Les Amours, galanteries et passe-temps des actrices/05

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, Une Bayadère de l’opéra
A Couillopolis. 1700 [i.e. ca 1833] (p. 35-41).




CHAPITRE V.

Mlle. Eléonora.


Moi, dit Eléonora, de toutes les occasions de plaisirs que j’ai eues dans ma vie, la plus saillante, et celle dont je me rappelle toujours avec une secrète satisfaction, c’est celle qui m’arriva dans un certain cabinet particulier des Vendanges de Bourgogne, chez Legrand, au faubourg du Temple, aujourd’hui Charlier. Écoutez bien, Mesdames.

J’étais avec M.....ville, c’est de tous mes amans le seul que j’aie peut-être jamais sincèrement aimé ; il faut convenir aussi qu’il méritait à tous égards l’amour d’une femme par son exquise amabilité et le charme et le piquant qu’il savait donner aux plaisirs amoureux.

Comme je vous le disais donc tout à l’heure, nous étions dans un cabinet particulier des Vendanges de Bourgogne, et notre tête à tête était fortement animé par mille propos plus libertins les uns que les autres, si bien qu’au Champagne notre raison était un peu déménagée, et de la chaise où j’étais assise, j’étais passée sur les genoux de M......ville, qui préludait par les attouchemens les plus voluptueux sur tout mon individu, aux plaisirs dont nous avions résolu de rendre le cabinet le théâtre. Le doux frottement de nos langues qui allaient se chercher mutuellement dans les baisers les plus lascifs, faisait fermenter de plus en plus en nous la sève du plaisir, au point que les boutons du pantalon de M......ville en sautaient, tant son maître Jacques s’était trouvé animé par ces tendres badinages. Pour moi, je ne savais plus où j’étais, et le seul contact de sa main, qu’il avait placé sur l’endroit sensible, me faisait fondre et me pâmer, et j’arrosais sa main de larmes du… plaisir. N’y pouvant plus tenir ni l’un ni l’autre : Viens, ma chère Eléonora, me dit-il, viens et goûtons le plaisir dans toute sa plénitude, mais bien que j’aime à lire dans tes beaux yeux l’impression qu’en pareils momens tu éprouves, je veux aujourd’hui te faire cela dans une position que nous n’avons pas encore employée et qui doublera nos jouissances.

— Dispose de moi, cher amant, répondis-je, quelle que soit la position dans laquelle tu me placeras je goûterai toujours le suprême bonheur ; être étroitement unie à toi voilà tout ce que je désire et qui veut la fin veut les moyens. Enchanté de ma réponse, il prit une chaise et l’ayant disposée convenablement. — Tiens, me dit-il, ma chère Eléonora, mets-toi à genoux là-dessus, mais tout-à-fait à genoux et de manière que tes pieds quittent terre ; maintenant appuie tes deux mains sur le dossier, baisse la tête et ne t’occupe plus de ce qui se passera derrière toi. J’obéis ponctuellement à son injonction, et je sentis qu’il me troussait doucement les jupes et la chemise. — Je veux jouir de la vue de tous tes charmes ; ô ma chère Eléonora ! ô dieu, quelles fesses ravissantes, continua-t-il, pourrai-je jamais assez les baiser et les rebaiser, et ce cul divin ! Ô tiens, vois-tu, ma bonne amie, je n’ai jamais eu de goût pour la sodomie, mais c’est un goût que je pourrais bien prendre si j’avais souvent un si beau spectacle sous les yeux. Oh ! quelles cuisses fermes et rebondies, et ce con aux lèvres roses et vermeilles, et il y fourrait son doigt, j’étais toute en feu. — Ne me fais pas languir davantage, mon cher ami, lui dis-je, oh ! mets le moi, je t’en prie. Cédant à ma prière, déjà je sentais son vigoureux braquemar se diriger vers le centre des plaisirs, déjà sa tête effleurait mes cuisses, quand soudain la porte dont nous avions oublié de retirer la clé s’ouvrit et laissa voir la figure stupide d’un des garçons du restaurant, le malheureux s’était trompé de cabinet. M....ville se retourna avec un geste terrible et en prononçant un foutre des plus énergiques en se dérangeant, il laissa mes fesses exposées à la vue du malencontreux garçon que la beauté du coup d’œil, tenait cloué à la place et qui ne savait plus s’il devait avancer ou reculer, il y serait peut-être encore demeuré longtemps si M....ville ne l’eut secoué fortement par le bras et ne l’eut jeté à la porte en le traitant mille fois d’imbécile et de maladroit. Cet incident avait opéré sur mon amant une révolution qui faillit être fatale à nos plaisirs, son outil de menaçant qu’il était avant l’arrivé de ce garçon avait fléchi et commençait à baisser humblement la tête, je m’aperçus à temps du malheur qui me menaçait et par les caresses les plus tendres j’eus bientôt remis le pauvre effaré dans son état brillant. Oh ! de quels plaisirs alors je fus payée pour la complaisance que j’avais déployée dans cette occasion, après avoir de nouveau repris par quelques attouchemens tous les avantages que la surprise lui avait fait perdre, il me replaça dans la position que je vous ai décrite tout à l’heure et aussitôt je sentis entre mes cuisses l’instrument auquel j’avais dû tant de fois de douces sensations, j’aidai en poussant mes fesses vers les cuisses de mon amant à la prompte jonction de nos deux parties et je le sentis s’introduire jusqu’à la racine, sa chaleur me brûlait les entrailles, je ne fus plus maîtresse de moi et je me livrai à toute ma fureur amoureuse avec un emportement qui mettait mon amant aux nues. Ah ! disait-il, non jamais, l’Eléonora de Parny ne valut mon Eléonora. Ah ! mon ange, quelles délices ! va, va… accélère encore s’il est possible les mouvemens de ce beau corps. Ah ! l’admirable chute de reins ; ah ! ah ! ah ! Animée encore par ces amoureuses exclamations, j’y joignais les miennes et redoublant d’ardeur nous arrivâmes ensemble au port du salut, je le répète, de ma vie je n’eus tant de plaisir.