Les épis (LeMay)/26

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Les épisLa Cie J.-Alfred Guay (p. 119-136).


Irenna la Huronne


LA CROIX


Irenna la Huronne, alerte, gorge nue,
S’éloigne du wigwam. Chaque soir, quand la nue
Plane comme un oiseau dans l’air plein de frissons,
Elle se glisse seule à travers les buissons ;
Effarée, elle fuit comme la biche souple.
Ounis aime Irenna la Huronne.
Ounis aime Irenna la Huronne. — Un beau couple,
Avaient dit les vieillards assis pour le conseil.

Ounis est un chasseur. Il voit, dans son sommeil,
L’ours brun de la forêt et l’outarde des grèves.
Il voit des crânes nus et du sang dans ses rêves,
Car il est un guerrier, un fils de sagamos.

Souvent Irenna chante, et nul ne sait les mots
Qui tombent de sa bouche aux heures de la joie.

Accroupi sur des peaux plus molles que la soie,
Un Autmoin redouté vient d’annoncer à tous
Qu’elle parle en secret aux puissants Manitous.

— Les plaisirs de l’amour, le bonheur d’être mère
Couronneront bientôt sa jeunesse éphémère,
Et ses pieds suivront loin l’homme qui la soumet,
Ajoutent les vieillards fumant le calumet.

— Quels sont les Manitous que sa prière invoque ?
On ne la voit jamais, ô sages ! quand j’évoque,
Pour savoir nos destins, les bienveillants esprits,
Reprend l’Autmoin.
Reprend l’Autmoin. Et tous le regardent surpris.

Au wigwam de la vierge, à la dernière lune,
Ounis s’en est venu tout heureux, sur la brune,
Apporter les présents : des castors, des visons…
Ils furent acceptés. Sans peur des trahisons,
Ounis n’a pas revu sa douce fiancée.
Ainsi le veut l’usage.

Ainsi le veut l’usage. Irenna, balancée
En sa frêle pirogue au mouvement des eaux,
Vient aborder la rive, et, dans les verts roseaux

Son mocassin fleuri trace une longue raie ;
Elle semble inquiète. À sa hanche serrée,
Une peau l’enveloppe avec un soin jaloux.
Songe-t-elle au plaisir ? songe-t-elle à l’époux ?

Sous le dôme embaumé des résineuses pruches,
S’assemblent, bourdonnant comme feraient des ruches,
Les parents, les vieillards et les chasseurs amis.
Pour la fête chacun, dans son orgueil, a mis
Des colliers à son cou, sur sa tête des plumes.
Cymbales et tamtams, comme un concert d’enclumes,
Font retentir les bois jusques au loin. Le feu
Pour le festin déjà s’allume. Et le ciel bleu
Regarde s’élargir, à travers la ramée,
Le nuage mouvant de l’épaisse fumée.
De sa hutte d’écorce enfin le jongleur sort,
Ounis l’avait prié de conjurer le sort
Et de paraître ensuite au millieu des convives.

Ounis, pour inspirer des tendresses plus vives.
S’est tatoué la face et les bras. Les stylets
Ont ciselé ses chairs de dessins violets.
Sous ces dessins grossiers que le caprice invente,
L’amour a l’air féroce et le rire épouvante,

C’est la beauté pourtant aux yeux de la tribu.
La laideur, c’est cet homme et livide et barbu
Qu’apporta dans ses flancs une grande pirogue.

— Moi, je sais composer une mortelle drogue,
J’en remplirai ma coupe et j’irai, sans trembler,
L’offrir aux hommes blancs qui sont venus troubler
Notre liberté chère et nos chères ivresses !
Chante l’Autmoin cruel, en nouant à ses tresses
Une plume d’aiglon qui tombait des vieux pins.

— Où donc est la promise ?… Et ses yeux sont-ils peints,
Dit-il encor ?… Ses yeux, son épaule, sa gorge ?
Le daim captif est là. C’est elle qui l’égorge.
Qu’elle frappe sans peur l’animal endormi,
Et sans peur ses enfants frapperont l’ennemi.

Irenna la Huronne, alerte, gorge nue,
S’approche du wigwam. Il est tard, et la nue
Redescend lentement dans l’air plein de frissons,
Elle se glisse seule à travers les buissons.
Ses soupirs, dirait-on, agitent les feuillages…
Son cou n’est pas orné de brillants coquillages…
Quelque chose pourtant flotte à son sein bronzé ;

Est-ce de son amour le signe déguisé,
Ou de la Robe Noire est-ce la médecine ?…
Les convives sont là. Son regard les fascine.
On dirait un serpent endormant les oiseaux.
La ramure légère, enlaçant ses réseaux,
Au-dessus du wigwam s’arrondit comme une arche,
Par un sentier de mousse Ounis s’avance. Il marche.
D’un pas fiévreux, rapide, avec un air d’orgueil.
Il arrive et s’écrie, en franchissant le seuil :

— À la danse ! au festin ! la volupté commence !

Irenna paraît sourde à cette véhémence.
En vain le fiancé l’appelle auprès de lui,
Des pleurs mouillent ses yeux où l’amour avait lui.
Ounis dit :
Ounis dit : — Me hais-tu ? Cette froideur m’irrite.

Le jongleur à ses dieux parle selon le rite.
Tout à coup il s’écrie :
Tout à coup il s’écrie : — Arrachez de son cou
Cet objet inconnu qui vient on ne sait d’où…
Le Manitou le veut !
Le Manitou le veut ! Il clame et gesticule.
Ounis s’avance alors, mais la vierge recule…

— Ce talisman nouveau, dit-elle, c’est la croix !
Je t’aime, tu le sais, et tu m’aimes, je crois.
Ne te désole pas. L’espoir que tu caresses
Ne sera point qu’un rêve, Ounis, si tu t’empresses
De chercher, comme moi, dans le Christ la vertu.
La Robe Noire attend, va donc, Ounis… Veux-tu ?


LA SURPRISE


Les vieillards ont siégé sous la forêt. Dans l’ombre,
Loin du Visage pâle ont siégé les vieillards…
Les guerriers Iroquois sont venus, en grand nombre,
Surprendre les Hurons, pendant que les brouillards
Tendent leur voile humide autour de la bourgade.
Sur les eaux, sous les bois, dans la lueur qui fuit,
Glisse comme un serpent l’infernale brigade.
Elle guette sa proie. Ô la sanglante nuit…
La mort plane !
La mort plane ! L’Autmoin a prédit la victoire.
Il a parlé deux fois à l’esprit des combats.
Les Blancs auront leur tombe ici. Ce territoire,
Depuis le lac sans fin jusqu’aux monts de là-bas,
Est aux chasseurs. Les Blancs et les Hurons qu’ils aiment
Seront tous égorgés. Les Hurons les premiers,

Car ils déposent l’arc, fouillent la terre et sèment
Des grains qui vont mûrir au milieu des fumiers.
Les bois sont endormis. Le hibou solitaire,
Seul aux cimes des pins, ulule tristement.

— Ô l’augure fatal ! ne va-t-il pas se taire ?
Songe Ounis, le guerrier, qui marche lentement.

Ounis souffre depuis qu’Irenna, son amie,
A reçu le baptême et prie un Dieu nouveau.
Sur son front désormais pèsera l’infamie…
Des pensers de vengeance échauffent son cerveau.

— De quel droit ce Dieu-là, gronde-t-il dans un râle,
Vient-il nous enlever les vierges de nos bois ?…
Nous ne lui volons pas ses femmes au front pâle.

Il erre çà et là comme un fauve aux abois,
Honteux de son échec, irrité de sa peine…
Mais quelles sont ces voix qui chuchotent tout près ?
Sont-ce les guerriers morts qui lui soufflent la haine ?
Il veut boire du sang. Le sang qu’il aime. Après,
Il ira déterrer, lui, la hache de guerre.
Si les autres ont peur, qu’importe ? il ira seul.

Le wigwam d’Irenna qu’il respectait naguère
S’endormira bientôt sous un sanglant linceul…

Et toujours le hibou sinistrement ulule…
Interrogeant la nuit de ses ardents regards,
Ounis marche plus vite. Un feu maudit le brûle…
Il est fou d’avoir eu pour elle tant d’égards.

Irenna reposait sur sa couche de branches.
Un ange avec amour la protégeait, ouvrant
Au-dessus de son front ses ailes toutes blanches.
Elle se délectait dans un rêve enivrant.

L’ange ne voit-il pas la menace qui plane ?
N’entend-il pas un bruit pareil au flot montant ?
Qui donc s’introduit là, dans la chaste cabane ?
Un spectre s’est penché sur la vierge. Hésitant,
Il écoute passer une haleine embaumée…
Ce grand Esprit, ce Christ au séduisant appel,
Ce Dieu qui lui ravit sa jeune bien-aimée,
Va-t-il à son amour, va-t-il à son scalpel,
Cette nuit la soustraire ?
Cette nuit la soustraire ? Elle est là sans défense.
Le père est à la chasse au loin. L’obscurité
Favorise l’audace et provoque l’offense.
On fait mieux ce qu’on fait dans la sécurité.

Mais quel cri de fureur, quelle clameur immense
S’élève tout à coup dans la bourgade en paix ?
Est-ce le cri de guerre ? Il meurt et recommence
Comme un éclat de foudre au fond des bois épais.
Le féroce Iroquois, brandissant la massue,
Sourit au sang qui coule et foule aux pieds les morts…
Il frappe ; il est partout et ferme toute issue.
Son bras est sans repos et son cœur, sans remords.

Ounis s’est redressé pareil à la panthère ;
Aux appels des guerriers Ounis a répondu…

La vierge avait un songe… Oh ! le chaste mystère !
Aux clameurs des combats le songe s’est fondu.


LE SUPPLICE


Les guerriers Iroquois reviennent de leurs courses.
Ils chantent en voguant, et vantent les ressources
De cet esprit subtil qu’ils tiennent des aïeux.
Ils traînent des captifs. Ils sont fiers et joyeux,
Car toute la tribu va les appeler braves.
Les femmes, les enfants, avec les vieillards graves,

En foule sur les bords viendront au-devant d’eux.
Leur bouche se contracte en un rire hideux,
Car ils ont inventé de nouvelles tortures.
Des cheveux tout sanglants pendent à leurs ceintures,
Les cheveux des guerriers ennemis.
Les cheveux des guerriers ennemis. Les canots
Glissent sur le flot noir comme un vol de linots.
Le chef, de temps en temps, jette une clameur gaie
En frappant rudement, du bout de sa pagaie,
Un jeune prisonnier à ses pieds étendu.
Le vainqueur n’aura pas longuement attendu
Pour voir mûrir ses plans et triompher sa ruse.
Mais que n’a-t-il fait plus ? Maintenant il s’accuse
De n’avoir pas versé tout le sang qu’il rêvait.
Avait-il peur des Blancs ? Les Blancs, oh ! s’il pouvait
Pendre comme un trophée à sa ceinture fauve
Leur courte chevelure ! Et, dans leur crâne chauve
S’il pouvait, au festin, boire leur sang tiédi !

Et longtemps les canots, dans un élan hardi,
Emportant les vaincus et les fruits du pillage,
Ont tracé sur les eaux leur sinistre sillage.
Ils arrivent enfin. Louant Areskouï,
Le guerrier dans les flots jette, tout réjoui,
Le petun odorant qu’il offre en sacrifice.


* * *

Le sachem Iroquois, — serait-ce un maléfice ? —
Le sachem déjà vieux brûle pour Irenna,
La fille des Hurons qu’un guerrier lui donna.
Il brûle et veut l’avoir pour femme ou pour maîtresse.
Elle viendra bientôt, en sa grande détresse,
Pour la première fois au wigwam du chasseur.
C’est pour sauver Ounis. Elle se dit sa sœur…
Tous les deux ils mourront s’ils ne vivent ensemble.

À la clarté des feux la tribu se rassemble.
C’est l’heure du supplice. Alors le sachem dit :
— Jusqu’à l’autre soleil il vous est interdit
De tourmenter Ounis, le frère de ma femme.
Pour les autres captifs nul tourment n’est infâme. »

— L’ardent foyer pétille et la chaudière bout.
Au festin !… Les captifs sont là, rangés debout,
Liés solidement au tronc rugueux du frêne.
Au festin !… Nous irons sur la sanglante arène,
Et le Huron mourra déchiré par les fers.
Les outrages anciens que nous avons soufferts
Seront vengés !

Seront vengés ! Ainsi parle un jongleur immonde,
Et le festin commence. Et tout ce cruel monde
Déchire de ses dents les morceaux de la chair.
Et l’enivrant fumet monte longtemps dans l’air
Avec les cris de joie, à travers le bois dense.
Puis au repas succède une infernale danse,
La danse de la mort.
La danse de la mort. — Le sais-tu, prisonnier,
Le soleil qui se couche est pour toi le dernier ?
Nos chiens vont dévorer, cette nuit, ton cadavre…
Guerrier, tu vas mourir ! guerrier, la peur te navre !

Ils dansent en chantant ce sinistre refrain.
Leur colère, bientôt, ne connaît plus de frein.
Ils balancent les bras, ils agitent la tête,
Ils poussent des clameurs comme des cris de bête.
Devant les prisonniers ils passent tour à tour,
Et leurs ongles, aigus comme des becs d’autour,
Les déchirent. Ensuite, au signal, l’arc se bande,
Et de cruels enfants, avec la noire bande,
Sur ces nobles vaincus lancent des traits perçants.

Et toujours garrottés, les Hurons impuissants
Jettent à leurs vainqueurs des regards pleins d’outrage.
Le sang qui coule allume une effroyable rage ;

C’est la pourpre sans prix dont le bourreau se teint.
On attise la flamme au foyer qui s’éteint.

Les femmes font rougir des instruments de pierre
Et brûlent en riant l’insolente paupière
D’où sans cesse jaillit le mépris.
D’où sans cesse jaillit le mépris. Les Hurons,
En des éclats de voix qui semblent des clairons,
Provoquent leurs bourreaux :

Provoquent leurs bourreaux : — Bourreau, tu te relâches !
Oh ! quel bonheur ! nos yeux ne verront plus de lâches !
Nos fils de vos aïeux ouvriront les tombeaux,
Pour vous donner ensemble en pâture aux corbeaux !

Plus ils narguent la mort, plus aussi, le sang coule…
Leur voix n’est plus qu’un râle et la vengeance est soûle.

Parmi ces fiers mourants Ounis est oublié.
Il est demeuré seul à son arbre lié.
C’est un malheur nouveau. Le supplice qui tarde
Est souvent plus cruel qu’un prompt supplice. Il garde
En son cœur ulcéré rancune à son destin.

S’il est sur le bûcher au lieu d’être au festin,
C’est l’amour inconstant d’Irenna la chrétienne

Qui l’a voulu… L’infâme ! Au moins qu’on la détienne !
Qu’elle sache sa mort et ses ressentiments,
Et qu’ensuite elle meure au milieu des tourments !


LA PROVIDENCE


L’ombre a noyé les bois. Le silence environne
La cabane d’écorce où la jeune huronne,
Captive pour toujours, pleure en ses longs ennuis.
Elle ira dans l’instant, sous le voile des nuits,
Pour de tristes amours coquettement parée,
Sous la tente du chef. Le ciel l’a séparée
D’Ounis le beau guerrier qui possède son cœur.
Ounis ne cacha point un sourire moqueur
Quand elle lui parla du Christ et du baptême.
Maintenant sur leur tête est tombé l’anathème,
Puisque tous deux ils sont au pouvoir du vainqueur.

Des voix hurlent là-bas, d’autres chantent en chœur.
C’est le rugissement des bourreaux qui s’étonnent,
C’est l’hymne de la mort que les captifs entonnent ;
Irenna, seule, pleure et maudit sa beauté.

La haine épuise enfin toute sa cruauté.
Tout bruit meurt. L’Iroquois dort. Un rire farouche
Comme un reflet d’enfer passe encor sur sa bouche.
Mais le chef ne dort pas. Il espère, il attend.
Un murmure, un frisson, un souffle qu’il entend
Lui semblent le soupir de la superbe esclave.
Et voilà que s’allume une paupière cave ;
Au bord du lac dormant un spectre est descendu ;
Un cœur broyé gémit sur le bonheur perdu ;
C’est l’altière Ondina qui cherche sa rivale.
Le sachem la renvoie, et, comme une cavale
Que l’éperon de fer tourmente et fait hennir,
La femme délaissée, à l’amer souvenir
Se révolte et bondit.
Se révolte et bondit. Les pénétrants arômes
Les chauds baisers des nids sous les sauvages dômes,
La tiédeur de la brise et le calme des cieux,
Tout invite à l’amour.
Tout invite à l’amour. Le chef est soucieux.
Elle tarde à venir, la Huronne captive.
Aux douces voluptés son âme trop rétive
Hésite à se donner… N’a-t-elle donc pas bu
La magique boisson du chef de la tribu ?
Le jongleur, à minuit l’a fait sourdre du sable.
Cette boisson qui rend l’amour impérissable

Le Sagamo l’a prise ; il s’en est enivré,
Et le feu court déjà sous son masque cuivré.
Les cadavres sont là. Béantes, les blessures
Saignent encor. Les loups font d’horribles morsures.
Ils ont flairé le sang et sont vite venus.
Et des corbeaux nombreux sur les os déjà nus
Ouvrent leur sombre vol d’où tombent des cris aigres.
Ounis le prisonnier cherche quels chants allègres,
Pour braver les bourreaux, à son tour il dira.
Comme un tigre blessé l’Iroquois bondira,
Mais devant le héros ses fureurs seront vaines.
Le Huron jettera tout le sang de ses veines,
Comme un défi mortel, au front de ces vils chiens,
Et, mort, il s’en ira glorieux vers les siens.

La Huronne a passé sous la sombre ramure…
Sa joue a de l’éclat comme une pêche mûre ;
Ses yeux, sous leurs cils noirs ont de fauves lueurs.
Repus, lassés du mal, reposent les tueurs.
Le wigwam du sachem est ouvert. Le chef veille.
Il veille en attendant la captive. Ô merveille !
Au bruit léger d’un pas, comme un timide daim,
Lui, l’homme sanguinaire, il tressaille soudain !
Lui, le fauve pétri d’une sordide fange,
Il sourit à l’amour comme ferait un ange !

La Huronne est venue… Elle est venue enfin !
Le bonheur sera long. Des ivresses sans fin
Vont remplir désormais l’âme du fier sauvage.
La captive oubliera les lunes d’esclavage…

Le lac n’a plus de chants, le bois n’a plus d’échos ;
Tout dort, hormis les loups qui dévorent les os.
À travers les vieux troncs épars dans la nuit noire
Passe une forme svelte. Un long stylet d’ivoire,
Un stylet qu’elle agite et serre dans sa main,
Laisse tomber du sang le long de son chemin.
Elle court au hasard et comme une insensée.
Personne ne pourrait deviner sa pensée.
Elle va répétant, dans sa course, des mots
Oui tintent comme un glas aux voûtes de rameaux.

Devant la mort qui vient Ounis est impassible,
Mais il entend son nom et tremble… Est-il possible
Qu’un autre infortuné vive encor près de lui ?
C’est une ruse… Oui, là, dans l’ombre une arme a lui.
N’importe, il n’a point peur, il n’a que de la haine.
L’arme se trompe-t-elle ?… Elle coupe sa chaîne !…
Le malheureux captif reprend sa liberté.

Pour venger dignement sa race et sa fierté,
La vierge avait tué le chef impur et traître.

Elle suivit les pas d’Ounis. Tous deux au prêtre
Ils vinrent, au retour, faire ces longs récits.
Ounis avait des tons, des regards adoucis.

— Baptise-moi, fit-il, j’aime un Dieu qui pardonne.
Le prêtre dit :
Le prêtre dit : — Ce Dieu l’un à l’autre vous donne.

Irenna, tout émue alors, le front penché,
Murmura lentement :
Murmura lentement : — Mon père, j’ai péché !