La Cithare (Gille)/Les Charites

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La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 91-93).

LES CHARITES


C’est l’éblouissement de l’aurore première.
Tout vibre, tout rayonne, et le jeune soleil
Embrase au loin la plaine et l’horizon vermeil ;
Dans la forêt en feu palpite la lumière.

L’air est tout embaumé des souffles du printemps,
Les taillis frissonnants sont remplis d’émeraudes,
Dans les vallons pâmés glissent des brises chaudes
Qui sèment les parfums des sommets éclatants.


Au pied de la colline, où le temple s’avance
Entouré d’un bosquet de myrtes odorants,
Pleine de rayons d’or, la mer aux flots errants,
Entre les rochers bleus, berce sa nappe immense.

C’est l’heure où la rosée étoile encor les prés.
Dans le brouillard de nacre et d’azur les Charites
S’approchent, en formant leurs danses favorites
Près des sources, parmi les calices pourprés.

C’est Aglaïa, la Vierge aux parures brillantes,
Euphrosyne, au beau sein, qui verse dans le cœur
Le bonheur et l’ivresse ainsi qu’une liqueur,
Et Thalie, aux yeux clairs, qui fait fleurir les plantes.

Dans le palais des dieux, sur l’Olympe changeant,
Leur beauté rayonnait dans le divin cortège ;
Zeus aux sourcils épais les aimait, et leur siège
S’élevait près du Roi Phoibos à l’arc d’argent.

Mais, ayant déserté les royales demeures,
Alors que le matin se mirait dans les eaux,
Elles vinrent, portant des fruits et des rameaux,
Et mêlèrent leur chœur au chœur charmant des Heures.

 
Et foulant notre sol de leurs pieds lumineux,
Les filles d’Ouranos et de la blanche Aurore
Apparurent soudain dans la clarté qui dore
Le stérile Océan aux flots tumultueux.

Les fleurs ouvraient leurs yeux au sein des jeunes pousses,
La verdure nouvelle était pleine d’oiseaux,
Des rayons ricochaient partout, et les ruisseaux
Dans leur lit attiédi gazouillaient sous les mousses.

Un hymne s’élevait à la splendeur du jour,
Dans l’éther bleu chantait la terre printanière ;
Or, tout était parfum et tout était lumière :
La nature riait et célébrait l’amour !

Les Charites alors, s’étant ceintes de roses,
Ivres de l’air léger, sonore et radieux,
Formèrent en dansant leurs chœurs mélodieux
Dans les gazons remplis de verveines écloses.