Les Étoiles (Armand Silvestre)

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Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 62-64).
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LES ÉTOILES

Que l’éternilé dure à notre lent chemin
Et que l’Infini pèse à nos fronts de lumière !
De nos superbes chars la route prisonnière
N’attend aucun essor nouveau de notre main.

Un gouffre s’ouvre en vain sous la céleste voûte,
Et notre âpre désir par l’abîme est tenté.
Tenant nos pas captifs dans cette immensité,
Une loi nous a fait une inflexible route.

Des bords de l’horizon, par des sentiers pareils,
Nous montons au zénith dont il faut redescendre,
Et, sur les mêmes seuils, nous revenons attendre
Le retour monotone et certain des soleils.

Sur une roue en feu, sous d’inflexibles chaînes,
Pâles sœurs d’Ixion, nous tournons sans merci,
Sans voir jamais rougir, dans le ciel éclairci,
D’un temps libérateur les aurores prochaines.

Toujours le même azur indifférent et sourd
Et qui, d’un rythme égal, dans ses voiles balance
Le vide sous nos yeux, sous nos voix le silence
Et, du poids de l’oubli, fait notre ennui plus lourd !

On chante cependant les astres tutélaires ;
Et les mondes lointains, épris de nos clartés,
Sous le mensonge fier de nos sérénités,
N’ont jamais pressenti nos vivaces colères.

D’un ironique éclat le destin nous poursuit.
Car, sous le faix maudit d’une gloire inconnue,
Durant l’éternité nous saignons dans la nue,
Et, pleines de rayons, nous vivons dans la Nuit !