Les Gaietés du Conservatoire/9

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Libr. Ch. Delagrave (p. 53-54).
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Quand venait chaque année l’époque des concours, l’excellent père Marmontel réunissait ses élèves chez lui presque tous les soirs, en dehors des classes et des leçons, pour leur faire répéter leur morceau de concours devant un auditoire d’abord restreint, puis de plus en plus nombreux, afin de les aguerrir et les habituer au public. Merveilleux procédé d’entraînement.

Comme c’était toujours au mois de Juillet et qu’il faisait déjà suffisamment chaud, on n’allumait que des bougies. Il suffisait d’arriver une demi-heure à l’avance pour produire un effet très divertissant : avec une épingle à cheveux et un peu de soin, on perçait, vers le milieu de chaque bougie, un petit trou allant jusqu’à la mèche, et on y introduisait adroitement une goutte d’eau. (Quand on n’avait pas d’eau sous la main, on trouvait toujours de la salive.)

Alors, qu’arrivait-il ?

Il arrivait qu’à huit heures et demie le domestique, Louis, allumait les bougies, puis l’audition commençait ; vers le quatrième ou cinquième élève, une des bougies faisait : tuff, tuff, tuff… et s’éteignait ; deux minutes après, une deuxième bougie faisait : tuff, tuff, tuff,… et s’éteignait aussi ; puis trois, puis quatre, puis toutes les bougies faisaient de même, et l’audition était interrompue…

On appelait Louis, qui essayait de rallumer les bougies, n’y parvenait pas, et les remplaçait par des neuves ; les invités s’offraient pour aider, montaient sur les chaises, enfin c’était très gai, très mouvementé, on ne s’embêtait pas.

Ça, c’est moi qui l’avais inventé.

(N. B. — Les bougies ne s’éteignant que lorsque la cire était fondue jusqu’à la hauteur du trou, il ne restait aucune trace du mode opératoire, et le truc ne fut jamais découvert.)