Les Amours de Tristan/La belle captive

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Les Amours de TristanP. Billaine, A. Courbé (p. 96-97).


LA BELLE CAPTIVE.

STANCES.



PAR vn ſort dont les cruautez
Affligent toutes les Beautez
Qui meritent d’eſtre adorées ;
Touſiours les femmes comme vous,
Ainſi que les Pommes dorées
Ont leurs Dragons & leurs jaloux.

Mais on a beau vous eſclairer,
Ie pourray touſiours eſperer
Aſſez d’heur dans ma ſeruitude ;
Puiſque voſtre inclination
N’a point d’excés d’ingratitude
Pour l’excés de ma paßion.

Bien que nos corps ſoient attachez
Et tous nos plaiſirs empeſchez
Par cette cruelle manie :
Amour Roy de nos libertez,
Ne veut pas que ſa tyrannie
S’eſtende ſur nos volontez.

Malgré ces inhumaines loix
Qui de la veuë & de la voix
Nous veulent empeſcher l’vſage ;
Moquons nous de cette rigueur,
N’obeiſſons que du viſage
Et ſoyons rebelles de cœur.

Ne pouuons nous pas nous aimer
Sans eſclat, & ſans alarmer
Toutes ces Ames inſenſées ;
Et trouuer aſſez de loiſir
Pour faire parler nos pensées,
Et nous voir des yeux du deſir ?