Les Confessions d’un révolutionnaire/XII

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XII.


31 JUILLET :


NOUVELLE MANIFESTATION DU SOCIALISME.


Je reprends mon récit au point où je l’ai laissé avant cette digression.

L’insurrection vaincue, le général dictateur Cavaignac se hâte de déposer les pouvoirs qui lui avaient été confiés. L’Assemblée nationale maintient l’état de siége, nomme le général président du conseil et chef du pouvoir exécutif, et le charge de composer un ministère. Les journaux socialistes sont suspendus : le Représentant du Peuple est d’abord ménagé ; mais comme, au lieu de crier avec les Brennus de la réaction : Malheur aux vaincus ! il s’avise de prendre leur défense, il ne tarde pas à subir le sort de ses confrères. Les conseils de guerre s’emparent des malheureux que la fusillade à épargnés. Quelques hommes de la veille, tels que Bastide, Marie, Vaulabelle, sont conservés. Mais la couleur du gouvernement pâlit bientôt ; l’arrivée au pouvoir de MM. Senard, Vivien, Dufaure, annonce qu’aux républicains de la veille succèdent décidément les républicains du lendemain.

C’était la conséquence logique, j’ai presque dit légitime, de la victoire de l’Ordre. La gauche n’en proteste pas moins contre cette restauration d’une politique qu’on croyait à jamais enterrée sous les pavés de février. Les partis ne pourraient-ils donc mettre dans leur stratégie plus de franchise ? Reprocher à un adversaire de poursuivre le fruit de son succès, c’est défendre au général victorieux de profiter de la victoire. Puisque, grâce au fanatisme gouvernemental, la civilisation est comme la barbarie un état de guerre, il n’y a législation, constitution, théorie, expérience qui tienne : tant que nous nous battrons pour le pouvoir, les vainqueurs ne manqueront pas de prétextes pour opprimer les vaincus : les hommes d’État trouveront des raisons de renier leurs principes, et tout le monde aura toujours raison. — Je suis vaincu, tuez-moi, disait Barbès à ses juges, après le coup de main du 12 mai 1839. C’est tout ce que la Montagne aurait dû répondre, en août 1848, à Cavaignac, et en juillet 1849, à Louis-Bonaparte. — Nous sommes vaincus, faites, usez de votre fortune, et ne disputons pas. Souvenez-vous seulement qu’il est des retours aux choses d’ici-bas, et qu’à l’occasion nous ferons comme vous !

C’est contre ce fatalisme brutal, qui fait tourner sans fin la société dans un cercle de déceptions et de violences, que j’étais résolu de lutter. La tâche était immense : quel serait mon plan d’opérations ?

Il faut, me dis-je, faire tourner à l’avantage de la Révolution la contre-révolution elle-même, en la poussant à son paroxysme, et l’épuisant par la peur et la fatigue.

Il faut apprendre aux vainqueurs de juin qu’ils n’en ont pas fini, comme ils supposent ; que rien n’est même commencé, et que l’unique fruit qu’ils aient recueilli de leur victoire est un surcroît de difficultés.

Il faut relever le moral des travailleurs, venger l’insurrection de juin des calomnies de la réaction ; poser, avec un redoublement d’énergie, avec une sorte de terrorisme, la question sociale ; l’agrandir encore, en la rendant traditionnelle et européenne ; consolider la Révolution, en forçant les conservateurs à faire eux-mêmes de la démocratie pour la défense de leurs priviléges, et en rejetant, par ce moyen, la monarchie sur un plan secondaire.

Il faut vaincre le pouvoir, en ne lui demandant rien, prouver le parasitisme du capital, en le suppléant par le crédit ; fonder la liberté des individus, en organisant l’initiative des masses.

Il faut, en un mot, une deutérose de l’idée révolutionnaire, une nouvelle manifestation du socialisme.

À Dieu ne plaise que je veuille grandir mon rôle ! je raconte mes rêves. Je sais combien peu la pensée d’un homme pèse dans les résolutions de la société ; je suis moi-même une preuve vivante de la lenteur avec laquelle l’idée pénètre la masse. Mais, en faisant suivre le récit de mes méditations socialistes de celui de mes actes politiques, je ne fais que continuer la même histoire, l’histoire d’un penseur entraîné malgré lui dans le somnambulisme de sa nation. Et d’ailleurs, passer de la spéculation à l’action, ce n’est point changer de rôle : agir, c’est toujours penser ; dire, c’est faire, dictum factum. Il n’y a pas de différence à mes yeux entre l’auteur qui médite, le législateur qui propose, le journaliste qui écrit, et l’homme d’État qui exécute. C’est pour cela que je demande la permission de parler de ce que j’ai fait, comme si je parlais encore de ce que j’ai écrit : ma conduite et mes idées n’ayant pour objet que la Révolution, ce sera toujours parler de la Révolution.

Puis donc, continuais-je, que l’État, par la nature de son principe, est contre-révolutionnaire ; que la seule initiative légitime est celle du citoyen, et que le droit de proposition appartient à tous, proposons quelque chose, non pas au gouvernement, il le repousserait ; mais à l’Assemblée nationale, mais au pays. Révélons, s’il se peut, à la société, une de ses idées latentes ; montrons-lui, comme en un miroir, quelque chose de sa propre conscience. D’abord elle reculera d’épouvante, elle se reniera, se maudira : il faut s’y attendre. À chaque fois que l’humanité acquiert une plus haute révélation d’elle-même, elle se fait horreur. Bien entendu que cette horreur, ces malédictions de la société s’adressent, non pas à elle, mais aux révélateurs. Mais qu’importe ? Si nous étions de loisir, nous pourrions avoir recours aux précautions oratoires, tirer l’idée en longueur, solliciter pour elle les intelligences candides ; nous dissimulerions, nous déguiserions de notre mieux l’affreux paradoxe. Mais le temps presse : il faut en finir ! La vérité crue est ici la meilleure, la médication homœopathique la seule rationnelle. Le scandale et la haine produiront le même effet que l’adoration et l’amour : et qu’est-ce que la haine ? encore l’amour. Abstraction faite de la personne, que fait à la conscience, à l’entendement, que ces enfants prennent celui qui leur parle pour le monstre de la perdition ou pour l’ange du salut, si le résultat est identiquement le même ?

Mais que proposer ? l’occasion ne tarda pas à s’offrir.

Aussitôt après les journées de juin, le Représentant du Peuple s’était mis à déchirer le voile sanglant dans lequel cherchaient à s’envelopper les auteurs et provocateurs de la catastrophe : il avait pris fait et cause pour les victimes contre les meurtriers ; en même temps, il jetait çà et là des idées économiques. Dans un article sur le terme, daté du 13 juillet, article qui amena la suspension du journal, il osa dire que les événements accomplis depuis février constituaient pour l’immense majorité des locataires un cas de force majeure, dont ils pouvaient légitimement se prévaloir pour obtenir une réduction et un ajournement. La cause de force majeure, résultant du fait de l’État, n’était point une invention qui fût propre à l’écrivain : on la trouve dans tous les jurisconsultes. Mais le propos était d’un socialiste : les conservateurs y virent une attaque à la propriété, et je fus signalé à la tribune comme prêchant la spoliation et la guerre civile.

Il ne m’était plus possible de garder le silence : d’une idée jetée dans un journal, je fis une proposition financière, qui fut renvoyée, urgence déclarée, — on voulait en finir ! — au Comité des finances.

Qu’est-ce que le Comité des finances ?

On y remarquait alors MM. Thiers, Berryer, Duvergier de Hauranne, Léon Faucher, Bastiat, Gouin, Goudchaux, Duclerc, Garnier-Pagès, Ferdinand de Lasteyrie, etc. Pierre Leroux, qui s’y fit inscrire en même temps que moi, y vint une fois, et ne reparut plus. — Ce sont des imbéciles ! me dit-il. — Cela n’était pas juste, quant aux personnes ; mais profondément vrai, quant au Comité.

Ce que je reproche au Comité des finances, c’est de n’avoir jamais su faire autre chose que de pointer les articles du budget ; c’est qu’avec toute leur érudition, les honorables représentants qui le composent en font moins pour l’aménagement de la fortune publique que les commis du ministère.

Le Comité des finances n’a jamais eu de théorie, ni de l’impôt, ni des salaires, ni de l’argent, ni du commerce extérieur, ni du crédit et de la circulation, ni de la valeur, ni de rien de ce qui doit faire la science d’un Comité des finances. Le Comité des finances n’a jamais pu venir à bout d’un projet pour la refonte des monnaies de billon. À en juger d’après les discussions du Comité sur cet objet, il faudrait croire que la création de cette espèce de monnaie a été un prodige de génie économique, lequel n’a pu s’accomplir sans une influence surnaturelle. Le Comité des finances conçoit très bien la possibilité d’augmenter ou diminuer les impôts, et, jusqu’à certain point, d’en varier les espèces : il ne se posera jamais la question de ramener les impôts, qui sont le revenu de l’État, à une forme unique. L’unité de l’impôt, réclamée par le bon sens populaire, est pour lui la pierre philosophale. Le Comité des finances est systématiquement opposé à toute innovation en matière de crédit public : tout papier de circulation, quel qu’en soit le gage, est invariablement pour lui un assignat ; comme si le billet de banque, dont le gage spécial est l’argent, comme si l’argent lui-même n’était pas assignat ! Il suffirait, en effet, de décupler ou centupler la masse du numéraire, pour que, l’argent étant réduit, par son abondance même, au dixième ou au centième de sa valeur, les billets de banque perdissent immédiatement crédit. Or il n’en serait pas autrement de 50 milliards de billets hypothéqués sur une valeur double ou triple de propriétés : les propriétés pourraient garder leur valeur, que les billets n’en auraient aucune. Qu’est-ce donc qui constitue le papier de crédit, et qui le distingue de l’assignat ? Qu’est-ce qui fait que l’argent lui-même, accepté en tout paiement, est le signe de toutes les valeurs ? Le Comité des finances l’ignore.

Le Comité des finances ne connaît qu’une chose : s’opposer à toute innovation. Car, comme il ne sait pas mieux la raison de ce qui existe que la raison de ce qui pourrait être, il lui semble toujours que le monde va crouler : il est comme un homme qui verrait à travers son corps le jeu de ses organes, et qui tremblerait à chaque instant de les voir rompre. Si le Comité des finances avait vécu du temps de Sésostris, il aurait arrêté l’humanité à la civilisation égyptienne. Non seulement il ne fait rien ; il ne permet pas que les autres pensent, il ne supporte pas qu’on discute le statu quo, fût-ce même pour le conserver. M. Thiers est le philosophe de cet immobilisme, M. Léon Faucher en est le fanatique. Le premier se contente de nier le mouvement ; le second ferait brûler, s’il pouvait, ceux qui l’affirment. M. Thiers, mystifié autant que M. Guizot, par la Révolution de février, regrettant peut-être de ne s’être pas immédiatement rallié à la République, a son amour-propre à venger. M. Léon Faucher, fustigé par les verges socialistes, renégat du socialisme, a son apostasie à expier, ses haines à assouvir.

C’est devant ce tribunal que je devais comparaître et développer ma proposition. Étrange proposition, il faut en convenir, pour un comité des finances.

Le crédit, leur disais-je, au point de vue des relations privées, est tout simplement le prêt ; au point de vue des relations sociales, c’est un mutuellisme, un échange.

De cet échange, naît la circulation.

Lorsqu’en effet l’on considère la société dans son ensemble, on voit que la circulation se réduit à l’opération suivante : Un certain nombre de citoyens fait à la société, représentée par les fermiers, l’avance de la terre : ce sont les propriétaires ; — une autre catégorie de citoyens fait à la même société, représentée par les commerçants et industriels, l’avance de capitaux et de numéraire : ce sont les banquiers et capitalistes ; — une troisième fait à la société, représentée par l’État, l’avance ou dépôt de ses épargnes, ce qui constitue la dette publique : ce sont les rentiers ; — le plus grand nombre, à défaut de terres, de maisons, de capitaux ou d’épargnes, fait à la société, représentée par tous les citoyens, l’avance de ses services : ce sont tous les travailleurs.

Il est entendu que les créanciers de la société, propriétaires, capitalistes, travailleurs, sont en même temps, aussi bien que les fermiers, les commerçants et l’État, des représentants de la société.

Or, il est évident que la société qui reçoit est le même être moral que la société qui prête : d’où il suit que ce que le propriétaire nomme affermage, le banquier escompte, le capitaliste commandite, l’usurier prêt, etc., ramené à une formule générale, est échange, ou, comme disent les théologiens, mutuum, mutualité. La même opération, considérée au point de vue de l’intérêt privé et de l’intérêt social, prend tour à tour un caractère différent : ici elle est le prêt, distingué suivant les espèces ; là elle est la réciprocité, le crédit.

Le mouvement ou transport des valeurs, des citoyens les uns aux autres, qui résulte de cet échange, est donc la circulation, la grande fonction économique de la société. Les conditions spéciales auxquelles donne lieu cet échange, créent, pour chaque espèce de créanciers et de débiteurs un système particulier de rapports, dont la science constitue, suivant le point de vue où on l’envisage, l’économie domestique ou l’économie sociale. Au point de vue de l’économie domestique, le propriétaire prête sa terre moyennant fermage ; le capitaliste, ses fonds, moyennant rente ; le banquier fait l’escompte, sous déduction d’intérêt ; le commerçant prélève un bénéfice ; le courtier, une commission, etc. Au point de vue de l’économie sociale, les services des citoyens ne font que s’échanger les uns contre les autres, suivant une règle de proportion, qui constitue leur valeur relative ; la retenue n’existe pas.

La circulation vient-elle à s’arrêter ?

Cela veut dire que le rentier, pour une cause quelconque, refuse d’avancer ses fonds à l’État, et vend même à perte ses créances ; — que le banquier refuse d’escompter les valeurs des négociants ; — le capitaliste, de commanditer l’industriel et de prêter au laboureur ; — le commerçant, de se charger de marchandises sans garantie de débouché ; — le fabricant, de produire sans commandes ; — que le propriétaire, incertain de ses rentrées, ne peut plus soutenir ses dépenses, et que l’ouvrier sans travail ne consomme plus.

Pour rétablir cette circulation suspendue, que faut-il ? une chose très simple : c’est que tout le monde, d’un commun accord, et par une convention publique, fasse ce qu’il faisait auparavant d’un consentement tacite, et sans s’en rendre compte.

Or, cette reprise volontaire et raisonnée des relations économiques peut s’effectuer de mille manières, qui, toutes, aboutiront au même résultat. Le gouvernement de juillet, après la Révolution de 1830, en a donné un exemple ; la Commission des ateliers nationaux, dont j’ai rapporté le projet à l’occasion de l’insurrection de juin en fournissait un autre. En voici un troisième qui a le mérite de les généraliser tous, en remplaçant la location ordinaire par une remise.

Que le créancier de l’État, au lieu de consentir un nouvel emprunt, que l’État ne lui demande pas, abandonne, à titre de dégrèvement ou contribution, 1 p. 100 sur ses rentes ; — que le propriétaire, au lieu de fournir à la population agricole de nouvelles et meilleures terres, ce qui n’est pas en son pouvoir, fasse remise d’une partie des fermages échus ; — que le banquier, au lieu de recevoir à l’escompte les valeurs dont il se méfie, ce qui serait à lui d’une trop grande imprudence, réduise sa commission et son intérêt ; — que le travailleur, pour contribuer en ce qui le concerne à l’effort général, au lieu de travailler une demi-heure de plus par jour, ce qui dépasserait peut-être la mesure de ses forces, laisse à l’entrepreneur un vingtième de son salaire : il est clair que dans tous ces cas le résultat obtenu par le second mode de crédit sera le même que celui qu’on aurait obtenu par le premier. La circulation s’accroîtra de tout ce dont chaque débiteur aura obtenu décharge de la part du créancier ; et, l’échange des services, au lieu de se faire exclusivement suivant les principes de l’économie privée, c’est-à-dire avec prélèvement, retenue, ou intérêt, s’effectuera davantage au point de vue de l’économie sociale, c’est-à-dire sans retenue ni prélèvement.

Comme la mesure, pour arriver au plus haut degré d’efficacité et de justice, doit atteindre tous les citoyens, rentiers, capitalistes, propriétaires, fonctionnaires, commerçants, industriels, ouvriers, etc., sans exception, il s’ensuit :

1o Que, par la généralité du crédit donné et reçu, il s’établit pour tout le monde une compensation, et que chacun contribuant au sacrifice, personne ne perd rien ;

2o Qu’au contraire, plus le crédit augmente, en d’autres termes, plus le loyer ou salaire, tant des capitalistes, propriétaires et entrepreneurs que des ouvriers, diminue, plus la société, et par suite l’individu, s’enrichit. — Baisse de salaire pour une même quantité de travail, ou augmentation de travail pour un même salaire, c’est même chose. Or, le chiffre du salaire étant l’expression du dividende revenant à chaque citoyen sur la totalité des produits, et cette totalité, comme on vient de dire, étant accrue, il en résulte que baisse générale des salaires équivaut pour chacun et pour tous à augmentation de richesse.

En deux mots, voulez-vous qu’à un jour marqué, à un signal donné, la nation tout entière, obéissante comme un bataillon à la voix de son commandant, produise plus, et par conséquent consomme davantage, ou produise moins, et conséquemment consomme moins ? Il n’est pouvoir, dictature, ni dévouement qui puisse opérer un tel prodige. Le seul moyen, l’unique, mais infaillible, c’est d’augmenter ou de diminuer le prix de tous les produits et services.

Ajoutons que le système proposé exigeant le concours et la participation de tous, implique par cela même conciliation générale. Les citoyens apprennent à agir collectivement, non à se faire la loi et à s’exploiter. Les haines de classe s’éteignent dans cette initiative des masses, au lieu de s’exalter par la dispute du pouvoir. On désapprend la tyrannie ; on se fortifie, par une transaction féconde, dans la liberté.

Tels étaient les principes sur lesquels la proposition que j’avais à développer était conçue. Quant aux détails et à l’application, on pouvait à volonté les modifier à la convenance des intérêts. La mesure des transitions était abandonnée à la sagesse de l’Assemblée.

Il fut impossible aux économistes-financiers du comité d’y rien comprendre. Ils s’obstinaient à juger les affaires de la société sur les apparences des relations privées, ne concevant pas que les phénomènes économiques, vus de haut en bas, sont exactement l’inverse de ce qu’ils semblent, vus de bas en haut. — Vous ne nous ferez jamais comprendre, disait M. Thiers, comment plus le propriétaire abandonne de son revenu, plus il gagne, et comment plus le travailleur perd de son salaire, plus il s’enrichit ! — Sans doute, répondais-je ; tant que vous refuserez de faire la balance entre ce qu’il paie d’une main et ce qu’il a à recevoir de l’autre ! — On était décidé à nier, et l’on niait. On chicanait sur des chiffres, on ergotait sur le tiers et sur le quart, comme si, dans une proposition de cette nature, qui avait pour but d’introduire dans l’économie publique un nouveau principe, de donner à la société conscience de ses opérations au lieu de l’abandonner passivement à sa routine patriarcale, les chiffres n’avaient pas été la chose la moins essentielle. J’avais beau dire qu’il ne s’agissait là ni d’impôt sur le revenu ni d’impôt progressif ; qu’à mes yeux, l’impôt sur le revenu était ou un mensonge ou une chimère, et que c’était pour y échapper que je proposais une loi d’exception, par laquelle chacun devait faire, pendant trois ans, un léger sacrifice sur son salaire ou revenu, la situation générale étant sauvée et la fortune publique accrue, il serait facile d’aviser pour l’avenir. On m’accusait de prêcher le vol, on disait que je voulais prendre à la propriété le tiers de son revenu. Bref, ma proposition fut déclarée scandaleuse, immorale, absurde, attentatoire à la religion, à la famille et à la propriété. Et aujourd’hui encore, toutes les fois qu’il est question d’imposer le revenu, chose qui n’est jamais entrée dans ma cervelle, contre laquelle je n’ai jamais cessé de protester énergiquement, et que je renvoie à la responsabilité de MM. Garnier-Pagès, Léon Faucher, Goudchaux, Passy et autres économistes, on ne manque pas de dire que ce projet d’impôt est renouvelé de ma proposition.

Tant de mauvaise foi ou de crétinisme aurait indigné un saint. Je résolus de briser la glace, et puisque M. Thiers faisait de la pasquinade, je ferais, moi, de la fascination. Ah ! oui : au lieu de discuter sérieusement une proposition économique, vous demandez à l’auteur compte de ses croyances ; vous vous flattez de l’écraser sous ses propres aveux ; vous prétendez d’un seul coup extirper le socialisme, en le montrant à la France tel qu’il est ! Pardieu, messieurs, voici bien votre homme. Je vous ferai beau jeu : et si sous en finissez, comme vous dites, je vous tiens pour les plus grands politiques du monde.

La nature m’a refusé le don de bien dire : qu’en avais-je besoin ? Mon discours martelé n’en produisit que plus d’effet. Les rires ne furent pas de longue durée. C’était à qui manifesterait le plus haut son indignation. À Charenton ! criait l’un. — À la ménagerie ! disait l’autre. — Il y a soixante ans, vous vous appeliez Marat ! — Il fallait aller, le 26 juin, sur les barricades ! — Il est trop lâche ! — Une partie de la Montagne, honteuse, épouvantée, mais ne voulant pas condamner un coreligionnaire, prit la fuite. Louis Blanc vota, avec la majorité conservatrice, l’ordre du jour motivé. Les socialistes lui en ont fait reproche : ils ont eu tort. Son vote fut le plus consciencieux de l’Assemblée. Louis Blanc représente le socialisme gouvernemental, la révolution par le pouvoir, comme je représente le socialisme démocratique, la révolution par le peuple. Un abîme existe entre nous. Or qu’y avait-il dans mon discours, sous ces formes nouvelles de crédit gratuit et réciproque, de suppression de l’intérêt, d’augmentation continue du bien-être par la réduction progressive des salaires et du revenu, de liquidation sociale, etc., etc. ? Il y avait ceci : sans aristocratie capitaliste, plus d’autorité, et sans autorité, plus de gouvernement. Le travail affranchi de la suzeraineté du capital, le peuple ne peut tarder à l’être de l’initiative gouvernementale : toutes ces propositions sont homologues et solidaires. Le socialisme, tel que je le professe, est le contre-pied du socialisme de Louis Blanc. Cette opposition est fatale : et si je mets tant d’insistance à la relever, ce n’est nullement pour le plaisir de contredire un chef d’école, c’est que je la crois nécessaire à l’éducation du peuple.

Flocon me dit un jour, à propos de mon discours du 31 juillet : C’est vous qui avez tué le droit au travail. — Dites plutôt, lui répondis-je, que j’ai égorgé le capital. Toute ma crainte, au surplus, avait été que l’ordre du jour motivé ne passât point. L’absurde blâme infligé à ma proposition était l’acte d’abdication de la routine bancocratique.

Mon discours finissait par ces paroles qui n’avaient de menaçant que l’expression : Le capital ne reviendra pas ; le socialisme a les yeux sur lui.

Ce qui voulait dire : La question sociale est posée, et vous la résoudrez, ou vous n’en finirez pas !

Il y a bientôt de cela dix-huit mois. Eh bien ! M. Thiers, est-ce fini ? Avez-vous tué le socialisme ? Le capital reviendra-t-il avec les mêmes privilèges qu’autrefois ? Les propriétaires, qui depuis deux ans ont vu s’évanouir la plus forte part de leurs loyers et fermages, ont-ils beaucoup gagné à votre rigorisme ? Vous avez eu l’état de siége deux fois, la loi contre les clubs deux fois, les lois contre la presse deux fois ; vous avez eu les complaisances de Cavaignac et la docilité à toute épreuve de Louis Bonaparte ; après avoir vaincu le 17 mars, le 16 avril, le 15 mai, le 26 juin, vous avez vaincu encore en septembre, en décembre, au 13 mai, au 13 juin, au 8 juillet ; vous avez fait la Constitution à peu près comme vous l’avez voulue ; vous avez meurtri la démocratie à Rome, en Allemagne, en Hongrie, par toute l’Europe ; nous sommes bâillonnés, muselés, en fuite ou en prison. Vous avez tout ce que donne de puissance le fanatisme, le préjugé, l’égoïsme, la ruse, la force brutale. À quand la fin du socialisme ? à quand le retour du capital ? Nous étions en France, avant février, une demi-douzaine d’utopistes : à présent, il n’est conservateur qui n’ait son système. La révolution vous emporte. Voici déjà que vous êtes forcé de vous appuyer sur la Constitution, que vous faites de l’opposition au pape, que vous vous couvrez, mais en retournant le manteau, de la politique des montagnards ! Vous voteriez même, et de bon cœur, si vous croyiez en être quitte pour si peu, l’impôt sur le revenu. Ah ! vous ne voulez pas du crédit récipoque ! Osez donc, puisque vous êtes au mieux avec les puissances, renvoyer dans leurs foyers vos 500,000 bayonnettes !...

À partir du 31 juillet, la révolution de février est devenue irrévocable : la question sociale avait enfin reçu une signification positive. Sous la menace d’un bouleversement social, la monarchie a senti son impuissance, et pris les invalides ; le peuple socialisé lui échappe sans retour. En 89, la peur de brigands imaginaires qui parcouraient, disait-on, les campagnes, pour scier les blés, fit armer toute la nation, et la révolution a été faite. En 1848, la peur du socialisme, qui devait, assurait-on, prendre toutes les propriétés, a forcé tout le monde de réfléchir sur les conditions du travail et de la propriété, et la révolution a été faite. Les prétendants peuvent venir, les majorités essayer des coups d’État : on n’aura rien fait, on aura compromis de plus en plus l’ordre dans les villes et les campagnes, tant qu’on n’aura pas répondu à l’interrogation du travailleur. Car, dans le système capitaliste, système à la fois d’individualisme et de subalternisation, incompatible avec les données d’une démocratie égalitaire, il n’y a plus d’autre moyen d’en finir avec le socialisme que la mitraille, le poison et les noyades. Il faut, si l’on persiste à demeurer dans l’ancien état de choses, ou compter avec la classe ouvrière, c’est-à-dire lui voter son budget, à prélever exclusivement sur le revenu, sur le plus pur de la propriété ; il faut lui créer toute une administration, lui faire sa part dans l’État, la reconnaître comme pouvoir nouveau dans la Constitution ; ou bien organiser, suivant la loi de Malthus, la suppression des bouches inutiles. Pas de milieu à cela : le suffrage universel, désormais indestructible, est une contradiction à la subordination du travail au capital. Sortez du principe mutuelliste, de la révolution par le concours et la solidarité des citoyens, vous n’avez plus, sous une démocratie inéluctable, d’autre alternative que celle-ci : la taxe du prolétariat, ou le meurtre du pauvre ; le partage du revenu, ou la jacquerie.

À dater aussi du 31 juillet, je devins, suivant l’expression d’un journaliste, l’homme-terreur. Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu d’exemple d’un tel déchaînement. J’ai été prêché, joué, chansonné, placardé, biographié, caricaturé, blâmé, outragé, maudit ; j’ai été signalé au mépris et à la haine, livré à la justice par mes collègues, accusé, jugé, condamné par ceux qui m’avaient donné mandat, suspect à mes amis politiques, espionné par mes collaborateurs, dénoncé par mes adhérents, renié par mes co-religionnaires. Les dévots m’ont menacé, dans des lettres anonymes, de la colère de Dieu ; les femmes pieuses m’ont envoyé des médailles bénites ; les prostituées et les forçats m’ont adressé des félicitations dont l’ironie obscène témoignait des égarements de l’opinion. Des pétitions sont parvenues à l’Assemblée nationale pour demander mon expulsion comme indigne[1]. Lorsque Dieu permit à Satan de tourmenter le saint homme Job, il lui dit : Je te l’abandonne dans son corps et dans son âme, mais je te défends de toucher à sa vie. La vie, c’est la pensée. J’ai été plus maltraité que Job : ma pensée n’a cessé d’être indignement travestie. J’ai été, pendant un temps, le théoricien du vol, le panégyriste de la prostitution, l’ennemi personnel de Dieu, l’Antechrist, un être sans nom. Ce que j’avais prévu arrivait : comme le pécheur, en recevant le corps de Jésus-Christ, mange et boit sa condamnation, la société, en calomniant les socialistes, se condamnait elle-même ; elle avalait son jugement.

Il m’a été donné, par l’effet de circonstances que je n’avais point provoquées, de remuer à une profondeur jusqu’alors inconnue la conscience de tout un peuple, et de faire sur la société une expérience comme il ne sera peut-être jamais donné à un philosophe d’en tenter une seconde. Cette race, me disais-je, si sceptique, si libertine, si corrompue, a-t-elle renoncé à son Dieu et à son âme ? a-t-elle perdu toute idée de la loi morale ? que pense-t-elle de la famille et du mariage ? Ce monde sensualiste, avide, que dit-il, dans son for intérieur, de la théorie utilitaire ? Ces malthusiens, qui ne veulent ni se priver de la jouissance, ni en accepter les produits, sont-ils des disciples de Fourier ou de Saint-Simon ? à qui croient-ils le plus de la passion ou du libre arbitre ? Ces voltairiens sont-ils aussi fermes qu’ils paraissent dans leur incrédulité, ces boutiquiers aussi féroces dans leur égoïsme ?... Hélas ! pendant qu’ils exécraient en ma personne le soi-disant apôtre de leurs abominations, je leur appliquais avec bonheur le mot de Louis XIV sur le duc d’Orléans : Ce sont des fanfarons de vices ! Oui, cette société licencieuse et sacrilége tremble à l’idée d’une autre vie ; elle n’ose pas rire de Dieu, elle croit qu’il faut croire à quelque chose ! Ces adultères se révoltent à l’idée de la polygamie communautaire ; ces voleurs publics sont les glorificateurs du travail. Le catholicisme est mort dans tous ces cœurs : le sentiment humain y est plus vivant que jamais. La continence les afflige : ils adorent la chasteté. Pas une main qui soit pure du bien d’autrui : tous détestent la doctrine de l’intérêt. Courage, ô mon âme, la France n’est pas perdue. Les puissances de l’humanité palpitent sous ce cadavre ; elle va renaître de ses cendres : j’en fais serment sur ma tête, vouée aux dieux infernaux !...

Chargé, comme le bouc émissaire, des iniquités d’Israël, je m’étais fait un stoïcisme qui n’allait point à mon tempérament : c’était par là que la vendetta propriétaire devait m’atteindre. D’ailleurs, l’espèce de dictature que je m’étais arrogée en faisant violence à l’opinion, ne pouvait rester sans châtiment. Le 31 juillet, en poussant, malgré elle, la nation dans le socialisme, j’avais pris une résolution plus grave que celle d’Huber, prononçant, le 13 mai, de sa seule autorité, la dissolution de l’Assemblée nationale. En avais-je le droit ? Est-il de ces instants, dans la vie d’un peuple, où un citoyen puisse légitimement penser et agir pour tous, disposer souverainement de leur conscience et de leur raison ? Je ne puis l’admettre ; et je porterais contre moi-même une condamnation irrémissible, si je croyais que je fusse tout à fait libre, lorsqu’à la même tribune où Huber avait prononcé, mais sans succès, la dissolution de l’Assemblée, je prononçais, avec une certitude absolue, la dissolution de la société. Mon excuse est dans cette réponse que je fis sans réflexion à l’un de mes interrupteurs : Quand je dis nous, je m’identifie avec le prolétariat, et quand je dis vous, je vous identifie avec la classe bourgeoise. Ce n’était plus moi qui parlais à la tribune, c’étaient tous les travailleurs.

Quoi qu’il en soit, dans le courant d’août 1848 , arriva la demande d’autorisation de poursuites contre Louis Blanc et Caussidière. Paris était en état de siége, les conseils de guerre procédaient au jugement sommaire de 14,000 inculpés. Des milliers de familles partaient pour l’Algérie ; on les envoyait, poussées par la détresse, ignorantes du climat, engraisser pour de futurs possesseurs le sol africain de leurs corps. Mais ce n’était point assez : il fallait atteindre la démocratie socialiste dans ses représentants ; la justice rétroactive des doctrinaires commença. Louis Blanc et Caussidière, accusés d’avoir pris part à l’attentat du 15 mai, plus, d’avoir préparé les journées de juin, furent livrés au parquet. Le général Cavaignac se fit gratuitement le ministre de ces rancunes, et présenta lui-même la demande d’autorisation. On me réservait quelque chose de pis. Les charges n’ayant point paru suffisantes pour m’englober dans le procès, la commission d’enquête essaya de me tuer par la diffamation. Quentin Bauchart me représenta, dans son rapport, admirant froidement, le 26 juin, sur la place de la Bastille, la sublime horreur de la canonnade.

En entendant de ma place ce travestissement de mes paroles, je faiblis un instant, et ne pus retenir un cri d’horreur. « Je m’inscris en faux contre le rapport ; » ces paroles échappèrent de ma poitrine indignée. Mais je me calmai vite, et me renfermai plus que jamais dans mon silence. Le trait était lancé : la haine allait s’en emparer, le colporter, le commenter : toute protestation devenait inutile. Se non è vero, è ben trovato : un an après, Montalembert, faisant sa fameuse déclaration de guerre aux idées, le répétait encore. Un garde national, qui m’avait vu verser des larmes au moment où j’accompagnais à l’Hôtel-de-Ville le corps du général Négrier, frappé d’une balle à quelques pas de moi, vint m’offrir de déposer de ma sensibilité. Je remerciai ce brave homme, et fis la même réponse au témoignage spontané de quelques-uns de mes collègues, qui avaient été à même de juger de ma contenance pendant l’insurrection. À quoi bon protester ? Que prouvent donc, en ce siècle de comédiens, un geste énergique, un regard passionné, une voix émue ? Me fallait-il descendre de ma dignité de calomnié, pour prendre le rôle d’absous ? Et quand les insurgés de juin étaient traités de brigands et d’incendiaires, ne pouvais-je endurer qu’on me prît pour le Néron de la bande ? Jésuites, faites votre métier : entre vous et nous la guerre est à outrance. Fussiez-vous trente-six millions, nous ne vous pardonnerons pas.

Louis Blanc et Caussidière firent une longue défense : à leur place, j’aurais défié l’Assemblée. Je n’ai pas besoin de dire que je votai avec la Montagne sur toutes les questions : mais Dieu m’est témoin que je n’ai pas écouté un mot des deux plaidoyers. Est-ce que, depuis le 22 février 1848, il existe, en France, des délits politiques ? Est-ce que tous les principes, tous les droits, toutes les notions sur le pouvoir et la liberté ne sont pas aujourd’hui confondus ? Est-ce que ni Louis Blanc et Caussidière, ni leurs fanatiques accusateurs, ont jamais su ce qu’ils faisaient ?

Dites que Raspail et Blanqui furent des mécontents ; Barbès, Sobrier, Huber, des étourdis ; Louis Blanc un utopiste plein d’inconséquence ; dites que les insurgés de juin eurent le tort de céder à une effroyable provocation : à la bonne heure ! Ajoutez que le Gouvernement provisoire se montra en tout d’une imbécillité rare, la Commission exécutive d’un aveuglement stupide, le parti réactionnaire d’un égoïsme infernal, l’Assemblée nationale d’une mollesse désespérante : je passe condamnation. Mais des conspirateurs ! des hommes coupables d’attentat politique ! en France ! depuis la Révolution !... Vieux relaps ! commencez donc par requérir contre vous-même ; vous avez mérité vingt fois les pontons et le bagne.


  1. Dans un ouvrage signé Donoso-Cortès, marquis de Valdagamas, ambassadeur d’Espagne, et publié par la Bibliothèque catholique, sous la direction de M. Louis Veuillot, je suis représenté comme possédé du démon, presque comme le démon. « Jamais mortel n’a péché aussi gravement contre l’humanité et contre le Saint-Esprit. Lorsque cette corde de son cœur résonne, c’est toujours avec un son éloquent et vigoureux. Non, ce n’est pas lui qui parle alors, c’est un autre qui est lui, qui le tient, qui le possède et qui le jette haletant dans ses convulsions épileptiques ; c’est un autre qui est plus que lui, et qui entretient avec lui une conversation perpétuelle. Ce qu’il dit parfois est si étrange, et il le dit d’une si étrange manière, que l’esprit demeure en suspens, ne sachant si c’est un homme qui parle, ou si c’est un démon ; s’il parle sérieusement, ou s’il se moque. Quant à lui, si par sa volonté il pouvait ordonner les choses à son désir, il préférerait être tenu pour un démon à être tenu pour un homme. Homme ou démon, ce qu’il y a de certain ici, c’est que sur ses épaules pèsent d’un poids écrasant trois siècles réprouvés. » (Essai sur le Catholicisme, le Libéralisme et le Socialisme.)
    …...Que mes lecteurs se rassurent, et ne craignent pas en me lisant de respirer une odeur infernale. Ce que M. Donoso-Cortès dit de moi est mot pour mot ce que les jésuites de Jérusalem disaient de Jésus, il y a de cela près de 1.900 ans : Il a le diable au corps ! Dœmonium habet ! Après les Juifs, les Païens se servirent du même argument pour martyriser les premiers chrétiens, l’Église pour brûler les hérétiques et les sorciers. M. Donoso-Cortès, qui n’est pas moins, à ce qu’il paraît, de sa religion que de son pays, ne pouvait manquer de suivre ces exemples. Autant qu’il est en lui, il me passe la chemise souffrée, il me couvre du san-benito, et au prochain auto-da-fé, il criera au bourreau : Allume !