Les Œuvres de Mesdames Des Roches/Madeleine des Roches/Ode 3

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Ode 3.



HEVREVX fardeau qui aporte
Tant d’honneur, fuſſe-ie forte
Pour chanter d’vn ton diuin
L’aſtre clair, dont la lumiere
Eſt declarer couſtumiere
Le riuage Poëteuin.

Mais ie n’ay pas la puiſſance
Egalle à la connoiſſance,
Ainſi que faut le pouuoir :
Si ce que ie puis ie donne,
Ie vous pry qu’on me pardonne
Si ie ne fay mon deuoir.

Quand par plus claires bucines,
Dames graues & inſignes,
Voſtre loz ſera chanté :
Ne deſdaignez pas l’ouurage
Qui vous porte teſmoignage
De ma bonne volonté.


Au moins mes Dames ne faictes
Comme Iudee aux prophetes
A eux peculiers donnez
Les vers que bas ie ſouſpire
Sur les fredons de ma lyre
Ne ſoyent ainſi guerdonnez.

Quelque langue de Satyre,
Qui tient banque de meſdire
Dira touſiours il ſuffit
Vne femme aſſez ſage
Qui file & faict ſon meſnage,
L’on y fait mieux ſon profit.

L’autre tient que ceſt office
De plus loüable exercice
Se leuer vn peu matin,
Dire mal de ſa Couſine,
Quereler à ſa voiſine
Ou feſtier Sainct Martin.

L’autre vn peu mieux auiſee
Se ſent beaucoup plus priſee
D’vn habit bien etofé,
D’vne belle decoupure,
D’vn Carquan, d’vne dorure,
D’vn chaperon bien coifé.

Mais quelque choſe plus digne
A la dame Poïteuine

Que le braue acoutrement :
Ia deſia ell’ faict couſtume
De choiſir l’ancre & la plume
Pour l’employer doctement.

Auſſi le Ciel qui a cure
De vous mes Dames, vous iure,
Et ne iure point en vain :
Que vous pourrez de vous meſme
Vous venger de la mort bleſme
Sans mendier l’eſcriuain.

Le Clain & ſa riue mole
Admirant la docte échole
D’vne ſi douce leçon :
Furiant contre l’enuie
Donnera pour iamais vie
Aux vers de voſtre façon.

Ie vay par vn riche Temple
Pour raporter quelque exemple
Des Dames d’exellent pris :
Mais pour le trop d’abondance
Ou pour mon inſuffiſance
Ie n’en ay beaucoup apris.

I’y ay pourtant ſceu aprendre
Comme la mere d’Euandre
Les Arcades gouuerna,
Par le moyen des loix ſainctes

De religion etraintes
Que ſagement leur donna.

On voit par le rond du monde
Le nom de Ceres la blonde
De temps en temps refleurir,
Qui garda tant ell’ ſceut faire
Porte-blez & Legifere
Corps & ames de perir.

De la grand’ Deeſſe armee
Le loz & la renommee
Se borne par l’vniuers :
Moins ne ſe chante la gloire
Des neuf Filles de Memoire
Ornement des plus beaux vers.

Celle que la Grece vante
Belle, docte, bien diſante,
Qui tant de bonheur acquit,
Le prix qui graue la pare
Porte le nom de Pindare
Qu’en Olympe elle vainquit.

Qui ſe taira de Camille,
De Tomiris, & de Mille,
Du ſiecle digne ornement :
Du Nil & de Babylone,
Et de celle dont Auſone
Eſcrit veritablement.


Voyez les Dames de France
Qui ce monſtre d’ignorance
Ont froiſſé en tant de pars :
Que leur quittant la carriere
Il ſaute ſur la barriere
Eſloigné de leurs rampars.

Voy ma fille ma chere ame,
Fortune, Vertu, & Fame,
Se parer de ce beau nom :
Foy, Eſperance, Concorde,
Pieté, Miſericorde,
Toutes d’immortel renom.