Les Caquets de l’Accouchée/Au lecteur curieux

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Au lecteur curieux




RECUEIL GENERAL

DES CAQUETS

DE L’ACCOUCHÉE

Ou discours facecieux où se voit les mœurs,
actions et façons de faire de ce siècle,


Le tout discouru par Dames, Damoiselles,
Bourgeoises et autres,


Et mis par ordre en viij. après-dinées, qu’elles
ont faict leurs assemblées, par un Secre-
taire qui a le tout ouy et escrit ;

Avec un discours du relevement de l’Accouchée.



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Imprimé au temps de ne se plus fascher
M.DC.XXIII.




AU LECTEUR CURIEUX1.

Quelques critiques (m’asseuray-je), voyant que le frontispice de ces diverses journées du Caquet de l’Accouchée n’est decoré d’aucun tiltre autre que celuy que la qualité de la chose luy donne, riront à gorge desployée du secretaire qui a ramassé une chose infructueuse pour en faire part au public, et d’une imposture s’efforceront à ternir sa reputation. Mais je ne veux en cela arrester leur ordinaire regime, m’estant une chose indifferente ce qu’ils en pourront dire, pardonnant aussi librement à leur calomnie comme l’on pardonne aux corbeaux croassans, parce qu’ils ont ce langage de nature : jamais les corps des cyones n’ont esté plus invulnerables aux traicts des centaures que mon ame l’est au langage des langues mesdisantes. Ce n’est à eux ny pour eux que je me suis adonné à ceste occupation, ains pour les esprits vuides de passion, et qui, desireux de ronger la moelle des escrits, ne s’arrestent à l’escorce. La chose, pour naïfve qu’elle soit, contient en soy de l’enphaze, et, sous des apparences basses, il y a des effects relevez dignes de contenter les ames les plus difficiles. Voy donc, amiable lecteur, cest ouvrage de bon œil ; il n’a esté mis au jour que pour reformer les mœurs, reigler les actions et retrancher les abus. Cet escrit ne retient rien de la flatterie ; il publie murement les choses comme elles sont, retenant de la liberté de vivre des anciens, qui preferoient le supplice à la complaisance. Quand tu sçaurois quel je suis, volontiers agrerois-tu davantage cet œuvre, voyant qu’estant ce que Dieu m’a faict naistre, et colloqué en un rang qui me separe du vulgaire, tu croirois qu’il y auroit apparence que je ne me fusse appliqué à ce travail s’il n’estoit profitable. Je cache mon dessein aussi bien que mon nom pour ce coup, me contentant de t’asseurer qu’aucune intention de mesdire ne m’a faict prendre tant de peine, mais seulement afin que plusieurs qui se recreront en la lecture de ceste pièce profitent de mon labeur. Lis attentivement cet abregé de la vicissitude humaine, et tu trouveras quelque chose propre à assouvir ton appetit, si au moins, desbauché et despravé, toutes sortes de viandes ne luy sont à cœur. Adieu.

VERS DE L’AUTHEUR2.

L’oysiveté est dommageable
À un esprit infatigable
Qui cherist la diversité ;
Le mien, qui jamais ne se lasse,
Veut faire voir comme se passe
Le temps aux couches limité.

Aprestez vos gorges pour rire
De ce que j’ay voulu descrire
En ces Caquets d’accouchement ;
La matière est si trivialle,
Qu’il n’y a suject qui l’égale
Pour prendre du contentement.

Si l’accouchée est en collère
De me voir conter le mystère
Du secret dit en sa maison,
J’appaiseray sa fantasie,
Et d’une parole adoucie
Je luy en diray ma raison.




1. Cet avertissement ne se trouve qu’en tête du Recueil général.

2. Ces vers se trouvent seulement dans le Recueil général.