Les Coréens : Aperçu ethnographique et historique/chapitre I

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Maisonneuve frères et Ch. Leclerc (p. 5-25).


CHAPITRE PREMIER

Le sol et la nature


§ 1er. — APERÇU GÉOGRAPHIQUE


La Corée, par sa situation géographique, par le caractère de ses habitants et par la langue qui s’y parle, forme une contrée essentiellement distincte de l’empire Chinois, bien qu’elle lui soit rattachée par de nombreux liens historiques et politiques. Ces liens, presque toujours contractés dans l’unique but de satisfaire l’orgueil des Fils du Ciel, n’ont cependant presque jamais été assez étroits pour qu’il ait pu s’opérer une fusion entre les habitants des deux pays. Dans ces derniers temps même, il n’était permis aux Coréens de commercer que deux fois par année avec les Chinois, à la cinquième et à la onzième lune, c’est-à-dire vers la fin de juin et de décembre ; et encore ce commerce ne pouvait-il durer chaque semestre plus de dix jours. À l’époque fixée par les règlements, les marchands coréens, réunis en caravane, gagnaient le nord de leur presqu’île et se rendaient au petit village de Foung-pien-men, sur la frontière du Liao-toung, où les mandarins inscrivaient ponctuellement leurs noms, afin de s’assurer qu’une fois la foire terminée chaque individu retournerait bien exactement dans son pays. Dès que les dix jours étaient expirés, les gardes des frontières fermaient avec soin les issues, et toute tentative d’établir des rapports avec la Chine était sévèrement interdite[1]. La foire japonaise ne durait aussi que peu de jours, et une seule fois par année. À part cela, la Corée demeurait sans cesse renfermée dans un isolement absolu de tout le reste du monde.

Baignée au nord et à l’est par la mer du Japon, au sud et à l’ouest par la mer Jaune, la Corée forme une grande presqu’île traversée dans toute sa longueur par une chaîne de montagnes qui en couronne l’extrémité et sépare le royaume du pays des Mandchoux. Là s’élève le Păik-tô-san « le Mont à la Blanche tête », dont on ne connaît pas très exactement l’élévation, mais qui passe pour l’une des plus hautes montagnes de l’extrême Orient. Puis vient le Tsyang-păik-san « le Long Mont Blanc », et à peu de distance le Păik-san « le Mont Blanc » proprement dit, lequel va en s’abaissant dans la direction de la mer du Japon, où il prend bientôt le nom de Syo-păik-san « le Petit Mont Blanc ». Dans la direction du nord au sud, la chaîne des montagnes coréennes, que les cartes chinoises et japonaises nous font connaître sous un grand nombre de noms différents, suivant la latitude, ne paraît pas toutefois se prolonger sans d’assez fréquentes interruptions jusqu’aux côtes méridionales de la péninsule. Plusieurs fleuves semblent venir de fort loin dans la direction de l’est, et le tracé de leur cours, que donnent les indigènes, indique des brisures dans le système orographique longitudinal de la Corée.

Parmi ces fleuves, les uns se jettent dans la mer du Japon, les autres dans la mer Jaune ou dans le détroit de Corée ; mais il est à remarquer que les plus importants vont se déverser dans la mer Jaune, tandis que des cours d’eau, pour la plupart d’une médiocre importance et à peine nommés sur les cartes asiatiques, vont seuls se perdre dans la mer du Japon. On trouve cependant à la frontière nord-est un fleuve appelé Tou-man-kang, qui, suivant la Géographie impériale de la dynastie des Tsing[2], prend sa source au bas du mont Tsyang-păik-san, dont l’importance, tant au point de vue de la largeur qu’à celui de l’étendue navigable, paraît être considérable. — Un autre fleuve, le Ap-lok-kang, sert de frontière nord-ouest à la Corée qui se trouve ainsi séparée de la Chine par des rivières dont les gouvernements des deux pays ont su tirer parti pour empêcher les rapports trop fréquents de leurs sujets respectifs. Les sources de ces fleuves se rapprochent tellement, sur certaines cartes chinoises, que la péninsule coréenne n’y est plus attachée au continent que par un isthme en apparence fort étroit.

Les autres fleuves d’une certaine importance sont : le Taï-tong-kang, qui sert de limite septentrionale à la province de Hoang-haï et va se jeter dans la mer Jaune, en face des îles Halls : les anciens auteurs chinois le désignaient sous le nom de Paï-choui, et il était considéré, suivant le grand historiographe Sse-ma Tsien, comme la frontière méridionale du Liao-toung, sous la dynastie des Tsin ; — le Han-kang, qui passe à dix li au sud de la capitale, et dont la source est dans les monts ’O-taï-san ; — le Păik-kang ou Fleuve-Blanc, situé à la frontière nord de la province de Tsyoung-tsyœng, et qui se jette dans l’archipel de la Corée ; — le Nag-tong-kang, à l’embouchure duquel se trouve Pou-san[3], port de mer du canal de Corée, dans lequel les Japonais ont établi un comptoir, et l’une des villes les plus commerçantes de la péninsule.

Au territoire coréen se rattache la grande île de Quelpaert, qui ne compte pas moins de 42 milles de longueur sur une largeur d’environ 17 milles, et au sein de laquelle s’élèvent plusieurs montagnes, dont la principale a reçu des Européens le nom de Mont Auckland, et compte 1,996 mètres d’élévation au-dessus du niveau de la mer. Cette île est désignée, dans les géographies chinoises, sous le nom de Tchin-lo, et dans les ouvrages japonais sous celui de Tsin-ra ; les indigènes, suivant Klaproth, l’appellent Sehesoure (?), et ce fut sous le règne de Tcheou Wen-wang, roi de Païk-tse, qu’ils entrèrent, pour la première fois, en relation avec la Corée continentale, où ils envoyèrent un tribut.

De nombreuses îles de moindre étendue environnent, à l’est et surtout au sud et à l’ouest, le royaume de Corée. Celles qui sont situées dans la partie sud et sur le détroit de Corée, sont pour la plupart fort fertiles, entremêlées de rochers taillés à pic, et parfois réunies par des bancs accores, dont il est difficile pour les navigateurs de reconnaître l’existence, même lorsque la mer est calme. La plupart sont inhabitées, si ce n’est à certains moments de l’année, où quelques pêcheurs s’y rendent et y construisent de pauvres cabanes.

Les îles de la côte occidentale sont un peu plus importantes. Trois groupes surtout méritent d’être signalés dans cette direction : les îles Amherst, vers la pointe sud-ouest de la péninsule ; l’Archipel de Corée, où l’on distingue plusieurs petites villes ou villages, et une île assez étendue désignée par les Européens sous le nom d’île de Lindsey ; et les îles de Hall, un peu au-dessus du 38° de latitude nord.

Enfin, dans la mer du Japon, il faut citer l’île des Cerfs (Louh-tao des géographes chinois), dans le golfe de Pierre-le-Grand ; l’île de Ma-rang, dans la baie de Broughton, et une autre île (à laquelle les cartes asiatiques donnent le plus souvent de très grandes dimensions, dont il est difficile d’admettre l’exactitude) où habite une population très mêlée de Coréens et de Japonais, et qui porte le nom de Ts’yœn-san-kouk « Royaume des Mille montagnes ». Les Japonais appellent cette dernière île Take-sima « l’île des Bambous ».

Aux renseignements qui précèdent, il ne sera peut-être pas inutile d’ajouter la liste des montagnes et des îles ou îlots de la Corée, dont il est fait mention dans les ouvrages chinois parvenus à ma connaissance. Dans le but de faciliter les recherches, je donnerai cette liste dans l’ordre alphabétique européen, et suivant l’orthographe chinoise :

Chin-soung-chan, montagne située au nord de la ville de Kaï-tching-fou. Son nom provient du grand nombre de pins (soung) qui croissent sur son versant septentrional.

Fou-chan. Cette montagne est située sur le rivage en face de l’île japonaise de Tu-sima.

Fou-young-chan « la montagne de la Richesse et de l’Utilité », ou suivant une autre orthographe « la montagne des Mauves », est située en deçà de la frontière de Houng-tcheou.

Heh-chan « le mont Noir » est situé au sud-est du Peh-chan « le mont Blanc ». Ces deux montagnes se voient simultanément, car elles sont très rapprochées l’une de l’autre. Le Heh-chan est habité jusque dans sa région la plus élevée.

Hien-chan-tao, île située du côté de la frontière sud-ouest de King-tcheou, avec un bon port.

Hioung-hoa-chan « la montagne fleurie aux Ours », au nord-est de la principauté de Siouen-tcheou.

Ho-chang-tao « l’île des Religieux (bouddhistes) » est formée de pierres entassées. Sa forêt est épaisse et sa vallée profonde. Au milieu de la montagne, dit la Relation insérée dans le Tchi-pouh-tsoh-tsaï, il y a beaucoup de tigres et de loups. Anciennement, des hommes adonnés à l’étude du bouddhisme y avaient établi leur demeure. Les bêtes n’osaient pas les approcher. Aujourd’hui le couvent Yeh-lao sse « le monastère des Vieillards aux feuilles », en conserve les vestiges. C’est pourquoi les Coréens l’appellent « l’île des Religieux ».

Hoa-chan « le mont Fleuri », au sud-est de la vallée de Tou-chan-hien.

Houng-tcheou-Chan est une montagne qui s’élève au milieu de la mer, dans la direction du sud-ouest du département de Tchoung-tcheou et au sud-est de l’îlot Tsze-yun-chen. On y trouve de l’or.

Kaï-ma-ta-chan, mont situé à l’ouest de Ping-jang.

Ki-sin-siu « l’île du Cœur de Poule », située près de l’île Nieou-sin-siu.

Kiang-hoa-tao « l’île à la Fleur du Fleuve », dans la mer de Kaï-tcheou.

Kin-tang-chan « le mont de la Salle dorée », au nord-ouest du district de San-ho-hien, dans le département de Hoang-tcheou.

Kieou-teou-chan « la montagne aux Neuf têtes ». « En effet, dit la Relation de l’ambassade envoyée en Corée dans les années Siouen-ho, cette montagne a neuf pics qu’on aperçoit de loin. Bien qu’insuffisamment examinée, elle est d’un aspect agréable par suite des arbres et des plantes verdoyantes qui la recouvrent. »

Kiu-tsi-tao, île située près de la côte, et à l’est de l’île Tchuh-tao. Il y a un bon port.

Kiuh-yen-chan « le mont aux Précipices sinueux », à l’est de Ting-youen-chan.

Kiun-chan-tao « l’île des montagnes rassemblées », dans la mer de Tsiouen-tcheou. Cette montagne, dit le Kao-li Tou-king, a douze sommets qui se réunissent en circonférence, de façon à ressembler à une place forte. »

Kou-chen-chen. Cet îlot est situé en face et à peu de distance de l’île Tchuh-tao. Elle est habitée et bien boisée.

Koueï-chen, îlot situé au nord-est de l’île Peh-i-tao.

Lan-chan-tao « l’île de la Montagne obstruée », dans la mer située au sud de Tsiouen-tcheou, se nomme aussi Tien-sien-tao « l’île des Immortels du Ciel ». Sa montagne est haute et escarpée : on l’aperçoit de loin, s’élevant comme une muraille. Sur le devant, se trouvent deux rochers qui ressemblent à une tortue (Kao-li Tou-king).

Lan-sieou-chan, montagne située à l’ouest de Kaï-tcheou.

Ling-chan « la montagne des Esprits », au sud-ouest de Siouen-tcheou.

Lou-yang-chan, mont situé au nord-est de Ping-jang.

Loung-chan « le mont du Dragon », au sud-est de Seoul[4].

Loung-koh-chan « le mont aux Os de Dragon », à l’est de la capitale de la principauté de Loung-tcheou.

Ma-tao « l’île aux Chevaux », située du côté de la frontière de Tsing-tcheou. On lui a donné son nom à cause des haras célèbres qu’elle renferme. Elle est très verdoyante, et on y trouve une source d’eau douce. Ses abords sont dangereux, à cause des rochers qui l’entourent.

Ma-teou-chan « le mont à la Tête de Cheval », à l’est de Ling-tcheou.

Ma-yih-chan, montagne située au sud-ouest de Ping-jang, résidence du prince Tan, que la tradition suppose avoir été le fondateur de la monarchie Coréenne.

Nieou-sin-siu « l’île du Cœur de Bœuf», est située au milieu d’une petite mer. Elle a un pic qui ressemble à une tasse recouverte, et dont le centre est un peu pointu.

Paï-tao « l’île disposée », située au sud de Tsiouen-tcheou. Son nom entier est Paï-to-chan « la montagne où se trouve disposé un but », à cause de sa ressemblance à une cible pour tirer de l’arc.

Paï-to-chan. Voyez Paï-tao.

Pao-chan. Voyez Tien-pao-chan.

Peh-chan. Cette montagne, située au sud de Tsiouen-tcheou, est entourée de tous les côtés par la mer ; elle est fort élevée. On la nomme également Peh-choui-chan « la montagne aux Eaux blanches ». Il paraît y avoir deux montagnes de ce nom en Corée. (Voy. plus haut.)

Peh-choui-chan. Voyez Peh-chan.

Peh-i-tao « l’île des Vêtements blancs », comprend trois montagnes réunies, sur le devant desquelles se trouve un petit rocher. Sur le versant, l’accumulation des sapins et la verdure des scrophulaires lui donnent un aspect agréable, On appelle aussi cette île Peh-tsia-chen. (Kao-li Tou-king.)

Peh-yoh-chan, montagne située au nord de la capitale et à la frontière du cercle (tao) royal de Kien-koui ou de la Cour.

Ping-hou-tao, île située au sud de King-tcheou.

Pou-sah-chen « l’îlot du Boddhisatwa », situé au sud de Tsiouen-tcheou. Les Coréens disent que jadis il s’est produit des miracles à son sommet. C’est de là qu’est venu son nom. (Kao-li Tou-king).

Siao-tieh-chan « le petit mont au Fer », situé sur la rive orientale du Yah-louh-kiang.

Siao-tsing-siu « la petite île Verte » a la même apparence que « la grande île Verte », mais elle est petite et toute entourée de rochers.

Siao-youeh-siu, Voyez Youeh-siu.

Ta-tsing-siu « la grande île Verte », située dans la mer de Kouang-tcheou, est ainsi appelée chez les Coréens, parce que, vue de loin, elle est boisée au point de ressembler au fard (bleuâtre) avec lequel les dames chinoises se peignent la figure à l’endroit des sourcils. (Kao-li Tou-king.)

Ta-youeh-siu. Voyez Youeh-siu.

Tang-jin-tao « l’île des Chinois », dans la mer de Tsing-tcheou. « On ignore d’où lui vient son nom ; elle est voisine de la montagne aux Neuf têtes. » (Kao-li Tou-king.)

Tao-chan « la Montagne-île », située au sud de la principauté de Weï-chan.

Tien-ching-chan « le mont des Saints », au nord de Yin-tcheou.

Tien-sien-tao. Voyez Lan-chan-tao.

Tien-pao-chan « le mont de la Gemme céleste », à l’ouest du cercle royal de Kieng-kouï ou de la Cour. On l’appelle aussi du nom abrégé de Pao-chan.

Toung-youen-chan, montagne aurifère située à l’est du Houng-tcheou-chan.

Tchang-hoa-chan « la longue montagne Fleurie », au sud-est de Tieh-tcheou.

Tchouang-niu-tsiao « le Rocher des deux Femmes », est situé dans la mer de Tsing-tcheou. « Il est très grand, ce qui fait qu’il ne diffère point d’une île. Sur le devant, il y a une montagne qui, bien qu’elle ait des plantes et des arbres, n’est pas très ombragée. Sur le derrière, se trouve une autre montagne inégale et petite : au milieu, elle se divise et forme un passage ; au bas, il y a un rocher sombre. On ne peut pas y passer en barque. » (Kao-li Tou-king.)

Tchuh-tao « l’île des Bambous », située près du rivage, au sud-ouest de la frontière de King-tcheou. Elle est habitée dans sa région supérieure.

Tchun-tsao-chan « l’îlot des Plantes printanières » est situé au delà de l’îlot Koueï-chen. Les matelots l’appellent Waï-siu « l’île Extérieure ». « Sur la hauteur, il y a beaucoup de pins, de sapins, et autres arbres du même genre, ce qui lui donne un aspect très verdoyant. » (Kao-li Tou-king.)

Tsze-yen-tao « l’île des Hirondelles purpurines », dans la mer de Kouang-tcheou, « Au bout de cette montagne[5], se trouve une auberge appelée King-youen-ting. Le peuple habite des chaumières en grand nombre. À l’est de cette montagne, se trouve une île (siu), où l’on voit beaucoup d’hirondelles. C’est ce qui lui a fait donner le nom de Tsze-yen-tao. » (Relation de l’ambassade envoyée dans les années siouen-ho.)

Tsih-chan, montagne située à l’ouest de Tchoung-tcheou. Voyez Tsih-chan-tao.

Tsze-yun-chen « l’îlot des Nuages purpurins », situé auprès du Pouh-sah-chen.

Tsih-chan-tao, île située auprès de celle de Hien-chan-tao.

Tsing-chan « le mont Vert », au nord de la principauté de Tien-’an-kian.

Tsing-siu. — Voyez Ta-tsing-siu et Siao-tsing-siu.

Weï-chan, mont situé au sud-ouest de Ping-jang.

Yah-tsze-chen est un îlot situé dans la mer, au sud de Tsing-tcheou. On le nomme également Yah-tsze-chen (écrit avec d’autres caractères), à cause de sa ressemblance avec le chapeau-parasol que les Coréens désignent sous le nom de yah.

Youeh-siu « les îles de la Lune ». Ces îles sont au nombre de deux. La première, qui se nomme Ta Youeh-siu « la grande île de la Lune », a la forme d’un croissant. Suivant d’anciennes traditions, il y avait au sommet, un monastère appelé Yang-youen sse « le Couvent de la Source qui nourrit ». — La seconde, appelée Siao Youeh-siu » la petite île de la Lune » se trouve en face de la montagne, de sorte qu’elle forme un détroit par lequel les petites barques peuvent passer, » (Kao-li Tou-king.)

Yu-ling-chan, montagne au sud-est de la principauté de Kouoh-tcheou.

Yun-chan « le mont aux Nuages », au sud-ouest de Soh-tcheou.



§ 2. — PRODUCTIONS DU PAYS


La Corée paraît être un pays exceptionnellement riche en métaux précieux, et particulièrement en or, en argent et en cuivre. On manque toutefois de données précises à cet égard, la recherche de ces métaux étant interdite par les lois du pays. Le gouvernement coréen, pour éviter la convoitise des pays étrangers, avec lesquels il n’a consenti que dans ces derniers temps à engager des relations, s’est toujours efforcé de faire croire que le sol de la péninsule était excessivement pauvre ; et c’est pour réussir à donner le change qu’il a interdit, sous les peines les plus sévères, non seulement d’exploiter les mines, mais même de vendre l’or qui se rencontre presque à la surface du sol ou qui est entraîné dans le courant des rivières. Les mines d’argent de Siunheng-fou, dans la province de Kien-sang, sont, dit-on, les seules dont les rois de Corée aient autorisé l’exploitation. Le cuivre même est abandonné, et les Coréens font venir du Japon celui dont ils se servent pour leurs besoins journaliers.

En dehors de ces métaux, on cite encore, parmi les principales richesses minières de la Corée, le fer, le soufre, le plomb, le charbon de terre et le cristal de roche. Les salines y sont très productives.

Les plus importants produits du règne végétal sont les essences forestières. Les forêts pourraient donner lieu à un commerce considérable de bois de constructions et même d’ébénisterie, si l’insuffisance des routes et des moyens de locomotion ne rendait pas leur transport aussi difficile que dispendieux.

Les grandes cultures sont généralement inconnues dans le pays, et les habitants se bornent d’ordinaire à faire des plantations aux alentours de leur demeure. Le riz, qui est la base essentielle de la nourriture chez les peuples de race Jaune, réussit cependant assez bien dans les innombrables vallées de la péninsule ; et, grâce aux nombreux cours d’eau qui descendent des montagnes, les indigènes arrivent aisément à faire les irrigations indispensables au développement de cette graminée. Dans certaines localités, on recueille un peu de blé, de sorgho, de chanvre et de millet.

Le tabac n’a guère été introduit en Corée qu’à la fin du xvie siècle, et le coton n’y a fait son apparition dans les campagnes que peu de temps auparavant. L’arbre à vernis y donne d’excellents produits, et le mûrier à papier y réussit en divers endroits. On rencontre dans les jardins plusieurs espèces de patates ; mais la pomme de terre y est presque inconnue, sa culture étant d’ailleurs interdite, on ne sait trop pourquoi[6]. Le jin-seng, auquel les Chinois attribuent des qualités médicales extraordinaires, abonde dans toute la contrée ; il passe toutefois pour inférieur à celui qu’on tire de Mandchourie. Une espèce de lis y est plantée pour son ognon qu’on considère comme un excellent comestible. Il se fait aussi une grande consommation de courges. L’ortie blanche enfin donne aux habitants des fibres à l’aide desquels ils fabriquent des tissus d’une solidité et d’une finesse remarquables.

La faune de la Corée est à peu près la même que celle de la Mandchourie. Quelques animaux carnassiers semblent cependant s’être répandus tout particulièrement dans la péninsule, notamment le tigre. L’ours, le sanglier, la panthère et le renard y sont aussi très communs. Les chevaux sont de petite taille.

Comme animaux de boucherie, les plus répandus sont le porc et le chien. La viande de ce dernier quadrupède est surtout fort appréciée des indigènes. Quant aux moutons et aux chèvres, le roi seul a le droit d’en élever, et il les réserve pour les sacrifier dans le temple de Confucius et dans celui des Ancêtres. Les lièvres, les canards sauvages, les poules d’eau, les cailles, les faisans et les tourterelles pullulent dans toute la contrée.

Les Coréens trouvent, en outre, de quoi alimenter leur industrie et leur commerce dans plusieurs produits de provenance animale, parmi lesquels les plus importants sont : les jeunes cornes de cerf, les fourrures ou peaux provenant des bêtes fauves des montagnes et des bois, les poils d’une espèce de renard avec lequel les Chinois font leurs meilleurs pinceaux. Ils fabriquent de l’huile, du papier, de l’encre, des nattes, des éventails, et des objets de tabletterie remarquablement laqués et de couleur d’or, des tissus de soie, etc.

La sériculture, introduite en Corée, à une époque fort ancienne, y a été longtemps florissante ; on prétend cependant que, depuis quelques années, la culture du mûrier a été abandonnée dans une partie du royaume[7].

La pêche est également pratiquée sur une grande échelle par les Coréens. Dans plusieurs provinces, elle constitue la principale source de l’alimentation du peuple.

  1. Voyez l’abbé Callery, dans la Revue de l’Orient, t. V, p. 278.
  2. Tai-tsing Yih-toung-tchi, liv. ccccxxi, p. 22 ve.
  3. Ce port est cité, dans la Relation de Hendrik Hamel, comme possédant un magasin établi par les habitants de l’île japonaise Tu-sima. Si nous en croyons un voyageur anglais, qui a fait récemment une tournée sur la côte occidentale de Corée, il s’y trouvait alors, au dire des indigènes, environ 300 Japonais, qui, du reste, y demeuraient placés sous la plus sévère surveillance et n’avaient aucune faculté de voyager dans l’intérieur de la péninsule, soit dans l’intérêt de leur commerce, soit pour leur agrément. Ces Japonais, toujours suivant ces mêmes indigènes, étaient considérés comme des otages pour garantir le tribut que les syau-goun de Yédo devaient envoyer à leur roi. — Malgré l’obscurité qui règne encore sur la condition politique et les relations internationales des états de l’Extrême-Orient, il ne faut accorder qu’une médiocre confiance aux déclarations de ces Coréens. En opposition radicale avec eux, tous les Japonais lettrés avec lesquels je me suis trouvé en relation m’ont affirmé que leurs compatriotes ne se rendaient naguère en Corée, d’ailleurs en très petit nombre, qu’autant que cela paraissait utile à l’industrie de la pêche qu’ils professent sur les côtes de la péninsule ; que « le roi de Sinra (Corée), anciennement et pendant beaucoup d’années, envoyait le tribut à l’empereur du Japon, mais que jamais celui-ci n’en avait offert au roi de Sinra. (En japonais : Sin-ra kok-wau inisiye-va Nippon kok-tei-yé ta-nen mituki-wo sonayetari ; sikasi-nagara Nippon tei-wa kessite sore-wo Sin-ra wau-ye atayeru-koto nasi). »
  4. Capitale actuelle de la Corée.
  5. Les géographes chinois désignent également sous le nom d’île ou de montagne, les terres élevées qui se trouvent entourées d’eau de tous côtés.
  6. Dallet, Histoire de l’Église de Corée, Introduction, p. vi.
  7. Voy., sur la sériculture en Corée, mon Traité de l’éducation des Vers à soie au Japon, édition du gouvernement, p. xi.