Les Forces éternelles/L’aube point faiblement…

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Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 183-184).

L’AUBE POINT FAIBLEMENT…



L’aube point faiblement, tous les coqs ont chanté ;
Le bourgeon bleu du jour éclôt de tous côtés,
La nature a sa grâce intime et reposée.
Un vent léger transporte un parfum vif, amer.
Le jour, tout ruisselant d’éclat et de rosée,
Est frais comme un poisson qu’on arrache à la mer !
Le monde a revêtu la faible teinte verte
Qui semble un vol léger butinant la forêt,
À chaque instant on voit ce verdoyant secret
Enfler et chuchoter sur le branchage inerte ;
Et le montant soleil a posé sur mon cou
Sa belle main forte et cuisante,
On entend dans les bois, — comme un cœur dont les coups
Ont une langueur hésitante, —
Le charmant hoquet du coucou.

Sur le bord frissonnant des eaux et du rivage,
Les canards, égayés, suscitent en nageant
Le rire éparpillé des petits flots d’argent,
Où tremblent, verts îlots, leur pétillant plumage.

— Le plaisir, le bonheur, le franc contentement.
Divinités des airs, des lieux et des moments.
Sont partout répandus. Le feu du soleil noie
Les gazons veloutés de joie !
Et le chant de l’oiseau, vague, immatériel.
Qui dans les noirs rameaux s’ouvre comme un calice,
Communique à l’espace un débordant délice.
Et parfume l’azur comme un astre le ciel !