Les Actes des Apôtres/23

La bibliothèque libre.
Librairie de L. Hachette et Cie (p. 90-92).

XXIII

SAINT PIERRE BLÂMÉ D’AVOIR BAPTISÉ DES PAÏENS.



Grand’mère. Les Apôtres et les Frères qui étaient dans la Judée apprirent que les Gentils même avaient reçu la parole de Dieu ; lorsque Pierre fut arrivé à Jérusalem, les fidèles, qui trouvaient mauvais qu’il eût baptisé des Gentils, discutaient avec lui, disant : « Pourquoi avez-vous reçu des incirconcis ? »

Armand. Qu’est-ce que c’est : des incirconcis ?

Grand’mère. C’étaient les hommes qui n’étaient pas Juifs de naissance. Tu te souviens que la circoncision était une cérémonie de la loi juive ; elle était la marque distinctive du peuple de Dieu, comme est chez nous le baptême. Ceux qui disputaient avec Pierre voulaient qu’on ne reçût au baptême que les Juifs, et qu’on ne cherchât même pas à convertir les Gentils ou païens.

Mais saint Pierre, qui avait des lumières que quelques autres n’avaient pas, leur raconta sa vision et ce que Dieu lui avait dit. Ensuite il leur exposa comment les choses s’étaient passées avec Corneille, et que c’était le Saint-Esprit qui lui avait ordonné d’y aller. Il résultait des ordres mêmes du Seigneur, que les Gentils étaient appelés à la grâce de la foi et du baptême aussi bien que les Juifs. « Je me suis souvenu, dit Pierre, de cette parole de notre Divin Maître :

« Jean a baptisé dans l’eau ; mais vous, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit ! »

« Si donc Dieu a fait aux Gentils la même grâce qu’à nous, les baptisant comme nous dans le Saint-Esprit, qu’étais-je, moi, pour m’opposer à Dieu ? »

Les Apôtres et les disciples, ayant entendu Pierre, s’apaisèrent et glorifièrent Dieu, disant : « Le Seigneur a donc aussi fait part aux autres nations du don de la pénitence, qui donne la vraie vie ! »

Camille. Grand’mère, comment les Apôtres et les disciples ont-ils osé discuter avec saint Pierre, et le blâmer de ce qu’il avait fait, lui qui était reconnu par eux-mêmes comme leur chef, le chef de l’Église établie par Notre-Seigneur ?

Grand’mère. Chère enfant, les Apôtres s’étonnaient de ce qu’avait fait saint Pierre, parce qu’ils ignoraient ce que Dieu lui avait révélé touchant la vocation des Gentils. Quant aux disciples, ils avaient des faiblesses et des jalousies nationales, des préjugés comme tout homme vivant dans ce monde ; ils avaient, en qualité de Juifs, une grande répulsion pour les Infidèles. Ils ne voyaient en eux que des Infidèles, et ils ne comprenaient, pas que. Dieu voulût les admettre à son service avec la même faveur que les Juifs.

Et puis, dès l’origine de l’établissement du christianisme, il y a eu des désobéissants, des révoltés, des disputeurs qui ont blâmé les pasteurs de l’Église sans comprendre ce qu’ils blâmaient. Tu admireras, comme tous les vrais Fidèles, que l’Église de Jésus-Christ ait pu s’étendre et s’établir solidement, malgré tous ces dissentiments intérieurs qui ont dû beaucoup gêner les successeurs de saint Pierre dans leur autorité et dans le gouvernement de l’Église.

Les Apôtres, ayant reconnu que saint Pierre avait bien fait, se dispersèrent parmi les Gentils pour les convertir ; c’était la douzième année depuis l’Ascension. Ils prêchèrent partout la vraie foi, et ils convertirent un grand nombre de Gentils.