Les Actes des Apôtres/64

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 243-247).

LXIV

SAINT THOMAS, APÔTRE ET MARTYR.



Grand’mère. On n’a pas beaucoup de détails certains sur les actes de l’apostolat de saint Thomas. Je ne vous dirai que ce qui est généralement admis à ce sujet.

Après la dispersion des Apôtres, saint Thomas fut envoyé en Orient. Il alla dans le pays des Rois Mages qui étaient venus adorer l’Enfant Jésus à Bethléem. Ces mêmes Rois régnaient encore, et il leur fit le récit de tout ce qui s’était passé dans le cours de la vie de Notre-Seigneur, de sa Passion, de sa mort, de sa Résurrection et de son Ascension. Il les baptisa et leur donna la mission de prêcher l’Évangile et de convertir leurs peuples.

Ensuite saint Thomas alla chez les Éthiopiens ; un grand nombre d’entre eux crurent à sa parole et reçurent le baptême. Saint Thomas prêcha ensuite l’Évangile à plusieurs autres peuples de l’Orient. Il séjourna ensuite dans la Chine et de là dans les Indes. On trouve encore dans ces deux pays des traces de son passage.

Louis. Quelles traces trouve-t-on ?

Grand’mère. Des inscriptions gravées sur des pierres ; des restes d’églises ; une croix en fer qui pèse trois mille livres et qui était probablement sur le haut d’une église.

On dit qu’après avoir parcouru une multitude de villes qu’il est inutile de vous nommer…

Armand. Pourquoi inutile ?

Grand’mère. Parce que vous les oublieriez tout de suite ; ce sont des noms inutiles et difficiles à retenir.

Valentine. Oh si, Grand’mère ; dites-nous en quelques-uns seulement.

Grand’mère. Eh bien ! Saint Thomas visita et évangélisa les royaumes et villes de Crancanor, de Coulan, de Narsingue, de Candahar, de Cabut, de Caphurstan, de Cazatarat

Louis, riant. Assez, assez, Grand’mère. Nous ne nous rappellerons jamais tout cela.

Grand’mère, souriant. C’est ce que je disais à Armand. Je me bornerai donc à vous raconter le miracle arrivé dans la ville de Méliapour.

Saint Thomas, ayant converti une partie des habitants de Méliapour, voulut leur bâtir une église. Mais les prêtres nommés Brachmanes, qui adoraient des idoles, et le Roi Sagame, païen comme eux, s’y opposèrent de tout leur pouvoir ; ils défendirent qu’on donnât à saint Thomas le bois nécessaire pour son église, mais on trouva près de la ville, et sans qu’on sût d’où il pouvait venir, un tronc d’arbre si énorme, que le Roi voulut l’avoir pour un palais qu’il se faisait construire. Il envoya donc une multitude d’ouvriers et d’éléphants pour le lui amener.

Mais ni tous ces hommes, ni les animaux, ni les machines les plus puissantes ne purent parvenir à faire rouler ni même à soulever de terre cette pièce de bois immense.

« Je m’offre, dit alors saint Thomas, à la traîner moi seul jusqu’à la ville, si on me la donne pour construire mon église. »

Le Roi lui accorda bien volontiers la permission qu’il demandait, et il s’en moqua, croyant la chose impossible. Mais rien n’était impossible à ce fidèle serviteur de Dieu. Il attacha sa ceinture à un bout de la poutre ; il fit le signe de la croix, et prenant l’autre bout de sa ceinture, il traîna la poutre jusqu’aux portes de Méliapour avec autant de facilité que si elle n’avait rien pesé. Toute la ville fut témoin de ce miracle.

Le Roi Sagame se convertit avec toute sa cour ; les Princes, ses voisins, demandèrent aussi le baptême. L’église fut bâtie promptement avec l’aide du Roi et de tous les habitants ; saint Thomas plaça à quelque distance une grande croix de pierre qu’on voit encore, dit-on. Et il prédit que lorsque la mer, qui alors était éloignée de plusieurs lieues, viendrait mouiller le pied de cette croix, Dieu leur enverrait d’un pays éloigné, des hommes blancs qui leur prêcheraient de nouveau la vraie religion. En effet, quinze siècles après, la mer s’étant étendue jusqu’à la croix de pierre, les Portugais vinrent à Méliapour et amenèrent des prêtres missionnaires de la Compagnie de Jésus ; entre autres saint François Xavier. Ces nouveaux Apôtres prêchèrent le Christianisme.

Tant de succès mirent en fureur les Brachmanes. Voyant leur influence s’affaiblir, leurs richesses diminuer, ils résolurent de se débarrasser de saint Thomas. Un jour qu’il priait avec ferveur au pied de la croix, un de ces prêtres le tua d’un coup de lance. Des soldats qui accompagnaient ce sacrilége, pour l’aider à exécuter son crime, achevaient d’assommer leur ennemi à coups de pierres, et en le perçant de flèches. Son sang rejaillit sur la pierre et sur la croix qui en ont longtemps conservé les traces.

Les disciples de saint Thomas enlevèrent son corps et l’enterrèrent dans l’église qu’il avait fait bâtir ; ils déposèrent dans son sépulcre le fer de la lance qui avait percé l’Apôtre, le bâton dont il se servait pour ses voyages, et une urne pleine de terre imbibée de son sang.

Pierre. Où se trouvent maintenant ces reliques, Grand’mère ?

Grand’mère. Quand des missionnaires portugais arrivèrent dans l’Inde, en 1532, ils trouvèrent dans les ruines de Méliapour un oratoire qui était resté intact au milieu des débris de la ville et qui contenait les ossements de l’Apôtre saint Thomas. Ils y trouvèrent aussi la pierre sur laquelle il avait été massacré.

Les missionnaires emportèrent ces précieuses reliques à Goa, grande ville dans les Indes où se trouvait la maison principale de la mission portugaise. Depuis on a porté une partie de ces reliques en Syrie, dans la ville d’Édesse ; une autre partie dans le midi de l’Italie, à Ortone. En France, à Notre-Dame de Chartres, on possède un os du bras de saint Thomas ; à Rome, dans l’église de Sainte-Croix, on montre le doigt qui toucha les plaies des mains et des pieds et le côté du Sauveur ressuscité.

Armand. Pourquoi a-t-il touché le côté et les plaies de Notre-Seigneur ?

Grand’mère. Tu as oublié ce que je vous ai raconté dans l’Évangile de l’incrédulité de saint Thomas ?

Armand. Oui, Grand’mère, j’ai oublié.

Louis. Et moi aussi, Grand’mère, j’ai oublié.

Grand’mère. Alors je vais vous le redire.

Quand Notre-Seigneur fut ressuscité, il apparut plusieurs fois aux Apôtres réunis, en l’absence de saint Thomas. Celui-ci ne voulut pas croire à la Résurrection, disant :

« Si je ne mets les doigts dans les trous de ses pieds et de ses mains, et si je ne mets la main dans la plaie de son côté, je ne croirai pas. »

Huit jours après, Notre-Seigneur apparut aux Apôtres, saint Thomas étant avec eux. Jésus-Christ s’approcha de Thomas, lui fit voir ses mains et ses pieds et la plaie de son côté.

« Mets tes doigts dans les trous de mes pieds et de mes mains, mets ta main dans mon côté ; ne sois pas incrédule, mais fidèle. »

Thomas, tombant à genoux, s’écria :

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Le Seigneur lui répondit :

« Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Armand. Merci, Grand’mère, je tâcherai de ne plus oublier.

Grand’mère. C’est très-bien, mon petit ; mais demande-moi toujours quand tu as oublié quelque chose. Et comme nous avons fini le martyre de saint Thomas, je vais vous raconter celui de saint Jacques le Mineur.