Les Chevaux de l’ombre

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Traduction par Stuart Merrill.
Vers et Prosetomes 1 à 4, mars 1905 à février 1906 (p. 98).


TROIS POÈMES D’AMOUR


Les Chevaux de l’Ombre

 
J’entends les chevaux de l’ombre, secouant leurs lourdes crinières,
Leurs sabots lourds de tumulte, leurs yeux luisant d’un blanc éclat.
Le Septentrion déroule sur eux la nuit lente et insidieuse,
L’Orient dit toute sa joie secrète avant le point du jour,
L’Occident pleure sa pâle rosée et soupire en trépassant,
Le Midi voudrait les couvrir de roses de flamme écarlate.
Ô vanité du sommeil, espoir, rêve, désir sans fin !
Les chevaux du désastre plongent dans l’argile désolée.
Bien aimée, que tes yeux se ferment à moitié, et que ton cœur batte
Sur mon cœur, et que ta chevelure s’épande sur mon sein,
Noyant l’heure solitaire de l’amour en un profond crépuscule de paix,
Et qu’elle me cache leurs crinières secouées et leur tumultueux galop.