faut toucher l’un avec rapidité, comme les Tierces du Poſitif, le Cornet, &c ; l’autre d’un mouvement plus modéré, comme les Trompettes, imitant des Fanfares, &c ; il faut les traiter ſelon leur caractere.

XVI.

Pour toucher la Voix-humaine.

On mettra au grand Orgue, où l’on ſuppoſe que ce Jeu eſt poſé, le Bourdon, la Flûte de 4 pieds & la Voix-humaine : ſi l’on n’a pas de petite Flûte, on ſe ſervira du Preſtant à ſa place ; au Poſitif, on tirera les deux 8 pieds, avec leſquels on fera l’accompagnement ; on fera jouer le Tremblant-doux. Si on veut la toucher en Trio, voyez l’article IX ci-deſſus, pag. 528, où il eſt parlé des Trio.

Il faut bien remarquer que c’eſt le ſeul cas où les Organiſtes, qui ont le plus de goût pour l’harmonie, ſe ſervent du Tremblant-doux, même lorſqu’il eſt bon ; ce qui eſt aſſez rare. Il affoiblit néceſſairement le vent ; par conſéquent il change & détériore l’harmonie & l’accord de l’Orgue. Il y a de grands Organiſtes qui ont nommé le Tremblant-doux, le perturbateur des Jeux de l’Or- gue. On doit pourtant le ſouffrir lorſqu’il eſt comme il faut, pour modifier le ſon de la Voix-humaine, qui ſans cela n’imite jamais véritablement la Voix naturelle de l’homme : je n’en connois que deux qui ayent bien cette qualité.[3]

La meilleure maniere de toucher ce Jeu, eſt de faire un ſimple Dialogue de deſſus & de baſſe, & de joindre enſuite les parties enſemble, imitant toujours la maniere naturelle & toute ſimple de chanter. Ce Jeu eſt charmant lorſqu’il imite bien la voix de l’homme : il ne faut pas le toucher plus bas que le premier F ut fa, ni plus haut que le quatrieme G re ſol ; parce que les voix naturelles ne paſſent point ordinairement cette étendue.

Comme il eſt rare de trouver un excellent Tremblant-doux, pluſieurs bons Organiſtes touchent la Voix-humaine avec le Tremblant-fort, & y joignent le Naſard avec le Bourdon & le Preſtant. Quoique ce mêlange ſorte du caractere naturel de la Voix-humaine, c’eſt cependant ce qu’on peut faire de mieux au défaut d’un bon Tremblant-doux ; mais ce mêlange imite bien imparfaitement la voix naturelle : on ne chante pas ſi rudement.

XVII.

Pour un Dialogue de Cornet, de Cromorne & d’Echo.

On ſe ſervira du Cornet de Récit, ou s’il n’y en a pas, on tirera le grand Cornet : on mettra au Poſitif le Cromorne avec le Preſtant, & à l’Echo le Cornet ; on fera les accompagnements ſur les deux 8 pieds du grand Orgue. Si l’on eſt obligé de ſe ſervir du grand Cornet, on fera la baſſe ſur le Bourdon & le Preſtant du grand Orgue, qu’on joindra au grand Cornet.

XVIII.

Pour toucher le Plain-chant.

Pour toucher le Plain-chant gravement, on l’exécute ſur les Pédales de Trompette & de Clairon, & on l’accompagne ſur tout le Plein-Jeu, tant du grand Orgue que du Poſitif, les Claviers enſemble.

Si on veut le toucher à la main, & rondement comme une proſe, &c, on le fera ſur les Trompettes, Clairons & Preſtant du grand Orgue : on l’accompagnera ſur le Plein-Jeu du Poſitif ; on pourra mettre les Claviers enſemble, ſi l’on veut, pour remplir davantage.

XIX.

Pour imiter la Flûte Allemande.

On tirera au grand Orgue & au Poſitif tous les 8 pieds : on mettra les Claviers enſemble : on n’y mêlera jamais ni Preſtant, ni Flûte de 4 pieds, ni aucun 16 pieds. S’il n’y avoit dans le Poſitif qu’un Bourdon, ſans 8 pieds ouvert, il ne faudroit ſe ſervir que du Bourdon.

Il faut toujours toucher le plus haut qu’on pourra ſur ce mêlange, imitant le goût des chants propres à la Flûte.

XX.

Pour imiter les petites Flûtes, ou Flûtes à bec.

On mettra le Preſtant du grand Orgue avec celui du Poſitif ; & s’il y a des Flûtes de 4 pieds, on les y joindra : on mettra les Claviers enſemble.

XXI.

Pour jouer une Muſette.

S’il y a dans l’Orgue un Jeu de Muſette, on l’ouvrira avec le Bourdon de 8 pieds ſeulement ; on l’accompagnera avec deux 8 pieds. On met ordinairement un plomb dans la baſſe ſur la tonique & ſur ſa quinte : on fait deux deſſus ſur le même Jeu, ou bien le premier deſſus ſur les deux 8 pieds ; on tient auſſi la tonique ſur les Pédales de Flûte.

S’il n’y a pas de Muſette, on ſe ſervira du Cromorne ſans Preſtant, & on fera tout le reſte comme on vient de le dire.

XXII.

Pour imiter le Fifre.

On mettra au grand Orgue le petit Bourdon, avec la Quarte de Naſard & la Doublette : au Poſitif, on mettra les deux 8 pieds, le Preſtant & le Larigot. On touchera des airs de Fifre & de Tabourin ſur le grand Orgue, & on battra ſur le Clavier du Poſitif, pour imiter le Tambour.

XXIII.

Pour imiter le Flageolet.

On mettra au grand Orgue la Quarte & la Doublette ; & au Poſitif, les deux 8 pieds pour l’accompagnement.

XXIV.

Pour imiter les petits oiſeaux.

On mettra le petit Naſard au grand Orgue, un autre au Poſitif, les Claviers enſemble. On touchera une quarte plus haut, ou une quinte plus bas ; la baſſe ſe touchera fort haut.

On imitera le ramage des petits Oiſeaux par des batteries, des roulements entrelaſſés de tremblements & de cadences. La baſſe ſe fera à-peu-près dans le même goût.

XXV.

Pour accompagner les Voix.

L’accompagnement des Voix doit être proportionné à leur volume & à leur éclat. S’il faut accompagner un Chœur bien fourni de Voix, & tout un Peuple qui chante, on ſe ſervira de tout le Plein-Jeu, & on fera la baſſe avec les Pédales de Trompette & de Clairon. Hors ce cas, on accompagnera les Voix avec des Jeux de fonds proportionnés. S’il y a pluſieurs perſonnes qui chantent en partie, on les accompagnera avec trois ou quatre 8 pieds, ſi les Voix ſont aſſez fortes ; ou ſi elles ſont médiocres, on n’y mettra que les deux 8 pieds du Poſitif. S’il n’y a qu’une perſonne qui chante, & qu’elle ait la voix aſſez forte, on l’accompagnera de même. Si la Voix qui récite eſt foible, on ne ſe ſervira que d’un petit Bourdon. Une voix qui chante doit toujours dominer ; l’accompagnement n’eſt que pour l’orner & la ſoutenir.

XXVI.

Uſage des Bombardes.

Une Bombarde ne ſe touche jamais ſeule ; s’il y en a à la Pédale, on la joindra toujours, lorſqu’on voudra s’en ſervir, aux Trompettes & aux Clairons de Pédale. On s’en ſert ordinairement pour toucher le Plain-chant : on peut en faire uſage avec le Plein-Jeu, s’il eſt aſſez fourni pour cela : on s’en ſert encore fort bien au Grand Jeu, où elle fait un grand effet, lorſqu’on la touche à propos, & que le caractere de la piece le demande : il faut avoir pour cela du goût & du diſcernement.

S’il y a une Bombarde à la main, elle répond ordinairement au troiſieme Clavier, qu’on met avec les deux autres. On s’en ſert dans le Grand Jeu, pour des préludes graves ; pour certains grands accords qu’on veut exprimer plus fortement, pour des ſuſpenſions ou certains traits d’harmonie, pour des points d’Orgue, pour des finales, & en bien d’autres circonſtances, où le caractere & l’expreſſion de ce qu’on joue le demande. Si l’on veut toucher une Fugue grave ſur le Plein-Jeu, on peut y joindre la Bombarde, s’il eſt aſſez fourni : ce mêlange fait un grand effet, mais on ne peut le faire que lorſque la Bombarde joue par des gravures particulieres ; ſans cela elle ſeroit altérée par le Plein-Jeu ; or ce Jeu à ſes gravures diſtinctes des autres, lorſqu’il joue par un Clavier ſéparé, qui eſt le troiſieme. On ſe ſert encore de la Bombarde pour toucher à la main le Plain-chant, en la joignant à la Trompette & au Clairon du grand Orgue : on met les Claviers enſemble. En un mot, un Organiſte doit avoir du goût & du génie, pour ſe ſervir à propos des Bombardes.

1293Voilà les mêlanges des Jeux les plus réguliers, les plus en uſage & tels que les pratiquent les plus habiles Organiſtes. Ils peuvent en trouver bien d’autres : ils en imaginent qui ſont propres à rendre avec plus d’énergie & d’expreſſion les idées que leur fournit leur génie. Comme ils ont du goût pour la bonne harmonie & qu’ils connoiſſent les propriétés & la nature des Jeux de leur Orgue, ils ne font point de nouveau mêlange, qui ne ſoit raiſonnable, & qui ne plaiſe. Ils s’attachent ſur-tout à toucher chaque mêlange dans le goût qui convient à ſon caractere : il faut avoir pour cela bien du diſcernement ; auſſi il n’appartient pas à tous d’en inventer de nouveau, parce qu’il ne ſeroit pas aiſé de les caractériſer comme il faut. Un Organiſte qui n’aura pas encore atteint un grand degré de perfection, doit s’étudier à imiter ceux qui ont le plus de talent, & tâcher de ſe conformer à leur goût & à leurs mêlanges. Comme il n’eſt pas facile de les retenir tous dans la mémoire, j’ai cru leur faire plaiſir de les leur préſenter ici par écrit. Il eſt cependant convenable d’y faire quelque changement dans certaines circonſtances ; parce que toutes les Orgues ne ſont pas également bien faites. Voici quelques regles générales, dont on pourra faire uſage dans l’occaſion ; car dans tout ce que j’ai dit ci-deſſus au ſujet des mêlanges, j’ai toujours ſuppoſé que tous les Jeux de l’Orgue étoient bons & proportionnés pour la qualité & la force de leur harmonie.

1o . Si les Jeux d’Anche ſont courts, & que par conſéquent ils aient une harmonie maigre, rude, ſeche & criarde, il ſera à propos de les émouſſer un à peu. On pourra à cet effet y ajouter plus de fonds, comme un petit Bourdon ; & s’il ne ſuffit pas pour tempérer leur aigreur, on y joindra encore un 8 pieds ouvert, & un petit Narſard au Grand Jeu ; je ſuppoſe que ces fonds ne les rendront pas lents à parler.

Mais ſi au contraire les Jeux d’Anche ſont trop longs, & qu’ils aient par eux-mêmes une harmonie lourde & trop douce, on les touchera ſans fonds ; on en retranchera même le Preſtant.

2o . Si les Jeux d’Anche ont une mauvaiſe harmonie, & qu’ils ne ſoient pas d’accord, c’eſt le cas où l’on pourra ſe ſervir du Tremblant-fort. Cette modification du vent mettra de la confuſion dans l’harmonie, & pourra peut-être maſquer un peu les défauts, ſi elle ne les augmente ; mais dans les Orgues qui ſont bonnes & qui vont bien, on fera beaucoup mieux de ne point s’en ſervir, à l’exemple des Organiſtes qui ont le plus de goût, comme je l’ai déja dit. Il eſt cependant des occaſions où l’on peut le faire jouer, pour donner une expreſſion ſinguliere à quelque caprice que l’Organiſte voudra exécuter : ces cas ſont aſſez rares.

3o . Si les deux 8 pieds (qu’on doit toujours entendre du 8 pieds ouvert & du 4 pieds bouché) ſont ſi foibles, qu’ils ne faſſent pas l’effet convenable dans les accompagnements, on y joindra la Flûte de 4 pieds, ou au défaut de la Flûte, le Preſtant ; mais on n’y mettra jamais de 16 pieds : du reſte les deux 8 pieds ne peuvent jamais trop dominer dans ces ſortes d’occaſions. S’il n’y avoit point de 8 pieds ouvert dans le Poſitif, on joindroit au Bourdon la Flûte de 4 pieds, ou le Preſtant s’il n’y avoit point de Flûte : ceci n’eſt dit que pour les accompagnements.

4o . On ne mettra jamais aucune Tierce, ni Naſard, ni Quarte dans le mêlange du Plein-Jeu ; on émouſſeroit par-là ſon tranchant, la fineſſe & ſon brillant : ce ſont des Jeux incompatibles.

5o . On ne mettra point non plus aucune Tierce, ni Quarte, ni Naſard au Grand Jeu, que dans le cas du no. 2 ci-deſſus. Les Jeux d’Anche faiſant toute la beauté du grand Jeu, ces Jeux leur feroient perdre tout leur mérite, & tout ce qu’ils ont de gracieux : ils les rendroient plus ſourds & plus lents à parler ; d’ailleurs, ils ne font pas un bon effet lorſqu’on fait des accords, comme on le pratique quelquefois au Grand Jeu.

6o . On a déja pu remarquer par tout ce qui a été dit ci-deſſus, qu’il faut éviter, autant qu’on le pourra, de joindre le Preſtant aux 8 pieds, pour les accompagnements des différents Récits, ſoit en taille, ſoit ſur les deſſus : il a un aigu qui n’eſt pas agréable. On ne s’en ſervira que dans le cas du no. 3 ci-deſſus : il faut lui préférer toujours pour cette fonction la Flûte de 4 pieds, s’il y en a.

7o . Si la Pédale de Flûte eſt compoſée d’un ou deux 16 pieds, avec les 8 pieds & les 4 pieds, on doit ſe ſervir de tous ces Jeux, même du 32 pieds, s’il y en a, dans toutes les manieres de toucher, où il eſt ſpécifié qu’on doit employer la Pédale de Flûte.

8o . S’il y a un Jeu de Tierce à la Pédale, c’eſt-à-dire Naſards, Quartes, & Tierces avec tous les Jeux de fond, on peut s’en ſervir aux Quatuor, aux Trio à trois Claviers, & dans d’autres occaſions où l’on jugera qu’il doit faire un bon effet : cela dépend du goût & du génie de l’Organiſte.

9o . Il y a des Organiſtes qui joignent preſque toujours un Naſard au Cromorne. Ce mêlange peut aſſez bien faire, lorſque le Cromorne eſt court, ou qu’il ne cruche pas aſſez, c’eſt-à-dire, qu’il n’a pas l’harmonie qu’il doit avoir ; mais lorſqu’il a ſon véritable caractere & qu’il eſt bon, il ne faut jamais y mêler aucun Naſard.

10o . Un Organiſte doit s’attacher à bien connoître l’Orgue qu’il touche, pour en tirer tout le parti poſſible. On a vu bien des fois un Orgue touché par deux bons Organiſtes, lequel paroiſſoit beaucoup meilleur ſous la main de l’un que de l’autre. La raiſon en eſt que l’un avoit plus de goût dans ſes mêlanges des Jeux que l’autre, & ſe conformoit mieux à la portée & à l’état actuel de l’Orgue. Chaque mêlange a ſon caractere particulier : il y en a qui ſont plus brillants ſur certaines parties du Clavier, que dans d’autres ; par exemple, tous les 8 pieds enſemble imitent mieux la vraie Flûte dans le plus haut du Clavier que plus bas : les Cornets ont un ſon plus agréable en haut que plus bas : c’eſt le contraire dans les Jeux d’Anche ; les derniers Tuyaux ne ſont pas ſi brillants, ils ſont toujours un peu foibles. Le Plein-Jeu n’eſt pas ſi nourri ni ſi harmonieux dans les deſſus : le grand Jeu de Tierce ne fait pas bien dans les deſſus ; auſſi y a-t-il de très-bons Organiſtes qui ne les touchent jamais : les 16 pieds y dominent trop. Il y a certains accompagnements qui doivent être pris fort bas, d’autres médiocrement, & d’autres fort haut. Il eſt des mêlanges qu’il faut toucher avec rapidité, d’autres d’un mouvement modéré, comme tous ceux où entrent les fonds de l’Orgue, & ſur-tout les grands fonds, qui ne feroient aucun effet. C’eſt à un Organiſte qui a du goût, & qui du reſte en ſait aſſez pour être le maître de ſon harmonie, à choiſir non-ſeulement les Jeux comme il faut, mais encore les parties de ſes mêlanges les plus favorables ; c’eſt ce que j’ai tâché d’inſinuer dans pluſieurs de ceux que je viens de donner ; comme quand j’ai déterminé ſur quels Jeux ou quels Claviers on doit faire le premier ou le ſecond deſſus dans les Trio, ou dans les Duo, ſelon le mêlange dont il s’agiſſoit. Plus un Organiſte fera paroître l’Orgue, plus il plaira & plus il paroîtra lui-même. J’en ai vu un qui portoit ſon attention juſqu’au point de ne plus toucher, pendant tout l’office, une touche ſur laquelle il avoit entendu un Tuyau aſſez notablement diſcord pour choquer l’oreille ; il faut être pour cela maître de ſon harmonie.

  1. Un Organiſte, nommé M. le Bégue, a donné au Public vers le commencement de ce ſiecle, pluſieurs pieces d’Orgue. Il a ajouté à ſon Ouvrage les mêlanges des Jeux qui pouvoient convenir, à quelque choſe près, à la maniere dont on conſtruiſoit alors les Orgues, & à la qualité de l’harmonie qu’on leur donnoit. Le goût étant changé depuis ce temps-là, à cauſe des différents uſages qu’on fait des Jeux, & la façon de les traiter, il a été néceſſaire de faire des changements dans leurs mêlanges. Ceux que je donne ici ſont généralement pratiqués à préſent par le plus grand nombre & les meilleurs Organiſtes.
  2. Quoique M. Calviere ſoit mort, j’ai cru cependant devoir le citer, attendu qu’ayant écrit ces mêlanges des Jeux avant ſa mort, il avoit eu la complaiſance de les examiner & de les corriger le premier. Je ſuis en état de faire voir ſes corrections écrites de ſa propre main.
  3. Je crois devoir attribuer la parfaite réussite de ces deux Voix-humaines, principalement à la bonté du Tremblant-doux, qui ayant été bien rencontré, affecte ces Jeux au juste point.