Les Fiançailles de Bernardin de Saint-Pierre

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Les Fiançailles de Bernardin de Saint-Pierre
Revue des Deux Mondes5e période, tome 21 (p. 353-393).
LES FIANÇAILLES
DE
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE
(LETTRES INÉDITES)

Bernardin de Saint-Pierre avait cinquante-six ans, lorsqu’il épousa Félicité Didot, qui en avait vingt[1]. Par l’effet de quel étrange hasard, cette gracieuse et « vivante » jeune fille aima-t-elle cet homme grincheux et âgé ? C’est là un mystère qu’il ne faut point chercher à éclaircir ; et ce qui vient encore le rendre plus impénétrable, c’est que l’être insociable et mécontent que Bernardin avait été durant sa jeunesse, alors qu’il voyageait, qu’il travaillait, qu’il écrivait, resta le même lorsqu’il fut amoureux.

Dès son enfance[2] il avait eu le caractère aventureux et vagabond. A neuf ans, il fuyait le monde, lisait et relisait Robinson Crusoé, les Vies des Pères du Désert, s’isolait et rêvait de devenir ermite ou missionnaire ; ce fut un adolescent quinteux ; il était étrange et maladif, hypocondriaque et fantasque, mais non pas fou, comme le furent son frère et son propre fils. Il ne pouvait vivre au même endroit, tant il était inquiet, agité : il avait douze ans lorsqu’il partit pour la Martinique avec son oncle Godebout. Il revint à Caen pour se préparer et entrer à l’Ecole des Ponts et Chaussées, et, en 1760, il était nommé officier d’artillerie. Mais cet insociable, ce sauvage, était-il capable de mener la vie en commun, de s’entendre avec ses collègues ? Il fut destitué parce qu’il était irascible et insubordonné.

Il quitte alors la France, voyage, parcourt l’Europe avec l’idée de fonder une colonie modèle, séjourne en Hollande en qualité de journaliste, en Russie comme capitaine d’artillerie, en Pologne comme amoureux, en Autriche, en Allemagne ; s’embarque pour l’Ile de France avec une situation d’ingénieur qu’il ne peut conserver, à cause de son caractère qui rend tout rapport impossible avec l’ingénieur en chef et le commissaire de la marine ; et, en 1771, sans un sou dans sa poche, il revient dans son pays.

Mais ce vagabond, dont l’œuvre littéraire est en désaccord complet avec son caractère, était, heureusement pour nous, un sensitif, un sentimental. Il aimait la nature, la mer, la forêt, les couchers de soleil, mais surtout les femmes, auxquelles il dédia Paul et Virginie, en les appelant « les fleurs de la vie. « On ne sait s’il faut le compter au nombre des favoris de la grande Catherine, mais en Pologne, il eut une liaison, dont Aimé Martin a fait un véritable roman, avec la princesse Marie Miesnik, qu’il quitta, le 24 mai 1765, parce qu’elle ne voulait pas l’épouser. Aussi ce dédaigneux tout gonflé d’ambition refusa-t-il, — sans doute parce qu’elles étaient pour l’amant des reines et des princesses de trop petites demoiselles, — de répondre aux avances que lui firent à Saint-Pétersbourg, la nièce du général du Bosquet, à Amsterdam, la belle-sœur de Mustel le journaliste, à Berlin, la fille du conseiller Taubenheim.

Tandis qu’il songeait à son Voyage à l’Ile de France, et qu’il fréquentait chez les philosophes auxquels d’Alembert l’avait présenté, comme il vivait, sans le sou, des libéralités que lui faisaient ses amis, cet égoïste, qui n’avait jamais aimé que pour lui-même, s’avisa alors que dans un mariage riche il trouverait peut-être de quoi satisfaire ses goûts et son ambition. Il se mit alors à courir la dot. La sœur d’un de ses amis, Mlle Girault, et Mme Delaville-Jehannin, qui habitait Rennes, voulurent l’aider à se marier ; mais les jeunes provinciales étaient difficiles, le prétendant trop exigeant ; aussi ne trouva-t-il point la fiancée de ses rêves, et sa colère fut grande contre les Rennaises. Il parla même de se « rabattre » sur les veuves, et il fallut que Mlle Girault intervint plusieurs fois pour l’en empêcher.

Sa tristesse cependant augmentait chaque jour. Il se brouilla avec les philosophes ; et le baron de Breteuil, en qui il avait mis son dernier espoir, lui envoya ce billet qui le blessa profondément : « ... Vous n’êtes pas gentilhomme, je ne puis rien faire pour vous. » Il s’en fut alors dans sa sombre retraite de la rue Saint-Etienne du Mont, et composa ses Études de la Nature. Elles furent publiées en 1784, et attirèrent aussitôt l’attention du public sur leur auteur. Trois ans après, en 1787, quand parut Paul et Virginie, il fut célèbre et populaire ; des jeunes filles, alors, offrirent de l’épouser, car le roman tournait bien des têtes, parmi lesquelles on cite Mme Banda de Talhouet, Lucette Chapelle, Audoin de Pompéry, de Constant, de Keralio et Pinabel : il préféra la fille de son éditeur. Mlle Félicité Didot.

Bernardin de Saint-Pierre devait beaucoup de reconnaissance à Pierre-François Didot. Ignoré du public, et déjà sur l’âge, il cherchait un éditeur pour ses Études, et n’en trouvait point, lorsque le manuscrit tomba entre les mains d’un jeune homme, A. Didot, qui était attaché à la librairie de son père. Il parcourut l’œuvre et en parla à M. Bailly : celui-ci, qui avait toute la confiance de son patron, en dit quelques mots à ce dernier, et l’impression fut décidée. Ce fut pour Bernardin de Saint-Pierre une occasion naturelle d’entrer en relations suivies avec Pierre-François Didot ; et quand, après avoir publié Paul et Virginie, il fut devenu un auteur à la mode, quoique beaucoup de salons lui ouvrissent des portes qui jusque-là s’étaient tenues fermées pour lui, il continua de fréquenter quai des Grands-Augustins, d’autant plus volontiers qu’il y rencontrait Mlle Félicité Didot.

Epouser la fille de l’éditeur connu, dont il avait reçu de fortes avances en argent, cette idée devait bientôt germer dans le cerveau de ce coureur de dot qui désirait toujours se marier richement, et qui, à la fin de la Chaumière Indienne[3], faisait dire au Docteur, répétant une des trois réponses du paria sur la vérité : « On n’est heureux qu’avec une bonne femme. »

Félicité voyait souvent, quai des Grands-Augustins, l’écrivain célèbre et applaudi de ce Paul et Virginie, à la lecture duquel elle avait pleuré chez Mme Necker. Elle aimait à s’entretenir avec son auteur favori, s’intéressait au sort de ses œuvres, et lui écrivait : « Monsieur, tout le tems que je fus au magasin, vos ouvrages ont toujours eu le succès qu’ils méritent, et je ne doutte pas que ce ne soit toujours de même[4]. » Peu à peu Félicité s’éprit de Bernardin. Comment cet homme âgé de plus de cinquante ans sut-il se faire aimer d’une jeune fille qui avait à peine vingt ans ? Préféra-t-elle en lui, à d’autres prétendans, l’auteur de Paul et Virginie, ou l’amoureux passionné dont il aimait à jouer le personnage, ce sont là des questions qui devaient plus tard faire couler bien de l’encre et donner naissance à des procès nombreux.

Ce fut un dimanche, le 27 octobre 1793, que Bernardin épousa Félicité[5]. A l’approche de ce jour, la jeune fille, — nous nous en doutons seulement, ses dernières lettres n’étant pas parvenues jusqu’à nous, — dut crier très haut sa joie, tout heureuse de voir se réaliser ses vœux les plus chers ; tandis que, de son côté, le sauvage que nous connaissons, qui s’était vu refuser par son beau-père la promesse de tenir cette union secrète, envoyait une lettre de faire-part unique au citoyen Didot-Autran ! « Je m’adresse à vous, Citoyen, comme à l’aîné des enfans du citoyen Didot, pour vous annoncer l’alliance que je contracte avec votre famille, en épousant dimanche prochain votre aimable sœur Félicité Didot. Comme je. n’ai ni le tems ni les moyens d’envoyer suivant l’usage des lettres imprimées pour prévenir les parens et amis de mon mariage, je vous prie de vouloir bien en faire part, ainsi que de la satisfaction que j’éprouve à resserrer avec eux les liens de l’amitié par ceux de la parenté. Je m’en félicite en particulier par raport à vous. Je vous présente ainsi qu’à eux les assurances de mon amitié fraternelle[6]. »

Telle est, en quelques mots, l’histoire sentimentale d’un homme âgé et d’une amoureuse, qui échangèrent, avant leur mariage, les lettres que nous présentons aujourd’hui au public. Quelques-unes d’entre elles, dues à Bernardin, ont été publiées par Aimé Martin, en 1826, dans le 3e volume de la Correspondance de Bernardin de Saint-Pierre (Paris, Ladvocat, in-8o) ; d’autres ont été citées[7], par fragmens, dans une plaquette de M. Meaume[8], et dans la thèse de doctorat que M. Maury a consacrée à Bernardin de Saint-Pierre ; nous les donnerons en entier, avec les nombreuses lettres de Bernardin et de Félicité qui sont encore inédites.

Aimé Martin, qui épousa la seconde femme de Bernardin de Saint-Pierre, fut pendant longtemps dépositaire de ces lettres : elles appartenaient à Mlle Virginie de Saint-Pierre, fille de Bernardin, qui avait épousé le général de Gazan. Quand Mme de Gazan fut morte, le général les conserva, et quand, en 1849, il succomba au choléra, elles furent vendues avec sa bibliothèque et achetées par un collectionneur dont j’ignore le nom. Paul de Saint-Pierre ne se porta pas acquéreur à cette vente ; il ne pouvait, étant fou, songer à la mémoire de son père. Je retrouve ces lettres à Nancy, en 1856, entre les mains de M. E. Meaume, avocat, puis juge, auteur de diverses brochures, et président de l’Académie de Stanislas. Comment les avait-il eues ? « Par un heureux hasard, » voilà tout ce qu’il dit. Je perds alors la trace de ces lettres, et ne les retrouve que chez M. Pierre Gélis-Didot, l’architecte bien connu, qui se trouve être le petit-neveu de Bernardin ; il acheta ces lettres dans une vente publique, en février 1887, et depuis lors en est demeuré l’heureux propriétaire[9].

Comment ces missives parvenaient-elles à leur destinataire ? c’est là, je crois, un point dont il n’a jamais été parlé. Certaines d’entre elles ont été confiées à la poste : le timbre qui les oblitère en fait foi ; d’autres ont été portées par un commissionnaire, ou même données par Bernardin à la mère de Félicité. Mais plusieurs d’entre elles semblent avoir été remises en cachette, de la main à la main, lorsque se rencontraient les deux amans : c’est donc là, peut-être, en partie, une correspondance secrète échangée furtivement, à l’insu des parens qui pourtant avaient agréé ce mariage. Les deux héros de ce roman, peu romanesque toutefois, craignaient sans doute de ne pouvoir, lorsqu’ils se voyaient, causer assez librement, et se confiaient par écrit l’expression de leurs sentimens. Cela ressort de la lecture de quelques lettres[10] ; certains mots ne s’expliquent qu’en admettant cette hypothèse d’une correspondance en partie cachée, et ce qui vient la fortifier, c’est que, parmi les lettres de Bernardin, qui ne sont du reste jamais signées, beaucoup ne portent aucune adresse. Celles qui sont dues à Mlle Didot sont toujours signées : Félicité ou Félicité Didot.

Ce qui a rendu le classement de ces lettres assez difficile, c’est que la majorité d’entre elles ne sont pas datées ; il a donc fallu, pour établir l’ordre dans lequel nous les publions aujourd’hui, faire des rapprochemens et tirer parti des indications, assez nombreuses, des lieux d’où elles sont envoyées : Paris, Essonnes et Chantilly.

L’écriture de Bernardin n’est pas toujours facile à lire ; le papier qu’il employait généralement est blanc, d’un très petit format, rugueux, buvant un peu l’encre, qui, elle, a fortement jauni. Les caractères sont moyens et serrés, les mots souvent liés et rapprochés ; les lignes ne sont pas toujours régulières et vont en montant de gauche à droite ; les fautes d’orthographe abondent : nous les avons respectées, ainsi que la façon d’accentuer et de ponctuer. Les lettres de Félicité sont d’une calligraphie plus lisible, mais plus difficile peut-être à déchiffrer, car la jeune fille emploie une orthographe qui déroute ; elle abuse des majuscules et accompagne souvent les lettres de fioritures et d’ornemens ; elle aimait le papier vert clair, d’un grand format, sur lequel son écriture, assez grosse, court largement avec agilité.

Ces épîtres, comme on le verra, sont toutes emplies de sentimentalité et abondent en petits détails sur la vie journalière et les ennuis quotidiens. Il est à remarquer que, pendant la période où elles étaient envoyées, d’août 1792 à octobre 1793, des événemens qui troublaient profondément l’ordre social se déroulaient en France : la chute de la Royauté, les massacres de Septembre, la réunion de la Convention, la proclamation de la République, la mort de Louis XVI, la Terreur enfin, avec ses levées d’hommes en masses pour lutter contre l’étranger, la loi des suspects et les promenades sanglantes de la guillotine. Eh bien ! de tout cela Bernardin semble ne pas s’être aperçu ; il n’en dit mot dans ses lettres ; et ce serait à croire que les historiens ont rêvé les troubles qu’ils nous racontent, puisque la vie en France était si paisible à cette époque, que les gens n’en parlaient même point ! De-ci, de-là, quelques phrases seulement font allusion à ces grands faits historiques[11], et pourtant Bernardin n’était pas étranger à tous les événemens de cette période : il était l’ami des conventionnels les plus en vue, recevait des approvisionnemens du Comité de Salut public, se voyait offrir et refusait la place de bibliothécaire en chef à la Bibliothèque nationale, était chargé d’un cours à l’École normale, et touchait jusqu’à 2 700 livres du gouvernement[12].

Les lettres échangées, avant leur mariage, par Bernardin et Félicité ne sont pas les seules que nous possédions. Aimé Martin, dans la Correspondance de Bernardin de Saint-Pierre, a publié, en 1826, les lettres que celui-ci écrivit à sa femme ; par elles, et les renseignemens que nous donnèrent les biographes, nous pouvons connaître l’épilogue de ce roman : il est très triste.

Félicité ne fut point heureuse. Elle mena une vie de dévouement et d’amour pour un homme qui ne sut même pas s’en apercevoir ; la naissance d’une fille et de deux fils, dont l’un mourut très jeune, n’égaya que peu de temps la triste mélancolie de son séjour à la campagne ; elle se donna toute à l’éducation de Virginie et de Paul, mais, restant de longues journées très seule, elle laissa libre cours à ses rêveries, et dut avoir d’amers regrets. Elle aimait pourtant toujours son mari, bien qu’il s’occupât peu d’elle, et lui écrivait encore en l’an IV de tendres lettres, pleines d’affection pour lui et ses enfans[13]. Ses frères, qui déjà se querellaient avant son mariage, ainsi qu’en témoignent plusieurs lettres où elle le dit à Bernardin[14], continuèrent leurs disputes qui la bouleversaient profondément ; enfin son père, Didot le jeune, mourut en décembre 1795[15]. La succession, embrouillée, fut difficile à liquider, et ses frères ne laissèrent point échapper cette occasion nouvelle de discussions et de récriminations ; Bernardin dut intervenir pour défendre la part de sa femme, et de tout cela la pauvre Félicité souffrit davantage. Elle s’étiola, et, dans sa froide maison d’Essonnes, les germes de la tuberculose qu’elle avait en elle ne tardèrent pas à se développer ; — de cette tuberculose qui avait tué déjà Sophie, sa sœur, à l’âge de dix-huit ans[16].

A-t-elle voulu divorcer ? Certains l’affirmaient, d’autres le niaient, et cette question ne pouvait sortir du domaine de l’hypothèse, puisqu’on épiloguait sur une lettre, inédite, qui, paraît-il, avait disparu. Nous pouvons aujourd’hui trancher le débat : il a été question de divorce entre le mari et la femme, le document qui le prouve n’est pas perdu, il nous est aujourd’hui donné de le publier : c’est une lettre de Bernardin de Saint-Pierre à sa belle-mère, Mme Didot ; elle est datée du 6 ventôse an VII.

Félicité renonça à son projet, elle continua de dépérir, minée par le terrible mal, auquel son mari semble ne pas avoir cru ; et s’éteignit, après sept ans de mariage, vers la fin de 1799[17]. Bernardin, resté veuf avec deux enfans, n’a point dû souffrir de la mort de sa femme ; il avait été trop désireux de se marier pour renoncer à un tel projet après l’essai qu’il venait de réaliser, en compagnie, il est vrai, d’une femme qui avait tout fait pour le rendre heureux et qui avait été sa servante ; aussi, bientôt après, recommençait-il, avec des expressions identiques, à écrire des lettres d’amour, toutes semblables à celles que l’on va lire, pour Mlle Désirée de Pelleporc, qu’il avait rencontrée dans une institution de jeunes filles, dirigée par Mme de la Maisonneuve. Il avait soixante-trois ans lorsqu’il l’épousa, en brumaire an IX.

Il s’éteignit, le 21 janvier 1814, à Eragny-sur-Oise ; et, comme il avait sans doute converti sa femme à ses propres théories sur le mariage, elle épousa, en secondes noces, Aimé Martin[18], le secrétaire de son mari défunt. Celui-ci consacra toute sa vie à la publication et à la glorification des œuvres de son maître, à la défense aussi de sa mémoire, et il eut en cela fort à faire, car elle fut vivement attaquée, comme nous le verrons dans la conclusion de cette étude.


LETTRES ÉCRITES AVANT LE MARIAGE

L’ordre chronologique des lettres écrites avant le mariage, tel que l’a établi Aimé Martin, dans le troisième volume de la Correspondance de Bernardin de Saint-Pierre, ne nous paraît pas exact. C’est Félicité, qui, la première, dut écrire à Bernardin ; cela n’est point pour surprendre, car nous savons que ce dernier demanda à Mme Didot mère qu’elle laissât sa fille écrire à sa place. A la lettre de la jeune fille, — lettre que nous ne possédons pas, et qui doit être postérieure au 15 août 1792, — Bernardin répondit par une lettre qu’Aimé Martin a classée la troisième de la correspondance imprimée[19], et qui est, pour nous, la première de l’auteur de Paul et Virginie. Si nous la publions à nouveau, c’est que la seconde lettre de Félicité, inédite celle-là, y répond.


Lettre n° 1. — De Bernardin de Saint-Pierre, — écrite de Paris, sans date, mais probablement du 20 ou 21 août 1792, imprimée par Aimé Martin, avec le n° 3. Au bas de cette lettre, Félicité Didot a écrit : « Reçu le 22 août 1792. Jour heureux pour Félicité[20]. »


« vous me priez de mon plaisir, mon aimable Félicité. Je désire la campagne et d’y être avec vous. Mes devoirs me retiennent à Paris encore pour plusieurs jours ; ensuite, si les circonstances me le permettent, je satisferai mon inclination en vous allant voir.

« ne vous laissez point effrayer par la vue de l’avenir. « Quand les hommes, dit Epictète, sont au comble de bonheur, ils n’imaginent pas qu’ils en puissent descendre ; et quand ils vont dans l’abîme du malheur, ils ne voient pas comment ils en pourront sortir. Cependant l’un et l’autre arrive, et les dieux l’ont ordonné ainsi, afin que les hommes sachent qu’il y a des dieux. »

« que ces motifs tout-puissans de consolation vous servent à rassurer votre mère et vous même, et soyez sûre que le ciel récompensera tôt ou tard votre vertu.

« la lettre que vous venez de m’écrire est pleine de raison et de sensibilité. Fortifiez l’une et l’autre par la lecture des bons livres. Je m’estimerai heureux d’y contribuer personnellement. Dans des temps plus tranquilles, j’aurais cherché à faire de vous mon élève ; dans ces temps orageux, je désire faire de vous mon amie. Bannissez donc de vos lettres l’expression froide de monsieur[21]. Suppléez-la par toutes celles que vous trouverez dans votre cœur fait pour aimer et pour être aimé. Quoique des correspondances en tout genre m’obligent d’abréger mes réponses, la vôtre me servira de consolation. Plus elle sera étendue, plus elle m’intéressera. Mon âme, fatiguée de la corruption des sociétés, se reposera sur la vôtre, douce, pure, solitaire, aimante, comme un voyageur sur un gazon frais.

« les affaires publiques m’obligent d’abréger le plaisir que je prends à vous écrire. J’entends par affaires publiques celles qui regardent mon service, car je ne sais point de nouvelles. J’appris hier au jardin où je vous cherchais, que vous étiez partie pour Essonne. Mandez-moi le plus tôt que vous pourrez ce que vous pensez dans votre solitude. Avez-vous des livres ? Oh ! que la nature est un grand et sublime livre ! Occupez-vous dans vos promenades du soin de me chercher une chaumière au milieu des bois, dans une lande ; tout me sera bon : c’est là que mon cœur resserré s’épanouira. Adieu, mon aimable Félicité, votre ami vous embrasse. Je verrai ce soir votre maman. »


Lettre n° 2. — De Félicité Didot[22] — d’Essones — 24 août 1792, — c’est probablement la seconde lettre écrite à Bernardin par Félicité. — Elle est inédite, sauf deux courts fragmens publiés par M. Maury. (Nous avons mis entre crochets les passages déjà publiés). — En haut, écrits à l’encre, sans doute par Aimé Martin, ces mots : « lettre qui prouve qu’il ne l’a pas séduite. »


A Monsieur,

Monsieur de Saint-Pierre,
auteur des Études de la Nature,
Rue de la Reine Blanche,

A Paris.


« [Qu’elle Obligation ne vous aige point O. le plus indulgent des hommes, de ne point avoir dédaigné de répondre à ma lettre et de m’encourager avec tant de bonté à continuer. Il est impossible de vous peindre le plaisir que ma causée la vôtre dans les tems ou nous sommes, j’ai déjà bien versée des larmes de tristesse, et vous, m’en faitte répandre de joie], ce sera désormais une de mes grande consolation en lisant votre lettre je me trouverai moins à plaindre et au contraire fort heureuse...

« je suis pourtant ici beaucoup plus tranquille qu’à Paris la campagne est bien faitte pour inspirer le calme, la seulle chose qui me fâche est de n’y point voir maman car je suis persuadée qu’elle est toujours aussi prompte à s’affligée je desirois aussi y poseder une autre personne également chère a mon cœure ; mais j’attendrai du tems cette aimable société...

« je n’ai point d’autre livre présentement qu’un abrégé de l’histoire moderne par l’abbé de Condillac ; je n’ai pu encore en lire beaucoup ayant eu plus de monde que je n’aurois désiré, mais le peu que j’ai lue m’intéresse en voyant de tout tems des révolutions les unes fortes les autres moindres je prends du courage pour attendre la fin de la nôtre : ...

« ne pensé vous donc plus à votre petite isle en me chargent de vous chercher une chaumière puisque vous ête décidé à y mettre le prix ; j’espère bien que nous aurons le bonheure de vous y voir, pour moi c’est l’endroit que je vous souhaite le plus étant fort agréable et le plus voisin de chez nous...

« vous voyez que je ne tarde pas à profitter de la permission que vous me donné, et que, je ne suis pas non plus très laconique d’ailleur c’est une chose qui me parroit impossible en vous écrivant, (je dis toujours moins que je ne voudrai dire et ma plume est bien mauvaise interprette de mes sentimens ;] adieu mon ami puisque vous voulez l’expression de mon cœur, voila le nom qu’il vous avoit choisi et en vous le donnant il en connoissoit je vous jure tout le prix ; vous finisse par m’embrasser moi je voudrois le faire.

« Félicité. »

le 24 aoust l’792.


Nous devrions, à cette place, citer trois lettres de Bernardin, écrites pendant le mois d’août 1792 ; mais Aimé Martin les a publiées intégralement, ou à peu près, car, dans la première, il a supprimé cette phrase : « Vous serez mon amie le jour, ma femme la nuit et ma maîtresse en tout tems. » La seconde lettre est une réponse à Félicité[23], car elle débute ainsi : « vous vous exprimez, ma chère amie, avec beaucoup de délicatesse, lorsqu’en parlant de vos devoirs vous me dites que votre secret vous est inviolable parce qu’il est le mien... » Ce sont ces deux missives qu’Aimé Martin a imprimées en tête de sa publication ; il nous a semblé, avons-nous dit, qu’il était préférable de changer cet ordre et de les mettre à cette place-ci. Quant à la troisième lettre[24], elle est écrite par Bernardin, de Paris, datée du 31 août 1792, et adressée : « A Mademoiselle, Mademoiselle Félicité Didot, à la papeterie d’Essonnes. A Essonnes : » Aimé Martin l’a citée entièrement, sauf le premier alinéa : « vos lettres, félicité, sont aussi raisonnables que si votre Maman les avoit dictées, un peu d’impatience m’a fait écrire la dernière, mais je ne suis point offensé. »

Aimé Martin a fait suivre cette épître de deux lettres[25], écrites de Chantilly, par Bernardin, et datées d’avril 1793 ; nous ne les reproduirons pas à la même place, ayant à publier, avant elles, un grand nombre de lettres, inédites, antérieures à cette date, et estimant que, même parmi les missives imprimées, il y en a qui sont aussi antérieures au mois d’avril 1793.


Lettre n° 3. — De Bernardin de Saint-Pierre[26], — sans indication de lieu, ni de date, mais probablement de Paris et de septembre ou octobre 1792 ; — inédite, sauf un passage publié par M. Maury. — Bernardin dans cette lettre tutoie Félicité pour la première fois ; dans les lettres postérieures, il lui dira vous au début, et tu à la fin.


« il ne faut point veiller la nuit, mon amie. Les veilles échauffent le tein. vous m’écrives à une heure du matin dites vous, quoique votre lettre soit courte et charmante, je ne saurois vous aprouver. je préfère votre bonheur au mien, c’est par ce sentiment que je prends des arrangemens pour l’assurer, avant de pondre l’oiseau fait son nid.

« [Vous ne connoissés pas le monde, vous ignorés les peines qui vous y environneroient si vous étiés obligée d’y représenter dans un état au-dessus de votre fortune et de la mienne, je ne parle pas de celles que l’envie vous y susciteroit. croyez moi, il n’y a de bonheur que dans la solitude et aux champs, loin du trouble et de la corruption des villes, par exemple tout le monde y trouve tout simple qu’un homme âgé aye une jeune maîtresse et tout le monde le blameroit s’il épousoit une jeune femme, qu’importe, dires vous pour le bonheur l’opinion publique ? elle fait tout dans les affaires et les états ou on est en représentation, on ne lui échape que dans la solitude, je trouverois assez d’exemples de mariages disproportionés en âge dans des hommes très célèbres de l’antiquité.] Socrate plus vieux que moi épousa une jeune femme qui lui donna des enfans qui etoient en bas âge lorsqu’il mourut à 70 ans. il eut même 2 femmes à la fois, suivant la loi de son pays, mais il paroit qu’il neut pas lieu d’en être content. Sénèque déjà bien âgé épousa Pauline fort jeune et qui lui fut si attachée qu’elle voulut mourir avec lui lorsqu’il se fit ouvrir les veines par ordre de Néron, elle avoit déjà perdu une partie de son sang lorsque Néron donna ordre qu’on bandât ses playes. Seneque ne vécut heureux avec Pauline et ne lui inspira un si fort attachement qu’en vivant avec elle loin de Rome à la campagne, c’est ce qu’on peut voir dans ses lettres à Lucilius.

« au reste je m’occupe plus de notre bonheur futur que tu ne penses, si j’avois a la campagne un azile a moi, la chose seroit bientôt faitte. ton billet est charmant mais un peu court, je crois que tu ferois des ver si tu voulois. ta prose est légère et remplie des plus douces images, adieu mon enfant, tes leçons de morale même me plaisent, si je deviens fou tu me rendras sage, je t’embrasse de tout mon cœur, mon estime pour toi est égale à mon amour. »


Lettre n° 4. — De Bernardin de Saint-Pierre, — de Paris, sans date, mais de septembre ou octobre 1792 (rien ne prouve qu’elle soit postérieure à la lettre n° 3) ; — inédite, sauf deux passages publiés, l’un par M. Maury, l’autre par E. Meaume.


« ne parlons plus ma sensible amie de ce qui vous a fait de la peine, tenés vous pour assurée que personne ne vous honore et ne vous aime plus que moi. je m’occupe de votre bonheur, vous aimés la campagne, mais ne vous y ennuierés-vous point, quand vous y serés seule surtout dans les premiers tems ? quelles seront vos occupations ? faittes moi part de vos projets, je veux voir comment je les ferai cadrer avec les miens, pariés moi avec une entière confiance, vous avés raison, la dissimulation est un vice ; surtout à l’égard des personnes que l’on aime, celle que vous vous reprochés à l’égard de... prouve l’amour que vous avés pour vos devoirs mais c’est moi qui en suis la cause, je ne vous y exposerai plus, revenons à vos projets champêtres, ne pouriés vous pas y joindre l’étude de la botanique, vous avés de la mémoire et vous ne sauriés mieux la meubler qu’en la remplissant de fleurs et d’images agréables, vous êtes à portée d’étudier le système de Linn ? eus en arrangeant une des botaniques coloriées qui sont chez vous, c’est une douce occupation pour l’hyver et vous vous rendrés utile à votre Maman, je peux vous prêter les elemens de cette étude, par Jean-Jacques.

« un autre soin qui pouroit vous occuper est celui de réformer votre ortographe. [vos fautes ne sont pas nombreuses mais elles choquent d’autant plus que votre style est facile et plein de déli- catesse et de sentiment quand l’amour vous inspire[27].] par exemple vous écrives vous m’obligerai, au lieu de m’obligerez, veillez donc éloigné pour éloigner, ce sont de petittes taches, et vous n’en devés point montrer, votre esprit est susceptible de tout genre d’instruction, vous devés donc soigner un peu vos expressions, la parole est l’habit de la pensée ; la mauvaise ortographe est par raport à elle ce qu’une déchirure est à un habit, excepté un peu d’attention sur ce point, que la lecture vous donnera, ne suives pour modèle de votre style que la nature, soyés comme elle simple et sans fard, ne forcés rien, ne cherchés point vos idées dans votre esprit, mais dans votre cœur, pour bien s’exprimer il faut bien sentir, voilà mon enfant les conseils que te donne ton sincère ami. sois douce, c’est par la douceur que tu triompheras toujours, puissai je trouver en toi ce que j’ai cherché si longtems. sois ma colombe, je t’embrasse de tout mon cœur en te serrant dans mes bras, comme ton amant, puisque tu te dis ma meilleure amie et que tu ne penses être heureuse sans mon amitié, embrasse moi donc de toute ton ame. puissai je être un jour ta félicité comme tu es la mienne. »


Lettre n° 5. — De Félicité Didot, — datée du 30 septembre 1792, d’Essonnes;. — inédite, sauf deux courts passages reproduits par M. Maury.

D’Essonnes, le 30 7bre de même.


« Il mest impossible mon aimable Ami de laisser partir, seule une lettre si réservée et par conséquent si éloigné des sentimens que vous me faite éprouvé, jai déjà eu mille fois l’idée de vous écrire mais je nai pu l’Efectuer étant dans la société d’une chère Amie que je ne puis quitter quelque instant sans en donner la raison, aussi aige sézie avec empressement l’occasion qui se présentoit en répondent 9, la lettre de maman.

« Si jai passé les plus heureux momens de ma vie dans votre société mon Ami, je puis vous assurer qu’ils ont servis à me faire sentir plus vivement les peines de l’absence, et sans la véritable Amie qui est auprès de moi jaurois bien des fois détesté les jours passé ici depuis votre départ (malgré mon goût décidé pour la campagne) les endroits même embelis par l’idée que vouvous y plaisiez me paroissent triste et sauvages ne vous y trouvant plus, cette prérie si riante que vous avez souvent contemplez avec plaisir loin de ce que j’aime m’inspire le sentiment contraire ; les Roches même dont le souvenir vous paroit agréable on perdues pour moi leur plus grand ornement ; (peut-être me blâmerez vous de devenir insensible aux Beautés de la Nature, mais je ne saurois m’en vouloir de ne sentir et de ne vivre que par vous, (quoi qu’il en puisse résulter) cependant en passant par la prérie qui conduit aux roches je me rapelai avec plaisir de la gaite que vous temoignate en cet endroit m’Estiment heureuse si j ai pu y contribuer en quelque chose : ]

« Quelque fois mon ami je me reproche comme égarement les marques d’Amitiez que je vous donnois ici les trouvant bien opposées aux règles que je m’etois prescrites : mais bientôt éloignant cette idée que je regarde comme mauvaise oppinion pourquoi me dige me faire un Crime, de ce que je prodigue sans auqu’un scrupule à l’Amie qui est présentement avec moi. la diference de sexce peut elle en aître la raison quand au contraire elle parroit rendre Généralement moins indissoluble les liens qui unissent ensemble ; aussi le nom d’Ami ne me parait plus assez significatif pour vous : mais c’est envala que j’en chercherois un qui puisse entièrement exprimer ce que j’éprouve, d’après cela je vous assure que je me trouverois fort offencée si je croyois que vous puissiez doutter des sentimens que javance jai trop aimé pour cela ce qu’on appelle Sagesse et il ne me falloit pas moin que ce que vous m’inspirez pour me faire passer les bornes prescrites à notre sexce.

« Je trouve toujours mes lettres très éloignées de rendre la force de mes sentimens, et souvent [pour les rendres plus daccorts avec mon cœur, je voudrois en effacer, ces vous qui me paroissent incompatibles avec l’amitié que vous m’inspirez;] mais je voudrois pour cela, mentendre renouveler l’Assurance de l’Attachement que vous mavez témoigné, et être persuadé que la chose ne vous déplaira pas ; ce qu’il vous sera facile de me faire connoitre à Paris soit par écrit soit de vive voie, adieu mon bon ami, c’est toujours avec peine que je trace ce mot je desirois n’être jamais dans ce cas, ce serait pour moi le comble du bonheur, je vous embrasse de toute mon Ame, et malgré mes foibles remors voudrois je vous jure le faire réelment. Votre Amie,

« FÉLICITÉ. »


Ici devrait être placée une lettre de Bernardin[28] , sans date, mais probablement d’octobre 1792 ; nous ne la reproduisons pas, Aimé Martin en ayant publié la plus grande partie, et M. Maury le reste, c’est-à-dire la troisième page du manuscrit. Citons seulement cette phrase, omise par les deux éditeurs : « S’il y a quelque être, sur la terre qui partage ton cœur il n’est pas destiné pour le mien, tu as déjà aimé et tu étois libre alors, tu dois l’être maintenant » ; et ces mots qui expliqueront un passage d’une lettre postérieure : « pourquoi, par exemple, ne me dites vous rien de Thompson Je voudrais savoir quels sont les endroits de ce poëte de la nature qui vous ont fait le plus de plaisir[29]... »


Lettre n° 6. — De Bernardin de Saint-Pierre[30], — sans indication de lieu, ni de date ; mais probablement d’octobre 1792 ; — reproduite en grande partie, mais avec quelques inexactitudes, par M. Maury.


« je vous dois la vérité, comme votre meilleur ami. hier, à la promenade une multitude de groupes se retournaient derrière vous pour se moquer de votre cœffure. je ne scais si cétait de sa couleur tranchante ou de sa forme de chiffon mais tant y a quils s’en moquoient. Mme votre père en fut plusieurs fois témoin et me dit qu’il vous en préviendroit. jugés donc de l’effet que ce soir produit votre chaussure en brodequins rouges, avec votre mouchoir a rayes jaunes sur vos cheveux bruns et sans poudre.

« mon aimable amie, il est dangereux dans ce tems cy de se faire remarquer par des ajustemens extraordinaires.

« je vous dirai plus c’est qu’ils ne conviennent en aucun tems a une jeune fille qui semble vouloir attirer sur elle les yeux du public, à qui chercheriés vous à plaire maintenant ? à vous seul, me dires vous, eh bien je vous dirai avec sincérité que les couleurs dures et tranchées ne vous vont point, pour moi je naime que les couleurs douces et les formes simples, en toutes choses je fuis l’éclat, la nature n’employé que des contrastes doux pour produire l’harmonie ; quand elle en assemble de durs elle engendre la discorde, par exemple la couleur naturelle de vos cheveux va à merveille avec votre tein, mais si vous oposés à leur teinte brune une couleur jaune, et à leurs boucles ondoyantes un chiffon aplati, il y aura dissonance, voilà pour l’effet phisique, quant à l’effet moral, une telle parure annonce le désir d’attirer les regards ; vous navés plus besoin que de fixer ceux de votre ami. vous en êtes assurée si vos ajustemens sont d’accord avec les qualités de votre ame, douces, aimant la retraitte, le soin de votre maison et le bonheur de votre ami. sois bien sûr ma félicité, que ma plus chère occupation sera de faire le tien, tu dois en juger par ma franchise, elle est la preuve de mon estime pour toi. »


Lettre n° 7. — De Bernardin de Saint-Pierre[31], — sans indication de date, mais d’octobre 1792, de Paris ; — inédite, sauf un passage cité par M. Maury et deux par E. Meaume.


« votre dernière lettre m’avoit fait de la peine parce que la mienne sembloit ne vous avoir pas fait de plaisir, il me sembloit y démêler un peu de gronderie. je suis touché du désir que vous me témoignés si tendrement de vous conformer toujours à mes gousts. puissais-je moi même remplir tous les vôtres. l’amour, mon enfant te rend plus jolie, il y a dans toutte ta personne un air de contentement bien plus intéressant que tous les éclats de la joye. si je désire quelque chose c’est que tu ne change point, [crains de devenir trop grasse, trop d’embonpoint sied mal aux jeunes personnes ; il gâte la taille, c’est un obstacle même à la maternité[32].] reste au point ou tu est et tu en viendras aisément à bout en mangeant un peu moins, sur tout des alimens qui engraissent.

« [ce que je désire encore c’est qu’en redoublant de confiance pour moi qui dois être ton époux tu diminue un peu avec les autres de cette familiarité que le cousinage, l’enfance, le voisinage rendent sans conséquence pour une ame indifférente mais qui ne le sont pas pour celle qui aime, qu’on sente en te voyant que ton cœur est engagé par des liens que tu chéris, que ce doux mistere répande un tendre interest sur ta phisionomie, qu’il éloigne de toi les jeux trop folâtres ; que ta démarche, et ton maintien annonce, ma vierge bien aimée, ma future épouse, et la mère de famille, hier au soir tu etois charmante, tu pensois peut être au plaisir que me feroit ton billet, adieu, mon bouton de rose,] songe à venir dimanche avec nous et ta maman à Essonnes nous prendrons une voiture à 4. il faut que tu dise ton avis sur lile, et que je te voye encore danser sur l’herbe, au reste, de la discrétion sur nos engagemens futurs ; qu’il n’y ait que moi qui pendre dans ton ame, je te donne, a ton choix, le plus tendre des baisers.

« [j’ai à peine un moment pour técrire. ton jugement sur thompson m’a fait plaisir[33]. »]


Lettre no 8. — De Bernardin de Saint-Pierre[34], — sans indication de lieu, ni de date, mais probablement de Paris et de la fin d’octobre 1792 ; — inédite.


A la Citoyenne félicité didot

quay des augustins

a paris.

« je profite, mon aimable amie, d’un moment de loisir pour vous prévenir de mon arrivée a paris quoique vous me taxiés d’indiférence je nai pas été un moment sans moccuper de vous, les soins nécessaires à la disposition d’un azile que vous devés partager, me font naitre une multitude d’idées agréables dont l’exécution ne laisse pas d’être laborieuse sur une terre toute nue, dans une saison ou il n’y a pas un instant à perdre pour les plantations et avec des ouvriers peu nombreux et qui ne sont pas échauffés par mes sentimens. cependant à force d’aller et venir, de faire et de refaire, votre hermitage commence à prendre une forme intéressante, je vous en dirai davantage demain à l’heure du dîner, car je comte donner ce soir et demain matin aux affaires afin de pouvoir jouir l’après midi de quelques heures de plaisir auprès de vous, je suis obligé en ce moment de quitter la plume, a demain tendre amie, je vous embrasse de tout mon cœur. »


Lettre no 9. — De Bernardin de Saint Pierre[35], — sans indication de lieu, ni de date, mais probablement de Paris et de novembre 1792 ; — inédite.


« j’allois vous écrire, ma tendre amie, lorsque Rousseau mest venu aporter votre lettre, elle mauroit fait plus de plaisir par la poste, l’envoy d’un commissionaire donne trop de publicité à notre correspondance, j’ai cependant parfaitement bien senti que cétoit l’inquiétude ou vous étiés de ma santé qui vous avoit décidée à cette démarche, j’en suis donc très touché, j’ai en effet, du Rhume, ce qui ma décidé a garder hier la chambre et à suivre le conseil que je vous avois donné pour vous même, cependant j’irai diner aujourd’hui chez le ministre de l’intérieur, j’en ai reçu linvitation hier à 9 heures du soir, j’ai à lui parler de plusieurs affaires et aussi de mes plaisirs c’est à dire des moyens de me procurer quelques bonnes espèces d’arbres à fruit de la pépinière nationale pour File de la félicité, car cést le nom que je désire qu’elle porte, il n’y a pas un moment à perdre, cette perspective de bonheur dont vous êtes le centre me dédomage des tracasseries inséparables aujourdhui des fonctions publiques ; quand je suis mécontent des hommes, je menfonce en esprit dans les verges et les bocages, il est tems de rendre mon azile digne de vous en y reunissant tous les arbres fruitiers et touttes les fleurs que le climat et le sol peuvent produire. j’attens avec impatience le plan de Mr Moreau pour les y apporté. d’un autre côté les affaires du jardin[36] me donnent de l’occupation, dimanche je dine avec les administrateurs des travaux publics qui doivent maider dans laffaire de la Ménagerie[37]. enfin mon déménagement ajoute à mes embaras, car je désire coucher après demain, à l’intendance[38]. vous jugés bien que tous ces objets me distraient de mes plaisirs.

« rien n’est plus propre à men dedomager, mon enfant, que le plaisir de recevoir de tes nouvelles, ton ame est faitte pour la mienne puis quelle est capable de bien aimer, ce soir je calmerai tes agitations en l’embrassant de tout mon cœur, toute occupée de ma santé tu ne me parle point de la tienne, conserve la, en suivant un bon régime, la diette et la chaleur guérissent promtement le Rhume, cependant je crois que le mien sera de quelque durée, ainsi que tous ceux que j’ai eus : mais par cela même, il n’est point dangereux, le Rhume est pour moi une purgation, et j’ai remarqué qu’il me délivre toujours des maux de nerfs, calme donc tes inquiétudes, ta lettre pleine de delicatesse renferme des sentimens de crainte et de reserve qui me font de la peine, sois contente du présent et espère mieux de l’avenir, je t’embrasse, mon enfant, avec touttes les affections que tu merittes et que tu minspires. »


Lettre no 10. — De Bernardin de Saint-Pierre[39], — sans date, mais de novembre 1792, de Paris ; — inédite.


« je quitte un mémoire important pour répondre sur le champ à votre aimable lettre, elle m’a fait plaisir je croyois que vous m’aviés oublié et que vous ne pensiés à moi que quand vous me voiyés. je croiois même que vous aviés quelque autre affection, et il me sembloit que cette opinion nètoit pas sans fondement ; je me rapellois des marques de familiarité que la parenté ou des amitiés anciennes peuvent rendre indifférentes mais que je trouvois signifiantes dans la disposition desprit ou jètois. il me sembloit enfin que je devois avoir recours à la philosophie, lorsque votre amour est venu rallumer le mien, jai reçu aujourdhui mardi à onze heures du matin votre charmante lettre que vous déviés me remettre dimanche, et que vous mavés envoyée lundi, elle a dissipé ma mélancolie, j’ai pensé que puisque je vous occupois dans vos rêves, vous pensiés aussi a moi étant éveillée, puissai je réaliser le bonheur dont vous vous formés de si douces images ! mon plus doux plaisir est d’y penser, j’ai écrit à Mr Moreau sur le plan de lile une lettre fort détaillée, j’aurois été le voir si mon Rhume opiniâtre navoit pas redoublé, jai beaucoup toussé hier toute la journée, aujourdhui je me trouve mieux, je ne sors point et je prends de la tisanne, afin de mûrir mon Rhume, j’expectore et je respire plus librement, vos lettres hâteront ma guerison. donnés moi un détail de votre rêve a l’occasion de mon ile, il s’y trouvera de bonnes idées à réaliser, je vous exhorte seulement à corriger votre ortographe. vous m’écrives, je vous prie, en grasse, c’est en grâce telle qu’il vous convient d’être.

« adieu ma chère amie, je repondrai plus au long à la prochaine, je vous embrasse de tout mon cœur.

« mille amitiés a vos chers parens. »


Lettre n° 11. — De Bernardin de Saint Pierre[40], — sans indication de lieu, ni de date, mais de Paris, et de novembre 1792. — Elle est adressée à Essonnes, Félicité y étant allée pour quelques jours ; — inédite.


A la Citoyenne félicité didot

a la papeterie

à Essonnes.


« je suis très touché des malheurs de ce bon et infortuné Neuilly[41]. si quelque considération pouvoit tempérer votre douleur, c’est le succès de mes affaires. elles se desnouent insensiblement, de la manière la plus agréable ; je viens d’obtenir une indemnité de 2 mille livres, independament de celle qui est en réquisition, mais votre véritable consolation est dans lexercice même de la vertu d’où émanent toutes les autres je veux dire la charité, après en avoir fait un aprentissage auprès de moi vous en continués les fonctions auprès d’un frère, ou plustot il y avoit longtems que vous y étiés exercée, par touttes les sollicitudes obligeantes qu’excite en vous les soufrances d’autrui ; cultivés cette pretieuse sensibilité : elle fera votre bonheur, je n’ai pas besoin de vous dire quelle fera le mien, ma santé se soutient ; cependant jai encore de petits mouvemens fébriles, si vous êtes encore a Essonnes a la fin de la semaine prochaine, jirai vous voir avec le Cit. Moreau, qui va donner a mes ouvrier de quoi s’occuper une partie de l’hyver, tant pour achever lintérieur de la maison que pour faire un jardin d’agrément devant sa façade du midy. ma santé se renforce chaque jour, et a cette époque nous pourions vous ramener à paris, pour conclure mon bonheur.

« en attendant j’ai terminé mes affaires avec les professeurs du Muséum, je ne suis plus occupé que du soin de déménager ; le voiturier du Cit. Avard qui ma remis votre lettre ma manqué de parole, car il n’est point revenu prendre mes effets, je suis bien embarassé de ce transport, mais auparavant il faut que je voye si tout est dispose chez moi pour les recevoir.

« vous mettes beaucoup trop d’importance à mon nom. pour moi c’est vous que je veux épouser, adieu mon amie rien ne manque aux sentimens damour et destime que je vous porte. »


Lettre n° 12. — De Bernardin de Saint-Pierre[42], — timbrée de Paris ; sans date ; mais de novembre 1792 ; — inédite, sauf un court passage reproduit par E. Meaume.


A Mademoiselle

Mademoiselle félicite didot
chez Mr didot le jeune imprimeur libraire
quay des augustins

à Paris.


« javais du monde, hier, quand votre commissionaire est venu, je nai pu vous témoigner sur le champ tout l’interest que je prends à votre santé, vous avés pris votre rhume chez moi. vous avés part à ma mauvaise fortune, ainsi que vous laurés à la bonne, s’il plait a dieu, mon amie, tout l’espoir de mon bonheur est à la campagne, vous vous figurés ma maison avec des colonnes, vous vous êtes trompée, des colonnes ne conviennent point à une retraite champêtre, à une chaumière, laissons faires Mr Moreau. je lui écris ce matin a l’occasion d’une idée d’utilité, je sais qu’il travaille au rèz de chaussée et au 1er, je voudrois y faire un poêle à la Russe.

« nayés point d’inquiétude sur la lettre que vous avés laissée sur la cheminée, je ly ai trouvée, [vous avés de tems en tems un petit air grondeur qui ne convient point à mon enfant, vous me dites d’un ton fâché, que si je le désire, vous rendriés les visittes d’un de vos anciens amis plus rares, ce n’est point a moi a le décider, je ferois une injustice, c’est vous seule qui pouvés connoitre le degré et la nature de l’affection qu’il a pour vous.]

« quoiqu’il en soit vous ne devés point vous dire incapable de philosophie, car tous les évènemens de la vie nous l’aprennent et nous y obligent, votre rhume même doit vous en donner une leçon et si vous men croyés, vous garderés non seulement la chambre mais même le lit. dedomagés vous en, si ce n’est par la raison, au moins par des rêves agréables, les vôtres me plaisent au moins autant que vos conseils, le goûst que j’ai pour la solitude, la connaissance que j’ai des hommes, les délices que jéprouve à la vue des ouvrages de la nature, les agrémens du scite que jai choisi, le bonheur que my promet votre affection vive, pleine et sans partage tout me fait aspirer au tems ou je pourrai y faire de fréquentes retraittes pour me dedomager des peines et des embarras attachés à ma place sur tout dans les tems orageux ou nous sommes, j’espère être en état d’aller à Essonnes au commencement de la semaine prochaine pour y tracer le plan de la maison[43] et du jardin, d’ici à ce tems ménagés bien votre rhume afin d’être du voyage, je vous en conjure par tout le pouvoir que jai sur vous, ne sortes pas de votre chambre et même de votre lit, si vous avés des accès de fièvre, adieu mon enfant je tembrasse comme tu le meritte, de tout mon cœur.

« ce jeudi a dix heures du matin. »


Lettre n° 13. — De Bernardin de Saint-Pierre[44], — sans indication de lieu, ni de date, mais de Paris, et de novembre 1792 ; — inédite, sauf deux courts fragmens publiés par M. Maury.


« aimable enfant, votre lettre me prouve, ce que je savois déjà, que vous êtes également digne de mon amour et de mon estime, il n’y a qu’un seul moyen de mettre d’accord ces deux sentimens qui se combattent dans votre cœur, c’est que vous soyés bientôt ma femme, au lieu de linquiétude et des remords que vous craignes vous éprouverés ce que la reconnaissance, et le calme de l’âme ont de plus doux, le mariage seul allie lestime de soi même avec les plaisirs de lamour.

« [je moccupe du soin d’accélérer le moment qui doit m’unir a toi. le plus grand obstacle est la publicité que je voudrois éviter par plusieurs considérations importantes, si tu habitois la campagne a présent, il me semble qu’il seroit facile de se faire inscrire sans bruit à la municipalité d’Essonnes.] nous raisonnerons de tout cela quand nous y serons.

« [en attendant recommande notre future union à celui qui est la source de toute félicité.] aimable enfant, confie lui tes peines et tes plaisirs, endors toi dans son sein paternel, aucune insomnie ne viendra te troubler.

« ne veille point ma tendre amie ; le sommeil est nécessaire à ta santé, c’est lui qui calme le sang et rafraîchit le tein des bergères, pour aucune raison, ni pour aucun plaisir ne passe point les nuits à veiller, je vais te chercher un livre de voyage que je te donnerai ce soir, mais c’est à condition que tu ne liras pas au milieu de la nuit.

« endors toi dans le souvenir doux et paisible de notre amour mêlé d’estime, de confiance, de protection, si j’ai allumé en toi quelque flame trop active, ne t’y livre point jusqua ce que je puisse l’éteindre, c’est en moi qu’est le remède à ton mal. mon portrait n’y peut rien, repose-toi, en imagination à l’ombre des berceaux que je vais planter pour toi, sur le bord de ces eaux limpides qui entourent notre future habitation et que tu dois embellir de ta présence, c’est là que tu dois goûter un bonheur digne de toi si le ciel est favorable à mes vœux. »


Lettre no 14. — De Bernardin de Saint-Pierre, — sans indication de lieu, ni de date, mais de Paris et de novembre 1792 ; — imprimée par Aimé Martin[45], sauf le commencement et la fin, et avec des inexactitudes (il a mis : vous partout où il y avait : tu).


« je nai pu venir hier, mon enfant mais je nen ai pas moins pensé à toi. je désire ardement que ma chaumière s’achève afin que tu y fasses mon bonheur, employé tout ce que tes grâces et ta douceur te donnent de crédit pour en accélérer le travail, il faut que ton frère[46] y mette toute son activité.

« [on ne peut être heureuse, mon amie, quau sein de la nature, plus tu vivras plus tu seras persuadé de cette vérité, nous vivons dans un tems malheureux, je ne veux pas troubler ta raison par la perspective de l’avenir, mais quest-ce qui te manquera a la campagne pour y passer des jours agréables ? tu seras dans le voisinage de tes parens. tu habiteras une demeure charmante par sa situation, tu pourras t’y occuper tantost de la lecture, tantost des soins si doux d’une jeune mère de famille, je ne te parle pas de moi, mais je mettrai mon bonheur à faire le tien, lorsque mes affaires me forceront d’être à paris je t’écrirai fréquement. tu seras la recompense de mes travaux ; je viendrai oublier dans ton sein, les troubles de la ville, en attendant que je puisse t’avoir habituellement auprès de moi comme ma compagne, j’irai passer des semaines, des mois entiers avec toi. voici mon plan de vie. je me lèverai le matin avec le soleil, jirai dans ma bibliothèque m’occuper de quelque étude intéressante, j’ai une multitude de matériaux à mettre en ordre, a 10 heures un déjeuner que tu auras préparé toi même nous reunira, après déjeuner je retournerai à mon travail, tu pouras m’accompagner avec le tien, si les soins du ménage ne tapellent pas ailleurs, je supose que tu ten seras occupée le matin, a trois heures un dîner de poisson, de légumes, de volaille, de laitages, d’œufs, de fruits, produits par notre ile nous retiendrons une bonne heure à table, a 4 heures jusqu’à cinq du repos, un peu de musique, a cinq lorsque la chaleur sera passée, la pêche ou la promenade dans notre île jusqu’à 6. a six, nous irons voir tes parens et promener dans le voisinage, n’neuf heures, un souper frugal,] ensuitte le lit nous réunira

« à propos mon enfant, dis moi donc quel étoit ton dernier rêve ? ne taige pas deviné ! dis-moi la vérité, je t’embrasse de tout mon cœur.

« songe que notre chaumière doit être lépoque de notre félicité, hâte donc les travailleurs et leurs surveillans, que Dieu répande sur toi toutes ses faveurs. »

Il existe une lettre de Bernardin, sans indication de lien, ni de date, qui devrait être imprimée à cette place ; mais nous ne la reproduirons pas, Aimé Martin l’ayant publiée entièrement. Cette lettre, envoyée d’Essonnes, en janvier 1793, est citée, dans la Correspondance imprimée[47], la dernière des lettres écrites avant le mariage : Aimé Martin n’a donc pas eu connaissance des missives envoyées postérieurement.


Lettre no 15. — De Bernardin de Saint-Pierre[48], — sans indication de lieu, ni de date, mais d’Essonnes et de février ou mars 1793 ; — cette lettre fait supposer que Félicité était à Paris ; — inédite.


« ta lettre mest arrivée lundi matin au moment où l’on maportait du lait pour mon déjeuner, elle a mis du lait dans mes veines ; tu est pour moi la Coupe de la félicité.

« jai passé ici des jours assés tristes, à mon arrivée dans mon ile, ton frère y est arrivé[49]. il m’a salué et je lui ai rendu mon salut ; il s’est ensuitte aproché de moi et il a adressé la parole à cadet avec lequel jétois. il lui a parlé d’échelle, et jugeant qu’il ne s’étoit aproché que pour lui parler d’ouvrages je me suis éloigné, a quelques pas de là. ton frère bientôt après a quitté cadet et sen est allé, peut-être attendoit il que je lui adressât la parole, mais je me suis rapellé qu’il navoit pas répondu à ma lettre, et cette réflexion ma empêché de hazarder une seconde démarche, ou peut-être de répondre à la sienne, car jai ignoré son intention, quoi qu’il en soit je ne l’ai pas revu, car je me suis abstenu daller à la papeterie où je n’ai été qu’une fois pour affaires.

« au reste jai employé presque tout mon tems à régler mes travaux et mes ouvriers qui me coûtent beaucoup et qui avancent peu. chaque fois que je viens ici il faut augmenter les prix ou des matériaux ou de ceux qui les emploient, jai cependant fait plusieurs économies, et préparé mes provisions de bois de menuiserie, je suis assés content de mon voyage, quand aux affaires, et fort peu quand a mes plaisirs quoique très fêté ches le Cit. Goubert et ses voisins qui mont donné l’hospitalité, mais celui de tous qui maurait le plus intéressé s’est éloigné de moi et moi de lui, par sa mauvaise honte ou par la mienne.

« jattends de toi de nouveaux dèdomagemens. je suis aussi empressé que toi, et si je diffère c’est par la crainte de mettre trop de publicité, trouve moi des expédiens et malgré la position des affaires publiques qui ajoutent encore à mon embarras, je ne moccuperai que de ton bonheur et du mien.

« je t’embrasse mon aimable enfant, en attendant le plaisir de te remetti’e moi même la présente, tranquilise ton esprit pour recouvrer ta santé. »


Lettre n° 16. — De Bernardin de Saint-Pierre[50], — sans date ; probablement de mars 1793 ; — inédite.


A la Citoyenne félicité didot
a Paris.


« il mauroit été possible daller voir ce soir ma félicité mais non le théâtre, de la Rue feydeau. ce sera donc partie remise, a demain au soir en revenant du gros caillou.

« je prie ma félicité ’ de remettre à son papa les papies cy joints en le priant de me faire faire réponse demain au soir, ainsi que par raport aux mémoires du menuisier et du serrurier d’Essonnes qu’il voudra bien laisser entre les mains de ma félicité que jembrasse de tout mon cœur.

« mille amitiés à toute la famille. »


Bernardin, au mois d’avril 1793, partit pour Chantilly, avec des membres de la Convention, des savans et des artistes, pour faire l’inventaire de tous les chefs-d’œuvre et de tous les objets rares qui se trouvaient dans le château et qui pouvaient être apportés à Paris. C’est ainsi que l’on transporta au Jardin des Plantes beaucoup de pièces d’histoire naturelle qui étaient à Chantilly. Durant sa mission, Bernardin écrivit souvent à Félicité ; deux de ses lettres ont été publiées par Aimé Martin, qui les a placées après une lettre datée du 31 août 1792 ; nous avons dit[51]

que, suivant un ordre chronologique qui nous paraissait plus juste, il fallait 

reproduire avant elles des lettres qui, selon nous, leur étaient antérieures. Nous ne citerons pas ces deux missives, puisqu’elles figurent dans la Correspondance imprimée[52]. Elles sont adressées toutes les deux : « à la Citoyenne félicité Didot, chés le Citoyen didot le jeune imprimeur, quay des Augustins, à Paris ; » la première est ainsi datée : « ce 2 de ton mois — au lever de l’aurore » (c’était le mois d’Avril) et porte en marge le mot bon, écrit sans doute par Martin ; la seconde, datée du samedi 4 avril 1793, l’an 2 de la république, débute en ces termes : « voici, ma tendre amie, la troisième lettre que je vous adresse depuis mon arrivée à Chantilly. » Il nous manque donc une lettre envoyée entre le 2 (jour de l’arrivée de Bernardin) et le 4 avril ; ce qui ferait supposer que Félicité recevait une missive chaque jour. La lettre du 4 se termine par ce passage, supprimé à l’impression : « mais n’insistons pas ; je suis toujours disposé à croire que l’objet que j’aime a plus de raison que moi et vous men avés tant montré dans des momens où je nen avois plus que jétois fâché de vous en voir un peu trop... » Les autres lettres écrites de Chantilly par Bernardin n’ont pas été publiées.


Lettre n° 17. — De Félicité Didot[53], — de Paris, le 7 avril 1793 ; — elle est adressée au citoyen St-Pierre à Essonnes ; Félicité devait pourtant savoir qu’il était à Chantilly, aussi Bernardin se plaint-il de ne pas recevoir de réponse ; — inédite.


Au Citoyen

St-Pierre

A Essonnes.


Ce 7 avril 1793.

« Vous restez bien long-tems à la Campagne, mon Ami je ne sais si vous avez reçu une lettre ou je vous marquoit Combien votre Absence me rendoit chagrinne, et dont je mettois flatée d’un mot de réponse pour me dédomager, mais je ne le voies que trop le bonheur d’être à la Campagne vous fait oublier vos amis. O ! vous qui souvent sans un sujet fondé me taxée D’indiférence, pouvez vous me donner une si forte raison d’être assurée de la votre, car je mets en faite que vous n’ayez pas reçu ma lettre, si vous m’aimiez autant que vous le dit, vous m’eussiez sans doutte forcée à rompre un silence qui aurroit eu lieu de vous étonner, ce n’est sûrement pas le tems qui vous a empêchés de le faire et quand même un véritable Amour sait vaincre de plus grands obstacles ; enfin de quelque manière que je puisse penser je voie toujours les preuves les plus convainquantes de votre indiference, ce qui me cause des peinnes que, vous ne savez sentir, mais encore ne sauroit elle m’empecher Dadorer Celui que j’aime plus que ma vie.

« Fté DIDOT. »


Lettre no 18. — De Bernardin de Saint-Pierre[54], — de Chantilly, 5 mai 1793 ; — inédite.


A la Citoyenne félicité didot

chès le Citoyen Didot le jeune
imprimeur quay des Augustins

à Paris.


« je nai point encore reçu de vos nouvelles, mon aimable amie, jen attens ce soir, et vous recevrès aujourdhui la lettre que je vous écrivis hier, ce matin loiseau de laurore m’a reveillé un peu plus tard qua lordinaire. pendant que mes compagnons dorment encore je fais mon bonheur de vivre dans votre souvenir en vous traçant quelques lignes à la hâte.

« il fait ici un tems fort rude, hier il tomba une grosse grêle qui j’espère naura point fait de mal. notre besogne est en train et quoique je ne puisse pas encore dire quand elle finira je crois quelle ne sera pas d’aussi longue durée que je le craignois : elle donnera le tems au mois de may détendre sur la campagne son doux empire et de revêtir de feuillages les ormes qui doivent vous ombrager jusquà Essonnes. vous aurès aussi celui dachever votre inventaire à paris. il y a ici une vente immense de meubles de toute espèce[55], et il n’y a presque point de marchands, on y donne de très belles choses à fort bon marché, ce sont des fripiers de paris qui en profitent, nos commissaires nos collègues ont arrêté la vente des marbres, tableaux et porcelaines qui se donnoient pour rien, ce seroit bien un motif pour des mères de famille de venir acheter ici du linge et des lits mais la votre auroit sans doute encore de plus justes raisons de faire le voyage de Chantilly, sans ses propres affaires et la rude saison, puissai je vous voir arriver l’une et lautre bientost.

« tendre amie, on n’est heureux qu’en aimant, on n’est heureux plein pénétrer le votre : puissiés vous me les exprimer dans vos lettres avec les expressions de lamour, elles banniront les ennuis et les sollicitudes qui naissent toujours du commerce des hommes, fille de laurore je tembrasse de tout mon cœur, songe que tu est la plus chère moitié de ma vie.

« a chantilly ce 5 may.

« mille amitiés à ta famille et mon amour pour toi seule. »


Lettre no 19. — De Bernardin de Saint-Pierre[56], — de Chantilly, 8 mai 1793 ; — c’est cette lettre qui a été lue par Mme Didot, la mère de Félicité ; — inédite.


« Mon aimable amie, ne m’écrives plus à Chantilly, je comte en partir demain pour paris et si je ne trouve pas de place ce sera pour Samedy. plusieurs affaires me rapellent a Paris mais il est tems surtout que jaille à Essonnes. le jardinier Baudet me mande que les terrassiers vont se trouver sans travail parceque dit il on ne peut avoir ni bateau ni voiture depuis que je suis fâché avec Mr didot, vous voyès que la discorde règne dans les campagnes même, bannissons la des familles s’il est possible, vous que je tache de raprocher de moi par la plus intime des unions, c’est une œuvre digne de vous de me concilier la bienveillance de tous vos parens et de dissiper les nuages qui peuvent s’être interposés entre leur amitié et la mienne.

« votre lettre en réponse aux miennes m’a l’ait le plus sensible plaisir, je suis fâché cependant de ces insomnies qui vous brûlent le sang, ce n’est pas de ma faute, au reste lamour ressemble au feu ; il rechauffe si on sen tient a peu de distance, il consume si on sen aproche de trop près, tenons nous en assès loin pour ne ressentir que sa douce chaleur, jusqua ce que nos flammes puissent se confondre, amie très aimée, je suis fâché de ces ressouvenirs qui altèrent de tems en tems la confiance que vous m’avès promise et que je meritte. personne ne vous chérit et ne vous estime plus que moi. vous êtes la plus chère portion de mon bonheur et je ne connois aucune personne de votre sexe qui me convienne plus de tout point, puissiés vous en dire autant de moi. pourquoi donc a tu des repentirs ? si quelques faveurs superficielles sont des fautes elles doivent sans doute être sur mon comte, puisque je les ai en quelque sorte arrachées, mais songe que lamour justifie tout et pardonne tout, si tu maime donc ne fais plus de reproches à ton amant, regarde moi comme ton futur époux et travaille de ton coté a aplanir toutes les difficultés qui peuvent retarder notre union.

« il seroit sans doute facile de trouver dans un château de quoi meubler notre chaumière, mais on men offriroit tout le mobilier en présent que je nen accepterois rien, a cause de la mission dont je suis chargé, vous penserés comme moi vous qui sentes si bien.

«[57] je comtois partir demain avec le Citoyen Moreau et un de mes collègues, mais comme il en reste deux autres jai cru pour le bon exemple devoir rester le dernier, quoique ma mission soit apeuprès finie, je ne partirai donc que samedi a huit heures du matin par la messagerie et si vous sentes tout le prix que j’attache aux expressions de votre amour je recevrai encore une réponse a la présente avant mon départ.

« ce mercredi 8 may 1793 lan 2 de la république.

« je ne loge point au signe de la croix, mais au Cigne oiseau dont le plumage est aussi blanc que votre ame.

« ma lettre partant a minuit de chantilly doit vous être rendue jeudi après midi, en me repondant avant le lendemain onze heures, je recevrai la votre vendredy au soir.

« je vous embrasse de tout mon cœur. Je ferai tout mon possible pour aller vous demander a diner dimanche. »


Lettre no 20. — De Félicité Didot[58], — sans indication de lieu, ni de date, mais postérieure au 8 mai 1793, puisqu’il y est fait allusion à la lettre du 8 mai qui parle de « faveurs superficielles » et qui a été lue par Mme Didot ; — inédite.


« Je m’en étois bien douttée trop sensible Amant que la dernière page de ma lettre te causeroit du chagrin, aussi à peinne fut elle partie que jen ressentis moi même des Exprextions quelle contenoit, mais puisque trop de vivacité a servie à te faire connoitre, à quelle douleure mon Ame seroit emproie si tu prenois encore des douttes pour un si petit suget. quelle serve aussi à taprendre que lorsqu’on aime bien, les douttes sont des offences mortelles, je ne veux pas pour cela que tu me cache tes peinnes. tu ne saurois me regarder comme une autre partie de toi même et en user ainsi avec moi : toi ! qui posede entièrement mon âme, je veux avoir part entière dans la tienne, seroige aimé si je n’avois pas toute la Confiance de mon amant : tache seulement lorsque tu auras à te plaindre de moi de te persuader que ce n’est pas par défaut d’amour que j’ai manqué, et alors je ne ressentirai de peinne que celle que je taurrai causé ;

« il est midi et la douce Espérance de te voir dans deux heures, répand dans moie un contentement secret que je ne saurois peindre ; ce n’est point une joie bruyante, mais une joie pure et aussi attrayante que la Mélancolie, que ton absence y portoit avant que tes douttes m’eussent affligée, le plaisir de te revoir, de t’embrasser, de te presser sur mon cœur. Mais ?… je doutte que je puisse goutter ce doux plaisir, étant très persuadée que Maman à décachetée une de tes lettres et precissément celle ou tu parle de faveurs arrachées, j’ai même remarqué en elle depuis ce tems un peu d’humeur, et je pense bien, d’après cela qu’elle va nous quitter moins que jamais :

« il n’est qu’un moyen dechaper à cette gêne c’est de finir le plus promptement possible.

« jai parlé a St Léger sur ce qui te fais de la peine, sont défaut n’est pas de ce perde en réponse d’amitié, mais je crois cependant qu’il y aura Egar. adieu cher Epoux je tembrasse comme je le ferai allors, en attendant que je tembrasse encore ; bientôt comme Amante.

« félicité. »


Lettre no 21. — De Félicité Didot[59], — sans indication de lieu, ni de date, mais probablement postérieure à mai 1793 ; — inédite.


Au Citoyen

St-Pierre auteur des
Études de la nature à

l’intendance du jardin des Plantes.


« es-tu malade mon Ami, pour quoi a tu précisément manqué de venir le jour que ton Épouse future avoit le plus besoin de toi. jai passé la plus malheureuse journé qu’il soit possible, jen suis encore toute troublé appeine saige ce que jécris,..

« jai vue aujourd’hui ce qui peut marriver de plus malheureux après la perte de ton amitié que je mets au dessu de tout, jai vue la dissention parmi mes frères moi qui mettois toute ma jeoi à les voir bien ensemble ; mon père hors de lui de voir une pareille seine, et maman par le même sujet dans l’état le plus pitoyable ou les ataques de nerf l’est jamais mise, moi seule, hélas avoit conservé assé de sang froid pour sentir toute l’horeur dunne pareille seine, certainement en pareil cas un long évanouissement m’eut été plus heureux. Bon dieu mon ami que l’homme est éfroyable et méprisable dans les excès d’emportemens et combien peu alors nos larmes et nos prières sont écoutées. »

« je te revel la des choses dont je ne devrois pas t’importuner et que je devrois même caché pour lhonneur de mes frères mais tu es tout pour moi, après Dieu tu es toute ma consolation ; tu es plus pour moi que père mère et frères. C’est toi qui réuni mes affections les plus tendres, c’est de toi que je voudrois des conseils, car je sens toute lhoreure du procédé de mes frères sans pouvoir la leur faire partager et cependant tout mon désir seroit de les voir reconcilié. Mais ! mon ami je sens que je dois te fatiguer tu as tant dautres têtes exalté par le chagrin qui sadresse a toi, sûrement tu ne peux te mettre à ma place et sentir combien jai lieu d’être désolée mon ami pardonne moi en faveur de mes peinnes je ne devrois pas t’en ennuyer toi qui seul fait mon bonheur

« ce jeudi à minuit

« Fté DIDOT. »


Lettre n° 22. — De Bernardin de Saint-Pierre[60], — de Paris, datée du 8 octobre 1793 ; inédite.


« j’ai fait ta commission auprès de ton amie, ma chère félicité, je te charge maintenant den faire une pour moi, c’est de prendre dans les papiers de la commode de la chambre ou je couchois, deux parchemins dont lun est mon brevet de pension sur le trésor royal et l’autre celui d’intendant, tu les donneras a ton frère didot Audran[61]. j’en ai un besoin pressant, nos affaires, s’acheminent à un prompt et heureux succès, il étoit survenu quelques difficultés à loccasion de ta dot. car je ne voulois pas quelle fut remboursable quavec un bien fonds[62] ; et c’est sur quoi ton papa a consenti ou pour mieux dire a prévenu mon intention, le notaire navoit pas levé cette difficulté et je lui en témoignai mon étonnement lorsqu’il me lut, à mon arrivée a paris, les conditions du contrat, maintenant je nen prévois plus de cette nature, je donne aujourdhui a diner a ton papa et au Cit. brunetiere afin de disposer tout de la manière la plus promte et suivant les loix. quand tout sera arrangé j’irai faire un tour à Essonnes et ce pourra être vers la fin de cette semaine, alors tu t’en reviendrois avec ta maman pour signer le contrat et nous présenter à la municipalité, c’est une question que le Cit. brunetiere nous décidera savoir si le Mariage doit se faire à Essonnes ou à paris.

« je viens de faire partir une voiture de Meubles par la voiture à chaux du Cit. Avard. prie ta maman, de ma part, dy avoir l’œil, ainsi que sur celle que je dois faire partir a ers la fin de la semaine, en cas qu’il ne me fut pas possible d’aller à Essonnes. il est essentiel que la cave au vin ferme bien, car j’y dois faire déposer plusieurs ustencilles de fer qu’il est aisé de détourner, et qui coûtent cher, je la prie aussi de jetter un coup dœil sur le fruitier car c’est là qu’est notre provision d’hyver. tu pourrois aussi y donner ta surveillance car je travaille principalement pour toi qui aimes les pommes.

« je t’embrasse de tout mon cœur, ma tendre amie, tu est le centre ou je rameine tous mes projets de fortune, d’occupation et de plaisir, independament du soin de faire transporter mes meubles dans ta maison, de disposer ici toutes choses pour qua ton arrivée tu naye plus qua passer dans mes bras, de receuillir les anciens bienfaits dont je jouissois avant la révolution afin de nous assurer les 1ers besoins de la vie (et cette espérance est sur le point de se réaliser car je reviens de remettre la pluspart de mes titres dans les bureaux ou j’ai de bons amis) malgré dis je tous ces embaras qui ont pour but notre bonheur, je m’occupe encore du soin de me procurer les arbres, arbrisseaux et plantes que je dois planter vers la St Martin, afin de gagner une année de jouissance sur l’avenir.

« que Dieu donc comble ton cœur de la même joye dont le mien est rempli, car je lui ai demandé souvent comme le plus grand des biens de ce monde une retraitte à la campagne avec une femme qui te ressemble — adieu ma tendre amie, mille amitiés a ta maman. —

« a paris ce mardy 8. 8ème 1793 lan 2 de la Rep une et ind

envoyé moi un morceau de sucre.


LETTRES ÉCRITES APRÈS LE MARIAGE

Ces lettres écrites par Bernardin, numérotées de 10 à 31 inclusivement, dans la Correspondance imprimée, ont toutes été publiées par Aimé Martin ; nous ne les reproduirons donc pas.

Entre la lettre n° 19, envoyée d’Essonnes par Bernardin, le 6 vendémiaire an IV, et la lettre n° 20, de vendémiaire, elle aussi, il faut placer une lettre de Mme Bernardin de Saint-Pierre, écrite le 12 vendémiaire.

Lettre I. — De Mme Bernardin de Saint-Pierre[63], — datée du 12 vendémiaire, probablement an IV : — inédite en partie, E. Meaume en ayant cité des fragmens.


Au Citoyen
De Saint-Pierre.


« [je suis à Paris mon tendre ami, dans un tems bien orageux de toute manière,] je crains que cela ne retarde lenvoie de ce que l’on ta promis. Le Cit. grégoire a bien autre chose a penser que de venir chez moi, sûrement [toutes affaires de ce jenre sont suspendue dans un moment si crétique,] tout cela joint a ce que chamberry est souvent en route mempéche [de prendre à Paris la dissipation que je m’ettois promise, et a laquelle tu as toi-même l’aimable attention de m’engager,] je n’ai pu encore trouver jour à aller diner chez la mère housset, je n’ai pas non plus retourner chez le cit. Crouleboie maie à l’Egard de ton Contrefacteur[64], nous en avions parlé le jour qu’il est venu déjeuné avec moi. je me rappelle, qu’il ma dis que l’on en avoie saisie 42 mais que sen étoit resté la [malgré les autres mesures que l’on a prises les loies ne sont nulement suivies, la plus petite affaire est remplie d’Entraves, aujourdhui on ne pourroit pas même trouver un porte-faix, ils sont tous avec leur section.]

« je désire pour mon bon papa et pour ma tranquilité le rétablissement de sa santé je voudroie partire avec lui, [Essonnes est bien plus tranquil, puis ton Aimable Solitude renferme ce que jai de plus chère au monde, toi et ton enfant, voila le vraie bonheure et toute la consolation de ta félicité, tu trouveras notre chère virginie maigri, c’est dents y on contribué, et le sevrage aussi elle n’a plus avec moi cette gaité qui la rendoit si aimable, mais elle à comme ton habitation une petite teinte de mélancolie qui la rend plus interessente, je ne lui laisse pas oublié son père] quoi qu’elle, entende encore fort peu de chose elle te connoie très bien, [lorsque je prononsse ton nom la pauvre petite te cherche des yeux et ne te trouvent pas, je me suis déjà apperçu qu’elle alloit pleuré mais alors je la distrait en chantant et toute ma chanson est nous le rêverons bientôt, adieu bon ami, car je maperçois que je bavarde tu dois m’excuser puisque c’est de notre enfant que je parle.]

« F. DE SAINT-PIERRE.

« Si tu peux m’envoyer quelques pommes de rambour notre Virginie les préfère aux cuites elles sont aussi plus favorables pour les gensives, gardes en pour toi je n’en veux que pour elle. »

ce 12 Vendemierre.


Les lettres que Bernardin écrivit pendant les dernières années de son mariage furent très peu nombreuses, puisque, — à moins que beaucoup d’entre elles n’aient été perdues, — nous n’en connaissons que quatre, écrites entre thermidor an IV et fructidor an VII. Trois de ces missives ont été publiées par Aimé Martin[65] ; elles portent les dates suivantes : 13 thermidor an VI, 15 fructidor an VI et 21 fructidor an VII. Entre ces deux dernières, il faut en placer une, du 6 ventôse an VII, qui est inédite et fort intéressante.


Lettre II. — De Bernardin de Saint-Pierre à Mme Didot mère[66], — Paris, 6 ventôse an VII. — il y est question du divorce ; — inédite.


A la Citoyenne Didot Mère

près la papeterie

a Essonnes.


« je ne peux parler, en aucune manière, des affaires de la succession à ma femme dont les vapeurs ne font quaugmenter. elle s’est mis dans la tête davoir la disposition de mon argent, ou une pension particulière, ou de divorcer, elle me laisse le choix : je lui ai représenté, quelle navoit jamais manqué de rien avec moi. que lorsquelle me demandoit 40 ou 50 pour solder la cuisinière, je lui donnois 3 louis, ainsi de tous les comptes, sans lui demander ce qu’elle faisoit du surplus ; que je lui soldois ainsi touttes les dépenses dont elle etoit seule chargée, que je l’invitois long tems a acheter du linge dont elle se plaignoit de manquer, à tout cela elle repond qu’il est humiliant pour elle de me demander de l’argent touttes les fois quelle en a besoin, et elle me donne l’alternative ou d’une pension qu’elle fera régler ou du divorce, touttes ces altercations sont meslées de larmes, qui font couler celles de Virginie, heureusement ces scènes narrivent pas tous les jours car je n’y tiendrois pas. je la mene de tems en tems au spectacle pour la dissiper, elle se croit d’ailleurs poitrinaire décidée, je désire bien que votre retour la rameine a de meilleurs sentiments, jen serois inconsolable si je ne les attribuois a sa maladie, plaignes votre fille et pour le moins autant

votre fils

« DE SAINT-PIERRE. »

paris ce 6 ventôse an 7.


Bernardin, durant son mariage, avait eu de vives discussions avec plusieurs de ses beaux-frères ; mais, après la mort de sa femme, il était resté en excellens termes avec l’un d’eux, Henry Didot, le graveur en caractères. Léger Didot ou Didot-Saint-Léger, inventeur du papier sans fin, en voulait particulièrement à son frère ; pour se venger de celui-ci et de Bernardin, il se plut à raconter que sa sœur Félicité avait été séduite avant son mariage par l’auteur de Paul et Virginie, et qu’elle était morte tant elle avait été malheureuse. Quelle est la part de vérité contenue dans ces allégations ? Le portrait que le lecteur a pu se faire de Félicité est peut-être celui d’une jeune fille légère, passionnée, sensuelle même, mais il est douteux qu’elle eût pu se laisser séduire ; et l’on ne mettrait même point en cause son honnêteté, si l’on n’avait présens à la mémoire certains passages des lettres qui ne laissent pas de doute sur les rapports très intimes qui existèrent entre les deux amans[67], et qui peuvent peut-être faire naître cette pensée que Didot-Saint-Léger avait quelques raisons de dire que sa sœur avait été séduite.

Quoi qu’il en soit, il se plut à répandre ce bruit du vivant même de Bernardin, et ne cessa point après sa mort. On dit qu’il inspira Las Cases, lorsqu’il écrivit ce passage du Mémorial de Sainte Hélène : « L’Empereur disait avoir été fort engoué de cet ouvrage (Paul et Virginie) dans sa jeunesse, mais il estimait peu le personnel de son auteur ; il ne lui pardonnait pas d’avoir mystifié sa générosité à son retour de l’armée d’Italie. La sensibilité, la délicatesse de Bernardin de Saint-Pierre, disait l’Empereur, ressemblait peu au charmant tableau de Paul et Virginie ; c’était un méchant homme, maltraitant fort sa femme, fille de l’imprimeur Didot, et toujours prêt à demander l’aumône sans honte. À mon retour de l’armée d’Italie, Bernardin vint me trouver et me parla presque aussitôt de ses misères. Moi qui, dans mes premières années, n’avais rêvé que Paul et Virginie, flatté d’ailleurs d’une confiance que je croyais exclusive et que j’attribuais à ma grande célébrité, je m’empressai de lui rendre sa visite et laissai sur un coin de la cheminée, sans qu’on eût pu s’en apercevoir, un petit rouleau de vingt-cinq louis. Mais quelle fut ma honte quand je vis chacun rire de la délicatesse que j’y avais mise, et qu’on m’apprit que de pareilles formes étaient inutiles avec M. Bernardin, qui faisait métier de demander à tout venant et de recevoir de toutes mains ! Je lui ai toujours conservé un peu de rancune de m’avoir mystifié. Il n’en a pas été de même de ma famille : Joseph lui faisait une forte pension, et Louis lui donnait sans cesse[68]. » Las Cases se rétracta, et, en 1824, dans la seconde édition de son Mémorial, retrancha seulement les phrases citées en italique.

Aimé Martin, qui s’occupait à écrire un ouvrage sur celui qui avait été son maître, devait critiquer violemment l’attitude de Didot Saint-Léger et blâmer des paroles qu’il jugeait mensongères. L’Essai sur la vie et les ouvrages de Bernardin de Saint-Pierre parut chez le libraire Méquignon-Marvis, en 1820. Didot-Saint-Léger s’y trouva si vivement pris à partie, qu’il n’hésita point à intenter à Aimé Martin un procès en diffamation : c’était en 1821[69].

Durant ce procès. Saint-Léger fit paraître une petite brochure anonyme, de vingt-trois pages, ayant pour titre : la Vérité, en réponse aux calomnies répandues dans un écrit intitulé : Essai sur la vie et les ouvrages de Bernardin de Saint-Pierre par L. A. Martin (Paris, 1821, imprimerie de Didot jeune, in-8o). Il reprenait, discutait, critiquait dans cette plaquette les divers passages de l’Essai qui lui paraissaient inexacts ou mensongers, et il terminait en prenant à partie Mlle de Pelleporc ; car, Aimé Martin n’ayant connu Bernardin que dans ses dernières années, bien des circonstances de sa vie n’avaient pu lui être révélées que par sa veuve, et cette femme, qui avait remplacé Mlle Didot pour être la protectrice et la deuxième mère de ses enfans, se conduisait, — disait-il, — d’une façon étrange, puisqu’elle dédiait au roi un ouvrage tout rempli de diffamations contre leur famille !

Aimé Martin avait été un peu loin dans son appréciation de la conduite de Didot-Saint-Léger ; aussi, malgré son avocat Me Berrier, le tribunal le condamna-t-il, le 18 mai 1821. Aimé Martin en personne fit tous ses efforts pour prouver le mal fondé des paroles dites par Saint-Léger, et justifier ainsi ce qu’il avait écrit sur ce dernier ; il dut même soumettre à ses juges les lettres que nous avons publiées, afin qu’ils apprécient l’amour des deux fiancés et la tendresse des deux époux ; mais je crois qu’il ne leur montra point tout. En effet, la plupart de ces lettres portent, en marge, des suscriptions au crayon ; l’on y voit le mot : bon, qui voulait dire sans doute : passage à lire au tribunal ; en tête de l’une d’elles, on lit cette mention écrite à l’encre : « lettre qui prouve qu’il ne l’a point séduite[70] » ; les phrases trop sentimentales ou trop tendres qui pourraient laisser croire que Didot-Saint-Léger avait quelques raisons de dire ce qu’il avançait, ainsi que celles qui rappellent les discussions entre les frères ou qui traitent de questions d’argent, sont accompagnées du mot : non ou inutile ; Aimé Martin ne voulait point les montrer.

Cette lecture n’influença pas les juges de la police correctionnelle qui, « considérant qu’il n’y avait pas lieu d’admettre la preuve des faits imputés, puisqu’il ne s’agissait pas d’un fonctionnaire public, et que le fait de diffamation et d’injure résultait d’un passage cité de la notice... » condamnèrent Aimé Martin à 300 francs d’amende, 1 000 francs de dommages-intérêts, et à la suppression du passage incriminé. Le perdant fit aussitôt appel, et, le 31 mai, la Cour, « écartant le fait de diffamation, » réduisait l’amende à 16 francs, les dommages et intérêts à 25, mais ordonnait la suppression du passage, qui, dans les éditions postérieures du volume, fut remplacé par des lignes de points. Didot-Saint-Léger, peu satisfait de cet arrêt, alla en Cassation, mais la Cour suprême rejeta son pourvoi et confirma purement et simplement l’arrêt des juges d’appel.

Le rôle de défenseur que s’était tracé Aimé Martin n’était pas terminé. En effet, la Biographie universelle publia un article sur Bernardin, où sa conduite était, là encore, sévèrement critiquée : les biographes, décidément, étaient durs pour l’auteur défunt. Aussi l’apologiste ordinaire de Bernardin prit-il de nouveau la plume pour présenter sa défense, et composa, en 1826, un Supplément à l’Essai sur la vie et les ouvrages de Bernardin de Saint-Pierre, renfermant r histoire de sa conduite pendant la Révolution, et de ses relations particulières avec Louis, Joseph et Napoléon Bonaparte (Paris, imprimerie de Tastu, in-8o). Il s’éleva vigoureusement contre les imposteurs qui se plaisaient à diffamer et à calomnier un homme dont la vie, disait-il, était irréprochable ; il parla avec un courage et une... partialité qu’il ne faut point méconnaître, et que l’on devrait presque louer : le second mari est généralement moins tendre à la mémoire de son prédécesseur !

Bernardin ne pouvait sortir indemne de toutes ces attaques ; aussi ses admirateurs et ses amis jugèrent-ils qu’ils avaient pendant longtemps encore à défendre sa mémoire, et, jusque vers 1860, ce fut une floraison de plaidoyers en sa faveur. En 1856, M. Meaume, qui fut avocat et qui devait avoir la monomanie de la défense, ayant entre les mains une partie des lettres que l’on a lues, trouva qu’en les tronquant et en en détachant certaines phrases, il pourrait écrire une apologie de celui qu’il croyait calomnié et méconnu. Il fit une plaquette d’une extraordinaire partialité. Il y déclare que ces lettres devraient être publiées, mais il se garde de le faire, et se contente d’en accommoder certains passages à sa manière en les interpolant ; il se rendait compte, en effet, que, s’il les montrait toutes au grand jour, il n’atteindrait point, — au contraire, — le but qu’il s’était proposé, et qu’il ne pourrait plus écrire ce qu’il voulait conter : la légende de Saint Bernardin.

Nous avons pensé, nous aussi, que ces lettres devaient être publiées, ce qui, d’après des recherches minutieuses, n’avait point encore été fait. Nous les avons reproduites, toutes, en entier, telles qu’elles furent écrites : l’on a pu voir ainsi quel homme fut l’auteur de Paul et Virginie. Aurons-nous cependant raison de la légende ? Une légende littéraire n’est jamais facile à détruire, et surtout quand elle concorde avec l’idée que nous donnent de lui les ouvrages d’un grand écrivain.


JEAN RUINAT DE GOURNIER.

  1. Félicité Didot était née le dimanche 7 mars 1773, à quatre heures du soir. Elle fut baptisée le lendemain, en l’église Saint-André-des-Arts ; son parrain était M. Onfroy, marchand chapelier, et sa marraine, Mme Didot-Saint-Marc, sa tante.
  2. Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre était né au Havre, le 19 janvier 1737, rue de la Corderie, 47.
  3. Elle parut en 1790.
  4. Lettre inédite de Mlle Félicité Didot à Bernardin de Saint-Pierre. Citée par M. Maury dans sa thèse : Étude sur la vie et les œuvres de Bernardin de Saint-Pierre (1892), p. 187.
  5. Nous avons reconstitué cette date d’après une lettre de Bernardin au citoyen Didot-Autran. Elle est datée du 25 octobre, qui était un vendredi, et il y est écrit que le mariage aura lieu « dimanche prochain. »
  6. J’ai trouvé cette lettre citée dans la thèse de M. Maury, qui écrit en note : « Lettre inédite de Bernardin de Saint-Pierre au citoyen Didot-Autran, 23 octobre 1792, l’an II de la République. C’est évidemment 1793 qu’il faut lire. »
  7. Les citations sont souvent reproduites inexactement, et l’orthographe de Bernardin est peu respectée.
  8. Étude sur la Vie privée de Bernardin de Saint-Pierre (1792-1800), par E. Meaume, président de l’Académie de Stanislas. Nancy, 1856.
  9. C’est M. Pierre Gélis-Didot qui m’a autorisé à publier ces lettres ; qu’il me soit permis de lui dire ici toute ma reconnaissance et mes remerciemens.
  10. Voir les lettres n° 7, 10, 15, 20.
  11. Voir lettres n° 12, 2 et 6.
  12. Cf. Maury, p. 206.
  13. Voir la lettre n° I (après le mariage).
  14. Voir surtout la lettre n° 21.
  15. Vers le milieu de frimaire an IV.
  16. Sophie Didot, sœur aînée de Félicité, était née le 1er septembre 1768 ; elle mourut le 14 janvier 1786. Elle avait quatre ans de plus que sa sœur.
  17. C’était en l’an VIII de la République.
  18. Martin (Louis-Aimé), littérateur, né à Lyon en 1786, mort à Paris le 22 juin 1847 ; d’abord professeur d’histoire littéraire de la France des XIIe, XIIIe et XIVe siècles à l’Athénée en 1813 ; secrétaire-rédacteur de la Chambre des députés en 1815, et, peu de temps après, professeur de belles-lettres, de morale et d’histoire à l’École polytechnique, en remplacement d’Andrieux ; destitué en 1831, et nommé conservateur à la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
  19. 3 » vol., p. 93.
  20. Cette lettre ne fait pas partie de la collection Gélis-Didot.
  21. Ce mot est souligné dans le texte.
  22. Cette lettre porte le n° 33 dans la collection Gélis-Didot.
  23. La lettre de Félicité à laquelle il est répondu ne nous est pas parvenue.
  24. Elle porte le n° 4 dans la Correspondance imprimée, et le n° 4 dans la collection Gélis-Didot.
  25. Voir page 379.
  26. Cette lettre porte le n° 38 dans la collection Géiis-Didot.
  27. Passage publié par M. Maury.
  28. Cette lettre porte le n° 7 dans la Correspondance imprimée et dans la collection Gélis-Didot.
  29. C’est de Jacques Thompson, le poète anglais auteur des Saisons, qu’il est ici question.
  30. Cette lettre a le n° 3 dans la collection Gélis-Didot.
  31. Cette lettre porte le n° 40 dans la collection Gélis-Didot.
  32. Passage publié par M. Maury.
  33. Voir au sujet de Thompson ce que nous avons dit page 568.
  34. Cette lettre a le no 41 dans la collection Gélis-Didot.
  35. Cette lettre a le no 42 dans la collection Gélis-Didot.
  36. Bernardin parle ici du Jardin des Plantes ; il avait en effet été nommé, en juillet 1192, intendant du Jardin des Plantes et du Cabinet d’Histoire naturelle. Il conserva cette fonction jusqu’au 10 juin 1793.
  37. C’est, en effet, grâce aux démarches de Bernardin qu’une ménagerie fut annexée au Jardin des Plantes.
  38. C’est l’intendance du Jardin des Plantes.
  39. Cette lettre a le no 46 dans la collection Gélis-Didot.
  40. Cette lettre a le n° 43 dans la collection Gélis-Didot.
  41. Il est ici question de Neuilly-Didot, frère de Félicité ; il mourut des blessures qu’il avait reçues à Jemmapes.
  42. Cette lettre a le n° 44 dans la collection Gélis-Didot.
  43. Cette lettre porte le n° 43 dans la collection Gélis-Didot.
  44. Bernardin veut sans doute parler du plan d’organisation intérieure de la maison, puisqu’il dit, au début de la lettre, que M. Moreau travaille au rez-de-chaussée et au premier.
  45. Cette lettre, dans la Correspondance imprimée, a le no 8, ainsi que dans la collection Gélis-Didot.
  46. Probablement Henry Didot.
  47. Elle y porte le no 9, ainsi que dans la collection Gélis-Didot.
  48. Cette lettre a le no 48 dans la collection Gélis-Didot.
  49. C’est de Léger Didot que Bernardin veut parler ; ils étaient déjà brouillés.
  50. Cette lettre a le n° 47 dans la collection Gélis-Didot.
  51. Voyez p. 364.
  52. Elles y portent les n° 5 et 6, ainsi que dans la collection Gélis-Didot.
  53. Cette lettre a le n° 35 dans la collection Gélis-Didot.
  54. Cette lettre a le no 49 dans la collection Gélis-Didot.
  55. Ce sont les meubles du château de Chantilly dont parle Bernardin.
  56. Cette lettre porte le no 50 dans la collection Gélis-Didot.
  57. Ce dernier passage de la lettre semble avoir été écrit plus tard que le début de la missive.
  58. Cette lettre a le no 36 dans la collection Gelis-Didot.
  59. Cette lettre a le no 37 dans la collection Gélis-Didot.
  60. Cette lettre a le n° 51 dans la collection Gélis-Didot.
  61. C’était l’ainé des enfans de Pierre-François Didot et de sa première femme.
  62. Cela s’explique, puisqu’on usait, dans une grande mesure, des assignats, à cette époque.
  63. Cette lettre porte le n° 32 dans la collection Gélis-Didot.
  64. Bernardin lutta toute sa vie contre ceux qui se livraient à la contrefaçon de ses œuvres ; il employa tous les moyens pour empêcher leur industrie de se développer ; c’est ainsi que, lorsqu’il publia la 4e édition des Études, il fit fabriquer du papier spécial, sur lequel son nom était en lettres transparentes dans les feuillets du titre.
  65. Ces trois lettres portent, dans la Correspondance imprimée et dans la collection Gélis-Didot, les n° 29, 30, 31.
  66. Cette lettre n’est pas numérotée dans la collection GélIs-Didot.
  67. Voir les lettres no 1, 2, 4, 3, 13, 19, 20.
  68. De Las Cases : Mémorial de Sainte-Hélène ; 1ère édition, 1823, in-12, t. 2, p. 173.
  69. Quérard commit donc une erreur dans la France littéraire, en disant que ce procès avait été intenté par le père de la première femme de Bernardin (Quérard, tome VIII, p. 367).
  70. Lettre n° 2.