Les Fouteries chantantes/12
CONSEILS
A MON AMI PAILLARD.
Dans ces lieux si chéris dont je suis éloigné,
Qu’y fouts-tu maintenant, Ami infortuné ?
Es-tu toujours réduit à te branler la pine,
Vrai moyen d’irriter ton humeur intestine ?
Ou bien quelque Putain, pour calmer ta fureur,
Va-t-elle de son con prêter la profondeur ?
Des volontés d’un con, aussi-tôt qu’il propose :
Son vit ne languit point dans un honteux repos ;
Les Garces et les Putains à ses couilles pendues,
Le suivent à l’odeur qu’il répand dans les rues.
O toi, qu’un beau desir, dès tes plus jeunes ans,
Porte à te signaler par des faits éclatans,
Apprends qu’en l’art de foutre il est une sagesse
Où jamais n’atteindra l’impudente jeunesse,
Ecoute mes avis, goûte mes leçons :
Je ne t’arrête plus ; bande, fouts et décharge.
Maintenant qu’enflammé, pétulant, vigoureux,
Garde-toi de sécher aux pieds d’une inhumaine,
Te promet, te refuse, t’oppose tour-à-tour
Aux loix de sa pudeur, celle de son amour :
Après bien des combats, elle est enfin décise,
Lorsqu’elle veut baiser, ne te secondent plus.
N’imite pas non plus ces bandalaises infames,
Qui, bornant leurs exploits à gagner une femme,
A suivre une beauté sujette à son Epoux.
A ces mots, je le vois, ta surprise est extrême :
A quoi bon, me dit-il, blâmer un Favori,
Qui contente la Dame, en trompant le Mari ?
Patiner des tettons dès leur première aurore,
Tenir un poil de cul qui ne fait que d’éclore ;
Ou, d’un autre côté, rendre un Mari cornard,
J’en conviens ; je veux même que ton vit y prétende ;
Mais pour y parvenir, il faudrait qu’il attende ;
Car si le tems, les soins, les promesses enfin,
Peuvent conduire au point d’obtenir un conin,
C’est par la même voie, autant et plus gênante.
Qu’en briguant une femme, on arrive à sa fente :
Le Sexe s’honorait d’étaler à leur vue
Deux tettons rondelets, une motte velue :
Les cons, ainsi que l’air, étaient tous en commun ;
On les obtenait tous sans en épouser un.
Dans le siecle tout d’or de la simple Nature,
L’on ne connaissait point le péché de luxure :
Sur le premier gazon, à sa proximité,
Un vit bourrait un con sans impudicité :
L’innocence régnait, tout était à sa place ;
Jamais un vit en rut n’éprouva de disgrace.
O changement ! ô mœurs ! ô préjugés affreux !
Un bonheur si parfait ne fut pas de durée.
Si-tôt que des trésors la soif démesurée
Partagea les humains sur divers intérêts,
L’on établit des Loix, on porta des Décrets,
L’on créa des Edits, on fit des Ordonnances,
Et même pour les culs l’on eut des prévoyances,
S’avisât d’approcher d’un con riche et paré.
L’Epouse, au mot d’un Prêtre, à son Epoux soumise,
Ne dut plus que pour lui retrousser sa chemise :
La Femme mit en jeu la fourbe et l’artifice,
Et plongea son Mari dans un sombre supplice ;
La contrainte au plaisir donna l’activité ;
Mais rien ne nous rendit l’ancienne liberté.
Aujourd’hui, si tu veux devenir adultère,
Ma Muse t’ouvrira les portes du mystère.
Ne crois pas, en entrant dans ce temple divin,
Trouver à chaque pas des fleurs sur ton chemin ;
Si ton ardent amour n’opère des miracles.
Deviens donc empressé, docile, officieux,
Honnête, complaisant, adroit, industrieux,
Habile à profiter d’un moment favorable,
Flatteur avec esprit, et courtisan affable ;
Apprends à supporter un Epoux ennuyeux,
Qui veille à tes discours, tes gestes et tes yeux,
A taire les dégoûts que ta belle indolente
Cause par ses retards à ta pine brûlante ;
Flatte tous ses desirs, exalte ses bienfaits.
De ceux que tu lui rends ne lui parle jamais :
De ce lâche défaut n’infecte point tes mœurs ;
Un indiscret aveu rompt l’union des cœurs.
Amant favorisé, si tu veux long-temps l’être,
Affecte prudemment de ne point le paraître :
L’amour doit apporter bien des ménagemens,
Pour se mettre à l’abri des traits des médisans.
Et le moindre revers trompe sa vigilance.
Je vais t’en rapporter un exemple en passant ;
Si le fait est commun, je le rendrai plaisant :
Le héros ? je le suis. Depuis près d’une lune,
Seul avec ſon Epoux, je partageais son cœur,
Lui par devoir forcé, moi par simple faveur ;
Le mari chaque jour, au-dehors arrêté,
Laissait à son épouse une ample liberté ;
Eût aveuglé Monsieur, pour obliger Madame.
La crainte seulement dérangeait nos plaisirs.
Un jour que sur son lit mon aimable déesse
Recevait le tribut de ma vive tendresse,
Un retour imprévu nous glaça de frayeur :
Le chien nous avertit qu’on ouvrait sur la rue.
Finis, mon dieu, finis, dit ma belle éperdue :
Je m’élance du lit, je me jette dessous ;
Ma Déesse à l’instant se détrousse et s’arrange,
Vole vers son mari pour lui donner le change.
Je suis toujours ici seule à mourir d’ennui.
Le benêt cajolé par sa trompeuse idole,
Tandis que sous le lit, où je me suis caché,
Le corps tout accroupi, mon habit tout taché,
Je maudis mille fois la femme et l’adultère,
Et voue à mon patron le plus beau luminaire,
Si, me tirant de-là, sans perdre mon paquet,
Il me permet ailleurs de planter le piquet.
Le Saint, une heure après, mérita sa chandelle ;
Je la lui dois encore ; mais il l’aura plus belle.
Quant au reste du veu, je suis quitte avec lui,
Je me passe aisément de la femme d’autrui.
Reçoivent des Ribauds les assidus hommages ;
Là, je fouts librement, sans craindre les cocus
Et pour un que je perds, je retrouve cent culs,
Grace aux soins vigilans d’une police honnête,
Je goûte en sûreté les faveurs que j’achète.
Le bordel n’a d’affreux que certains petits dons
Chaude-pisse, vérole, impurs fruits de la joie,
De qui les putassiers sont l’ordinaire proie ;
Mais pour dédommager ces fidèles amis,
A leur lubricité Vénus a tout permis ;
Tout soupçon disparaît à ce flatteur aspect,
Un con bien voilé n’est plus un con suspect.
On oublie aisément les douleurs et les peines ;
Le vit haut et fier, bandant avec effort,
Enconne, presse, fout, et jamais ne ressort
Laisse choir mollement sa tête appésantie :
Les garces aussi-tôt, par d’impudiques jeux,
De leurs couillons lassés ressuscitent les feux ;
Que celui d’un fouteur, châtié par un époux !
Sur le sale nombril d’une femme infidelle,
La vérole, et pourrir en généreux paillard,
Que de perdre le vit, comme fit Abailard,
Je me fouts du trépas et de ma fin dernière,
Pourvu qu’une putain me ferme la paupière,
Infecté de boutons couronnés et galeux.
Un fouteur a rempli de longues destinées,
S’il abrège ses ans par de belles journées :
Un siècle ne vaut pas le moindre coup de cul ;
L’on juge par le fait, du tems qu’on a vécu.
Viens, prouver au bordel ton ardeur intrépide ;
Du jus de tes couillons inonde les putains,
Et brave les réchauds, le mercure et les bains.
Mais… que vois-je ! ton vit que je provoque,
Plus mol qu’un limaçon, se retire en sa coque ?
Lâche ! est-ce là le fruit de mon instruction ?
Tu cherches le plaisir en mitonnant ta pique :
Jadis on t’eût chassé de l’école cinique ;
Je veux tout employer, pour te remettre en rut.
Tu crains la volupté corrompue en sa source ?
Attends, il en est une en ton propre foyer ;
Ta Servante te l’offre, et tu dois l’employer ;
Qu’importe, que le con soit de basse naissance ?
D’un con avec un con, quelle eſt la différence ?
Compare à la Chailly, la fille de Marceau,
La femme du Conseil l’aura-t-elle plus beau ?
Sur des habits pompeux, sa richesse étalée,
Lui donne-t-elle au lit la cuisse potelée,
Les tettons arrondis, le ventre poli,
La croupe dégagée, et le con mieux fourni ?
Non, elle peut même, sans cette parure,
Cacher à tous les yeux des défauts de nature.
N’aimes-tu pas bien mieux autre beauté qui plaît
Son mouchoir négligé, sa gorge demi-nue,
Décèlent deux beaux seins à ta persante vue.
Parcours-en à loisir le tour et la façon ;
Porte de-là les yeux sur son léger jupon ;
A travers le tissu d’une claire futaine,
Mille rares beautés se découvrent sans peine.
Si ce joli tendron paraît te convenir,
N’hésite point au prix, hâte-toi de finir ;
Tu la verras d’abord et revêche et farouche,
Epuiser contre toi tous les flux de la bouche ;
C’est un protée adroit qui saura t’échapper,
Si, par ce dur accueil, tu te laisses tromper :
Ce monstre furieux succombe et s’agenouille,
L’image des plaisirs affaiblit sa vertu :
Voilà l’avis d’un ami vrai, et sage,
Goûte-le bien, et fais-en bon usage ;
Sur tout ce qu’il te dit, garde bien le secret,
Car tu ne l’aurais pas, si tu n’étais discret.