Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CXCVIII

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Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CXCVIII.


Comment messire Louis d’Espagne perdit deux de ses vaisseaux et en prit quatre de Bayonne ; et comment il arriva en Guerrande.


Sachez que quandce grand tourment et cette fortune eurent élevé et bouté en mer le dit messire Louis, ils furent toute cette nuit et le lendemain tant que à nonne, moult tourmentés et en grand’aventure de leurs vies ; et perdirent par le tourment deux vaisseaux et les gens qui dedans étoient. Quand ce vint au tiers jour, environ heure de prime, le temps cessa et la mer s’aquassa. Si demandèrent les chevaliers aux mariniers de quel part ils étoient plus près de terre. Et ils répandirent : « Du royaume de Navarre. » Lors furent les patrons tous émerveillés, et dirent que le vent les avoit élongés de Bretagne plus de six vingt lieues. Si se mirent à l’ancre et attendirent la marée ; si que quand le flot de la mer revint, ils eurent assez bon vent pour retourner vers la Rochelle. Et costièrent Bayonne ; mais point ne l’approchèrent. Et trouvèrent quatre nefs de Bayonnois qui venoient de Flandre : si les assaillirent et prirent tantôt, et mirent à bord tous ceux qui dedans étoient ; et puis nagèrent vers la Rochelle ; et firent tant en brefs jours qu’ils arrivèrent à Guerrande et là se mirent-ils à terre. Si entendirent les nouvelles que messire Robert d’Artois et ses gens étoient à siége devant la cité de Vennes. Si envoyèrent messire Charles de Blois qui se tenoit à Rennes, pour savoir quelle chose il vouloit qu’ils fissent. Or lairons nous un petit à parler des François, et parlerons de ceux qui étoient à siége devant Vennes.