Les Heures claires, 1896/20

La bibliothèque libre.
chez l’Éditeur Edm. Deman (p. 45-46).


Dis-moi, ma simple et ma tranquille amie,

Dis, combien l’absence, même d’un jour,
Attriste et attise l’amour
Et le réveille, en ses brûlures endormies.

Je m’en vais au devant de ceux
Qui reviennent des lointains merveilleux,
Où, dès l’aube, tu es allée ;

Je m’assieds sous un arbre, au détour de l’allée,

Et, sur la route, épiant leur venue,
Je regarde et regarde, avec ferveur, leurs yeux
Encore clairs de t’avoir vue.

Et je voudrais baiser leurs doigts qui t’ont touchée,
Et leur crier des mots qu’ils ne comprendraient pas,
Et j’écoute longtemps se cadencer leurs pas

Vers l’ombre, où les vieux soirs tiennent la nuit penchée.