Les Excentricités du langage/Édition Dentu, 1865/B

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bac : Baccarat. — Abrév. — « La musique n’arrivant pas, on a taillé un petit bac pour prendre patience. » — A. Second.

babillard, llarde : Livre, lettre — Babiller : Lire. — Comparaison d’une lecture au babillage d’une personne qui cause sans s’arrêter. — « Ma largue part pour Versailles aux pieds de Sa Majesté ; elle lui fonce un babillard pour me faire défourailler. » — Vidocq.

Babillard : Confesseur (Vidocq). — Allusion aux efforts persuasifs des aumôniers de prison vis-à-vis de leur troupeau.

Bachasse : Galère. — Augmentatif de bac : bateau. — « En bachasse tu pégrenneras jusqu’au jour du décarement » — Vidocq.

Bachot : Cette abréviation de bachelier désigne à la fois le bachelier, l’aspirant bachelier, l’examen du baccalauréat et enfin la pension spéciale où on se prépare à cet examen. V. les Institutions de Paris.

Bachotteur : Grec chargé du rôle de compère dans une partie de billard à quatre. Il règle la partie, tient les enjeux ou baches et paraît couvrir la dupe de sa protection. Les deux autres grecs sont l’emporteur chargé de lier conversation avec la dupe pour l’amener dans les filets de ses compagnons et la bête qui fait exprès de perdre au début pour l’allécher (Vidocq).

Bacler : Fermer (Vidocq) — (Vieux mot). V. Roquefort.

Badouillard : « Pour être badouillard, il fallait passer trois ou quatre nuits au bal, déjeuner toute la journée et courir en costume de masque dans tous les cafés du quartier latin jusqu’à minuit. » — P. d’Anglemont.

Badouiller : Faire le badouillard.
Badouillerie : Art de badouiller. — « La Badouillerie est la mort des sociétés de tempérance. » — 1844, Cat. poissard.

bagou : « Ce mot, qui désignait autrefois l’esprit de répartie stéréotypée, a été détrôné par le mot blague. — Balzac.

Bagou, Bague : Nom propre (Vidocq). Du vieux mot bagouler : parler. V. Lacombe.

Bahut : Institution académique. — « Je te croyais au bahut Rabourdon. Jamais j’aurais pensé qu’t’étais devenu potache. Et Furet, as-tu de ses nouvelles ? en v’là un bahuteur. Il a fait la moitié des bahuts au Marais et une douzaine au moins dans la banlieue. » — Les Institutions de Paris, 1858.

Quelques fils de famille disent, par extension : le bahut paternel, en parlant du logis de leurs auteurs.
Bahut spécial : École de Saint-Cyr. — « L’École de Saint-Cyr ! j’ai le bonheur d’être admis à ce bahut spécial. » — La Cassagne.
Bahuter : Faire tapage. Terme propre aux élèves de Saint-Cyr. Pour eux, « ceci est bahuté » veut dire aussi : « Ceci a le chic troupier. »
Bahuteur : Tapageur. « Cette écorce rude et sauvage qui allait au bahuteur de Saint-Cyr. » — La Barre. — Vient du vieux mot bahutier. — « Quand un homme fait plus de bruit que de besogne, on dit qu’il fait comme les bahutiers. Car en effet les bahutiers, après avoir cogné un clou, donnent plusieurs coups de marteau inutiles avant que d’en cogner un autre. » — Dict. de Le Roux.
Bahuteur : Coureur de bahuts. V. ce mot.

Baigneuse : Chapeau de femme (Vidocq). — Du nom d’une coiffure à la mode vers la fin du siècle dernier.

Bain de pied : Excédant de liquide versé à dessein dans une tasse ou dans un verre ; il déborde et fait prendre au récipient un bain de pied dans la soucoupe.

baïte : Maison. équivalent de boîte (?) — « Jorne et sorgue, tu poisseras boucart et baïte chenument. » — Vidocq.

balader (Se) : Flâner. — Diminutif du vieux mot baler : se divertir, se remuer. V. Roquefort. — « Je suis venu me balader sur le trottoir où j’attends Millie. » — Monselet.

Balader : Choisir, chercher (Vidocq). — Même racine. Le choix comporte toujours un déplacement.
Baladeuse : Coureuse. — « Elle t’a trahi sans te trahir. C’est une baladeuse, et voilà tout. » — Nerval.

Balai : Gendarme (Vidocq). — On appelle de même raclette une ronde de police ; elle racle les gens que la gendarmerie balaie.

balancer : Jeter au loin. On sait que l’action de balancer imprime plus de force à une projection. V. Litrer.

Balancer, envoyer à la balançoire : Congédier, renvoyer. — « Elle m’a traité de mufle. — Alors il faut la balancer. » — Monselet. — « Je l’envoie à la balançoire. » — Id. — On dit aussi exbalancer : — « Je vais les payer et les exbalancer à la porte. » — Vidal, 1833.
Balancer son chiffon rouge : Parler, remuer la langue. — Balancer sa canne : Devenir voleur. — C’est-à-dire jeter la canne de l’homme qui marche dans l’unique but de se promener. — Balancer ses halènes : Cesser de voler, jeter ses outils de voleur. — Balancer une lazagne : Adresser une lettre. — Balancer ses chasses : Regarder à droite et à gauche.
Balancement : « Le conducteur appelle son renvoi de l’administration un balancement. » — Hilpert.
Balançoire : mensonge, conte en l’air. — « Non, monsieur ! je n’avais pas fait un accroc. — C’est une balançoire. " — P. de Kock.

Balançoir, Balançon : Barreau de fenêtre (Vidocq). — Est-ce parce que les prisonniers s’y cramponnent parfois en se balançant ?

balle : Tête. — Comme Boule et Coloquinte, balle est une allusion à la rondeur de la tête. Une bonne balle est une tête ridicule. Une rude balle est une tête énergique et caractérisée. — « Une balle d’amour est une jolie figure. » — Vidocq.

Être rond comme une balle, c’est avoir bu et mangé avec excès.
Balle : Franc. — Allusion à la forme ronde d’une pièce de monnaie. — « Je les ai payées 200 fr. — Deux cents balles, fichtre ! » — De Goncourt.
Balle de coton : Un coup de poing. — Allusion aux gants rembourrés des boxeurs. — « Il lui allonge sa balle de coton, donc qu’il lui relève le nez et lui crève un œil. » — La Correctionnelle.

Ballon : Derrière. — Enlever le ballon : Donner un coup de pied au derrière. — « Inutile de faire remarquer l’analogie qu’il y a ici entre la partie du corps ainsi désignée et une peau gonflée de vent qu’on relève du pied. » — F. Michel.

balochard, balocheur : « Le balochard représente surtout la gaîté du peuple ; c’est l’ouvrier spirituel, insouciant, tapageur, qui trône à la barrière. » — T. Delord.

Pardon ! pardon ! Louise la Balocheuse,
De t’oublier, toi, tes trente printemps,
Ton nez hardi, ta bouche aventureuse,
Et tes amants plus nombreux que tes dents. — Nadaud.

Le carnaval parisien a eu aussi ses costumes de balochard. C’était la tenue de chicard, avec un feutre défoncé pour casque.

Balocher : « C’est quelque chose de plus que flâner. C’est l’activité de la paresse, l’insouciance avec un petit verre dans la tête. » — T. Delord.
Balocher : S’occuper d’affaires véreuses. — Vidocq.

Balthazar : Repas plantureux. — Allusion biblique — « Je vais me donner une bosse et faire un balthazar intime. » — Murger.

baluchon : Paquet (Vidocq). — Diminutif de Ballot.

Banban : personne de petite taille aux membres noués. — Allusion au dandinement particulier de la marche. — « J’entrai chez Dinah, jolie petite brune un peu banban. » — Mogador.

Bancal : Sabre courbe. — Allusion aux jambes arquées du bancal. « Voilà M. Granger qui apporte le bancal. » — Gavarni.

Banco (Faire) : Tenir tous les enjeux qui sont opposés par le banquier. — Terme de lansquenet. — « Certains joueurs arrivent avec dix louis dans leur poche ; ils font des banco de cent, deux cents, trois cents louis. » — Karr.

Bande (Coller sous) : Acculer dans une situation difficile. — Terme de billard.

Banquette : Menton (Vidocq). — La saillie du menton forme en effet une banquette au bas du visage.

Baptême (Se mettre sur les fonts du) : Se mettre dans l’embarras. — « Nous ne voulons enquiller chez aucun tapissier, c’est se mettre sur les fonts du baptême. » (Vidocq). Pour comprendre ce terme, il faut savoir que Parrain veut dire témoin à charge. C’est donc s’exposer au parrain que se mettre sur les fonts du baptême.

Barbaudier : Guichetier (Vidocq). — Il est chargé du barbot des prisonniers.

Barbe (Prendre la) : S’enivrer. — « La Saint-Jean d’hiver, la Saint-Jean d’été, la Saint-Jean-Porte-Latine, le moment qui commence les veillées, celui qui les voit finir, sont autant d’époques où (pour les compositeurs d’imprimerie) il est indispensable de prendre là barbe. » — Ladimir.

Barberot : Barbier (Vidocq). Dimin. de barbier.

barbillon : Souteneur de filles (Vidocq). — Équivalent de poisson.

Barbot : Canard (Vidocq). — L’acte est mis pour l’acteur.

Barbot : Fouille. — Allusion à la main fouillant une poche, comme un bec de canard barbotte dans un trou. — « Je fis le barbot et je m’emparai de quelques pièces de vingt et quarante francs. » Canler.

Barbotter : Voler (Vidocq). — Mot à mot : faire le barbot. «Tous deux en brav’s nous barbottions, D’or et d’billet nous trouvons un million. » — Paillet.

barbue : Plume (Vidocq). — Allusion aux barbes de plume. V. Arguemine.

Basourdir : Assommer (Vidocq). — Abrév. d’abasourdir.

Bassin, Bassinoire : Importun. « Allons, vieux bassin, Avez-vous fini vos manières. » — Becquet, chanson.

Bassiner : Importuner. — « Il me bassine, cet avoué. » — Labiche.
Bassinoire : Grosse montre de cuivre. — Moins le manche, elle offre un diminutif assez exact de la bassinoire classique. — « C’était une vénérable montre de famille, dite bassinoire en langage familier. » — Champfleury.

Bastringue. — Étui conique en fer d’environ quatre pouces de long sur douze lignes de diamètre, contenant un passe-port, de l’argent, des ressorts de montres assez dentelés pour scier un barreau de fer, un passe-port, de l’argent, etc. — Vidocq — Les malfaiteurs, sur le point d’être pris, cachent dans leur anus cette sorte de nécessaire d’armes, mais il doit être introduit par le gros bout. Faute de cette précaution, il remonte dans les intestins et finit par causer la mort. Un prisonnier périt il y a quelques années de cette manière, et les journaux ont retenti du nombre prodigieux d’objets découverts dans son bastringue, après l’autopsie.

Bataille (Chapeau en) : Chapeau à cornes tombant sur chaque oreille. Mis dans le sens contraire, il est en colonne. Terme de manœuvres militaires. — « Les uns portent d’immenses chapeaux en bataille, les autres de petits chapeaux en colonne. » — La Bédollière.

bath : Remarquable. — Terme contemporain du papier anglais dit papier bath, qui fut notre premier papier à lettre. Sans l’h final, nous aurions vu là une abrév. de batif. V. ce mot. — « Nous avons fait un lansquenet un peu bath cette nuit. » — Vitu.

Batif : Neuf (Vidocq). — Corruption de battant.

Batouse : Toile (Vidocq).

Batouse battante : Toile neuve. — On dit communément battant neuf pour neuf.

battant : Cœur (Vidocq). — Mot imagé. C’est le cœur à son état ordinaire. Il ne mérite pas encore le nom de palpitant.

Battoir : Main large, main de claqueur, sonore comme un battoir de blanchisseuse. — « Dieu ! la belle tragédienne ! En avant les battoirs ! » — L. Reybaud.

Batterie : Mensonge (Vidocq). — Allusion aux batteries d’artillerie dont le jeu est souvent caché. On dit de même usuellement démasquer ses batteries. — Un faiseur de batteries s’appelle un batteur.

Battre : Contrefaire, mot à mot : faire une batterie. — Ce verbe a un peu le même sens dans l’expression actuelle : battre froid.
Battre job, battre comtois : Faire le niais (Vidocq). — V. Job, comtois. — Battre morasse : Crier à l’aide, mot à mot : crier à la mort, à l’assassin. — Battre a un autre sens dans Battre son quart (V. Quart), et Battre sa flème : Ne rien faire. — Il a ironiquement le sens actif.

Baude : Vérole (Vidocq). — Du vieux mot baut : joyeux. V. Lacombe Du Cange. — La baude serait donc la joyeuse, ou plutôt le mal de la joie.

baudru : Fouet. — Corruption du vieux mot baudre : courroie, baudrier. V. Roquefort.

Bayafe : Pistolet. — « On peut remoucher les bayafes. Alors le taffetas les fera dévider et tortiller la planque où est le carle. » — Vidocq.

Bazar : Maison chétive, ou mal distribuée. — « Petit bazar entre cour et jardin. » — Labiche.

Bazar : Mobilier. — J’ai vendu la moitié de mon bazar pour payer le médecin. » — E. Sue.
Mot contemporain de notre entrée en Afrique.
Bazarder : Vendre. « J’ai bazardé mon pantalon.» — Les Tribunaux.

Beau : Homme à la mode. — « Le beau de l’Empire est toujours un homme long et mince, qui porte un corset et qui a la croix de la Légion d’honneur. — Balzac. — Il y a les ex-beaux et les beaux du jour.

Bébé : Poupard. — De l’anglais baby. — « Emma arriva le lendemain, au sortir du bal de la Porte Saint-Martin, en costume de bébé. » — Ces Dames, 1860.

Bébé sert aussi de mot d’amitié. — Tu sais, mon petit homme, que je n’ai plus un sou, et que ton petit bébé ne doit pas rester sans espèces. — Id.

bec : Bouche. — Casser, chelinguer du bec : Avoir mauvaise haleine. — Rincer le bec : Faire boire. — Faire le bec : Donner des instructions. — Avoir du bec : Être éloquent. — Tortiller du bec : Manger. — River le bec : Faire taire. — Fin bec : Gourmand.

bêcher : Battre, dire du mal. Vient du vieux mot béchier : frapper du bec (DuCange). — « Je suis comme je suis, c’est pas une raison pour me bêcher. » — Monselet.

Avocat bécheur : Magistrat chargé du ministère public. Il bêche le prévenu.

béguin : Passion. — Vient du mot béguin : chaperon, coiffure. Allusion semblable à celle qui fait appeler coiffée une personne éprise. — « Il y a bel âge que je ne pense plus à mon premier béguin. » — Monselet.

Béguin : Tête. — « Tu y as donc tapé sur le béguin. — Robert Macaire, 1836.

Bécot : Petit baiser pris du bout des lèvres avec la prestesse de l’oiseau qui donne son coup de bec. — « Encore un bécot. » — Champfleury.

Bécoter : Donner des bécots. — « Tiens, j’effarouche les tourtereaux… On se bécotait ici. » — Cormon.

Becqueter : Manger. De bec. — « J’ai vendu ce que j’avais pour becqueter. » — Lynol.

bélier : Cocu (Vidocq). — Allusion aux cornes symboliques du cocuage.

Belle (Jouer la) : Tout risquer d’un seul coup. — On sait que deux joueurs jouent la belle (partie), lorsque après avoir gagné chacun une partie, ils conviennent d’en jouer une décisive.

bénef : Bénéfice. — « Un billet, mon maître, moins cher qu’au bureau ! Deux francs cinquante de bénef ! » — Second.

Béquille : Potence (Vidocq). — La potence ressemble à une béquille. — Béquiller : Pendre. V. Farre.

Béquiller : Manger. — « C’est égal, je lui ai envoyé un coup de tampon sur le mufle qu’il ne pourra ni béquiller, ni licher de quinze jours. » — Th. Gautier. Même étymologie que Becqueter.

Berlue : Couverture (Vidocq).

Berry : Capote d’études à l’École polytechnique. — « Toujours plus ou moins culottée, veuve d’un certain nombre de boutons. » — La Bédollière.

Bertrand : Fripon dupé par son complice. — La fable connue de Bertrand et Raton, et le drame de l’Auberge des Adrets, ont mis ce terme à la mode. — « Il s’était posé à mon endroit en Robert Macaire, me laissant le rôle désobligeant de Gogo ou de Bertrand. — E. Sue.

Bête : V. Bachotteur.

Bêtises (Dire des) : Tenir des propos grivois. — Passer des paroles à l’action, c’est faire des bêtises.

Beuglant : Café chantant. — « Nous allâmes au beuglant, c’est-à-dire au café chantant… Vous devez juger par le nom donné à cet établissement que les chants des artistes sont fort peu mélodieux. » — Les Étudiants, 1860.

Brugne : Coup violent. — Corruption des vieux mots beigne, bigne, employés dans le même sens. V. Roquefort.

Beurre : Argent. — V. Graisse. — « Nous v’là dans le cabaret À boire du vin clairet, À ct’heure Que j’ons du beurre. » — Chansons, Avignon, 1813.

Mettre du beurre dans ses épinards : Voir augmenter son bien-être. — On sait que les épinards sont la mort au beurre.
Avoir du beurre sur la tête : Être couvert de crimes. — Allusion à un proverbe hébraïque. V. Vidocq.
Beurrier : Banquier (Vidocq).

Bibard, Biberon : Ivrogne (Dhautel). — « Par rapport à ces vieux bibards d’invalides. » — La Bédollière. — « C’est un fameux biberon. Quand on lui demande quel temps il fait, il vous répond :Il fait soif. » — Vidal, 1833.

Bibi : Petit chapeau de femme. — « Malaga portait de jolis bibis. » — Balzac.

Bibi : Nom d’amitié donné à l’homme ou à la femme dont on est coiffé. — « Paul, mon bibi, j’ai bien soif. — Déjà ? » — Montépin.

Biblot : Objet de fantaisie propre à décorer une étagère. — Abréviation de bimbelot : jouet d’enfant. — « Il y a biblot et biblot : celui qu’on gagne à la fête de Saint-Cloud et celui que cent capitaines de navire ont à grands frais rapporté de toutes les îles connues ou inconnues. » — Mornand.

Mon biblot, dans la bouche d’un soldat, signifie : Mon attirail militaire.
Biblot : Bijou. — « Trouve-moi des dentelles chouettes ! et donne-moi les plus reluisants biblots.» — Balzac.
Biblot : Outil d’artisan (Vidocq).

biche : Lorette. — Abréviation de biche d’Alger, synonyme populaire de chameau. — « Une biche, — il faut bien se servir de cette désignation, puisqu’elle a conquis son droit de cité dans le dictionnaire de la vie parisienne, — se trouvait cet été à Bade. » — Figaro, 1858. — Forte biche : Lorette élégante.

Bicherie : Monde galant. — « Mme  Marguerite V., de la haute bicherie du quartier d’Antin. » — Les Cocottes, 1864.

Biche, chette, chon : Mots d’amitié. — « Viens ici, ma biche, viens t’asseoir sur mes genoux. » — Frémy. — « Oui, ma bichette ! oui, mon petit chien-chien. » — Leuven. — « Mon bichon, tu seras gentil, faudra voir ! » — Gavarni.

Bidet : Ficelle transportant la correspondance des prisonniers enfermés à des étages différents (Vidocq). — C’est leur bidet de poste.

Bien : D’apparence distinguée. — « Elle aime à causer, surtout avec les messieurs bien. » D’Anglemont.

Être bien : Être gris. Éprouver le bien-être factice causé par un commencement d’ivresse.
Bien mis : Fashionable. — « Ohé ! ce bien mis, il vient faire sa tête, parce qu’il a du linge en dessous. » — E. Sue.

Bier : Aller. — Abrév. d’ambyer.

Biffer : Manger goulument (Vidocq). — Forme de Bouffer.

Biffin, Bifin : Chiffonnier. — Ce n’est pas le chiffonnier pur-sang, c’est celui qui a déchu d’une position meilleure. De là sans doute le nom de biffin : goulu, donné par l’ancien chiffonnier au nouveau venu. — « J’ vois deux bifins et leurs femelles. » — Chansonnier, 1836.

bigorne : Argot. — Du vieux mot biguer : changer, troquer. V. Roquefort. L’argot n’est qu’un langage bigué, d’où le diminutif bigorne. — « Rouscaillons bigorne. Qui enterver le saura, à part sézière en rira, mais les rupins de la vergne ne sont dignes de cela. » — Vidocq. — V. Jaspiner.

bigorneau : Soldat de marine. — Tenue de matelot. Comme le petit coquillage de ce nom, le soldat reste attaché au navire ou aux garnisons de la côte, sans naviguer à l’aide de ses propres forces.

Bigotter : Prier (Vidocq). — Mot à mot : faire le bigot.

Bigrement : Superlativement. Forme de Bougrement. — « C’est bigrement embêtant, allez. » — Gavarni.

Bijoutier : Marchand d’arlequins. V. ce mot.

Billard (Décoller, dévisser son) : Mourir. V. Claquer.

bille, billemont, billon : Espèces monnayées. — Billemont et billon sont des diminutifs de bille qui, comme balle, fait allusion à la forme ronde de la monnaie. — « L’argent au Temple est de la braise, ou de la thune, ou de la bille. » — Mornand. — « Nous attendions la sorgue, voulant poisser des bogues, pour faire du billon. » V. Attache, Flacul.

Billet de 500, de 1,000 : De 500 francs, de 1,000 francs. — « Te faut-il beaucoup ? — Un billet de cinq cents. » — « Les ressources d’une lorette pour extraire un billet de mille. » — Balzac.

Je t’en fiche mon billet : Je te le certifie, mot à mot : Je suis prêt à signer un billet attestant la chose.

Binelle : Banqueroute. — Binellier : Banqueroutier. — Vidocq.

Binôme : « Aux laboratoires, nous verrons chacun des élèves (de l’École polytechnique) manipuler avec un camarade qu’il nomme son binôme. » — La Bédollière. — Allusion à la signification algébrique de Binôme : quantité composée de deux termes.

Bisard : Soufflet (Vidocq). — Mot à mot ; vent qui brûle, bise qui ard.

biture : Excès de boisson. — Du vieux mot boiture : goinfrerie. V. Roquefort. — « N’aspirons-nous le grand air que pour l’ineffable joie d’engloutir impunément du piqueton jusqu’au gobichonnage majeur, jusqu’à prendre une biture ? » — Luchet.

Birbe, Birbon, Birbette : « Les dames des tables d’hôte ont adopté trois mots pour peindre la vieillesse : à cinquante-cinq ans, c’est un birbon ; à soixante ans, c’est un birbe ; passé ce délai fatal, c’est une birbette. — Lespès. — Vidocq donne un quatrième synonyme : birbasse. — Birbe dabe : grand-père. — Birbasserie : vieillerie. — Id.

blague : Causerie. — On dit : J’ai fait quatre heures de blague avec un tel

Blague : Verve ; faconde railleuse. — « Quelle admirable connaissance ont les gens de choix des limites où doivent s’arrêter la raillerie et ce monde de choses françaises désigné sous le mot soldatesque de blague. — Balzac.
Blague : Plaisanterie. — « Je te trouve du talent, là sans blague ! » — De Goncourt. — « Pas de bêtises, mon vieux, blague dans le coin ! » — Monselet.
Pousser une blague : Conter une histoire faite à plaisir. — « Bien vite, j’pousse une blague, histoire de rigoler. » — F. Georges, Chansons.
Ne faire que des blagues : Faire des œuvres de peu de valeur.
L’étymologie du mot est incertaine. Dhautel (1808) admet les mots blaguer et blagueur avec le triple sens de railler, mentir, tenir des discours dénués de sens commun. — Cet exemple, des plus anciens que nous ayions trouvés, ne prend blague qu’en mauvaise part. On en trouverait peut-être la racine dans le mot blaque qui désignait, du temps de Ménage, les hommes de mauvaise foi (V. son dictionnaire). — M. Littré, qui relègue Blague et Blaguer parmi les termes du plus bas langage, donne une étymologie gaëlique beaucoup plus ancienne Blagh : souffler, se vanter.

blaguer : Causer. — « Nous venons blaguer. » — Balzac.

Blaguer : Posséder cette verve familière, pittoresque et railleuse qui est l’humour des conversations parisiennes. — « Enfin elle blague aujourd’hui, elle qui ne connaissait rien de rien, pas même ce mot-là ! » — Balzac.
Blaguer : Plaisanter. — « Ne blaguons plus. » — Balzac. — Un homme blagué : un homme raillé, berné.
Blagueur : Menteur. — « En 1813, deux femmes, Pauline la Vache et Louise la Blagueuse, enlevèrent 50,000 fr. » — Vidocq. — « Les marchands sont encore de fameux blagueurs. » — Ricard.
Blagueur : Loustic. — « Il ne pouvait y avoir circonstance si grave qui empêchât ce blagueur fini de se livrer à sa verve. » — L. Desnoyer.

blaiche : Médiocre. — Du vieux mot blaiche : mou, paresseux. — V. Lacombe.

blaireau : Conscrit. — « Moi, j’ai carotté un blaireau… » — La Bédollière.

Blaireauter : Peindre avec trop de fini, faire abus du pinceau de blaireau qu’on a entre les mains. — « Aussi sa peinture est-elle fameusement blaireautée. » — La Bédollière.

Blanquette : Argenterie (Vidocq). — Allusion à la blancheur de son éclat.

blavin : Mouchoir (Vidocq). — Dimin. du vieux mot blave : bleu. V. Roquefort. — Un grand nombre de mouchoirs sont de cette couleur. — Blaviniste : Voleur de mouchoirs. — V. Butter.

bleu : Conscrit. — Allusion à la blouse bleue de la plupart des recrues. — « Celui des bleus qui est le plus jobard. » — La Barre.

Bleu : Gros vin dont les gouttes laissent des taches bleues sur la table. — « La franchise, arrosée par les libations d’un petit bleu, les avait poussés l’un l’autre à se faire leur biographie. » — Murger.

Bloc : Prison. — Du vieux mot bloc : barrière. V. Roquefort. — « Prenez trois hommes et menez cette fille au bloc. » — V. Hugo.

Bloquer : Consigner. — « Colonel, c’est que je suis bloque. — Je vous débloque. » — J. Arago, 1838.

Blonde : Amante. — « Blonde s’emploie dans ce sens sans distinction de la couleur des cheveux, car il existe une chanson villageoise où, après avoir fait le portrait d’une brune, l’amoureux ajoute qu’il en fera sa blonde. » — Monnier, 1831.

Bloquer : Vendre. V. Abloquir.

Blot : Bon marché (Vidocq). — Corruption de Bloc. Les marchés d’objets en bloc sont, on le sait, les plus avantageux.

Blousier : Voyou, mot à mot : porteur de blouse. — « Vous verrez là des blousiers qui viennent fumer. » Delvau.

Boc, Bocard, Bocson : Mauvais cabaret, lieu de débauche. — Vient du vieux mot boque : bouc. V. Roquefort. — Le bouc est l’emblème de la luxure et des querelles. On disait jadis boquer pour frapper. — « Montron, ouvre ta lourde, si tu veux que j’aboule et pionce en ton bocson. » — Vidocq.

Bocal : Petit appartement. — « Voyons si le susdit bocal est toujours à louer. » — Montépin.

Bocal : Estomac. — « Au restaurant le bohème dit qu’il va se garnir le bocal. » — Lespès.
Dans les deux mots, l’allusion s’explique d’elle-même, et les logements parisiens continuent de la mériter.

bœuf : Monstrueux. — Mot à mot : aussi énorme qu’un bœuf. — « Regarde donc la débutante. Quel trac bœuf ! Elle va se trouver mal. » — Ces Petites Dames.

Se mettre dans le bœuf : Tomber dans une situation misérable. Allusion au bouilli qui représente le rôti des indigents.
On lit dans une mazarinade de 1649 : « Auprès de la Bastille, Monsieur d’Elbeuf, Dans sa pauvre famille, Mange du bœuf, Tandis que Guénégaud Est à gogo. »

Bog, Bogue : Montre. — Onomatopée ; bog comme toc imite le bruit de la montre. — V. Toquante, Butter, Litrer, Billon.

Bogue en plâtre, en jonc : Montre d’argent, d’or. — Allusions de couleurs. — Tire-bogue : Voleur de montres. — Boguiste : Horloger.

Bohème : « La bohème se compose de jeunes gens, tous âgés de plus de vingt ans, mais qui n’en ont pas trente, tous hommes de génie en leur genre, peu connus encore, mais qui se feront connaître, et qui seront alors des gens fort distingués… Tous les genres de capacité, d’esprit, y sont représentés… Ce mot de bohème vous dit tout. La bohème n’a rien et vit de ce qu’elle a. » — Balzac.

La citation suivante est le correctif de cette définition trop optimiste : « La bohème, c’est le stage de la vie artistique, c’est la préface de l’Académie, de l’Hôtel-Dieu ou de la Morgue… Nous ajouterons que la bohème n’existe et n’est possible qu’à Paris. » — Murger.
On dit un bohème : « Tu n’es plus un bohème du moment que je t’attache à ma fortune. » — Augier.
Comme on voit, le bohème du dix-neuvième siècle n’a de commun que le nom avec celui de Callot. Saint-Simon a connu l’acception fantaisiste du mot bohème. M. Littré en donne un exemple, bien qu’il n’admette bohème qu’en mauvaise part.

Boissonner : Boire avec excès (Dhautel). — « Dites donc, voisin, on a un peu boissonné chez vous hier ? » — Gavarni.

Boîte, Boîton : Voiture. — « Les gentils hommes et les gentilles femmes qui se piquent de parler l’argot des quartiers neufs demandent leur boîte ! ca veut dire leur voiture. » — Vitu.

Bolivar : Chapeau évasé dont la forme nouvelle prit le nom de ce héros populaire : — « Le front couvert de son bolivar. » — Cabarets de Paris, 1821.

Bon : Bon apôtre, hypocrite. — « Vous n’êtes bons ! vous… N’allons, vous n’avez fait vos farces ! » — Balzac.

C’est un bon : C’est un homme solide, à toute épreuve. — « Ce sont des bons. Ils feront désormais le service avec vous. » — Chenu.
Pour un agent de police, un homme bon est bon à arrêter.
Être des bons : Avoir bonne chance.

Bon-Dieu : Sabre-poignard ; allusion à la croix figurée par la lame et la poignée.

Bon-Dieu (Il n’y a pas de) : Mot à mot : il n’y a pas de bon Dieu qui puisse l’empêcher. — « Gn’y a pas d’Bon-Dieu, Faut s’dire adieu. » — Désaugiers.

Bonhomme : Saint (Vidocq). — Allusion aux statuettes qui peuplent les églises.

Boniment : Discours persuasif. — Mot à mot : action de rendre bon un auditoire.

Bonir, Bonnir : Persuader, avertir, dire. V. Servir, Parrain, Criblage, Girofle.

Bonjour (Voleur au), Bonjourier : — « Voleur s’introduisant de grand matin dans les maisons où les bonnes laissent les portes entr’ouvertes et dans les hôtels garnis dont les locataires ne ferment pas leurs chambres. » — Canler. — Allusion ironique à l’heure matinale choisie par le voleur ; il vous souhaite en quelque sorte le bonjour.

Bon motif : « Vous ne savez pas ce que c’est que le bon motif ? — Ah ! vous voulez dire un mariage ? — Précisément. » — Aycard.

bonne (Prendre à la) : Prendre en bonne amitié. — Être à la bonne : Être aimé. — « Je ne rembroque que tezigue, et si tu ne me prends à la bonne, tu m’allumeras bientôt caner. » — Vidocq.

Bonne : Bonne histoire. — « Ah ! par exemple, en v’là une bonne. » — Cormon.
Bonne-grâce : Toile dans laquelle les tailleurs enveloppent les habits. — «Le concierge de l’hôtel dépose qu’il a vu Crozard traverser la cour avec une bonne grâce sous son bras. » — La Correctionnelle.

Bonneteur : Industriel tenant aux foires de campagne un de ces jeux de cartes auxquels on ne gagne jamais. — Vidocq.

Bordeaux (Petit) : Cigare de 5 c. fabriqué à la manufacture de Bordeaux — « Avec un sou, tous sont égaux devant le petit bordeaux. » Liorat, Chansons.

Bordée (Tirer, courir une) : S’absenter sans permission. — Terme de marine. — On dit d’un navire louvoyant, qu’il court des bordées. Or, un matelot en bordée ne tarde pas à en imiter les capricieux zig-zags. — « C’est un brave garçon qui ne boit jamais et qui n’est pas homme à tirer une bordée de trois jours. » — Vidal, 1833.

Borgne : Derrière. — Comparaison de l’anus à l’œil. — « V’là moi que je me retourne et que j’li fais baiser, sauf votre respect… mon gros visage… Ce qui a fait dire aux mauvaises langues qu’il a vu mon borgne. » — Rétif, 1783.

Boscot, tte : « Petit homme, petite femme contrefaits, bossus. » — Dhautel, 1808.

Bosse (Se donner une) : S’empiffrer. — Allusion à la bosse formée par la réplétion du ventre. — « Je veux, dit-il, qu’à sa noce Ça soit beau Et qu’on s’y flanque une bosse De chameau. » — Delange, Chansons. — Se donner une bosse de rire : Rire immodérément. — Rouler sa bosse : Cheminer. — « Nous roulons not’bosse Dans un beau carrosse. » — Decourcelle, 1832.

Bossoirs : Seins. — Terme de marine.

Boubane : Perruque. — Vidocq. — Du vieux mot bouban : luxe, étalage. V. Roquefort.

Bouc : Cocu. — Vidocq. — Allusion à ses cornes.

Boucanade : Corruption à prix d’argent d’un juge ou d’un témoin. — Coquer la boucanade : Corrompre. Mot à mot : donner pour boire. En Espagne, la boucanade est une gorgée du vin renfermé. selon l’usage, dans une peau de bouc.

boucard, boutogue : Boutique. — Le premier mot paraît une forme de boc ; le second est une corruption de Boutique. V. Baïte, Esquinteur.

Boucarniers : « Voleurs dévalisant les boutiques à l’aide d’un pégriot ou gamin voleur, qui s’y cache à l’heure de la fermeture, et qui vient leur ouvrir. » — Canler. — Vidocq les appelle Boucardiers.

Bouchon : Qualité, genre. — Allusion aux produits sortant des débits de vins appelés bouchons. On a dit ironiquement : Ceci est d’un bon bouchon, comme : Ceci est d’un bon tonneau, — ou : Ceci est du bon coin.

Boucler : Enfermer. — Vidocq. — Du vieux mot Bacler. V. Roquefort.

Botte de neuf jours : Botte percée. — Vidocq. — Calembour. Jour est pris pour trou, et une botte trouée ne passe guère la huitaine.

Botter : Convenir. — Mot à mot : aller comme une botte qui chausse bien. — « J’aurai l’honneur de vous envoyer ma voiture à onze heures. — Ça me botte. » — Gavarni.

boudin : Verrou (Vidocq). — Allusion à la forme des verrous ronds qui ferment les grandes portes.

bouffarde : Pipe. — Allusion aux bouffées de fumée qui s’en échappent.

Bouffardière : Cheminée (Vidocq). — Id.

Bougie : Canne (Vidocq). — Allusion de forme. — Bougie grasse : Chandelle. — Ironique.

Bougre : Mot à noter comme ayant perdu sa portée antiphysique. Ce n’est plus qu’un synonyme de garçon. On dit : un bon bougre.

Bougrement : Très. — Pris en bonne comme en mauvaise part.

bouillante : Soupe. — Soldats, vagabonds ou prisonniers n’ont pas le temps d’attendre qu’elle refroidisse.

Bouillon : Mauvaise opération. — Allusion aux gorgées d’eau qui asphyxient un noyé. — « Il a bu un fameux bouillon : il a fait une perte considérable. » — Dhautel, 1808.

Prendre un bouillon d’onze heures : Se noyer, s’empoisonner.
Bouillon de canard : Eau. — « Jamais mon gosier ne se mouille avec du bouillon de canard. » — Dalès.
Bouillon : Pluie torrentielle. — « Il va tomber du bouillon, pour dire une averse. » — Dhautel, 1808.
Bouillon pointu : Lavement. Double allusion au clystère et à son contenu. — « Dieu ! qu’est-ce que je sens ? » — L’apothicaire (poussant sa pointe) : C’est le bouillon pointu. » — Parodie de Zaïre. Dix-huitième siècle. — Bouillon pointu : Coup de baïonnette : — « Toi, tes Cosaques et tous tes confrères, nous te ferons boire un bouillon pointu. » — Layale, Chansons, 1855.

bouisbouis : Marionnette. — Onomatopée imitant le cri de Polichinelle.

Bouisbouis : Petit théâtre, tripot. — Vient de Bouis : cloaque, maison de boue. V. Dhautel. — « Le bouisbouis est le café-concert qui a pour montre un espalier de femmes. Le théâtre qui en étale est un bouisbouis. » — 1861, Dunay.

boulanger : Diable (Vidocq). — Il vous met au four de l’enfer.

Boule : Tête. — Allusion de forme. — « Polissonne de boule ! en fais-tu des caprices ? » — Les Amours de Mayeux, chanson, 1833. — Perdre la boule : Perdre la tête. — « Mais Javotte a perdu la boule. » — E. de Pradel, 1822.

Boule de son : Figure couverte de rousseurs. — Celles-ci sont appelées communément taches de son. L’image est juste. — Boule de son : Pain de munition. — Il contenait autrefois beaucoup trop de son. — Boulendos : Bossu (Vidocq). — Allusion à l’effet de la bosse sous l’habit : on paraît avoir une boule dans le dos.

Bouler : Aller (Vidocq). Même étymologie que Abouler.

Bouler : Battre (id., id). — Bouler, c’est rouler son combattant à terre. — « Si tu dis mot, j’te boule. » — Chanson, Avignon, 1813.

Boulet à queue : Melon (id.) — Mot imagé.

Boulette : Petite faute. Un peu plus grave, elle devient une brioche. On appelle de même sale pâtissier, un homme peu soigneux de sa personne ou tripotant des affaires véreuses. La pâtisserie est-elle redevable de l’honneur de ces acceptions aux soins minutieux qu’exige son exercice ? Le fait est possible. En ce cas, il faut sous-entendre mauvaise avec brioche et boulette.

Bouliner : Faire un trou ou boulin à la muraille (Vidocq). — C’est pour la même raison qu’on appelle un villebrequin une boulinoire, à cause du mouvement circulaire imprimé à cet instrument.

Boulotter : Vivre à l’aise. Mot à mot : rouler sans peine dans la vie. — Diminutif de bouler. — « Ils boulottaient l’existence, sans chagrin de la veille, sans souci du lendemain. » — De Lynol.

Boulotter : Assister (Vidocq).

Bouquine : Mot à mot : barbe de bouc, poussant sous le menton ; la mouche au contraire ne le dépasse pas.

Bourgeois : « Le bourgeois du cocher de fiacre, c’est tout individu qui entre dans sa voiture. » — « Chez les artistes, le mot Bourgeois est une injure, et la plus grossière que puisse renfermer le vocabulaire de l’atelier. » — « Le Bourgeois du troupier, c’est tout ce qui ne porte pas l’uniforme. » — H. Monnier.

Bourrique (Tourner en) : Abrutir. — « C’est ce gueux de Cabrion qui l’abrutit… Il le fera bien sûr tourner en bourrique. » — E. Sue.

Bouscaille : Boue (Vidocq). — Diminutif de boue. — Bouscailleur : balayeur.

Bousineur : Tapageur, faiseur de bousin. — « Est-on bousineur dans ce bahut-ci ? — Pas trop ; le sous-directeur est sévère ! — Ça m’l’enfonce… » — Les Institutions de Paris, 1858.

Boussolle : Cerveau. — Le cerveau dirige l’homme comme la boussole dirige le navire. — « J’ai ça dans la boussole. Ainsi ne m’en parlez plus. » — Vidal, 1833. — Boussolle de refroidi : Fromage de Hollande (Vidocq). — Mot à mot : tête de mort. Allusion à la forme de ce fromage qui est celle d’une boule assez grosse.

Bouterne : Boîte vitrée où sont exposés, aux foires de villages, les bijoux destinés aux joueurs que la chance favorise. Le jeu se fait au moyen de huit dés pipés au besoin. Il est tenu par une bouternière qui est le plus souvent une femme de voleur. — Vidocq.

Boutique : « Ce n’est pas une chose, c’est un esprit de petit négoce, de profits troubles et de soigneuses affaires, qui ne recule devant rien pour arriver à un gain quelconque. Il y a la boutique industrielle comme la boutique scientifique, artistique et littéraire. » — A. Luchet. — « On dit en plaisantant d’une femme qui en tombant a laissé voir trop de choses, qu’elle a montré toute sa boutique. » — Dhautel, 1808.

Quelle boutique ! est synonyme de Quelle baraque ! Quelle mauvaise organisation !
Il est de la boutique : Il fait partie de la maison de l’administration ou de la coterie.
Boutiquer : Fagoter, mal faire. — Boutiquier : Homme à idées rétrécies, parcimonieuses.

Boutogue : V. Boucard.

Bouzingot : — « À la révolution de Juillet, les romantiques se divisèrent en bouzingots et en jeunes-France. Les premiers adoptèrent l’habit de conventionnel, le gilet à la Marat et les cheveux à la Robespierre ; ils s’armèrent de gourdins énormes, se coiffèrent de chapeaux de cuir bouilli. » — Privat d’Anglemont. — Mot à mot : faiseur de bousin, tapageur. Le bouzingot voulait bouziner le régime de 1830.

Braise : Argent. — Allusion à sa destination de première utilité. Sans braise, on ne peut faire bouillir la marmite. — « Pas plus de braise que dans mon œil. » — Mornand. — V. Bille.

Branche : Ami aussi attaché de cœur qu’une branche à l’arbre. — « Allons, Panaris, le dernier coup, ma vieille branche ! » — J. Moinaux.

Brancher : Pendre. — Vidocq. — Mot à mot : accrocher à la branche.

Brandillante : Sonnette (Vidocq). — Allusion au mouvement du battant.

Branque : Âne (Vidocq). — Onomatopée imitant le cri de l’âne.

breloque : Pendule. — Vidocq. — Onomatopée imitant le bruit du balancier.

brème : Carte (Vidocq). — Allusion au poisson de ce nom qui est blanc, plat et court. — Maquiller la brème : Gagner en trichant aux cartes. — Un bremmier est un fabricant de cartes. — Brème de pacquelins : Carte géographique. Mot à mot : carte de pays.

Bric-à-brac : « Ces travaux, chefs-d’œuvre de la pensée, compris depuis peu dans ce mot populaire, le bric-à-brac. » — Balzac. — « Le fait est qu’aujourd’hui le bric-à-brac est une industrie formidable, que le gros marchand de bric-à-brac possède jusqu’à 500,000 fr. de marchandises. » — Roqueplan, 1841.

Bric-à-brac : Marchand de bric-à-brac. — « Ce voleur de bric-à-brac ne voulait me donner que quatre livres dix sous. » — Gavarni.

Bricole : Petit travail mal rétribué.

Bricoler : « M. Jannier bricolait à la Halle, c’est-à-dire qu’il y faisait à peu près tout ce qu’on voulait, qu’il était au service de qui désirait l’occuper. » — P. d’Anglemont. — Vient de bricole : harnais qui fait de l’homme qui le porte une sorte de cheval bon à tout traîner.
Bricoler : Faire effort, donner un coup de collier ou bricole. — « Et bricolons tout plus vite que ça, car j’ai les pieds dans l’huile bouillante. » — Balzac.

Brimade : Épreuve vexatoire infligée aux nouveaux de l’École Saint-Cyr — « Point de ces brimades, qui ont longtemps déshonoré Saint-Cyr. » — La Bédollière.

Brimer : Donner une brimade.

Brindezingues (Être dans les) : Être ivre. Mot à mot : avoir trop bu à la santé des autres. — « Tiens, toi, t’es déjà dans les brindezingues. » Vadé, 1756. — Du vieux mot brinde : toast. — « Ces grands hommes firent tant de brindes à vostre santé et à la nostre, qu’ils en pissèrent chacun plus de dix fois. » — Lettre curieuse envoyée au cardinal Mazarin par ses nièces. — Paris, 1651.

Brio : « Le brio, mot italien intraduisible et que nous commençons à employer, est le caractère des premières œuvres. C’est le fruit de la pétulance et de la fougue intrépide, du talent jeune, pétulant, qui se retrouve plus tard dans certaines heures heureuses. « — Balzac.

Brioche : V. Boulette.

Brisant : Vent. — Vidocq. — Diminutif de brise.

Briser (Se la) : S’enfuir. — Mot à mot : se laisser aller à la brise. — « Dans le beau monde on ne dit pas : Je me la casse, ou : Je me la brise. » — Labiche.
Briseur : « Les briseurs sont tous Auvergnats et se prétendent commerçants. Ils s’entendent pour inspirer toute confiance à des fabricants qu’ils trompent pour une grosse somme, après leur en avoir payé plusieurs petites. Les marchandises brisées sont revendues à 40 p. 100 de perte, et le produit de la brisure est placé en Auvergne. » — Vidocq. — Même étymologie que les mots précédents. Un briseur est un homme qui se la brise dès qu’il a fait son coup.

Brocantes : Troc de marchandises de hasard. — « Je vais faire des brocantes. » — Balzac.

Brocante : Objet sans valeur.

Broder : Écrire — Allusion au va-et-vient de la plume sur le papier. — Un brodeur est un écrivain. — En revanche, on a dit brodancher pour broder, pris dans son acception ordinaire. V. Ravignolé.

BROQUILLE : Minute (Vidocq). — Ce diminutif du vieux mot broque : petit clou, ardillon (V. Roquefort) fait sans doute allusion au petit signe indiquant la minute sur un cadran.

BROSSÉE : Grêle de coups, défaite. — « Les Turcs ont reçu une brossée. » — Ricard.

Brosser : Battre. Mot à mot : brosser de coups.

Se brosser le ventre : Se brosser le ventre pour lui faire oublier l’heure du repas. Pris souvent au figuré. — « Vous brosser le ventre faute d’un éditeur. » — Commerson.

Dès 1808, on disait : Ça fait brosse, pour : Rien ,pour toi ! tout est brossé. — Dhautel. — « Brosse pour lui ! Zut pour lui ! Fallait pas qu’y liche.» — A. Dalès, Chanson.

BROUILLARD (Être dans le) : Être absorbé par l’ivresse. Chasser le brouillard : Boire un verre d’eau-de-vie dont la chaleur combat, dit-on, les mauvais effets de l’humidité. — On dit tuer le ver par un motif analogue ; — l’alcool pris à jeun passe pour causer de vives contrariétés aux helminthes et aux ascarides vermiculaires. — Ces deux termes peuvent être considérés comme une allusion ironique aux prétextes hygiéniques des buveurs d’alcool.

BROUTTA : Discours. V. Laïus. — Du nom d un ancien professeur de l’École militaire.

BRUGE : Serrurier. — Vidocq. — Du vieux mot bruger : pousser, heurter.

V. Roquefort.
Brugerie : Serrurerie. — Id.

Brûlage : Déconfiture. — « C’est un brûlage général. » — Balzac.

Brûler : Perdre sans retour. — Comment sommes-nous avec le boulanger ? — M’sieur, le boulanger est brûlé, il demande un à-compte. » — Champfleury.
Brûler : Démasquer. — « Le grec brûlé prend son parti lestement et va, sous un autre nom nobiliaire, se faire pendre ailleurs. » — Mornand.
Brûler la politesse : S’esquiver sans faire la politesse d’un adieu. — « Quand il nous met à l’ombre, c’est que nous avons brûlé la politesse à la consigne. " — J. Arago, 1838.
Brûle-gueule : Pipe dont le tuyau écourté brûle les lèvres. — « Une de ces pipes courtes et noires dite brûle-gueule. » — De Banville.

Brûlot : Mélange de sucre et d’eau-de-vie brûlée. — « Ils cassent les tasses où ils allument leur brûlot quotidien. » — De la Barre.

Brutal : Canon. — Allusion au bruit de son tir. — « As-tu entendu ronfler le brutal ? » — Dhautel, 1808. — « Une détonation sourde se fit entendre. — Tiens, dit Pierre, voilà déjà le brutal qui chante. » — Ricard.

Bûche plombante : l’allumette (Vidocq) — Mot à mot : brin de bois sentant mauvais. On connaît l’odeur du soufre. V. Plomber.

Bûcher : Travailler. — Du vieux mot buscher : fendre du bois. V. Roquefort.

Bûcher : Battre (id.). — « I’ vient pour me bûcher. Moi, je l’fais trébucher. » — Chansons, Avignon, 1813. — « Il y a lieu de se bûcher… J’aimerais mieux les voies de douceur. » — L. Reybaud.
Bûcherie : Combat.

Buquer : Voler dans une boutique en demandant de la monnaie (Vidocq).

burlin : Bureau. Diminutif du mot. — V. Parrain.

buson : Bête. Diminutif de buse qui a le même sens.

Butte : Guillotine. Mot à mot, c’est l’action de tomber à la renverse, de butter, c’est la dernière culbute. — « Tu n’es qu’un lâche. Avec toi, on va tout droit à la butte. » — Canler.

butter : Assassiner. — Du vieux mot buter : frapper, renverser, qui a fait Culbuter. V. Roquefort. — « Voilà donc une classe d’individus réduite à la dure extrémité de travailler sur le grand trimar, de goupiner, de faire le bog et le blavin, de butter même s’il en était besoin. » — Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830. — « Voilà pour butter le premier rousse, dit-il en montrant un couteau. » — Canler.