Les Avadânas, contes et apologues indiens/32

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 131-134).


XXXII

LES DANGERS ET LES MISÈRES DE LA VIE.


Jadis un homme qui traversait un désert, se vit poursuivi par un éléphant furieux. Il fut saisi d’effroi et ne savait où se réfugier, lorsqu’il aperçut un puits à sec près duquel étaient de longues racines d’arbre. Il saisit les racines et se laissa glisser dans le puits. Mais deux rats, l’un noir et l’autre blanc, rongeaient ensemble les racines de l’arbre. Aux quatre coins de l’arbre, il y avait quatre serpents venimeux qui voulaient le piquer, et au-dessous un dragon gorgé de poison. Au fond de son cœur, il craignait à la fois le venin du dragon et des serpents et la rupture des racines. Il y avait sur l’arbre, un essaim d’abeilles qui fit découler dans sa bouche cinq gouttes de miel ; mais l’arbre s’agita, le reste du miel tomba à terre et les abeilles piquèrent cet homme ; puis un feu subit vint consumer l’arbre.

L’arbre et le désert figurent la longue nuit de l’ignorance ; cet homme figure les hérétiques ; l’éléphant figure l’instabilité des choses ; le puits figure le rivage de la vie et de la mort ; les racines de l’arbre figurent la vie humaine ; le rat noir et le rat blanc figurent le jour et la nuit ; les racines de l’arbre rongées par ces deux animaux, figurent l’oubli de nous-mêmes et l’extinction de toute pensée ; les quatre serpents venimeux figurent les quatre grandes choses[1] ; le miel figure les cinq désirs[2] ; les abeilles figurent les pensées vicieuses ; le feu figure la vieillesse et la maladie ; le dragon venimeux figure la mort. On voit par là que la vie et la mort, la vieillesse et la maladie sont extrêmement redoutables. Il faut se pénétrer constamment de cette pensée, et ne point se laisser assaillir et dominer par les cinq désirs.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Fo-pi-yu-king, ou Livre des comparaisons,
exposé par le Bouddha, section X.)
  1. La terre, l’eau, le feu, le vent. (Dictionn. San-thsang-fa-sou, livre XIX, fol. 6.
  2. Les désirs de l’amour ; le désir de la musique ; le désir des parfums ; le désir du goût ; le désir du toucher. (Dictionn. San-thsang-fa-sou, livre XXIV, fol. 6.)