Les Avadânas, contes et apologues indiens/115

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 131-133).


CXV

L’AVEUGLE ET LES ODEURS.


Il y avait un homme qui avait perdu les yeux et était privé de la lumière, mais il savait reconnaître les choses à leur odeur. Un bachelier prit un volume du Si-siang-ki (l’Histoire du pavillon d’occident)[1], et le lui fit sentir. « C’est le Si-siang-ki, s’écria l’aveugle.

— Comment le savez-vous ? lui demanda le bachelier.

— C’est qu’il a, répondit l’aveugle, une certaine odeur de pommade et de fard. »

Le bachelier lui présenta ensuite le San-koué-tchi (l’Histoire des trois royaumes), le lui fit sentir et lui demanda ce que c’était. « C’est le San-koué-tchi, dit l’aveugle.

— Comment le savez-vous ?

— Parce qu’il a une certaine odeur de poudre de guerre[2], repartit l’aveugle, » Le bachelier était dans l’admiration. Il lui présenta une de ses compositions et la lui fit sentir. « C’est, dit l’aveugle, un de vos élégants écrits.

— Comment le savez-vous ?

— C’est, dit l’aveugle, qu’il exhale une certaine odeur d’huile[3]. »

  1. Ouvrage qui fait les délices des femmes distinguées.
  2. Cet ouvrage, qui est la lecture familière des hommes sérieux, est rempli de récits de batailles.
  3. C’est-à-dire qu’il paraît avoir coûté beaucoup de peine et de travail.